Hiver comme été, Natsuki avait toujours tendance à s'habiller de la même façon. Par-dessus un juste-au-corps en résilles, il portait un haut sombre dépourvu de tout logo, et un bas assortie. Et lorsqu'il était en mission, l'on pouvait compter aussi son gilet tactique à poches multiples. La seule différence notable résidait dans la longueur des manches, adaptées à la saison : courtes à mi-bras et mi-mollets lorsque le soleil réchauffait l'atmosphère, ou longs jusqu'aux extrémités quand le froid se faisait sentir. Ainsi, pour ceux qui avaient l'habitude de le voir au quotidien, il paraissait presque méconnaissable dans le kimono d'apparat qu'il portait aujourd'hui, un ensemble qu'il ne sortait de son armoire que pour les grandes célébrations. Celle d'aujourd'hui concernait le clan Nara, qui fêtait l'anniversaire de l'achèvement de leur quartier au sein de Konoha.

Pour l'occasion, Natsuki, comme tous les membres du clan, s'était vu convié à participer aux préparations des festivités, dans la mesure de ses moyens. Et au soir venu, chacun s'était mit sur son trente-et-un. Restant dans les tons sombres, le kimono vert terne du Nara tatoué se voyait maintenu par une ceinture beaucoup plus foncée, semblable au haori qu'il portait par-dessus. L'ensemble était complété, comme tout à chacun, par un hakama assortie et des tabis. Dans son dos figurait l'emblème de son clan, lequel il ne portait que très rarement au quotidien. Non pas qu'il n'était pas fier de porter son patronyme, bien au contraire, mais il n'aimait pas que l'on puisse l'identifier d'un simple coup d'œil, surtout au cours d'un combat, et percer ainsi à jour une partie de son éventail de techniques. Aujourd'hui n'était cependant pas un problème, puisque le seul affrontement qui devrait avoir lieu sera les match d'exhibitions, une tradition qui accompagne cet événement annuel. Sans doute était-ce le moment que Natsuki préférait, presque autant que le festin servit au préalable.

En effet, les combats étaient avant tout du spectacle, et c'était toujours un plaisir que de voir à l’œuvre les chorégraphies élaborées par les participants pour embraser la foule. Un jour peut-être, ce sera à son tour de participer lors de la cérémonie, et de ravir les yeux de tous dans un duel où le spectacle des mouvements comptait davantage que la finalité.

Le rendez-vous était fixé à 19 heures, dans le domaine du Chef. C'est ainsi qu'un peu avant l'heure, tout le clan avait terminé de se préparer, et se rendait sur le lieux des festivités. Une immense scène était dressée au milieu de la large allée, éclairée uniquement à la lueur de braseros où dansaient les ombres. De nombreux bancs avaient été installés devant, où chacun s'installa en attendant le début de la cérémonie.

Un officiant dans une tenue bien différente des autres monta le premier, et prit la parole. Il commença par narrer comme à chaque fois l'histoire de leur clan, depuis ses fondations de jadis. Puis les récits devenaient à certains moments des chants, où les Nara prouvaient qu'il n'y avait pas que dans la stratégie qu'ils savaient tirer leur épingle du jeu, que ce soit en solitaire ou en choeur. Le schéma était classique, mais la disposition à chaque fois différente, ce qui rendait chaque cérémonie unique.

Trois heures passèrent ainsi, dans le silence ou la participation du public, en fonction des besoins. Puis vint le moment du repas, se déroulant bien plus loin dans l'allée une fois la scène passée, dans les jardins de la propriété de Kamino Nara, l'actuel chef du clan. L'ambiance du repas était beaucoup moins formel que la cérémonie. Comme à chaque fois, Natsuki fut impressionné par le service, bien qu'il avait lui-même participé à la cuisine. Dans l'immense jardin, de nombreuse tables étaient disposées avec sur chacune de nombreux mets en quantité impressionnante. L'occasion de goûter les dernières recettes élaborées, ou les mets préférés que l'on avait hâte de retrouver. Mais profiter d'une bonne nourriture n'était pas le seul intérêt du repas. En effet, la cérémonie était aussi l'occasion de se mélanger avec l'ensemble du clan, et de rencontrer celui qui parfois n'est rien d'autre qu'un visage que l'on croise dans les rues du quartier. L'on avait beau tous porter le nom de Nara, personne ne pouvait prétendre connaître intimement tous ceux qui composaient le clan. Ouvert d'esprit et avec le contact facile, Natsuki n'attendit pas plus longtemps que d'être assit pour tendre sa seule main vers son voisin de droite - l'autre bras étant entièrement dans le plâtre.

« Enchanté, je m'appelle Natsuki. » annonça-t-il avec un sourire.

Il était l'Assistant du Hokage, donc un minimum connu, mais il était toujours plus poli que de se présenter.

Natsuki cligna des yeux à deux reprises en dévisageant Himuro, comme s'il ne comprenait pas tout à fait la question qui venait de lui être posée.

« Je ne suis pas certain de voir où vous voulez en venir. » hasarda-t-il en haussant un sourcil. « Vous voulez dire, '' est-ce que j'ai le temps de profiter un peu de la vie et de me détendre à l'occasion d'une célébration qui réunit toute notre Famille dans la bonne humeur ? '', ou plutôt '' est-ce que j'ai vraiment le temps d'être ici alors qu'étant le Second de ce Village, je devrais plutôt être comme notre Hokage et travailler 26 heures sur 24 sans jamais sortir de mon bureau ? '' »

Souriant après ses paroles, Natsuki observa sa réaction en même temps qu'il évaluait son âge. Qui était difficile à évaluer, soit dit en passant. Il avait les yeux d'un adulte, mais le corps d'un adolescent qui conduisit le Nara tatoué à taper dans une moyenne de seize ans.

« La vie n'est pas que travail, jeune homme – surtout pour nous, les militaires. Je dirai même qu'il est assez malsain de ne vivre que pour sa carrière. Tout être pensant a besoin de moments récréatifs pour s'aérer l'esprit, ou d'un hobby pour se changer les idées. Et celui qui me dit que sa carrière est son hobby est à mes yeux celui qui va le plus mal. »

Disant cela, il attrapait en même temps un plat de salade de légumes, et entreprit de se servir.

« Aujourd'hui nous sommes en période de paix, et c'est ce que nous célébrons : le jour où notre clan a pu enfin ranger ses armes après avoir trouvé un foyer – et s'être battu pour le bâtir. Qui voudrait passer à côté de l'occasion ? Nous en avons déjà bien assez de nous faire tuer au quotidien. La vie est courte, et nos instants de répit rares : je ne vois aucune bonne raison de ne pas en profiter. »

Il n'en voyait en tout cas aucune de se tuer à la tâche hors période de crise. Il avait vécu en plein dedans pendant dix ans, ces moments d'évasion tenaient presque de la nécessité pour sa santé. Physique comme mentale...

« A vous entendre, j'ai l'impression que nous aurions mieux à faire qu'à célébrer notre Histoire dans la joie et la bonne humeur. Y a-t-il une raison à cela, ou vous n'aimez tout simplement pas les rassemblements ? Ce qui est votre droit. »

Il n'y avait pas de jugement dans la voix de Natsuki, seulement le questionnement d'un homme qui s'intéressait à son jeune voisin de table.

« Je vous sers ? » proposa-t-il en désignant le plat de légumes froids.

En un autre temps et une autre époque, les nerfs à fleur de peau de Natsuki auraient flanché devant une réponse aussi impertinente, et il se sera très certainement énervé bien au-delà du nécessaire, voire même du raisonnable. Aujourd'hui, alors qu'il n'était plus vraiment malade et plus ou moins en paix avec lui-même, il pouvait se contenter d'un froncement de sourcils devant des propos puérils d'un adolescent qui à son sens, ne savait même pas de quoi il parlait. Parce que à l'entendre, Natsuki avait presque l'impression qu'il lui était reproché de prendre des moments pour lui plutôt que de travailler perpétuellement pour le bien de tous. Ayumi ne montrait pas forcément le bon exemple, mais tous n'étaient pas des machines comme elle, et lui avait déjà fait assez de problèmes de santé comme cela : la Hokage comme son second avaient des funérailles prévu pour leurs quarante ans vu leur rythme de vie respectifs, aussi il ne comptait pas trop la devancer.

La suite de la discussion reprit toutefois le vent en poupe, Himuro expliquant ce qu'il pensait de cette fête du clan Nara, et de ce que devait être la vie pour lui au quotidien.

« Pour les mêmes raisons que nous fêtons l'anniversaire d'une personne une fois par an plutôt que tous les jours, j'imagine. » répondit Natsuki. « Surtout qu'aujourd'hui, ne nous fêtons pas un moment de paix mais un moment – celui de la finition du Quartier Nara au sein de Konoha - parce que nous sommes en paix. C'est une fête qui ne concerne que notre clan, et qui rompt un peu le quotidien de notre vie bien rythmée. Je veux dire, qu'est-ce que vous appelez '' vivre la vie dans un cours normal '' ? Se lever, travailler, dormir et recommencer le lendemain ? L'existence d'un être humain se résume à un peu plus que cela normalement. Nous ne venons pas au monde uniquement pour nous tuer à la tâche, mais pour profiter un peu aussi des plaisirs de la vie. Cette réunion du clan est une occasion allant dans ce sens. Une célébration de notre culture et de notre Histoire, certes, mais aussi une soirée passée à prendre du bon temps et à nouer des liens avec des personnes que l'on ne fait jamais plus que croiser dans la vie de tous les jours. »

Natsuki attrapa un plat de nouilles sautées pour faire suite à ses légumes, et se débrouilla plutôt bien pour se servir, compte tenu de l'exercice réalisé avec l'aide d'une seule main.

« Mais je suis d'accord avec vous : il ne faut pas oublier. Et personne n'oublie jamais. Reiko que vous voyez là-bas n'oubliera le jour où elle a enterré son fils, tombé pendant la Révolution. Ryuken continue de voir chaque jour sur sa fille les traits de sa femme qu'il a perdu pendant le conflit. Personne n'oublie jamais vraiment ce que notre clan a vécu, autant à titre personnel qu'à l'ensemble des nôtres, mais nous ne pouvons pas laisser non plus les moments sombres de notre Histoire nous envahir au quotidien. Ce genre de fête est là pour nous apporter un peu de lumière aussi, que nous soyons shinobi ou civil. »

Car les civils étaient aussi présents dans la plupart des clans. Si les grands clans comme les Hayashi ou les Nara étaient connu et respectés pour la puissance militaire qu'ils représentaient, et pour les shinobi d'exceptions qu'ils fournissaient, ce n'était pas pour autant que tous les membres embrassaient la carrière de ninja. Certains choisissaient parfois d'autres voies. C'était rare, mais cela arrivait. Du moins, pour les natifs. Car contrairement aux Hyûga qui entretenaient leur capacité héréditaire dans la consanguinité, les Nara comptaient près d'un tiers de '' pièces rapportées '' dans leur clan, le mariage étant plus ouvert avec l'extérieur puisque leur don clanique s'apprenait plutôt que n’héritait.

« Mais dites-moi Himuro, êtes-vous un soldat au service de Konoha, ou bien avez-vous d'autres vues de carrière dans la vie ? »