[C] Un vieux fou

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Spoiler:

C'était un jour gris, nuageux. Cela faisait maintenant plusieurs heures que des pluies légères recouvraient Kumo de leur manteau, commençant à tomber à un certain moment, avant de s'arrêter subitement au bout de quelques minutes, pour reprendre un instant après de manière tout aussi surprenante. Ce cycle se répétait inlassablement depuis le lever du jour. Kaze avait fini par abandonner l'espoir que l'arrêt des intempéries puisse être annonciateur de l'arrivée d'un temps meilleur, plus agréable, plus léger. Il ne comptait plus le nombre de fois où cette attente avait déjà été déçue ce jour-là. Il devait se faire une raison. Sa première mission se déroulerait sous la pluie. Il essayait de se persuader qu'il n'avait pas besoin d'en tenir compte, mais il se sentait tout de même moins à l'aise qu'en temps normal. Et pas seulement à cause de la pluie ; en vérité, il lui manquait quelque chose de fondamental pour se sentir mieux. Une simple bourrasque lui aurait suffi, un peu d'air pur, de quoi libérer ses poumons de cette sensation humide, lourde, inhospitalière. Autant les orages ne le gênaient pas le moins du monde - au contraire, ils étaient même annonciateurs du renouvellement de l'atmosphère dans laquelle vivaient le village et ses habitants -, autant sentir les nuages, au-dessus de lui, devenir le toit de la prison en relief qui encerclait Kumo ainsi que la cause d'une diminution de ses facilités respiratoires l'angoissait un peu. Rien de vraiment grave ; cela aurait pu lui donner le sentiment d'avoir fini totalement enfermé, mais pas cette fois-ci. Ce jour-là, il n'avait pas vraiment l'intention de se laisser affaiblir par le temps.

Il venait de recevoir son premier ordre de mission. Il n'avait rien ressenti de particulier, pas de joie ou de fierté. Il s'était juste demandé en quoi cela consistait. Il avait été fixé en moins d'une minute, peu étonnant vu la longueur du texte. Il devait aller régler un problème qui ne semblait que peu menaçant, certes, mais lorsqu'il prit connaissance des détails, il ne put s'empêcher de penser, à la vue de cette histoire de révolte, qu'il fallait être vraiment stupide pour crier de telles choses au milieu d'un village qui oeuvrait, au moins en apparence, pour la paix – même si c'était encore à prouver, à ses yeux. De tels comportements n'étaient de toutes façons pas à approuver. Les civils avaient le droit de vivre tranquillement sans que des tarés ne viennent perturber leur quotidien redevenu heureux en leur communiquant leur envie de violence. Kaze allait donc régler ce problème le plus rapidement possible ; il n'aimait pas perdre de temps, et encore moins pour des illuminés. Il chercha donc, sur son ordre de mission, une indication sur le lieu où cet homme et ses « mercenaires » avaient été repérés... Aucune.

*Haha...*

Apparemment, il allait devoir chercher par lui-même. Certes... Ils auraient pu au moins faire semblant d'accorder un minimum d'importance à cette mission, genre localiser précisément l'endroit où il devait se rendre afin que l'affaire soit réglée au plus vite. Mais non. Pas très motivant, comme histoire, ça lui donnait un peu l'impression qu'on se foutait de sa gueule... Enfin bon... …

Heureusement pour le jeune homme, la phase de recherche de sa mission se révéla courte et efficace. Environ trois minutes après avoir commencé à errer dans les rues de Kumo, en prenant le temps de respirer un peu – misant sur le fait que le vieillard restait sûrement au même endroit pour crier ses folies -, Kaze entendit une voix lente, abîmée, à bout de souffle, presque, proférer des paroles étranges, dénuées de sens, à environ deux rues de lui. Il fut étonné que son instinct lui indique cette direction, car cette voix ne ressemblait vraiment pas à ce qu'il attendait de la part d'un orateur, même s'il était vieux, qui dérangeait les civils en plein jour... Cependant, il avait toute confiance en ce que lui dictait son corps. Aussitôt, il décida de commencer à se déplacer sur les toits. Cela lui permettrait d'entrer en phase d'observation de manière discrète et efficace. Il se déplaça au rythme des bourrasques du vent afin d'atteindre un toit qui bordait la rue d'où provenait la voix meurtrie. Il s'assit en tailleur, ainsi invisible depuis la rue. Il n'avait nul besoin de voir, il lui suffisait amplement d'entendre. Il y avait du monde - l'activité de Kumo ne cessait jamais pour des causes météorologiques, à moins de très très très gros orages - ; le vieillard avait bien choisi son endroit pour faire passer un message, aussi fou soit-il. Kaze tendit l'oreille et écouta.

« … Confiance... Ne pas... Mes amis ! Ils profitent de vous, ils faut... Ne vous laissez pas faire ! »

Certains mots avaient été avalés par le bruit des passants, qui n'accordaient pas une once d'importance aux inepties que crachait ce taré. Kaze, en revanche, réfléchissait. Il se retrouvait face à quelque chose que l'excès de méfiance entraîne, quelque chose qui aurait pu lui arriver s'il avait fait les mauvais choix. Bien que lui ne serait jamais allé crier à la révolte dans la rue. Dans l'idéal, il aurait donc fallu faire comprendre à ce vieillard qu'il devait faire les bons choix, et ce qu'il faisait n'en était certainement pas un. Kaze réfléchit un moment sur la question. Etait-il vraiment utile d'essayer de raisonner un homme qui semblait accroché à son idée comme à son précieux ? Le Genin se disait qu'il serait bien plus rapide d'aller régler le problème en lui posant un ultimatum dans les cinq secondes. Oui, c'était quand même bien mieux, plus rapide, plus simple...

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Mais, soudainement, il se remémora un détail qui allait sûrement avoir son importance. Les deux gardes du corps. En fait, il ne pensait pas vraiment qu'ils pourraient représenter un grave danger, mais il devait agir avec méthode et rapidité s'il voulait accomplir sa mission proprement, et un imprévu le ralentirait tout en mettant en évidence son manque de méthode. Il s'arrêta donc dans le mouvement qu'il avait entamé, et se remit en tailleur, cherchant à localiser les gêneurs. Apparemment, il allait avoir du mal s'il se basait sur son ouïe. C'est vrai qu'en général, les gardes du corps ne sont pas trop du genre à taper la discute sur leur mission. Il allait donc devoir trouver un point d'observation qui lui offrirait plus de détails de la scène. Il s'approcha du bord du toit, et se mit à observer la rue, environ cinq ou six mètres plus bas. Il sentait que ceux qu'il cherchait n'étaient pas loin. Mais personne n'avait le look ou la carrure que pourraient avoir deux hommes chargés de la protection de quelqu'un.

Bref, la situation était bloquée. Kaze, lui, aimait bien quand les choses bougeaient. Il allait donc remuer la marmite jusqu'à ce que les légumes soient cuits. Il commença à concentrer son chakra dans ses pieds, dans l'optique d'un saut par-dessus la rue, jusqu'au toit d'en face, et sortit quelques kunai – les ninjas en ont toujours sur eux de toutes façons. Il sauta. Dès le début de son envol, il lança ses projectiles en direction du vieil homme, sur le trottoir d'en face, visant environ un mètre devant sa cible, tout juste assez près pour qu'il se sente menacé. Le Genin finit son saut en se réceptionnant avec une légèreté déconcertante sur la surface plane qu'était sa destination. Les effets de la manœuvre furent immédiats : le vieux tomba à la renverse, alors que toujours aucun civil ne lui prêtait attention. Cependant, deux personnes coururent dans sa direction. Ses gardes venaient à son secours. Il s'avéra qu'ils étaient simplement postés en face du vieillard, donc sur le trottoir qui se trouvait en-dessous de Kaze avant qu'il ne saute. Le jeune homme pensa au passage qu'il devrait s'entraîner à repérer des personnes avec plus de certitude, et surtout à une plus grande distance. Mais, maintenant qu'il les avait repérés, il pouvait passer à l'action. Comme prévu, les deux hommes avaient la tête tournée vers l'endroit d'où il avait lancé ses kunai, même pas effleurés par l'idée que cette salve pouvait n'être qu'un stratagème quelconque avant une réelle attaque. Ils s'étaient précipité dans le sens que Kaze souhaitait qu'ils prennent. Magnifique. Trop facile.

Le jeune homme sauta du toit, tomba pendant une ou deux secondes, puis atterrit dans la rue, une nouvelle fois tout en douceur, comme il savait le faire avec tant de maîtrise, juste dans le dos des gardes du vieil homme qui, lui, était toujours étendu par terre, comme assommé par la surprise depuis quelques minutes. Il semblait qu'aucun des trois hommes n'avait remarqué que le shinobi était à un mètre d'eux. Tant mieux pour lui, il aurait d'autant moins de mal à accomplir sa mission. Il assomma sans difficulté les deux boulets qui regardaient le ciel, qui s'effondrèrent lourdement, comme deux sacs à patates qu'on aurait laissés tomber, la tête directement dans une flaque de boue bordant la rue. Ils valaient à peu près que dalle. Bref. Puis, il se retourna vers la source de tous ces ennuis. Ce cher petit vieux...

A son grand étonnement, le problème ambulant avait enfin réussi à s'asseoir. Halala, que d'émotions, c'est difficile de s'en remettre ! Kaze le regardait de haut, attendant de voir s'il allait finir par être remarqué. Au moment où le vieux leva enfin les yeux, il poussa immédiatement un cri aigü, aux sonorités assez étranges, qui accompagna une nouvelle chute en arrière. Vu comme ça, c'était assez ridicule... Mais le Genin ne savait pas vraiment s'il pouvait en rire ou s'il fallait en pleurer. De toutes façons, il était clair qu'il ne courait aucun danger. Par conséquent, il prit un instant pour se détendre, avant d'essayer d'entamer le dialogue avec ce fou, en tentant de l'impressionner rapidement, histoire de lui enlever toute envie de continuer à faire ses conneries.

"Dis-moi, le vieux, ça doit être dur pour toi de communiquer, non ? Qu'est-ce qui t'arrive ?"
"Eeeeeeh... Je... Suis... "
"Naaaan, stop, ton temps de parole est écoulé, tu n'es pas capable d'aligner trois mots en moins de vingt secondes, j'arriverai jamais à me rappeler toute ta phrase quand ce sera l'heure de te répondre. C'était le choc de ta vie, non ? Sinon, je comprends vraiment pas ton état...
Bon, je suis juste venu pour te dire que tu dois arrêter tes conneries de révolte. Déjà, c'est pas une bonne idée de base. Ensuite, c'est une idée débile. En plus, tu emmerdes les civils à essayer de leur faire peur pour tenter de faire en sorte qu'ils te suivent dans tes délires – personne ne te suivrait, de toutes façons. Ah, et aussi, si tu continues, on sera moins gentils. Qu'est-ce que t'en penses ? Le jeune homme marqua une pause, histoire de reprendre un peu son souffle, en attendant une réponse de la part du vieillard qui semblait avoir été vraiment choqué par le coup des kunai. Ce fut une phrase presque incompréhensible, mais malgré tout suffisamment claire, cette fois, pour que Kaze puisse comprendre ses intentions."
"Je... Non... Pas mal..."
"Bon, bah alors t'as juste à arrêter de crier comme un taré et aussi à dire à tes deux potes qu'il peuvent retourner faire quelque chose d'utile de leur vie. Et que s'ils manifestent ne serait-ce qu'un seul signe d'hostilité envers le Kumo actuel, j'irai leur mettre une autre raclée. Tu as bien compris ?" Cette fois, il avait vraiment pris un ton oppressant, et sûrement un tout petit peu méchant, histoire de s'assurer qu'il marquerait bien les esprits, et que personne n'aurait envie de répéter les mêmes conneries après une fessée comme celle-là.
"D'accord... D'accord... On va retourner... Manger de la terre et des orties... "

Dur pour lui. Mais bon, en même temps, il y a bien mieux à bouffer dans le coin que des orties. Au final, il devait vraiment être complètement taré. Bah, pour l'importance que ça avait... Mission accomplie. Ce fou avait été raisonné. Il avait été frappé par un violent choc émotionnel, et il n'allait donc sûrement pas retourner crier au soulèvement, maintenant qu'il était conscient qu'il risquait de voir passer des kunai devant ses yeux s'il réitérait sa connerie.

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