Les coudes appuyés sur la balustrade, elle tire une cigarette de son paquet qu'elle allume d'une simple pression de l'index sur l'extrémité. Son affinité raiton fait le travail. Il y a comme une petite décharge au moment où elle tire dessus. Elle en expulse la fumée une quelques secondes plus tard par la commissure de ses lèvres, le tout avec une certaine lenteur. La Nukenin est seule sur son balcon en cette fraîche mâtiné d'été. Shimo n'est pas un pays des plus convivial, ni plus riche, ni plus inspirant que Haï à son goût. Ses yeux aveugles balayent la plaine qui s'offre à elle. Ses facultés de perception lui permettent de discerner son environnement avec plus de netteté que n'importe quel être humain dans ce monde au point de pouvoir faire par exemple la corrélation entre la température et l'humidité de l'air avec les divagations et le rythmes de la faune sauvages qu'elle perçoit, tant par le son que le chakra. Par-delà l'odeur de cigarette et celle de la rosée matinale, qui ne s'évapore qu'une fois parvenue aux heures les plus tardives de la journée, elle sent les effluves épicées en provenant des cuisines du palais. Le tintement des couverts en intérieur lui est aussi distinct que le croassement des grenouilles en extérieur. Elle ressent la caresse des rayons du soleil sur sa peau avec suffisamment de précision pour déterminer l'heure qu'il est. Elle laisse ainsi le temps défiler avec un certain détachement.

Car en cet instant il ne se définit pas par la course de l'astre diurne à travers la mer d'azur, mais plutôt au nombre de cigarette qu'elle allume. En principe, pas plus de trois. S'en est devenu son petit rituel du matin. Les années passant, sa propension pour ses petits bâtonnets de nicotine n'a de cesse de croître. Trop de travail ? Trop de stresse ? Simple mauvais plaisir ? Elle a depuis longtemps oubliée cette époque où ce vice n'était qu'occasionnel. Quant à la moralité dans cette histoire, il lui suffit de se dire que la mort par tabagisme est le genre de luxe qu'elle ne pourra sans doute jamais se se permettre en raison de son espérance de vie bien plus précaire inhérente à sa profession. C'est aux moment où le caprice d'une quatrième cigarette vient effleurer son esprit qu'un garde la rejoint sur le balcon. Red ne prend pas la peine de se retourner, elle l'a déjà senti venir et sait exactement à qui elle a affaire. Pour ainsi dire, elle surveille inconsciemment les allés est venues de toutes les personnes dans le palais et notamment celles qui, lentement, s'amassent dans la salle de réunion.

Une énième vague de dissident l'attendent. Le pis étant qu'il s'agit de ses propres hommes, de son propre clan, si tant est que cette notion ait la moindre valeur aux yeux d'un Saibogu. Sitôt annoncé, elle emboîte le pas suivit de près par le garde Shimojin. La cheftaine porte une tenue civile pour l'occasion, un simple tailleur noir, ses cheveux se rejoignent en une longue queue de cheval dans son dos. Elle a des airs de femme d'affaire. C'est l'un des nombreux masques qu'elle porte après celui ceux de mercenaire impitoyable, d'héroïque cheffe de guerre ou encore de régicide. Tandis qu'elle descend les escalier pour se rendre jusqu'à la salle de réunion, elle énumère mentalement les effectifs présents. Plusieurs de ses semblables qu'elle connaît pour les places importantes qu'ils occupent au sein de l'organisation. Naturellement cela aurait été encore trop facile sans Kaminari pour s'en mêler. Une escorte ne tarde pas à la rejoindre alors qu'elle traverse le couloir. Sait-on jamais. Elle rejoint finalement les autres personnes dans la salle de réunion. Tout le monde est là. Les Kaminarijin ainsi que les Saibogus. Red quant-à elle, bien qu’élégante dans ses apparats et d'une éminente neutralité, comme toujours lorsqu'il est nécessaire de faire preuve d'un semblant de professionnalisme.

« Mesdames et Messieurs, Kaminarijin, Kyomujin, Saibogu, à cette réunion. J'invite tout le monde à s'installer dès à présent aux places dédiée à chacun. » Red s'assied derrière son bureau. Une fois encore elle est le centre de l'attention, bien que les Saibogu ne soient pas en reste.  « Nous sommes ici réuni afin d'écouter les réclamations nées d'un désaccord entre une partie des Saibogu indépendant sous la tutelle du Kyomu et de la dite organisation. Les représentants de Kaminari ici présent ont pour objectif de s'assurer que tout éventuel accord ressortant de cette réunion n'aille pas à l'encontre du traité d'alliance économique et technologique initialement signé entre le Kyomu et le pays de la foudre. Moi, Saibogu Red, vais naturellement représenter mon organisation. Je laisse le soin à la représentante de Kaminari de s'introduire en tant que tel, puis ce sera à vous messieurs dames. Partant de là, nous serons tous disposés à attendre vos réclamations. » Dit-elle en finissant par s'adresser aux Saibogu d'un ton clair et précis.

Elle commence rapidement par faire mine de feuilleter les documents laissés à sa disposition, simplement pour les apparences. En réalité elle sait déjà de quoi il retourne. En effet, si l'on peut compter nombre d'éminents esprits dans les rangs du Kyomu, tous, pour la plupart ne sont à l'origine que des renégats, des individus ayant décidé de renier le système pour des raisons qui leurs son propre. Et d'une certaine façon ce système vient de les rattraper en ce jour. Tout du moins c'est ce qu'ils aiment croire. L'avis que Red se fait d'une telle attitude ne mérite pas d'être exprimée avec des mots édulcorés, raison pour laquelle elle se contente de garder le silence, attendant de constater s'il n'est autre qu'un caprice de leur part. Ce faisant, elle laisse courir ses capacités sensorielles à travers la salle et bien-au-delà. Son attention reste néanmoins essentiellement focalisée sur ses confrères et consœurs Saibogu.

Spoiler:

Spectre:

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La nouvelle avait eu l’effet d’une bombe. Notre chef et leader Saibogu Red venait de nous vendre au village de Kumo, allant jusqu’à nous forcer à habiter dans les terres d’un pays récemment conquis : le Pays du Givre. Lorsqu’elle avait fui le village de Suna, nous nous étions levé contre les membres de notre propre clan et l’avions suivi dans son projet de fonder le Kyomu. L’organisation était parvenue ces derniers mois à asseoir son autorité et étendre son influence à Hai no Kuni et au-delà. La victoire contre l’Empire nous avait permis de graver le nom du Kyomu dans le marbre de l’histoire de même que l’alliance avec le pays de la Foudre qui bien que contraire à nos principes s’étaient révélée fructueuse. Jamais ne nous aurions pu imaginer une telle trahison de sa part. Une trahison qu’il nous appartenait maintenant de clamer haut et fort et de combattre. Moi, Saibogu Jensen avait donc demandé une audience auprès de de Red. Accompagné des chefs de familles concernés par sa décision, nous étions bien déterminés à faire respecter notre volonté.

Après maintes discussions, nous étions finalement parvenus à obtenir une tête à tête avec Saibogu Red. Mais tel un défi lancé à notre égard, celle-ci aurait lieu à Shimo no Kuni et nous n’avions d’autre choix que de nous préparer à immigré vers cette terre. Devant partir dans la contrainte, menacé par les soldats à la botte de notre « ancienne » chef, nous n’avions eu d’autre choix que d’obtempéré. Si Red voulait employer la manière forte, nous le ferions nous aussi, quitte à nous soulever contre son dictat.

Arrivé en premier dans la salle où notre destin allait se jouer, je discutais des derniers détails avec Homura et Saiko. Notre cohésion se devait d’être parfait, Red profiterait de la moindre faiblesse pour nous diviser et ne faire qu’une bouchée de nous. D’autres personnes de notre clan étaient présentes, protecteurs ou scientifiques faisant partis des trois grands groupes que nous dirigions. La première non Saibogu à entrer fut un représentant Shimojin, un membre de la noblesse venu représenter la Daimyo de cette terre. Vint ensuite une jeune femme, la représentant Kumojin, un crâne à la main. Elle ne prit même pas la peine de nous parler, se contentant d’agiter sa main en guise de politesse. Les Kumojins avaient-ils si peu de respect pour nous qu’ils avaient envoyé une gamine à moitié folle en tant que porte-parole, ce qui n’eut pour conséquence que de nourrir notre colère et d’affirmer notre détermination. Enfin arriva Saibogu Red. Tous étaient debout et sans qu’un seul bruit n’émane de l’un de nous, nous écoutâmes sa présentation. Celle-ci nous salua et nous invita à nous assoir, ce que ne nous fîmes en personne civilisé, bien que l’envie de lui désobéir m’avait effleurée l’esprit aussitôt sa bouche ouverte. Il n’en sortait de toute façon que des mensonges. Elle expliqua la raison de la tenue de la réunion puis invita la Kumojin à se présenter pour terminer par nous. La gamine, qui murmurait des paroles inaudibles à son crane telle une folle se présenta sous le nom de Kadoria Madoka. Le prestigieux clan Kadoria était tombé bien bas pour accepter qu’une folle ne fasse partie de ses rangs et se voit en plus confier une mission aussi importante. Balayant la salle du regard, je pris un instant pour regarder mes camarades puis fusilla Red du regard.

« Moi, Saibogu Jensen, parlerait au nom de mon groupe. Saibogu Homura et Saibogu Saiko feront de même avec les leurs. »

Un silence s’installa. Fort de ma position d’orateur, j’attendais volontairement que l’ambiance ne devienne pesante pour redonner à cette réunion toute la gravité qu’il devait en émaner.

« Nous sommes tous trois fermement opposé à votre décision, Red, de nous faire venir sur ces terres et n’avons aucunement l’intention de la respecter. Comment pouvez-vous croire que nous le ferions après un tel coup bas ? Nous qui vous avons suivi tout au long de ses années, contre le reste du clan et contre le village de Suna. Comment osez-vous nous trahir ainsi ? Je frappai la table de mon poing puis continuait mon allocution. Venir ici et accepter d’être sous la tutelle du village de Kumo serait renier nos convictions. Nous sommes partis de Suna pour une bonne raison : obtenir notre liberté, dans le sang s’il le fallait. Obtenir notre liberté et laisser libre court à notre créativité et notre inventivité, sans qu’une entité ne puisse nous brider ou nous déconcentrer dans nos recherches. C’est tout bonnement inacceptable, et sachez que dans l’état, nous refusons d’obéir à un tel ordre. »

Assise derrière son bureau, les jambes croisées, un document entre les mains. Absolument rien en elle ne trahit la moindre forme d'agacement et ce face au déluge de sottises qu'est venu lui déblatérer Jensen en cette belle matinée d'été. Si Red peut paraître détendue dans un contexte qui ne s'y prête pas, elle n'en demeure pas moins sérieuse afin de témoigner tout l'intérêt qu'elle porte aux dires du Saibogu. Un index posée sur la tempe, elle le laisse finir son grossier monologue. Elle peut clairement sentir toute la hargne et la colère couler dans ses veines et ce en dépit du bon sens. Tel est sans doute ce qui l'agace le plus dans cet entretien bien qu'elle soit confronté quotidiennement à ce genre de comportement.

« Nous allons commencer par replacer la situation dans son contexte si vous le voulez bien Jensen. » Dit-elle en reposant avec un soin méthodique le document sur son bureau. « Si les Saibogu que nous connaissons se retrouvent aujourd'hui sous la tutelle du Kyomu, en tant qu'indépendant non affilié à un village ou à une nation c'est avant tout pour une seule raison : le besoin d'indépendance. Vos plaintes sont donc, en soit, parfaitement légitime. Je les comprends. Néanmoins vous n'êtes pas sans savoir que les choses ne sont jamais aussi simple. »

L'on entre dans le vif du sujet. Les raisons pour lesquelles elle juge cette discussion pleine de non sens. A croire que ses semblables Saibogu ne savent faire preuve d'aucun recul. Aujourd'hui la cheftaine comprend un peu plus son père ainsi que les raisons qui lui ont permit de s'élever au-delà de la condition de ses semblables pour se placer à la tête d'un clan destiné à façonner la face du monde. Car davantage que l'un des plus grands génies de ce siècle, Satoshi a été et est toujours un formidable entrepreneur ouvert sur le monde, capable de saisir toutes les perspectives que ce dernier a à lui offrir. Il est désormais assez ironique de voir que Red, elle qui l'a toujours méprisé pour ce qu'il est, ou plutôt pour ce qu'il n'a jamais été, emprunte désormais la même voie ainsi qu'un cheminement de pensée similaire. Et il est assez dépitant pour elle de constater que Jensen et ses comparses n'aient aucune de ces qualités.

« Malgré la possibilité de jouir d'un libre arbitre quasi totale nous faisons aujourd’hui face à la mêmes problématiques qui ralentie considérablement la recherche chez nos confrères de Kaze. »

Elle marque volontairement une pause pour souligner l'éminence de ce qui va suivre.

« Le manque de ressource. »

L'histoire d'un pays situé dans un désert dont les matières premières font cruellement défaut.

A ces dires elle s'enfonce un peu plus dans son fauteuil, ses mains formant alors une pyramide parfaite au niveau de son menton.

« Notre génie et notre imagination n'ont peut-être pas de limite, mais nos moyens si. La différence avec Kaze étant que nous ne disposons pas des financements nécessaires pour pallier à ce problème. C'est là qu'intervient Kaminari, c'est là qu'interviennent les Kinzoku... »

La femme d'affaire lui adresse un sourire plein de charme et de malice accompagné du haussement de sourcil évocateur allant de pair avec. Commence t-il enfin a saisir ? Il est étonnant de voir à quel point les scientifiques peuvent parfois s'avérer étroit d'esprit. Perdu qu'ils sont dans leur laboratoire, centré sur leur recherche, incapable de voir et comprendre la société qui les entoure.

« Ils sont ce qui manquent à notre nom depuis toujours. Avec la capacité de synthétiser cette matière première qu'est le métal et de la façonner selon nos désirs, nous n'aurons plus aucune limite. Notre alliance sert avant-tout à cela. Que diriez-vous d'apprendre ? »

Nouveau sourire. Les Saibogu ont beau ne pas être une famille, ne pas avoir de liens aussi solide que les autres clans, ils n'en demeurent pas moins que tous ses membres ont en eux la même idée directrice, la même corde sensible sur laquelle Red peut tirer.

« Imaginez un instant que vous en soyez capable Jensen. Façonner vos inventions comme bon vous semble. Accomplir l'équivalent de plusieurs mois de travail en un simple claquement de doigts. Tel est ce que nous offre cette alliance avec Kaminari. »

Elle parle sans retenue, consciente de la présence des émissaires de Kumo à qui elle n'a rien à cacher. Tout du moins dans ce cas précis. Inutile de se leurrer. Malgré toute la sympathie grandissante entre les deux parties que son le Kyomu et la Foudre, il n'en demeure pas moins qu'à l'origine cette alliance n'est qu'une affaire d'intérêts.

« Or, j'ose imaginez que vous êtes parfaitement conscient que l'on n'a jamais rien s'en rien. Ces avantages et ces pouvoirs de nous devons tous les mériter » Dit-elle en désignant d'un geste ample de l'a main l'ensemble des individus présent dans la salle, dont la délégation de la Foudre. « La construction de cette flotte de navire va dans ce sens. Nous sommes à deux doigts d'accomplir ce que nos homologues de Kaze ne sont jamais parvenus à accomplir. Et si la crainte du manque d'indépendance vous rebutes toujours autant sachez que les projets avenirs vous permettrons d’œuvrer avec davantage de marge de manœuvre, le tout sans la tutelle de Kaminari. »

Son regard de jade jusqu'alors planté dans ceux de Jensen balayent cette fois-ci l'assemblée Saibogu.

« Madame et messieurs. Nous nous apprêtons à écrire une nouvelle page de l'histoire de ce monde. C'est à vous de me dire si vous voulez inscrire votre nom dessus. »

Dit-elle avec calme et gravité tout en continuant de sonder le cœur des contestataires. Naturellement le comportement de la Kumojin non-loin ne lui a pas échappé. Red s'est rapidement rendue compte que quelque chose ne va pas chez cette jeune femme, son coloriage qu'elle ne peut lui cacher ne va pas contredire cette idée. Aussi préfère-t-elle régler ce problème avant qu'elle ne complexifie la situation plus que de raison. Elle reprend alors la parole après un moment de silence.

« Madame Madoka. Il semblerait qu'il y ait méprise. Il doit, en effet, y avoir eu un quiproquo dans la gestion des effectifs de Kumo. Vous ne semblez pas habilitée à représenter votre village pour cette réunion, raison pour laquelle je vous prierais de quitter les lieux sur le champ. »

Elle s'exprime d'un ton toujours aussi calme et courtois, mais il y a en plus cette subtile nuance dans la voix qui incite à avorter toutes formes de contestations.

Spectre:

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