Boro-Boro se trouvait sur l'un des nombreux toits de Suna, le pied devant, le regard fier. Sa manche sans bras voletait au vent doux chargé de poussière, et une écharpe — son bandeau ninja en fait — lui masquait la bouche de celui-ci. Mordant au travers de l'étoffe sombre, il tira sur le parchemin qu'il avait en main, relisant rapidement son ordre de mission.

Citation :

A Suna il fait chaud, il nous faut de l'eau en permanence. Cependant, depuis hier, la plus part des puits du village sont à sec, et ils ne devraient pas! Recherchez la source du problème, et résolvez ce dernier.

Il referma le tout, le rangeant dans une poche dorsale. Le soleil était effectivement chaud, malgré l'automne à travers le monde. Boro-Boro craignait l'été, et c'était une coïncidence heureuse que ce problème de puits ne surviennent qu'en ce temps « plus » frais. Laissant son regard vagué sur le vaste étendu qu'était Suna, Cent-visages, prit un moment pour apprécier la douce caresse des rayons mordants. Ses habits, couleur pâle pour se prémunir des coups de chaleur, étaient amples, parfaits pour des mouvements plus larges. L'air s'y engouffrait, offrant un rafraîchissement naturel confortable.
Boro-Boro recula d'un pas, son ombre disparaissant de la petite rue qu'il surplombait. Et s'agenouilla. Venant avec sa mission, une petite carte des principaux puits touchés qu'il l'inspecta rapidement avant de faire un choix premier — pour visiter et disparaître d'un saut fluide.

*****

La place du puits trois était animée, avec, en horde, des sunajins mécontents qui affluaient autour du creux sans eau. Une vieille brandissait sa canne telle une arme, dessinant de drôles de cercles dans les airs, pestant contre le mauvais sort. Un gamin, plus frêle, plus discret, inspectait d'un oeil étrange le fond du puits, sur la pointe des pieds, en équilibre sur un bord peu sécurisant. Ce qui semblait être le père ou l'oncle tentait d'expliquer à deux femmes, des calebasses prêtes à se remplir sur le crâne, que le puits n'était toujours pas fonctionnel et que leurs injures n'aidaient en rien sa bonne humeur. Deux petits vieux riaient doucement sur le banc, gorges sèches et ventres douloureux, imitant ce beau monde. D'autres tournoyaient en plus, et c'était un petit chaos. Le manque d'eau n'affectait donc pas juste le corps des gens, mais aussi leur moral.

Apparaissant dans la foule, Boro-Boro ceintura de son bras valide le petit garçon qui tombait, un air sévère sur la figure. Son bandeau toujours en place sur sa bouche, le genin semblait grincer silencieusement des dents. Toute cette cohue était bien dangereuse : l'un des enfants du village serait mort sans l'intervention du shinobi. Mécontent de voir tout ce tapage, Boro-Boro grimpa sur le puits, beaucoup plus agile que le petit garçon qui l'observait, l'air farouche et totalement subjugué par ses talents. Sa main gracieuse démasqua son faciès, et aussitôt, Cent-visages arbora celui qu'il empruntait pour joueur le genin. Une sorte de rictus éclata sur ses traits alors qu'il s'écriait :

« Hoy hoy hoy ! Fermez-la ! C'est chiant d'entendre les vieux d'vot' genre brailler à longueur de journée, imbéciles ! »

Les regards se tournèrent vers Bobo — auto-proclamation — et tous se turent... Pour reprendre de plus belles leurs vociférations envers ce nouvel arrivant ce disant plus fin que tous. D'ailleurs, l'âge physique de genin portait à préjudice, et Cent-visages manquait de crédibilité dans son rôle de provocateur enfantin. Or, Boro-Boro s'en moquait, nul ne pouvait se douter de sa nature plus calme et plus calculatrice maintenant. Déjà que sa cicatrice en X pouvait apporter quelques interrogations quant à l'expérience du jeune homme, valait mieux masquer le tout sous une pluie d'idioties.
Bobo croisa son bras contre son torse, ramenant étrangement l'autre manche contre l'aisselle opposée.

« Bobo est LE plus grand genin que Suna aie connu, il va vous régler vot' problème en quelques secondes. C'pendant, Bobo a besoin d'espace et d'air pour respirer, alors, allez crever ailleurs, c'pas comme ça que vous aurez de l'eau... Non mais j'te jur'... »

*****

Après explications tendues, insultes lancées à tour de bras et présentation de l'ordre de mission comme preuve, Boro-Boro eut enfin la paix. Soufflant, il s'affala contre le bord du puits, surpris de voir les villageois si prompts à défendre leurs valeurs. Lui qui ne connaissait pas grand chose de la vie en communauté — lors de sa vie avec les paysans ermites, il s'isola plutôt que de sympathiser — il trouvait toujours étrange que le mouvement de foule puisse être aussi dense, aussi serré et aussi difficile à stopper. Heureusement pour lui, il avait les hauts placés derrière lui... Mais qu'adviendrait-il s'il jouait son petit fendant dans un village ennemi ? Boro-Boro déglutit et chassa la réponse facile...

Le puits était plutôt profond, sombre et sentait la moisissure. Cent-visages n'y connaissait rien en fondation et s'imaginait qu'il devrait y descendre pour explorer. Avec la logique, aucun autre puits signalé sur sa carte ne serait plus facile à découvrir. Boro-Boro aurait du mal à s'en sortir sec et il pataugerait, c'était sur. Heureusement, le chaud soleil du pays l'aiderait sûrement, une fois la tâche accomplie, à sécher un peu sa garde-robe... Car sûrement qu'il ne prendrait pas un jour à dénicher le problème, et propre et bien entretenu, le genin se changerait. Mission salissante donc. Mission écoeurante donc. Question d'habitude, il supposait.

...

Sa main lui faisait souffrir. Il tamponna une dernière fois le papier de la pointe de son stylet avant de le rentrer dans son étui, agitant doucement l'encre. Il venait de signer son rapport. Fier, il se le présenta, jetant un oeil critique sur son travail des trois derniers jours.

Citation :

Rapport de Mission
Automne
Rang D
Genin Boro-Boro

Les puits étaient à sec. J'ai dû faire reculer la foule, expliquer ma venue pour avoir les lieux de travail. Chacun des neuf puits importants sont identiques, point de vue agitation et mécontentement. La tension chez les civils est palpable. Heureusement, j'ai trouvé la source du problème. Or, je n'ai pu l'arranger, dû au fait que cela ne relève plus de mes compétences propres. Je ne suis pas pro en excavation.

Les neuf puits sont inter-reliés par des canaux sous-terrains les approvisionnant habituellement en eau. J'ai d'abord cru que la nappe souterraine d'où on pouvait tirer l'eau était à sec, mais mon exploration plus approfondie des puits m'aura guidé jusqu'au point où j'ai pu constater que non seulement les canaux étaient obstrués, mais qu'en plus, les fondations des puits n'étaient plus trop à jour. La roche — qui relève plus du sable — est friable et peut à tout moment s'ébouler pour ainsi bloquer l'accès à l'eau. Je crois bien que c'est ce qui est arrivé ici. Cependant, je demanderais aux autorités qui viendront déblayer ces canaux de bien vouloir pousser l'enquête plus loin : les morceaux de gravats que j'ai retrouvé étaient étrangement ciselés ; je ne puis dire s'il s'agit d'actes volontaires criminels ou de simples désagréments naturels. Je ne suis pas un pro en canal souterrain.

Bref, la mission est presque accomplie. Je vous laisse le soin de bien l'achever pour moi.

Le meilleur,
Bobo