La nuit venait de tomber sur Shoukou, la capitale d’Ame no Kuni, mais les lumières artificielles empêchaient toute obscurité de la recouvrir. La ville ne dormait jamais vraiment. Cette nuit là, Fujisawa n’était pas non plus en train de dormir bien qu’il la passait dans une taverne. De taille assez imposante, les gérants de cet établissement voyaient passer de nombreuses têtes différentes chaque jour. Nombreux étaient les voyageurs qui décidaient de s’arrêter ici malgré l’insécurité de la ville et la corruption des gardes. Ce n’était pas l’endroit rêvé pour qui cherchait un lieu où se reposer tant la cohue était constante. Dans un coin de la grande salle, un musicien jouait régulièrement ce qui avait la mauvaise habitude d’attirer des touristes un peu trop intrépides.

C’était l’un des lieux préférés de Fujisawa à Shoukou, malgré ses séjours irréguliers, il y avait toujours ses petites habitudes. Lorsqu’il s’y trouvait, il restait constamment au même endroit, assis à la grande table au centre. Si les jeux d’argents étaient récurrent dans ce lieu, la présence même du Sabakyô suffisait généralement à refroidir la plupart des autres joueurs. Si sa grande renommée internationale n’était pas encore d’actualité, les habitués de la taverne ne savaient que trop bien qu’il ne fallait pas l’affronter aux jeux sans être prêt à perdre le contenu de sa bourse. Mais ce qui faisait surtout sa réputation, ce n’était pas son niveau aux jeux, qui était, somme toute, assez commun, mais plutôt sa faculté à réussir à faire miser les autres tout ce qu’ils possédaient. Si la perte de ses mises ne semblait pas dérangeait le jeune homme plus que cela, nombreux furent ses adversaires qui finirent totalement ruinés.

Finissant son verre, Fujisawa fit signe au serveur de lui en apporter un autre. Assis seul à sa table, il scrutait les clients d’un air fatigué. Il n’était pas à Ame depuis bien longtemps, mais il s’ennuyait déjà, cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas eu une véritable occasion de s’amuser et ce qu’il voyait dans la taverne ne le réconfortait pas beaucoup.

- Fuji ! Ça faisait longtemps ! Qu’est-ce que tu deviens ? Tu travailles toujours pour Tatsu ?

- Shitamura, je commençais justement à me dire que la soirée ne pouvait pas empirer. Qu’est-ce que ça peut te faire pour qui je travaille ?! Alors, tu t’assoies et tu joues ou t’es juste venu pour me faire chier ?

- Je vois que t’es pas devenu plus sympa avec le temps, c’est cool.

Affichant un sourire un peu forcé, le dénommé Shitamura, s’assit à la même table à quelques places de distance. Il sortit une petite bourse qu’il posa sur la table, ce à quoi Fujisawa réagit directement en commençant à distribuer les cartes.

- On ne va pas jouer très longtemps si tu n’as que ça.

Comme s’il attendait précisément cette remarque pour agir, le regard de Shitamura s’illumina avant d’afficher un sourire en coin. Il ouvrit alors la bourse avant d’en déverser le contenu sur la table. Une dizaine de pierres précieuses commença alors à s’en échapper. Le regard du Sabakyô s’illumina alors tout autant. Tout laissant échapper un léger rire, il sortit de sa sacoche la totalité de l’argent qu’il avait sur lui, plusieurs centaines de milliers de Ryos. Immédiatement une réaction se fit sentir dans la salle, les voix s’abaissèrent légèrement et des regards curieux et intéressés s’échangèrent. Comme pour relâcher la tension avant qu’elle ne s’installe, il planta un kunaï juste à côté de son pactole pour montrer qu’il ne valait mieux pas essayer de le voler.

- Bon ! Y’en a parmi vous qui sont prêts à se faire plumer tout leur or ?

Hrp:

Lorsque Fujisawa aperçut l’homme qui vint tranquillement s’assoir à leur table, il ne put s’empêcher de reconnaitre que ce dernier avait un gabarit particulièrement impressionnant. Ce n'était d’ailleurs pas souvent le cas, puisqu’il faisait lui-même plus de deux mètres. Enfin bon, l’apparence n’était pas souvent déterminant sur la puissance d’un individu et seule la maitrise du chakra pouvait réellement impacter le résultat d’un combat de son niveau. Mais peu importait puisqu’il n’était pas venu dans ce lieu pour un affrontement physique. Cet homme voulait les suivre dans leur partie, grand bien lui faisait.

- Et bien, si t'es prêt à suivre, ça me va.

- Une bataille ouverte ? Non, c’est un jeu presque aussi simple. On a chacun 4 cartes devant soi, on en regarde deux sans les montrer aux autres. On fait nos paris et on retourne les cartes, celui qui a le plus gros score remporte le tout. Les scores correspondent à l’ordre des cartes de l’as jusqu’au roi, il suffit ensuite d’additionner les scores de chaque carte. C’est donc presque entièrement basé sur la chance.

Il était rare de voir Fujisawa jouer à un jeu où le talent était vraiment important puisque cela n’avait jamais été son fort. Loin de vouloir s’améliorer pour éviter de toujours perdre, il s’était simplement mis à jouer à des jeux ne reposant presque que sur la chance. C’était également l’une des raisons pour lesquelles on refusait souvent de jouer avec lui, il n’y avait pas de manière plus frustrante de perdre son argent.

Il distribua alors quatre cartes à chacun des joueurs. Après avoir regardé ses deux premières cartes, il avança une liasse de billet sur la table. Ce n'était qu’une simple partie de son argent, mais compte tenu de son pactole, il s’agissait déjà d’une somme importante.

- Il faut bien s’échauffer un peu.

- T’as bien raison, je vais te suivre !

Shitamura compta rapidement les billets du regard avant d’avancer approximativement l’équivalence en pierres avant de tourner son regard vers l’inconnu.

- Je ne t'ai jamais vu dans ma taverne, t'es un voyageur ?

- Toujours à vouloir tout savoir sur tout le monde, ça va t’attirer des ennuis à force. Surtout que la plupart des voyageurs qui passent par des endroits comme ton trou à rat ont des choses à se reprocher.

Ce fut alors au tour de l’autre homme de jouer. Il suivit alors la mise, avant de montrer aux deux autres sa main supérieur. Les choses commençaient mal pour le Sabakyô, mais il n’était pas prêt d’arrêter pour autant.

- Tu vois, c’est pas difficile comme jeu !

Spoiler:

L’étranger ne semblait pas dérangé par les questions du tavernier, c’était assez rare par ici. Bien que le lieu pouvait semblait accueillant et que le patron pouvait se montrer sympathique, certains clients un peu trop bavard avaient été retrouvé le lendemain gisant dans leur propre flaque de sang à quelques mètres seulement de l’entrée. Évidement, Fujisawa ne craignait pas un tel incident puisqu’il n’était pas du genre à baisser sa garde dans un tel endroit, mais il tenait sa langue malgré tout par précaution. Il s’était déjà fait voler un contrat après en avoir trop parlé en buvant et il n’était pas du genre à commettre deux fois la même erreur.

- Ce n’est pas bien grave si tu as moins à miser, surtout si tu continues à gagner.

Regardant ses cartes, il remarqua qu’il avait une bonne main, capable de rattraper sa défaite précédente. Après avoir chacun parié, Fujisawa retourna le tout, montrant ainsi à chacun sa victoire sur cette manche.

- Ah ! Ça fait du bien quand ça arrive quand même.

Avec un grand sourire, il récupéra l’argent de l’inconnu et les pierres de Shitamura. Ce dernier semblait clairement moins jouasse qu’au début, il avait déjà perdu un bon tiers de sa réserve et attendait avec impatience que la chance tourne en sa faveur.

- Et bien bienvenue à Ame, Goren. Tu peux m’appeler Fujisawa et si tu cherches des gens prêts à se salir les mains, on peut dire que t’es tombé à l’endroit qu’il te faut. Je ne connais pas une seule personne ayant gardé les mains propres plus d’une journée dans cette ville.

Le Sabakyô se remit alors à distribuer les cartes pour la manche suivante. S’il n’était venu dans ce lieu que pour se saouler et jouer aux cartes, Goren avait attisé sa curiosité. Il se demandait ce que pouvait bien être son projet pour être venu dans ce pays uniquement pour faire des recrutements. Selon lui, il s’agissait soit d’un projet de grande envergure, soit l’homme était juste stupide et si c’était le premier cas, il aurait été bien trop dommage de ne pas en savoir plus.

- Si l’argent que tu as là est effectivement tout ce que tu possèdes, il te sera bien difficile de convaincre qui que ce soit de risquer sa vie pour toi. Sauf si bien sûr, tu comptais les motiver d’une différente façon.

Confiant après sa victoire précédente, Fujisawa misa à nouveau une somme conséquente avant d’être rapidement suivi par les deux autres joueurs. Chacun révélant ses cartes, le Sabakyô eut la bonne surprise de réaliser qu’il avait à nouveau gagné. Ramassant ses gains, il remarqua que le tavernier commençait à atteindre sa limite, tandis que Goren, malgré ses deux défaites d’affilée, se retrouvait avec presque la même somme qu’au départ.

Hrp:

- Crois moi, c’est pas une petite partie qui me fera fermer l’établissement. Je ne vais pas pleurer pour une poignée de pierres non plus…

Malgré ses beaux discours, le tavernier n’était pas joyeux d’avoir presque tout perdu. Il n’était cependant pas suffisament stupide pour miser tout ce qu’il avait contre le Sabakyô. Et si ce dernier avait posé sur la table l’ensemble de l’argent qu’il avait, avec ses deux victoires, il ne risquait pas vraiment de tout perdre.

Après la distribution des cartes, Goren décida de mettre l’ensemble de son argent en mise ce qui ne manqua pas de surprendre tout le monde. Cela fit particulièrement plaisir à Fujisawa. S’il voulait volontiers récupérer tout cet argent, il était surtout content de voir quelqu’un d’aussi motivé que lui. Évidement, la somme engagée n’était pas du niveau de ce qu’il possédait, mais c’était l’intention qui comptait. Si les deux cartes qu’il avait regardées n’étaient pas fantastiques, cela n’avait plus d’importance à ses yeux.

- Et bah je vais te suivre hein, faudrait pas gâcher une telle initiative.

- Oh et puis merde ! Je vous suis…

Chacun avança donc sa mise tandis que Goren commença une tirade expliquant un peu plus son projet et sa méthode de recrutement. Il demanda alors au Sabakyô pourquoi il ne se contentait pas de prendre l’argent qui était sur la table s’il n’était motivé que par cela. Armé d’un grand sourire, il répondit tout en retournant ses cartes.

- J’aime bien l’argent c’est sûr, mais seul il n’a que peu de valeur à mes yeux. Ce qui m’intéresse c’est surtout l’excitation qui précède son gain. Si je fais partie de ces gens qui pensent que le monde ne tourne pas comme il le faut, je ne suis pas le seul à être malgré tout motivé par les gains. Agir sans intérêt personnel n’est pas dans mes plans, mais il faut parfois réussir à trouver son intérêt dans les plans des autres. Malgré ça…

- ET BIM ! Allé ! Viens voir papa !

Interrompu dans son discours, Fujisawa remarqua alors que le tavernier venait de remporter la main. Il récupéra alors la mise totale, revenant approximativement au niveau du Sabakyô tandis que Goren venait de perdre tout ce qu’il avait.

- Malgré ça, je disais, si tu as un projet en particulier, on pourrait en parler autour d’un verre, ça m’a l’air d’être particulièrement important pour que tu viennes jusque dans ce pays pour recruter des gens. Bon, Shitamura, on se fait une dernière main, sans mise, le gagnant remporte le tout ?

- Je te jure, tu finiras par signer ma perte avec le temps.

Dans un long soupir, le tavernier avança tout ce qu’il avait avec le pactole de Fuji’ au centre de la table. La tension dans la salle venait de monter d’un cran, il y avait plus en mise que ce que la plupart des gens présents ne gagnaient en plusieurs années. Posant les cartes une par une, Fujisawa finit par gagner de seulement quelques points avant d’exploser de rire. Saisissant quelques billets, il les tendit vers le tavernier avec un large sourire.

- Tiens, va nous chercher une bonne bouteille et console toi avec le reste.

Dégouté, il s’exécuta, laissant les deux shinobis seuls à table tandis que Fujisawa rangeait le reste de l’argent devant les regards jaloux des autres clients.

- Fin du spectacle, retourner à vos vies pourries ! Bon, Goren, parlons affaire…

Le Sabakyô écouta silencieusement Goren. Il lui arrivait souvent d’entendre des jeunes avec des rêves plein la tête, promettant monts et merveilles à ceux acceptant des les rejoindre dans leur noble quête. La plupart finissait mort avant d’avoir quitté la ville. S’il n’était clairement pas convaincu cette fois-ci non plus, il devait bien reconnaître que son interlocuteur était quelque peu différent. Si le maniement des mots ne semblait pas être son fort, il semblait toutefois parler avec une forme de sincérité qui ne passa pas inaperçu. Malheureusement pour lui, un beau projet et de l’honnêteté n’étaient pas suffisant pour persuader Fujisawa de le suivre.

- Donc si j’ai bien compris, tu comptes créer une organisation ou une guilde dont l’objectif serait de modifier le monde pour qu’il corresponde plus à ta vision. Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu n’as pas froid aux yeux.

Ce qu’il remarqua surtout, c’était que l’étranger lui avait parlé de son plan au bout de quelques minutes seulement, sans même vérifier ses intentions. A sa décharge, il n’avait rien dit pouvant être réellement utilisé contre lui, mais pour un paranoïaque comme le Sabakyô, c’était suffisant pour l’inquiéter sur le sérieux de son offre. Malgré cela, il voulait quand même en savoir plus, si sa raison lui disait de se méfier, il était bien trop intrigué pour refuser maintenant.

- Je dois bien avouer que l’idée d’une guilde servant un intérêt commun tout en s’assurant que l’intérêt personnel de chacun est respecté m’intéresse, mais bon, je n’ai pas trop l’habitude de travailler sans attendre de rémunération. L’intérêt de miser tout ce que j’ai n’existe que si le gain est à la hauteur. Appelle-moi un pessimiste si tu veux, mais je ne vois pas comment un simple groupe de mercenaire pourrait changer le monde. Assassiner un Daimyô, attaquer un village shinobi, ce sont déjà des actes d’une grande complexité, alors changer le monde…

Malgré l’intérêt qu’il portait au sujet, Fujisawa avait du mal à garder son sérieux en prononçant ses mots. Il cherchait encore à déterminer si son interlocuteur était sérieux à ce sujet ou s’il ne s’agissait que d’une métaphore.

- De plus, ce que tu proposes m’a plus l’air d’être une regroupement d’amis partageant le même rêve et sans vouloir te décevoir, mais je ne suis pas du genre à me faire des amis… ou même à avoir des rêves. Après, tu gardes peut-être encore des détails pour toi, comme par exemple tes projets intermédiaires. L’ambition c’est bien, mais je préfère les résultats à court terme.

Fujisawa ne se reconnaissait pas, cela faisait déjà plusieurs minutes qu’il parlait de ce projet avec lui et malgré qu’il lui manquait des informations essentielles, il continuait à vouloir en savoir plus. Il avait l’habitude d’envoyer directement promener ce genre de projets. Sans savoir s’il était vraiment intéressé ou s'il ne s’agissait que d’une curiosité, tout ce qu’il remarquait c’était que Goren semblait bien plus capable que tous ceux qui s’étaient présenté à lui jusqu’à maintenant. La dernière fois que cela lui était arrivé remontait à une demi-douzaine d’année lorsqu’il s’était laissé convaincre de rejoindre Kumiko et la rébellion contre l’Empire sans aucune forme de paiement. Cependant, il réalisait quand même que les deux projets n’avaient ni les mêmes moyens, ni la même envergure. Entre renverser un tyran avec une armée ou changer le monde avec une bande de criminel, il y avait une différence.

Alors que le tavernier apporta la bouteille et que Goren commença à se servir, Fujisawa approcha son verre, demandant ainsi tacitement à son invité de le lui remplir.

- C’est à peine correct comme alcool, mais que veux-tu ? Ils ne sont pas capable de fabriquer quoi que ce soit de bon dans ce pays… Rien ne vaut l’alcool de Ta no Kuni de toutes façons.

Buvant quelques gorgées, il reposa son verre avant de reprendre la conversation.

- Ne te méprend pas, je n’ai pas dis que ce rêve était irréalisable. Loin de moi l’idée de sous-estimer le potentiel que peut avoir ce genre d’idée. Un tel projet nécessite cependant des éléments indispensables pour réussir. Du temps, des moyens et des partisans seront obligatoires et pas qu’un peu. Partager une vision et s’entraider les uns les autres, c’est bien beau, mais ce n’est pas avec ça qu'on arrivera à quoi que ce soit.

Prenant une petite pause, Fujisawa porta son verre à ses lèvres avant de reprendre avec un ton légèrement moins léger.

- Habituellement, j’évite de m’associer, disons que cela m’a souvent permis d’échapper à un triste sort. Je pense que c’est nécessaire dans ce métier de savoir prendre ses distances avec certaines propositions et de montrer de la méfiance face aux promesses. Malgré cela, s’enfermer dans une vie de solitude n’est pas la solution. Ton projet m’intéresse comme tu as pu le remarquer et tes ambitions ne m’effraient pas, je me demande juste si je dois y croire ou pas. Je ne demande pas des détails qui risqueraient de le mettre en péril, mais je dois savoir si ce dans quoi je m’engagerais me satisferait réellement. Je n’ai pas l’intention de faire quoi que ce soit sans m’être décidé là-dessus. Et autant être honnête là-dessus, ce n'est pas avec uniquement une vision sur le très long terme ou des promesses d’une camaraderie mutuellement bénéfique que je vais me laisser convaincre. Mais d’abord, dis-moi, qu’est-ce que tu veux vraiment ? Quel est ta vision pour ce projet ?