Kenji garda les mains dans ses poches , jetant de temps à autre un regard à la fille qui avançait à ses côtés. Ils étaient revenus de la délégation diplomatique en fin d'après-midi et logiquement le Kage leur avait donné congé pour le reste de la journée. Pas que Kenji attende l'avis de Aare pour prendre des vacances...En fait c'était plutôt le contraire, réalisa t-il peu après. Il ne prenait jamais de vacances.
Le voyage lui avait permis de réfléchir à ce qui venait de se passer plus en profondeur. Ils avaient déclarés la guerre à Konoha. Ou plutôt, il avait causé celle-ci. En poussant l'Hokage à se mettre dans une position difficile puis en montant le vieillard contre lui. tout ça c'était passé si vite quand on y pensait. Et cette idée que Aare avait lâché, celle que des shinobis meurent inutilement ? En était-il honteux ou ému ? Au bout de quelques temps, Kenji se rendit compte, non sans un certain effroi, que ce n'était pas le cas. Ces vies, ces gens, ne représentaient rien pour lui. Suna était le seul objet doté d'une valeur dans ce tableau. Si Suna subistait, Kenji était bien près à sacrifier des vies, et la sienne, aussi. Mais le destin avait semblé faire de lui un éternel survivant. Les gens avaient la fâcheuse tendance à mourir dans son entourage, mais lui, il était sauf. Sauvé à chaque fois par la chance, le hasard... Ou une force invisible qui traçait le chemin devant lui. Quel était son rôle à présent ? Et puis, tout ce que Zanshi lui avait dit l'avait légèrement troublé, si ce n'était que légèrement. Non pas ses allusions mais le fait qu'il ne soit plus que la moitié d'une personne. L'ironie, sachant qu'il avait deux âmes en un seul corps...Mais Kenji voyait bien où elle voulait en venir, voir, trop bien. Bien d'une façon terriblement douloureuse.
Il ne l'aurait pas caché, mais son orgueil essayait de l'empêcher de chercher à faire pitié. Il ne voulait pas qu'on le considère comme ça. Et Zanshi semblait dire que ce n'était pas le cas, pas pour les mêmes raisons, mais un fait est un fait, au moins. Le blond avait été étonné par son détachement de la situation et son certain mépris envers lui. Le Raiu s'était attendu à ce qu'elle soit furieuse de l'avoir vu déclarer la guerre presque inutilement, mais pas à ce qu'elle s'attaque directement à sa personne. Puis, elle semblait peu satisfaite de l'impression qu'elle même laissait à Kenji. À chaque fois, elle essayait d'insister qu'elle aussi connaissait ce qu'était le fléau de Makka, ce qu'était la vie de Nukenin, la guerre, la souffrance, la perte d'êtres chers. Es-ce que c'était de la peur ? La peur de ne pas être à la hauteur ? Zanshi semblait d'avis que le blond avait posé cette question comme si la gravité d'un acte comme la guerre avait un réel poids dans la balance. Il s'avoua ne pas avoir formulé sa question correctement. Le Chef US oubliait parfois que la femme avait autant sinon davantage de vécu que lui. Le temps avait rendu le shinobi plus individualiste, plus agressif et impulsif, aussi. C'était pour ça qu'à leur arrivée, Kenji avait proposé à Zanshi de faire un tour dans la ville afin de voir de leurs yeux l'état de la reconstruction du village qui avançait tranquillement. Puis, il y avait un bar, plus loin dans la basse ville, et...Un petit sourire le secoua malgré la morne ambiance de leur marche. Il ne fallait pas croire qu'il ait de mauvaises intentions, cette époque semblait terminée pour lui, pour de bon. Aucune femme ne parvenait à lui donner ce qu'il avait vécu auparavant comme si, tel que Zanshi le disait, une partie de son âme s'était envolée avec Kusanagi et le triumvirat. L'ancienne nukenin elle-même était encore et toujours d'une beauté à couper le souffle - silhouette qui avait attiré les regards indiscrets du fumeur de pipe pendant la délégation - mais ça n'avait pas l'effet escompté sur lui. Lui même était beau. Kenji pouvait aisément avoir une jolie fille s'il l'avait vraiment souhaité. Mais ce n'avait plus de sens pour lui...C'était mort. Es-ce que cela que Zanshi avait voulu dire ? Le duo de Kakumeigun s'arrêta près d'une structure pour en observer la reconstruction progressive, puis reprirent leur chemin vers la basse-ville. Le Raiu brisa enfin le silence.
"...J'ai réfléchi. À ce que tu disais, lorsque nous sommes partis de la rencontre. Je ne te considères pas comme une gamine, ni une néophyte, d'ailleurs. Sinon tu n'aurais pas mon ancien bandeau. Je ne te sous-estimes pas, non plus. Je penses plutôt que je me sur-estime, parfois...Remarque, c'est un peu mon travail. Ces gens comptent sur moi, ils me demandent d'être fort car eux ne le seront jamais. Et j'essaie de l'être, dans tout ce que je fais..."
Rarement avec un réel succès, il faut le dire. Mais n'avait-il pas fait aujourd'hui, avec complétion, son objectif ? Cette guerre pouvait sauver Suna d'une destruction, elle pouvait amené la paix. Ça, il n'allait pas en douter, pas maintenant.
"... Au fait, tu as bien fait de ne pas donner ton identité. Le résultat aurait sans doute aidé l'actuel, mais c'était toujours ça. Je pense que le titre de membre du Kakumeigun te va de mieux en mieux, Zanshi. Même, le simple titre de shinobi de village. "
Il mit les mains derrière sa tête de façon un peu paresseuse alors qu'ils dévalaient la rue. " Je pensais quand même avoir réussi à entretenir une certain, disons, amitié avec toi. Nos passés se ressemblent, j'ai crû qu'on pouvait partir de là. Puis, je t'ai ramené à ton client principal - je veux dire, Hayato. Mais pour toi je n'ai pas changé dans ton estime..."
Le blond fit mine de réfléchir.
"...Certains disent que le temps m'a rendu insensible, mais je ne crois pas l'être davantage que toi. Et je suppose que ce que je pense de toi, tu t'en fiches ? C'est vrai, tu peux t'en ficher. Mais quelques part, si tu es là, c'est que tu n'es pas totalement immunisé contre l'influence des gens. Et de moi non plus . On peut partir de ça. Où est ce fichu bar ?
Un autre fait digne de mention, la tendance alcoolique du Chef US n'avait fait que monter en flèche depuis la mort de Kusanagi...
Nous marchions dans Suna, quelques heures après la rencontre avec les ninjas de la feuille.. Rencontre, non déclaration de guerre plutôt. Une balade pour le moins étrange comme cette discussion que j'entretenais avec le dirigeant du Kakumeigun. Je l'écoutais avec une relative attention prenant garde à chacun des mots sortant de sa bouche j'avais compris qu'il était du genre franc mais aussi piquant, enfin il n'étais pas hypocrite tendais je à penser. Mais en fait, rien de vraiment vil ne dépassa ses lèvres, tant mieux, je commençais réellement à en avoir assez des discussions sans intérêt, sans construction, débiter des mots sans utilité n'apportait rien de bien concluant.. Au moins fus je contente, en quelque sorte, de m’apercevoir qu'il me considérait finalement comme une consœur, peut être fusse aussi pour cette raison qu'il me parlait avec un peu plus de profondeur et d'aisance, me dévoilant des choses que j'avais pu comprendre sans qu'il me les dise, enfin... J'ai ressenti la même chose que lui vis à vis des habitants du village à proximité du temple familial, un poids sur les épaules, un devoir envers ces personnes, celui de préserver leur paix et leur tranquillité, de les protéger en somme. J'avais longtemps cru que cette tâche m'était complètement dévolue, une erreur, et j'avais l'impression que malgré son expérience, son renom, sa force et le reste, et bien il commettait les mêmes fautes que moi, effectivement, je me rendis compte, trop tard, que je n'étais pas seule à porter ce fardeau. Je l'observais un instant alors qu'on cherchait vraisemblablement un bar, j'en profitai pour lui répondre.
« oh... Je ne crois pas qu'ils comptent uniquement sur toi, je dirai plutôt sur nous, toi, moi et les autres. Si je t'ai suivi c'était avant tout pour.. lui, oué. Mais aujourd'hui si je suis ici c'est pour Suna, avant tout. Personnellement je ne crois pas que tu sois ''insensible'', sinon je ne serai peut être pas là aujourd'hui.. »
Ajoutais je en souriant. Effectivement, lors de notre première entrevue, ou rencontre, appelez ça comme cela vous chante ; j'avais joué avec ses émotions et ses sentiments, me servant de ce qu'il me disait contre lui afin de le déstabiliser ou d'essayer du moins, en même temps, il l'avait bien cherché, me comparer à une prostitué alors qu'il ne me connaissait, comment aurais je plus le prendre ? J'étais un femme quand même ! Bref, le blondinet finit quand même par trouver le bar qu'il cherchait. Il entra, je le suivis, nous nous installâmes. Depuis la dernière fois je n'avais pas changé sur ce point, l'alcool et moi faisions deux, durant toute ma vie je n'avais du boire qu'une seule fois un seul et unique verre de saké. Je l'observais encore et toujours, cherchant mes mots, quelque chose à dire, ha, oui.
« Puisqu'on est dans la franchise, enfin, je l'espère ; je dois bien avouer que l'avis des autres à propos de moi ne m'est pas indifférent, les opinions et tout, ça peut permettre de s'améliorer. Une certaine amitié oui.. Tu sais, je n'ai jamais vraiment eus d'amis, alors ''l'amitié'' en tant que telle n'a que peu de valeur à mes yeux. Avoir des amis ça veut dire beaucoup de tracas surtout dans notre monde ; j'ai déjà bien assez pleuré par le passé pour m'attacher à... trop de personnes. »
Là, je ne me foutais pas de lui, il pouvait voir plus en détail qui j'étais, se faire une idée plus complète et me comprendre un peu mieux, ou alors il se ficherait bien de moi, cette option était bien plus simple, haha. À cet instant je n'avais qu'une crainte me lier d'amitié, je préférai le voir comme un supérieur que comme autre chose.. Tsuna, Hayato.. j'avais assez à gérer, l'un étant assez loin de moi à cet instant l'autre se faisant rare, des relations bien plus amicales que ce qu'elles étaient auparavant.. J'étais sûre que ces liens finiraient par être coupés, eux aussi jusqu'à ce qu'il ne reste que moi et mes ambitions, avec les dernières semaines une idée se faisait une place dans mon crâne, l'amitié, les sentiments gênaient l'amélioration, la progression..
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Zanshi continua son chemin et entra dans le bar après lui avoir répondu avec un étrange sourire aux lèvres. Kenji, lui, s'arrêta un instant, comme immobilisé par les mots de la belle. C'est vrai qu'il avait failli la tuer, du moins essayer, ce jour là. Et là, ils échangeaient des banalités, comme ça. Étrange monde... Ou l'étais-ce ? Sa situation n'avait rien d'ordinaire non plus. Il faut croire que certaines choses arrivaient encore à l'étonner, d'une manière ou d'une autre. Es-ce que c'était un signe qu'il était vivant ? Et non mort à l'intérieur, comme lui et Zanshi par après l'avait soupçonner ? Le blond entra dans le bord à son tour et alla prendre place. Quelques instruments au fond de la pièce, plusieurs tables pleines, un bar au comptoir à moitié bondé. Un bar ordinaire. Plusieurs paires d'yeux se tournèrent vers lui, mais le Raiu commençait à s'y habituer, et les ignora avec une relative aisance. Sa participation dans la déclaration de guerre faisait déjà le tour du village. Plusieurs murmuraient qu'il venait de passer à l'histoire, autant des shinobis que de simples civils. Mais au lieu de la panique auquel Kenji s'était attendu, c'était le calme plat. Les sunajins accueillaient la guerre comme une moisson ordinaire. C'était un peu déroutant. Kenji avait pensé pouvoir tenir à lui seul le poids de cette décision, et épargner la conscience des autres. Zanshi avait peut-être raison pour ça aussi. Peut-être qu'il ne devrait pas en faire autant. Mais qui sinon lui avait moins à perdre ? Peut-être qu'il n'était vraiment plus qu'une coquille, dans tout les cas il pouvait sentir la mort au bout de ses doigts , parfois. Assez pour se sentir transporté de l'autre côté, tiré par des bras invisibles...Les bras du triumvirat. Et Kusanagi.
Il hêla le barman pendant que Zanshi prenait ses aises et un instant après reçut son verre. On ne faisait pas attendre le chef militaire de Suna. Un des rares avantages de sa position. Les mots que dirent ensuite la jeune fille lui arracha un mince sourire. La pauvre essayait de meubler la conversation. C'est qu'ils ne se connaissaient pas beaucoup, et pas depuis longtemps. Même encore, ils étaient très différents, mais tout deux étaient habituellement des solitaires. Pas un très bon mélange pour faire une conversation. Mais le Raiu le savait d'emblée et d'une façon ou d'une autre essayait de...simplement vivre normalement. si c'était encore possible pour lui. Jusqu'à la fin. Le chemin de son père ne pouvait être le sien, avait dit le roi des Hiboux, Nelligan. Sans doute...
" Je crois plutôt que tu n'as jamais connu d'hommes qui ne cherchent pas, intérieurement, à poser les mains là-dessus "en pointant distraitement du doigt l'opulente poitrine de la jeune fille, prenant une gorgée de son autre main avant de continuer.
" Si tu veux mon avis, on ne connait la valeur d'une amitié ou d'un amour qu'au moment où on le perd. À ce moment là, on voit tout ce qu'on lui a donné, et surtout , ce qu'on a perdu à jamais. Le prix n'est pas toujours le même, aussi un jour faut-il choisir celles qui nous tiennent à coeur. Et se préparer à tout perdre."
Le shinobi porta la main à sa propre épaule et en détacha le bandeau du Kakumeigun, qu'il regarda distraitement. Le métal poli n'était pas encore aussi usé que celui de son ancien bandeau, que Zanshi portait à présent quelque part dans son relatif dédain de vêtements.
" Je sais que toi et moi on a pas grand chose en commun, mais ne pas être seul me fait un certain bien. L'impression de ne pas être qu'un coquillage au bord de l'eau, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. Et toi, de ma part, tu sais que je n'ai pas d'intentions , disons impures, envers toi. L'envie serait là, rassure-toi, mais ça aurait été en d'autres temps et lieu.
Kenji sentit qu'il ne s'expliquait pas bien. Dehors, le soir tombait tranquillement, des gens entraient, lui jetait un regard, se dirigeaient vers le comptoir en murmurant avec leurs amis.
" Évidemment que Suna compte aussi sur toi et les autres. Mais quand ils regardent la force de shinobi qui protègent leurs vies, c'est moi qu'ils regardent. Comme l'entraineur d'une équipe de sport. Si les choses vont bien, on vous félicite. Si les choses vont mal, on me blâme, au bout du compte. Regarde ces gens. Désormais je suis une sorte de célébrité. On me connait dans tout les pays, sous diverses noms, sous diverses visages. Mais ici, qui suis-je ? Celui qui a enclenché la première réelle guerre entre deux nations shinobi depuis la fin du grand conflit. Mais toi, tu t'en fiches. Et ça me plait, un peu. Sa fait... Différent. "
Il regarda le fond de son verre un moment, se demandant ce qu'il pouvait ajouter. Le blond s'étira et prit l'un des instruments qui trainait dans le coin. Une guitare traditionnelle, usée par les années. Ça faisait longtemps qu'il n'en avait pas tenu une dans ses mains. La dernière fois, c'était au milieu d'un champ de bataille, dans les décombres d'un village en flamme, entre les cadavres pourrissants. Ses doigts effleurèrent les cordes, en éprouvèrent les sons. Il était rouillé. Plusieurs personnes le regardait avec curiosité, une once d'hésitation parcourra les traits du chef US. Finalement il releva la tête.
" Je vais jouer un truc, mais seulement si tu bois le verre que tu m'as refusé à notre premier jour. Prend ça comme...comme un ordre, voilà !"
Le jeune homme tenta un mince sourire, mais on pouvait voir que son esprit était occupé, et qu'il cherchait surtout à gagner du temps...
J'écoutais comme à mon habitude sans l'interrompre, une discussion assez constructive dans l'ensemble. Il répondait à ce que j'avais dit par quelque chose que je n'avais pas envisagé et à la quelle je ne pensais que rarement. C'était en partie vrai, et faux. J'avais eu des amis, garçons et filles, mais pour la plus part morts aujourd'hui, c'était justement pour cette raison que.. Bref. Il me proposa une autre chose que je n'aurais pu deviner, il jouerait de cet instrument si j'acceptais un verre, celui que j'avais refusé la première fois à vrai dire. Cette fois je ne refusai pas, et pas parce que c'était un ''ordre''. J'avais toujours évité de boire, ne serait ce qu'un petit verre, sauf une fois qui fut la dernière d'ailleurs avant cette fois ci, les liquides dépassant un certain degrés produisaient sur moi, par le passé, quelques effets ''indésirables''. Ce serait donc mon deuxième.. Et le barman arriva à notre table, deux verres à la main avec la même chose pour lui et pour moi. Je pris le récipient, le portant à mes lèvres j'en avalais un peu, le liquide au goût légèrement amer me chauffait la gorge, je sentais déjà son effet, un léger engourdissement pas vraiment plaisant, m'enfin... Avec de l’entraînement paraît que ça s’améliore. Maintenant il devait honorer sa part du marché. La voix un peu affecté par que je venais d'avaler je lui répondis.
« … La première fois si j'ai refusé ton verre ce n'était pas pour t'emmerder mais parce que je n'ai pas la meilleur tolérance à l'alcool. Bref, maintenant c'est à toi, joue donc. »
Je n'avais jamais entendu cet instrument avant aujourd'hui et j'espérais vraiment qu'il sache en jouer, après ce que je venais de faire, il avait intérêt de toute façon. Savoir jouer d'un instrument, créer de la musique, ce n'était pas donné à tout le monde et cela prouvait un peu plus que malgré ses actes il n'en demeurait pas moins sans âmes, quoi de plus humain que la musique ? Nous n'étions ni l'un ni l'autre vraiment à l'aise dans le domaine de la discussion, cette interlude musicale servirait peut être de lien ou de renfort. Malgré tout ceci, une atmosphère assez sereine ou du moins détendue, je n'en oubliais néanmoins pas ce qu'avait fait le blondinet quelques heures avant. Je l'observais avec une attention juste contemplative, attendant le débit sonore de son instrument à corde. En même temps je repensais à ses mots qui me laissaient assez dubitative, c'était assez troublant même.
« C'est pour cette raison que je ne veux plus avoir d'amis, ne plus avoir à ''subir''. Avoir des liens engendre tellement de.. faiblesses. » Soupirais je.. « Et pour préserver certaines choses, il faut en sacrifier d'autres.. »
Pour être efficace en tant que shinobi, que protectrice de Suna et de ses habitants je devais faire en sorte de ne présenter aucunes faiblesses que puissent quelconque ennemi exploiter en ma défaveur, même si cela devait me faire en partie souffrir, moi qui quelques semaines avant n'avais comme préoccupation que mes envies personnelles, qui aurait put deviner un tel changement ? Personne. Qui s'en était aperçu ? Personne, ce qui n'était pas pour me déranger.
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Kenji la regarder prendre une gorgée de son verre et eut un petit sourire en tapotant les cordes des doigts. On ne pouvait pas reprocher à Zanshi de manquer de cran, c'était chose certaine. À chaque fois, elle ne manquait pas d'impressionner. Mais tiendrait-elle la cadence ? La soirée ne faisait que commencer et le barman n'avait pas amener un breuvage léger, du moins pas pour la jeune femme en tout cas. Enfin, il releva ses yeux gris acier vers les siens avec un petit rictus.
" Certes... Un peu de silence, tous.
Les conversations se turent instantanément, comme si on avait bloqué à la source tout les sons pouvant émaner d'autre part que de son instruments, qui grinça d'abord légèrement au contact de ses doigts. Le Raiu écouta attentivement quelques sons, et reserra un peu les clés de corde situées sur le manche. Ce genre de guitare avait un son très commun, un peu plus aigu. On était loin des instruments vraiment traditionnels comme le shamisen et le taiko. Il y en avait, mais Kenji n'avait jamais joué de ce genre là. Son expérience était très diffuse, et surtout, très lointaine, quand il y repensait. Allait-il s'humilier ? Non... Kenji sentait une sorte d'assurance dans le mouvement de ses doigts. Puis, il n'allait pas commencer par quelque chose de compliqué. Une ballade jouée lors des fêtes du pays du feu lui vint en mémoire. Ses doigts caressèrent les cordes une fois de plus, dévoilant cette fois une mélodie simpliste et pourtant profonde.
Enfin, il releva les yeux de ses cordes et sans mot dire prit son propre verre pour en regarder le contenu. Les gens alentours gardèrent encore un peu le silence puis les conversations reprirent doucement. Le Raiu distingua enfin le liquide doré et eut un petit rire.
" Je dois donc t'instruire sur les secrets de l'alcool. Pour commencer, cet alcool se nomme le Masu, c'est un mélange distillé à partir de céréales et de riz. Il ne faut pas le boire en gorgée , mais d'un trait, comme ceci. "
Le Raiu déposa la guitare à côté et avala d'un coup son verre, faisant signe au barman d'amener de quoi remplir. La chaleur lui emplit l'estomac, un sensation qu'il connaissait bien. Contrairement à Zanshi, il était un buveur endurci et il en faudrait beaucoup, beaucoup plus pour ressentir les effets auxquels Zanshi faisait déjà face. Il y avait quelque chose d'amusant à voir la jeune dame boire, il est vrai que cela ne sied pas à son personnage.
" Allez, à ton tour. "
Lorsque ce fut fait, les verres furent remplis à nouveau. Le grand blond resta silencieux un moment, réfléchissant aux derniers mots qu,avait dit la jeune femme. Fallait-il repousser les relations pour ne pas souffrir de leur perte, le moment venu ? Aurait-il mieux fallu repousser Kusanagi plutôt qu'aujourd'hui vivre au bord d'un gouffre ? C'était le genre de question auquel il n'avait pas de réponse. Ou plutôt... ?
" Je pense que c'est ce genre de faiblesses, comme tu dis, qui nous distingue, à la fin, des monstres... Ce n'est pas moi, mon état, qu'il faut regarder, pour juger si une amitié en vaut la peine. Ce sont eux, ceux qui sont amis, amants ou amoureux, qu'il faut voir. Non, je pense qu'il faut laisser les brûlures à ceux qui sont brulés. J'ai perdu ce que j'avais de plus précieux, quelle différence cela fait-il si je perds davantage ? C'est pour ça que je le fais, c'est pour ça que je tiens Suna sur mes épaules. C'est pour ça que ce n'est pas à toi de te tenir au même niveau que moi. Tu crois que tu as souffert, mais moi, je vois toujours cette étincelle dans les yeux, cette lumière qui caractérise les vivants, ou plutôt, ceux qui en ont encore à vivre. Santé. "
*** Une heure et demi plus tard ***
Il lui semblait à présent que le monde tournait davantage sur son axe. Les cheveux de Zanshi formaient une sorte de tempête de feu, un flux inéluctable de flammes rougeâtre. C'était joli, simple mais joli. Voilà déjà deux heures qu'ils étaient là , à enchainer verre sur verre. La jeune femme ne buvait qu'un verre pour chaque paire que Kenji prenait, mais apparaissait aussi un peu éméchée. Il y avait un peu moins de monde à présent. Les deux comparses s'étaient enfermés dans un certain mutisme après les derniers mots du Raiu, une heure et demi auparavant. On ne pouvait pas le nier, tout deux étaient des solitaires, parler n'était pas si naturel. La compagnie semblait meilleure avec le silence. Le blond se leva enfin , les jambes moins bien assurées qu'auparavant , et tendit la main pour ramasser un petit instrument à corde, qu'il connaissait bien de par sa popularité dans les villages pauvres. Le silence régnait en maitre , aussi Kenji se contenta t-il de jouer.
Il se souvenait des danses enjouées autour de cette musique, de la joie qui avait à ces moments là. Le blond passa la main sur sa tête, retirant son bandana pour relâcher ses longues mèches blondes. Le Raiu brisa enfin le silence.
" Allez, approche ; je vais te montrer à jouer quelque chose. "
Le temps passait bien vite et des quelques verres que j'avais absorbé les premiers effets ne mirent que peu de temps à poindre. Ce fut bien la première fois que je ressentais une telle sensation, c'était donc ça l'ivresse ? Une impression de légèreté où rien d'autre ne compte plus que l'instant présent, je pouvais sentir un feu bien différent de celui que je côtoyais tous les jours animer mes joues, j'avais le sourire plus facile et portais une attention toute particulière à mon interlocuteur silencieux. Ôh on ne parlait pas énormément, ce n'était pas vraiment nécessaire, de toute façon je n'avais plus rien à dire, ou du moins, je n'y pensais plus, tous les problèmes que je voulais soulever semblaient s'être comme dissipés, l'alcool... Au moins je pouvais dire que je ne l'avais pas ''méchant''. Le chef du kaku réussissait quant à lui à aligner les notes dans une sonorité très proches de l'harmonie, chose dont je serais bien incapable.
Je me souvenais encore de la harpe du temple familial, instrument qui avait subit un de mes énervements face à la difficulté que représentait son apprentissage, les cordes ne sont vraiment pas faites pour la petite Zanshi, disaient ils... Jusque là, écouter les sons se mêler aux bavardages me convenait parfaitement, mais cela n'était pas le cas pour tout le monde, aussi le Raïu après avoir joué une divine mélodie m'invita à m'essayer à cet instrument infernal qui sous ses airs de mignonnet me faisait inévitablement penser à ma demeure de Kusa, et plus malheureusement à ma défunte mère, une harpiste, nymphe, hors paires. Avec hésitation j'acceptai la demande, ou plutôt la proposition de Kenji. Je quittai ma chaise en bois et, me concentrant sur les trois pas que je devais faire afin de le rejoindre ; pris place aux côtés du Sunajin sans trébucher. Et avec un certain humour qui ne me ressemblait pas, répondis.
« Ah.. Jne crois pas être très productive là ! »Dis je sur un ton légèrement imbibé.
Je sentais mon état se dégrader de minute en minute et ce fut d'ailleurs pour cette raison que j'eus laissé mon verre derrière moi. Jamais je ne m'étais prise de ''cuite'' mais je savais, de connaissance, que tenter d'aller trop loin n'était pas vraiment la meilleur chose à faire lorsqu'il s'agit de boisson. Malgré un état avancé je assez consciente de ce qui m'entourait. J'attendis alors les quelques informations quant à la suite des événements, car je n'étais pas tout à fait sûre en fin de compte de qu'il allait m'apprendre. Accoudée à la table, la tête reposant entre les mains j'observais encore et toujours, inlassablement le blondinet qui semblait retrouver une petite parcelle de gaîté. Car ce qu'il disait était bien vrai, j'avais encore cette petite lueur, cette envie de vivre malgré tout ce qui m'était arrivé, je n'avais pas envie de mourir même je n'en donnais pas l'impression lors de combats...
Le suspens était pour moi à son comble, j'attendais avec une certaine impatience, en quelque sorte, la leçon qu'il allait me dispenser.
« Alors.. Kenji-Kun ? »Achevais je d'une voix toujours aussi embuée.
Meteora
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Kenji retint un petit rire en voyant Zanshi s’avancer maladroitement pour prendre place à ses côtés. Il découvrait un côté tout nouveau de la jeune femme, et se doutait qu’il s’agissait d’une première pour elle aussi. Dans l’alcool, le chef US avait trouvé une sortie temporaire. Un abyme. Un moyen de passer le temps. Le temps qui reste. Mais pourquoi Zanshi buvait-elle, elle ? C’était là un secret que seule la femme pouvait savoir, ou découvrir éventuellement. Puis, l’ancienne nukenin lui avait donné l’occasion de jouer à nouveau. Il arrivait maintenant à se souvenir pourquoi la musique lui plaisait tant. C’était simplement à cause de l’harmonie. Cet équilibre des sons pour créer une mélodie, un format tellement différant de notre monde qui ne vit que de chaos et de collisions. Il avait dû trouver un refuge, un réconfort dans la musique lorsqu’il était à la guerre. Et aujourd’hui ça refaisait surface.
Le Raiu aida la jeune fille à s’installer, ou plutôt simplement à ne pas tomber. Elle avait les joues aussi rouges que ses cheveux, ce qui donnait un air tout nouveau à son visage, habituellement si sérieux et détaché. Cela cadrait avec cette étincelle dont il avait parlé plutôt, cette envie de vivre. Dans les yeux de Kenji, on ne pouvait voir que de l’acier. Mais elle…Il vida son verre et le posa sur la table, alors que Zanshi semblait s’inquiéter de son propre état.
« Productive ? Peut-être pas. Mais tu sembles plus heureuse que jamais. »
Il est vrai que Kenji n’avait pas l’impression qu’elle se plaise réellement à Suna. Zanshi semblait faire son devoir parce que…Parce que quoi, en fait ? Le Raiu n’aurait pu répondre à ça pour l’instant, surtout qu’il avait accumulé une quantité de verres considérable…La rousse le ramena sur terre , le surprenant un peu avec son choix de mots.
« Je ne savais qu’on en était aux –kun entre nous… Ah, oui, te montrer…D’accord. Alors on va essayer un truc simple, quelques accords. Commence par ceci.
Doucement, il lui montra la position de sa main sur le manche de l’instrument, balaya de l’autre main les cordes, produisant un son simple. Il répéta le geste encore une ou deux fois, puis lui tendit l’instrument et lui indiqua comment le placer sur ses cuisses. Évidemment, un problème se présenta rapidement.
« Oui, bon, ta poitrine est un peu dans le chemin, il faut dire. Ce sera un peu plus difficile de voir la position de tes doigts. Tu as qu’à te pencher un peu, oui, voilà. »
Elle tenta l’accord et Kenji observa le tout. Pas totalement convaincu par le bruit un peu discordant qui sortit de l’instrument, il s’avança un peu.
« Attend, ne bouge pas. »
Le chef US passa sa main autour de la taille de la rousse et replaça ses doigts plus directement sur les cordes, un comportement typique des néophytes. Il se rendit compte du malaise de la situation et retira sa main rapidement. Il était en train de déraper. Mais le blond n’en montra rien et c’est ainsi qu’ils passèrent plusieurs minutes à répéter des accords pour ce qui serait une simple mélodie. Zanshi s’en tirait bien mais semblait être de plus en plus ivre. Ça aussi, Kenji connaissait. Il lui tendit son verre que le barman venait de remplir avec un peu de désapprobation.
« Le mieux à faire pour ne pas tomber dans le pommes trop rapidement, c’est de ne pas boire de façon irrégulière, tu sais. Comme en musique, il faut garder le rythme. Allez , bois. Tiens je t’aide… »
Pour illustrer son geste, il vida la moitié du verre d’un trait, puis le lui passa. Un peu embrumé, il ne remarqua même pas si elle le vida réellement. Ils continuèrent à se pratiquer jusqu’à ce que Kenji soit satisfait. Zanshi était attentive mais un peu maladroite. Le chef US prit la guitare de taille régulière.
« Allez. On essaie. Reste concentrée. Haha… »
Et ils jouèrent…
Kenji reposa son instrument et s’appuya sur sa chaise. Il vida son verre qui semblait magiquement se remplir. Au bout d’un moment il tourna la tête vers Zanshi.
« Je voudrais te montrer quelque chose… On s’en va ?
Spoiler:
Désolé pour le léger contrôle de perso, c'est histoire de faire continuer l'histoire...
Je rigolai un peu, cela faisait depuis un moment que je ne m'étais pas senti comme ça, mais de la dire que j'étais plus heureuse que jamais, peut être pas non plus. Heureusement lui avait fait le bon choix dans ses mots, je semblais. Je le laissai me guider dans mes gestes, rectifier ma trajectoire, corriger mes fautes. Je ne relevai pas sa remarque, car elle n'était pas fausse. En tout cas pour un ''monstre'', quelqu'un d'insensible, il se montrait vraiment ''doux'', excellent pédagogue en somme. Je distinguai ainsi deux personnes, le shinobi et... l'homme, ni plus ni moins ; frappés par les foudres de la vie, marqué à jamais, malgré l'ambiance, la bonne humeur régnante, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une certaine tristesse, non, de la pitié et peut être de l’empathie aussi vis à vis de lui. Je savais ce que je faisais, pour qui je le faisais, mais j'avais un peu plus de difficulté à savoir où j'en étais réellement, où me situais je exactement ? Simple exécutrice, petit soldat ? J'avais de plus en plus l'impression de m'égarer, impressions et sentiments renforcés par l'abus d'alcool, c'était fou comme certaines choses pouvaient être plus claires avec un peu d'aide. Et pour ne pas perdre cette clarté de l'instant je n'hésitai pas à accepter et vider le verre que me tendait le Raiu. Ce serait le dernier très probablement. Puis nous jouâmes l'air, la musique que nous répétions. Je parvenais à aligner les quelques mouvements enseignés par Kenji sans trop me tromper. Puis le son se tut, nous terminâmes. Les discussions reprirent, une nouvelle fois. Je soufflai et essuyai la sueur coulant de mon front quand il me proposa de quitter ce bar, il voulait me montrer quelque chose. Le blondinet régla ce que nous devions au patron sans me demander ma part, je me levai, la vue un peu bancale, et répondis quand on se se dirigea vers la sortie.
« Kenji-kun.. Sama.. Senseï.. ça n'a pas vraiment d'importance.. Hein.. je ne pensais pas que tu pouvais être comme ça, je veux dire... tu déclenches une guerre et après tu vas dans un bar avec une fille, tu joues de la musique, tu bois.. J'ai du mal à te comprendre, et c'est pas l'alcool, au contraire.. j'ai l'impression de voir deux personnes... »
Je ne savais pas ce qu'il pouvait bien penser de ce que je lui disais, que je racontais des tas de conneries, que me trompais complètement. Peut être était il aussi un pro de la manipulation et l'hypocrisie, je ne pouvais pas en dire plus. Il prit un peu d'avance sur moi, me laissant un peu cogiter. Nous avancions assez lentement dans les rues du village en reconstruction, l'attaque subit ne paraissait bientôt plus sur les bâtiments. Bientôt je le rattrapai et marchant dans l'obscurité faiblement éclairée par les quelques lumières filtrantes au travers des vitres, j'arrivais à son niveau. Je l'observai, je me trouvais jusque là devant un visage, devant un homme fermé. Finalement je me rendais compte que sa personnalité, sombre, mystérieuse, faisait ressortir mon côté ''lumineux'', et en effet, maintenant, en comparaison je semblais bien plus heureuse que lui. Nous dirigeant vers ce qu'il voulait me montrer, je finis quand même par rajouter quelques mots afin de ne pas rester trop longtemps enfermés dans le silence.
« Oué... Un homme dénue d'espoir, sombre et amer, et un autre plus sensible, plus humain.. ou.. Ou je me trompe complètement... Kenji. Quoiqu'il en soit, j'aimerais beaucoup voir ce que tu veux me montrer... le temps que je tiens debout ! »
Je me demandais bien ce qu'il pouvait me monter dans le village, n'avais je pas déjà fait suffisamment le tour de Suna pour voir tout ce qui avait le mérite d'être vu ? Ou alors peut être me montrerait il quelque chose de tout autre, peut être quelque chose à la hauteur de la musique qu'il jouait ? Je verrai bien, je ne doutais pas un instant de qu'il disait.
Spoiler:
ptet un peu court.. je suis un peu essoufflée en ce moment ^^'
Meteora
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L'air plus frais du soir passa sur son visage, une sensation agréable mais pourtant peu perceptible vu son état d'ivresse. Comme si toute chose bonne en ce monde était désormais intouchable pour lui, comme si toute nourriture du corps et de l'âme avait perdu sa saveur. Lorsque Zanshi avait accepté de partir, il s'était levé sans un mot pour payer sa note assez salée. Par chance, son salaire était également très élevé. Sortant l'argent, Kenji réfléchissait aux derniers mots de la rouge. Elle avait du mal à le saisir, et qui pouvait la plaindre ? Il n'y avait pas deux côté , mais bien trois. Un démon mi-homme, mi-bête qui donnait de son jeu dans chacune de ses pensées. Mais désormais, ils avaient une entente, une entente qui le laissait cette fois seul dans les ténèbres. Ce qui aurait pu passer pour la vraie solitude l'effrayait désormais. Tout comme la griseur du monde, ce soir.
Zanshi lui avait raconté ces deux personnalités, et Kenji n'avait pu que hocher des épaules. Si c'était vrai, alors au moins n'était-il pas le seul à le voir. Mais ça ne changeait rien. Suna n'avait pas besoin de sa sensibilité d'avant. De sa fragilité d'homme. Suna avait besoin d'une main vive, non pas d'un homme qui flancherait au moindre obstacle. Et cet autre Kenji, qui sortait parfois le soir dans les bars, ne s'était jamais relevé. Les pas de la femme la ramenèrent à son niveau alors qu'ils empruntaient une rue plus étroite menant à un terrain jouxtant le manoir du Kakumeigun, ce vieux bâtiment ravagé par les flammes. Les murs de l'endroit étaient encore couverts de suie, Kenji avait refusé toute rénovation. Le manoir était le Kakumeigun originel, et celui-ci était désormais du passé. Il n'en restait plus rien, du moins, presque rien. Une case qui serait coché bientôt, il le sentait.
" Appelle moi comme tu le souhaites, femme, mais pas Sensei. Je ne suis professeur de personne. Il n'y a rien à apprendre de moi qui n'en vaille la peine.
Les deux comparses enjambèrent une petite barrière de fer et pénétrèrent dans le cimetière. Ce terrain avait été donné par le Kakumeigun originel pour servir de lieu de dernier repos pour les shinobis de Suna exclusivement. Un bon terrain, gaspillé selon certain. Kenji avait été d'accord jusqu'à l'incendie de cendre. Puis l'endroit avait pris une valeur inestimable... Le Blond s'arrêta enfin, tout au fond, devant trois grandes stèles d'un blanc éclatant. Des lampions diffusaient une lumière faible et austère, qui donnait un calme de temple à l'endroit. Le Raiu tenu le bras de Zanshi, qui semblait avoir un peu de difficulté à marcher droit. Kenji s'avança devant la première tombe, celle de Manzô. Le gaillard lui manquait. Ça avait été un bon type.
" Tu sais, Zanshi... Tu crois que notre rencontre a été un pur hasard , toi ? Je ne crois pas au destin. Nous sommes tous responsables de notre parcours dans cette vie. De ce que nous en faisons. Nous sommes des papillons de nuit. Et certains se brûlent sur la vie elle-même. Nous n'avons pas le droit d'emporter les autres dans nos bras, dans notre douleur. Ce n'est pas juste, et dans un monde si injuste, c'est le moins que nous puissions faire."
Kenji fit quelques pas sur le côté et posa la main sur la pierre froide, son pouce se glissant dans les engravures qui constituaient le nom de Kusanagi.
" Mais Suna...Suna se fiche de ce que l'homme veut. Elle ne peut vivre que de communauté. Elle consume, elle brûle. La question n'est alors que de savoir qui peut brûler. Qui peut encore prendre le poids d'un village entier. Je ne suis pas un martyr, j'ai choisi cette vie. Ta pitié blesse mon humanité, et indiffère le chef de guerre que je suis. "
Il se retourna vers la femme, s'appuyant le dos contre la stèle de la pierre tombale de son âme soeur. Celui-ci glissa jusqu'au sol. Les cheveux de Kenji couvrèrent son regard acier alors qu'il baissa un peu la tête.
" J'ai tué. Beaucoup. Hommes, femmes, enfants. J'ai massacré pour Kumo, j'ai massacré comme mercenaire, j'ai massacré comme sunajin. Et je vais tuer , encore. La guerre approche. Mais je suis consumé. Un vieux papillon qui traîne sur le lampadaire. Les choses vont changer, je le sens. Pour le meilleur ou pour le pire. Mais pour moi, rien ne changera jamais. Je viens d'une autre époque, d'une autre moment. "
Le Raiu soupira en passant la main dans ses cheveux et en fermant les yeux en relevant la tête. Après un moment , il les ouvrit enfin.
" Si nous gagnons cette guerre, il faudra assurer une présence forte sur Konoha pour en garder le contraire. Araakoa Aare veut m'éliminer, et se débarrasser du Kakumeigun. Je le soupçonne d'avoir constitué un groupe de shinobis qui font à présent toute sa sale besogne. Il est un danger pour Suna, mais ce n'est plus à moi de faire une nouvelle révolution. Si nous gagnons, il m'enverra gérer Konoha. Si nous perdons, le résultat sera le même, car je serai hors du tableau. Dans tout les cas...
Son regard croisa celui de la belle, se demandant si elle voyait où il en venait.
" J'aimerais, Habashi Zanshi, que tu sois mon héritière, tant administrativement qu'en termes de bien. À ma mort, tu prendras ma place comme chef militaire. Le manoir sera à toi. Ce cimetière aussi. Ainsi que les fonds du Kakumeigun originel, une somme assez...conséquente. J'ai l'intime conviction que tu sauras éviter mes erreurs, et que tu donneras à Suna le chef non pas qu'elle mérite, mais celui dont il a besoin. "
Nous arrivâmes finalement à destination, des ruines, le reste d'une bâtisse carbonisée, un cimetière. Les explications de Raiu quant à cet endroit furent assez superflues, je pus deviner où nous nous trouvions rien qu'à la lecture des inscriptions sur les différentes stèles, ceux à l'origine du kakumeigun et de Suna. Je devais dire que je ne m'attendais pas à ça, cet endroit, cet homme transpiraient la tristesse, j'avais beau ne pas avoir connu ces personnes je pouvais palper leur importance et leur manque à ce village. J'observais les grandes plaques tombales, posant ma main sur la pierre froide.
J'écoutais le chef d'unité avec une certaine attention et en même temps un détachement silencieux. Je comprenais les métaphores qu'il employait, je voyais de quoi il voulait parler, et encore une fois, comme avec d'autres auparavant, je n'allais pas me risquer sur la pente du destin, du hasard et de la chance, pour moi ce qui arrivait, arrivait, ce n'était dû qu'à nous nos choix et nos décisions. Enfin toujours était il que la peine que j'éprouvais pour lui n'allait pas en s'estompant, bien au contraire. Je l'écoutais sans rien dire, oui, mais je n'étais tout à fait d'accord, certes il n'était un senseï mais je pouvais affirmer qu'il recelait bien de choses dignes d'être transmises... Enfin, je n'allais pas tergiverser, je n'avais pas l'esprit à ça à cet instant.
Sa tirade sur ce que veut Suna m'aurait fait sourire dans d'autres circonstances, j'aurais pu faire une petite blague quant ce qui brûle ou pas, ne craignant guère ces maux, mais l'endroit ne s'y prêtait pas vraiment. Puis je me tournai vers lui qui assit continuait de parler, je le fixais, le scrutais et l'écoutais toujours, d'un sens j'étais surprise, l'homme que beaucoup craignaient, redoutaient, ne comprenaient pas ou considéraient comme un monstre se confiait à moi, je ne pouvais croire autre chose que ça. Je levai la main, la posant, serrée, sur mon cœur, jusqu'ici j'avais pu comprendre que sa vie, comme la mienne, ne fut pas facile mais là je découvrais des choses plus marquantes. J'avais enduré des épreuves pour beaucoup insurmontables, mais lui... Il me faisait confiance alors, et ce qu'il me dévoila confirma. Mais je me demandais pourquoi me dire tout ceci aujourd'hui et pas plutôt, et pour être tout à fait franche, je ne comprenais pas.
Finalement il redressa la tête en prononçant sa dernière phrase, il ne se défila pas à mon regard qui ne dissimulait pas mon scepticisme. Effectivement j'avais du mal à croire ce qu'il me disait, et encore moins à comprendre, décidément je me sentais bien perdue dans tout ceci. Devenir son héritière à sa mort, cette annonce me donna la chaire de poule, et accentua encore plus mon incompréhension. Ma tentative à refouler mes sentiments, être forte et dur semblait s’effriter au fur et à mesure que Kenji parlait, il s'inscrivait définitivement, comme quelques uns avant, dans ma mémoire. Malgré tout je l'appréciais, n'en déplaise à ceux qui ne pouvaient comprendre le pourquoi du comment. C'est alors que je répondis sur un ton se voulant rassurant mais qui trompait bien difficilement une appréhension grandissante englobée dans un écrin d'alcool. Je m'attachais encore à quelqu'un...
« Je.. Te.. succéder ? J'espère que je n'hériterais de rien alors, je n'ai pas envie de voir... » finis je en baissant la tête.
Je marquai un temps, un silence fugace, ce Aare n'était en fait pas ce vieil homme pour lequel j'avais de l'estime, je découvrais son vrai visage vrai manipulateur et hypocrite, c'était lui le véritable instigateur de ce qui se profilait au loin. Le taux d'alcoolémie dans mon sang aidait fortement à me faire parler, je ne pris pas le temps de tourner sept fois ma langue de ma bouche, je relevai les yeux vers lui et repris la parole de manière plus affirmée
« Tu ne mourras pas ! tu n'es pas seul ! Je... je ne laisserai personne te tuer ! Personne.. Je ne suis pas devenu plus forte pour laisser mourir ceux que j'aime ! »
Finis je en balayant de la main l'espace devant moi en geste de refus. L'alcool m'aidait à parler et ce plus avec mon cœur qu'avec ma tête, et faisait remonter à la surface ma vrai personnalité et non pas celle que je m’efforçais de construire, une armure mentale pour me protéger et être plus efficace, mais finalement je me rendais compte que ce n'était pas pour ces raisons...
Meteora
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Le Raiu se retourna vers la stèle et posa son front contre la pierre froide. Comme si cette sensation de fraîcheur pouvait simuler l'espace d'un moment la présence de Kusanagi dans les parages. Un dernier souffle de neige... Elle lui manquait tellement. Il ne le réalisait réellement qu'à des moments comme celui-ci. Kusanagi avait été tout pour lui, son présent et son avenir. Il vivait encore mais dérivait au gré du fleuve de la vie , désormais. Le blond ne cherchait pas à mourir, mais ne voulait pas non plus continuer sans elle. Les rires sonnaient faux désormais, les sourires, simulés. Comme une cascade artificielle... Il n'était pas déprimé, il était livide, plutôt. Zanshi lui avait redonné le sourire quelques fois ce soir, mais ce n'était pas la sensation d'avant, c'était fade, morne. Heureux comme un matin pluvieux. Pas de soleil ni de printemps...
Il voulait laisser le temps à Zanshi d'absorber ce qu'il avait dit à propos de la succession, car c'était un sujet plutôt sérieux. Si le chef US venait à périr, quelqu'un d'autre devait prendre le flambeau. Et laisser Aare choisir cet élu serait un grande erreur selon lui. Kenji ne comprenait pas pourquoi les choses devaient en venir là. Le vieillard était un homme intelligent mais résolument belliqueux. Le Raiu ne lui avait-il pas prouvé son support de nombreuses fois ? Il avait endossé la guerre contre Konoha alors que ça avait toujours été le plan du vieil homme. Non, le blond avait fait de son mieux pour intégrer le Kazekage à Suna, même quand celui-ci avait voulu plutôt adapter Suna à sa personne. La vérité, c'était que Aare manquait de vision d'ensemble. À force de ne penser que par lui-même, il semblait oublier les vies qu'il manipulait. Mais es-ce que Kenji était réellement mieux ? N'allait-il pas lancer à la mort des shinobis ? Peut-être. Mais il avait accepté ça, comme tout le reste. Quelqu'un devait donner l'ordre, et il n'avait plus rien à perdre. S'arrêter maintenant serait la vraie erreur...
Zanshi semblait étonné de ses propos et hésitait dans ses mots. Le Raiu la regarda longuement sans rien ajouter. Elle n'était décidément plus la même femme bouillante auquel il avait eu droit pendant la rencontre diplomatique. La rouge semblait avoir un certain conflit intérieur, rendu plus complexe à cause de l'alcool auquel elle n'était pas habitué. Avec le temps, peut-être verrait-elle que l'alcool rend tout, au contraire, bien plus simple, sur le moment. Nos vrais sentiments surgissent, nos idées font surface. Dans une certaine mesure évidemment. Un abus était un abus. Le Raiu n'était pas certain de la résistance de Zanshi, sa physionomie brouillant un peu les cartes par rapport à son expérience.
Elle eut alors une réaction bizarre, mais le Raiu eut un faible sourire, voyant que cette certaine frontière avait été dépassée. Elle ne savait plus trop ce qu'elle disait, du moins c'est ce qu'il s'efforça à penser. Zanshi n'avait aucune raison de ...l'aimer. Il était un monstre. Il venait de déclencher une guerre. Il l'avait forcé à rejoindre Suna sous la menace. Il se leva en s'aidant d'un bras, déséquilibré par l'alcool. Il ne fallait pas croire que Kenji était devenu insensible à la substance... La femme balaya l'air de son bras dans une sorte de symbole de refus, mais Kenji lui attrapa la main alors qu'elle complétait son geste. Ses mains étaient étonnamment douce pour une kunoichi ayant autant de vécu. Par comparaison, les revers des paumes du Raiu étaient lézardées de cicatrices et de brûlures causées par Makka. Kenji regarda la main encore un instant. Puis il la reposa doucement. Le visage de Meteora arbora un triste sourire.
" Ne fais pas cette erreur, Zanshi. Un jour tu auras peut-être à choisir, entre Suna, et un être aimé. On sait tout deux ce que nous devrions alors choisir, mais nous savons aussi ce que nous choisirions à la fin. Si jamais tu devais faire ce choix... Fais le pour quelqu'un qui en vaut la peine. "
Je n'avais pas eu ce choix, mais j'avais l'intime conviction qu'elle aurait à en faire un jour. Je savais qu'elle cultivait bien des passions et se retrouvait déchiré entres elles. Je savais qu'un jour Suna serait dans son chemin vers le bonheur. Et ce jour là, je ne serais plus là pour la retenir. Ce jour-là, il lui faudrait choisir, et ce serait peut-être encore pire que de ne pas avoir le choix. Je ne pouvais pas lui donner ce qu'elle voulait...
Kenji jeta un dernier regard vers la stèle, et passa la main dans ses cheveux blonds en soupirant. Elle lui manquait tant. Son masque à lui n'était pas extérieur comme Zanshi, mais bien intérieur. Et il craquait. Tsura se glissait entre les fissures en ricanant. Il s'enfonçait dans la lassitude. Il baissa les yeux.
" Nous...nous ferions mieux de partir. Il est tard...je suppose...et..."
Il s'arrêta en pleine phrase. Ça faisait trop mal.
Une espèce de sentiment d'oppression me tenait à la gorge, l'omniprésence de cette notion, de la mort, m’étouffait ; on aurait pu me dire qu'à force je devrais avoir l'habitude, mais il y a bien une nette différence entre donner la mort et la subir, quand quelqu'un qu'on aime, un ami, un parent ou toute personne digne d'amour disparaît, une partie de nous s'évapore en même temps. Tout comme lui j'avais énormément perdu et la simple idée qu'un autre tombe sous les coups, oui, cela m'oppressait, me faisait peur. Les shinobis n'existaient que pour une chose : accomplir leur mission, atteindre leur objectif sans perdre de temps, même pour un coéquipier, le shinobi était fait pour ça, tuer, laisser mourir, encaisser, être fort. C'était bien pour cette raison que jamais ne m'étais considérée comme tel, ô je savais comment me servir de ce mot, toujours à mon avantage bien sûr. Ma priorité était de protéger les autres, de les savoir sein et sauf, et voir que je n'y parvenais pas me détruisait peu à peu, me transformait peu à peu. Puis mon battement de bras fut stoppé, ma main étreinte par celle de mon supérieur cessa de se débattre.
Cet homme, malgré tout, parvenait toujours à capter mon attention comme ce premier jour où j'avais été prise dans un filet transparent, à demie contrainte d'accepter une offre qui allait contre mes principes et ce uniquement pour parvenir à trouver une seule personne, j'étais vraiment loin de me douter, ce jour, de la tournure que prendraient les événements, loin de me douter de l'attachement que j'exprimerais à une personne ne le méritant pas, commuer la pitié en affection, la liberté en servitude, la tristesse en une douce joie qui s'avérait douloureuse au fil des jours. Pire encore, je comprenais que j'étais une personne empathique, n'était ce pas le pire des combles pour quelqu'un que l'on comparait à un shinobi ? Et j'écoutais, je ne pouvais m'en lasser, les mots me frappèrent, brisaient mon armure de part et d'autre ; je ressentais cette pression significative, mon cœur ralentissait, une forme d’apaisement me gagnait, pourtant les mots qu'il débitait n'était forcément ceux que j'attendais mais ils suffisaient en fait. C'était fou les effets que pouvait avoir l'alcool, une autre vision des choses, une compréhension interligne et un parler plus franc que jamais.
Puis il lâcha ma main, mes yeux devaient être un peu rougis, mais sans plus. Je saisissais le caractère impossible de cette étrange situation, de cette improbable relation, je devais apprendre à clore les portes de mon cœur et surtout faire la différence entre chacune des émotions qui me traversaient, je me remémorais les quelques mots du senseï : sais tu qui tu es ? Et répondais maintenant : oui. Kenji conseilla que nous ferions mieux de partir au vu de l'heure, je ne pus qu'acquiescer. Cette entrevue m'avait marqué, et fait ressortir le haut de ma personnalité, et je me demandais si c'était bien à l'alcool ou à lui, l'opposition du foncièrement bon, et foncièrement... moins bon, pour ne pas dire mauvais. Je lui souris et me tournai vers ce qui restait de l'entrée quand il finit sa phrase, ou plutôt qu'il ne la termina pas, je me retournai, le regardais, et parlai..
« Et tu as raison Kenji.. je comprends.. Je serai ta digne héritière, ce village pourrait avoir besoin de quelqu'un de bien un jour. Je serai toujours là, pour eux, pour toi, pour le village ! »
Je me rapprochai alors de lui, il semblait absent, je posai la main qu'il avait arrêté sur son épaule, le tirant légèrement, sans vraiment savoir pour quoi. Je pouvais sentir sa tristesse, je posai le regard sur la tombe à la mémoire de sa défunte âme sœur.
« Si.. Si tu veux, je peux te laisser seul... »
finis je en me mordant l’intérieur de la lèvre. Je ne savais pas si ce que je disais répondait à son attente. Je relâchai son épaule, fit demi tour et me mit en marche, je n'avais pas envie de rentrer chez moi, j'observais le ciel étoilé en m'interrogeant...
Meteora
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Sa main nue frappe durement la pierre de la stèle tombale, mettant sa peau à vif dans la fraicheur du soir. Mais Kenji ne sentait pas la douleur, plutôt, plus celle-là. Il avait déjà senti tellement pire… Où étais-ce ce qu’il tentait de se faire croire. À force de s’apitoyer sur son sort, n’était-il désormais qu’une créature née de la pitié. Comme Tsura, qui lui n’était qu’haine pure. Un monstre… À la fin, le Furyou avait peut-être toujours dit vrai : qu’il le veuille ou pas, il finirait par agir exactement comme son démon intérieur. Non…Ce n’était pas lui. Il frappa encore la pierre.
Lorsqu’il s’était interrompu, Zanshi était revenu auprès de lui et lui avait donné son accord. Cela lui avait un peu réchauffé le cœur mais mettre sur le feu des débris ne répare pas un vase, diraient les plus cyniques. Kenji avait alors senti sa main sur son épaule et eut un frémissement involontaire. Le Raiu réalisa qu’il n’avait pas eu de contact physique avec qui que ce soit depuis l’incendie de Cendre. C’était un souvenir toujours plus déchirant, d’ailleurs. Il leva son regard gris vers la jeune femme, une sorte d’air penaud qui ne lui ressemblait pas. Trop d’images traversaient son crâne. Elle tira sur son épaule, le rapprochant un peu plus près. Il eut cette idée stupide qu’elle allait l’embrasser ou plus anodin encore, simplement le secouer. Mais la femme ne fit rien de plus. Comme si elle-même ne savait plus trop ce qu’elle voulait dire ou faire. Zanshi lâcha le chef US et lui offrit de le laisser seul. Kenji n’eut aucune réaction d’abord, la regardant partir en marchant.
Puis il avait frappé la stèle.
Les gens absents C'est bien ça l'ennuyeux Ils tournent tout le temps Là devant nos yeux On croyait défaire L'étreinte d'un coup sec Et puis finalement On se réveille avec
Pourquoi…? Pourquoi ne pas être resté avec moi, Kusanagi ? Je serais mort avec toi, n’importe quand. Tu sais tout ça. Tu sais qui nous étions. Le Kakumeigun, c’était nous. Ma seule famille. Ma vraie famille. Je n’ai plus que des cendres. Que dois-je faire ? Suna elle-même était ton idée, ta création. J’ai suivi pour toi, j’ai tué pour toi, j’ai travaillé toujours plus fort. Tout ça pour quoi, pour me laisser seul dans le noir. Un noir plus noir que noir. Darker than Black. Je peux toujours m’inventer un patriotisme, me croire un respect pour les gens qui peuplent ton invention. Je peux toujours y croire, je ne crois à la fin qu’à toi. Je ne crois qu’à l’amour que j’avais pour toi. Tu n’y croyais plus, à la fin, mais moi oui. Je savais, je pensais que le temps arrangerait les choses. Ça aurait dû, ça aurait pu. Mais je n’ai pas pu te sauver, tout comme je n’allais pas réussir à nous sauver nous. J’inspire les autres, je fais de mon mieux, mais tu me connais, tu sais comme je suis maladroit. De tous, de Manzô notre leader à Karas, quelle malchance faut-il pour que ça tombe sur moi ? Qu’es-ce que je ferai si Aare tente vraiment de me tuer ? Es-ce que je le laisserai faire ? Tu ne me pardonnerais jamais, non ? Il n’y a pas de répit pour moi, parce que tu sais que je continue à avancer. Je porte le poids parce que je peux le porter. Tu le sais.
Kenji se releva en regardant la stèle une dernière fois. Il promit en pensée de revenir. De revenir lui prouver qu’il continuait à avancer, même à la dérive.
« Attend ! »
Le Raiu rejoignit la femme aux cheveux rouge et se posta devant elle pour interrompre sa marche. Elle regardait le ciel, on pouvait voir les reflets de la lune dans ses cheveux d’une teinte si colorée.
« Je voulais juste…Juste te dire merci. D’avoir passé du temps avec moi, d’être venue ici… Et tout… »
Kenji, cherchant ses mots, ce qui était tout à fait inhabituel, laissa son regard dériver un instant sur le ciel et ses milliers, non, millions d’astres.
« Je réalise…Et tu sais…Que ce n’est pas ce côté de moi dont Suna a besoin. Pas de mon côté…faible, je dirais. Mais ça fait du bien de...Comment dire… »
Il reporta son attention sur le regard de la jeune femme. Kenji savait qu’il était lui-même un peu désagréable à regarder depuis que ses pupilles n’étaient plus toutes les deux de la même couleur. Les gens étaient habituellement mal à l’aise, ce qui n’avait pas toujours des mauvais côtés en soi. Mais Zanshi semblait ne pas être affectée par ce genre de chose, comme si elle voyait plus loin que ça.
« Juste…Tu crois que je t’ai aidé, que je t’ai changé. Mais en fait, au bout du compte…Je crois que c’est toi qui m’as aidé. Et quand le temps viendra où je devrai faire des choix qui te sembleront…Immoraux, voir monstrueux…J’espère simplement que ce jour-là, tu saches que… Que ce n’est pas tout ce que je suis. »
Il détourna finalement les yeux, embarrassé par sa propre maladresse. Le Raiu passa la main dans ses cheveux.
« Excuse-moi… Je suis vraiment qu’un idiot ce soir. Je te raccompagne…? »
Je pensais que notre entrevue, notre ''sortie'' allait s'arrêter là, cela ne m'aurait pas posé de problème, bien au contraire ; mais il en fut tout autrement, je ne m'attendais pas à ce qu'il me rejoigne, il avait eut de la chance que je ne m'en aille pas tout de suite, que je donne un peu de mon temps à la songerie. Il me tira de ma concentration, de ma contemplation de ce ciel pailleté. Je sentais mon ivresse s'enfuir peu à peu, laissant place à un sentiment non pas de sobriété, mais de légèreté ; mais aussi de fatigue.. Une nouvelle fois je l'écoutais, toujours avec beaucoup d'attention ; je croyais en fait que c'était de ça dont il manquait, de l'attention, quelqu'un qui le considère comme autre chose que le mur porteur d'une maison, que le pilier principal d'un grand édifice. J'avais cette fâcheuse tendance à chercher le ''bon'' d'une personne, même si elle ne le mérite pas, une mauvaise manie à m'attacher à ce genre de personnes, celles qui sont, malgré tout ce qu'elles peuvent dire et se raconter, égarées. Je ne pouvais pas dire pourquoi je faisais ça, pourquoi j'étais comme ça ; aucune explication sensée aux battements de mon cœur pour toutes ces âmes en peine, aucune explication à la place que je dédiais à chacune d'entre elles, il fallait juste se dire que c'était comme ça, des personnes capables de... et finalement je lui répondis en repensant bien à chacun des mots qu'il avait prononcé en commençant par la fin..
« Tu n'es pas idiot. Je ne vais pas dire que je suis la quintessence de la gentillesse, mais je n'ai aucun attrait pour la noirceur.. Je voulais ha.. commet dire ? M'assombrir pour devenir plus forte, mais c'est si stupide, en te voyant, je l'ai compris... ô, au début pas vraiment, je voyais surtout.. ta force, donc oui tu m'as aidé sans le vouloir, tu ne m'as pas changé, mais juste rendu ma nature, du moins, en partie. »
Dis je en lui souriant.
Un peu étrange, on peut le dire. Dés le premier jour, dés notre première rencontre j'avais senti ça, la tristesse et le désemparement et dés ce jour je l'admirais, plus ou moins secrètement, la capacité à lier tout ces éléments ensemble, et continuer à vivre, et supporter un peu... et finalement vivre pour lui. Imiter quelqu'un, vouloir correspondre à une personne jusqu'à en modifier ses propres valeurs était une chose assez dangereuse, il n'était pas si aisé que ça de se détruire pour se rebâtir autrement, moi je n'y était pas parvenu et pire encore cela avait commencé à me dévorer. Fort heureusement pour moi ces deux personnes étaient présentes et avaient d'une façon ou d'une autre participé à mon sauvetage. Maintenant je pouvais vivre pour eux et pour moi, sans déroger à ce que je suis, l'exact inverse de kenji, finalement.
« Je n'ai pas peur des mots. J'aime bien les hommes comme toi. Je t'aime bien kenji. Ne cherche pas à comprendre, même moi j'ai du mal à saisir le pourquoi du comment, alors.. » ajoutais je en le fixant, et en souriant toujours.
Puis je le dépassai, et m'arrêtant à sa gauche pivotai naturellement vers lui et l'embrassai brièvement sur la joue avant de continuer vers les quartiers où je logeais, à plusieurs minutes de marche. Je ne savais pas quelle heure il pouvait bien être. À quelques pas de lui, n'entendant aucun bruit, je me retournai et lui lançai cette phrase sur une voix toujours aussi douce..
