« Mizuki, tu as un instant ? » demanda Natsuki en entrant dans le bureau du Hokage à la porte entrouverte – signe qu'elle était disponible pour recevoir qui que ce soit.

Il s'arrêta toutefois sur le pas d'entrée, en découvrant sous le bureau des jambes et un séant qui n'appartenaient pas à Mizuki. Il cligna des yeux à deux reprises, puis tourna la tête sur le côté, où il trouva la jeune Aburame sur la pointe des pieds devant une armoire, essayant de remettre un dossier en place sur le dernier rayon.

« Un des tiroirs s'est encore bloqué ? » questionna-t-il en désignant du menton l'ouvrier affairé sous le bureau kagal.

Il s'approcha de Mizuki pour lui prendre le classeur des mains et le monter.

« Si tu as quelques secondes devant toi, je te serai gré de regarder ceci. » demanda-t-il en lui tendant une feuille de papier. « Et si tu ne les as pas, délègue, car c'est relativement pressant. »

La feuille en question était le résumé de la discussion qu'il avait eu une demi-heure plus tôt avec Shizu Inuzuka et Izumi Gekei.

« J'ai déjà envoyé Montesquieu avec une lettre dans la région, pour voir ce qu'il pouvait me rapporter des ninja affectés à la surveillance. » expliqua-t-il en restant évasif, vu qu'ils n'étaient pas tout à fait seuls.

Avec le contexte sous les yeux, Mizuki ne devrait normalement pas avoir trop de mal à comprendre – sinon, Natsuki commencera à croire qu'il y avait du pitonnage dans cette affaire de succession du Pyjama de l'Ombre du Feu.

« Mais comme cela date de plusieurs jours, et que rien n'est encore remonté, je ne pense pas que les retours seront très probants. Après, tout aussi bien il n'y a rien, et ce n'est qu'une rumeur. Tu sais comme moi que l'on ne sait jamais vraiment à quoi s'en tenir quand les informations viennent d'un vieux PNJ barbu débarqué de nulle part avec son point d'exclamation '' quête à achever '' au-dessus de la tête. »

L'agent d'entretien, qui ressemblait davantage à un concentré de tous les stéréotypes possible de la profession plutôt qu'à un vrai professionnel, se recula hors de sous le bureau, et annonça qu'il avait arrangé le soucis du tiroir bloqué. Il l'avait essayé et il coulissait bien, comme le prouvaient les six Natsuki² apparut pendant la réparation. Habitué à cela depuis l'ère de Miko, il se contenta d'une respectueuse salutation avant de s'éclipser avec sa boite à outils.

« Vous pouvez fermer la porte en partant. » lui glissa Natsuki lorsqu'il atteignit le pas de cette dernière.

Il reporta son attention sur Mizuki.

« Je disais donc. A mes yeux, il n'y a pas trop de raison de s'emballer pour cela. Mais cela ne coûte pas grand chose de vérifier. J'ai bien découvert Ichibi alors que j'enquêtais sur des tremblements de sable. »

La description qui figurait à son sujet dans le databook laissait toutefois croire qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie, au même niveau de la légendaire Chèvre de Kiri.

« Et comme ce sont surtout les animaux qui semblent sensibles à sa présence – hypothétique -, je me suis dit que le plus simple serait d'interroger tes informateurs privilégiés. »

L'information, Mizuki ne l'avait pas forcément, cela il en avait conscience. La Hokage avait besoin de savoir ce qu'elle cherchait avant d'envoyer ses légions parcourir le Pays du Feu, sans quoi elle serait incapable de gérer la quantité astronomique de données – généralement inutiles - qu'elle recevait de ses milliers d'yeux et d'oreilles.

« Sinon, pour le Pays du Soleil, tu as du nouveau ? Je sais que ce sont de paisibles habitants qui ne cherchent querelle à personne, et qui ne posent absolument aucun soucis, mais si nous commençons à tolérer que tout le monde nous grignote des bouts de Pays à gauche à droite, nous n'allons en mener large avec l'Empire du Feu. Il faudrait au moins que nous officialisons la chose avec eux - comme apparemment, ce n'est pas humain de les exterminer ou de les affamer -, histoire de pouvoir étouffer dans l'oeuf en toute légitimité tout autre projet similaire qu'un quidam pourrait fomenter. Quand tu seras officiellement rentrée de ton entrevue avec le Régent de Suna, je serai disposé à me rendre devant leur muraille pour parlementer avec eux si tu veux, même si normalement, les affaires du territoire concernent plutôt notre Daimyo. Mais bon, comme elle n'a pas l'air très concernée non plus pour le moment... Ce que je peux entendre tout à fait. Avec la guerre contre Suna, et la mobilisation d'effectif pour éduquer Yohru, nous sommes déjà bien occupés, et nous ne pouvons pas nous permettre de séparer davantage nos forces sur plusieurs fronts. »

Beaucoup de paroles pour une simple question, mais c'était essentiel pour avoir des nouvelles. Car le cas échéant, c'est ce texte-là qui serait sorti des lèvres de Mizuki, et il n'aurait pas été plus avancé.

Natsuki haussa les épaules.

« En même temps, l'on ne m'a pas donné de raison de m'inquiéter. Je veux dire, je me suis chargé d'envoyer un espion là-bas pendant plus d'un an, et il a fait un excellent travail. Tu as vu la taille de son rapport ? »

Il désigna du doigt sur l'étagère un gros dossier couvert de poussière et de toiles d'araignée.

« Sauf qu'au final, ce rapport, je l'ai lu aussi bien que toi - et donc j'en sais autant que toi -, mais je ne sais pas tout. »

Il avait prononcé sa dernière phrase en se penchant vers elle, afin qu'elle regarde dans la même direction que lui, vers un étrange mur dont les briques tremblaient.

« Je crois qu'il y a des courants d'air dans ton bureau. »

Il s'absenta de la conversation un instant, le temps de déposer un dossier inutile pour boucher l'appel d'air froid. A tout hasard, il prit celui concernant la délégation Kirijin.

« Je disais donc... Je me suis laissé entendre que le Pays du Soleil pouvait cacher quelque chose de gros. Comme une armée qui se prépare à nous envahir par exemple, avec en fond un dispositif capable de neutraliser le chakra n'importe où. Je dis cela j'en sais rien. Enfin, j'en sais rien, si j'en sais un peu, mais je ne sais pas tout. Enfin, tu m'as comprit. »

Il soupira.

« C'est vraiment compliqué de jongler avec des informations que l'on connait mais que l'on ne connait pas. Je ne sais pas comment tu fais pour gérer ce plan avec Yohru et l'historique de son maître. Son histoire à la présentation peut-être ? Enfin passons, là n'est pas le sujet. »

Le sujet, c'était le Pays du Soleil, et quoi en faire. '' Rien '' était un bon plan pour projet abandonné, surtout quand le Pays en question n'avait même pas été dessiné sur la carte. Mais puisque plusieurs choses avaient déjà été entreprises à son encontre – comme envoyer une espionne là-bas -, et que Natsuki s'était laissé entendre aussi que le projet reprendra bientôt vie, ce serait dommage de passer à côté d'une occasion de briller devant tout le monde en les coiffant sur le poteau parce que lui était déjà prêt. Surtout avec son ancien étudiant dans le coin...

« Après, tu me parles d'être sans chakra, mais tu sais, je ne compte pas spécialement mettre là-bas. Je veux dire, si je dois négocier quoi que soit, je veux que soit au pied du mur. Comme cela eux, ils seront dos au mur, et en cas de pépin, j'aurai largement de quoi m'enfuir. Je ne suis pas assez bête pour m'en prendre à un Pays tout seul, surtout sans chakra. »

Et puisque les capacités uniques de son corps étaient considérées comme affiliées au chakra, contrairement aux samurai, eh bien il ne pouvait pas vraiment compter là-dessus non plus.

« Après, si vraiment tu me le demandais, je pourrai aller rayer le Pays de la surface de la carte. J'ai pas besoin de chakra pour cela. J'ai juste à faire comme Rin quand il est super grand... »

Il désigna le Rin de cinquante mètres en question de l'index qu'ils pouvaient tous les deux voir depuis la baie vitrée du bureau de Mizuki. Sûrement l'entrainement de Shigo dont il avait parlé.

« ...et je leur lance des gros rocher. Je veux dire, j'en ai pas l'air comme cela, mais je suis aussi costaud que lui. Tu as vu ces biceps ? »

Il leva le bras à l'équerre, et appuya du doigt de son autre main sur le muscle indiqué pour le faire ressortir.

« Mais bon, entre nous, ça me ferait un sacré poids sur la conscience devoir tuer autant de monde. Je ne dis pas que je ne le ferai pas s'il le fallait, qu'on soit d'accord là-dessus. Je regrette parfois la nécessité de mon devoir, mais jamais celle de mes actes. Mais il est clair que cela m'embêterait un peu la frappe préventive sans fondement. »

Son regard glissa de nouveau subtilement vers le rapport d'espionnage de son espion.

« Le Yamanaka avec la tête de mort en guise de masque, Shigo, lui pourrait le faire sans sourciller. Le problème, c'est qu'un gringalet comme lui, même en comptant l'apport de puissance de sa promotion avec note ajoutée dont il ne cesse de nous rabattre les oreilles, il manque un peu de puissance de frappe pour y parvenir. »

Il se tut un instant pour imaginer Shigo avec la puissance sus mentionnée. C'était un bon soldat dans le fond, et dans la forme aussi. Le problème, c'est qu'il n'était qu'un soldat. Il pensait froidement et avec un détachement total en toute circonstance, et d'une manière qui rendait très difficile de savoir à quoi s'attendre avec lui. Mais dans le doute, en choisissant le pire, l'on était plus souvent positivement surpris. De temps en temps en tout cas...

« Mais bon, c'es toi qui voit. Sache juste que une fois qu'on en aura vraiment fini avec cette guerre ridicule contre Suna, et que cette histoire abracadabrantesque de Démon à Queues sur notre territoire sera résolu, si jamais tu veux lancer un ultimatum au Pays du Soleil pour permettre aux civils de fuir avant qu'on ravage tout, Je veux bien m'en occuper. Simplement, il faudra qu'on en discute : on ne supprime pas des millions de vies comme ça sur un coup de tête. »

Pas Mizuki en tout cas, et c'est parce qu'il la jugeait comme une personne sagace et réfléchit qu'il la servait avec loyauté, tout comme il a servit Miko avant elle – et qu'il sert toujours plus ou moins d'ailleurs, même si elle l'a renié et fait assassiner Iji, son meilleur ami.

Dignement, il retint une larme à cette pensée, car il savait que c'était entièrement de sa faute pour s'être montré faible.

- Non, non. Pour Yohru je fais mine de savoir et il enchaîne, sachant que lui sait vraiment. Ou en tout cas, il sait ce qu’il veut et peut savoir.

Je regardai le dossier poussiéreux et acarienné (non ça n’existe pas, mais j’écris encore ce que je veux), essayant de me remémorer ce qu’il y avait dans ce rapport d’espionnage de la fameuse personne qu’il avait envoyé au sein de Taiyô. Alooooooooooors, ce que l’espion nous a permis de savoir, c’est que :
- Le Pays du Soleil est un pays aux apparences calmes, parsemés de petits villages agricoles et où la population y est très heureuse ;
- Au niveau du ressenti, on ne ressent pas l’impossibilité d’utiliser le chakra, on n’a l’impression de ne pas en avoir ;
- Il existe une espèce d’armée qui maintient l’ordre au sein du pays, très courtoise mais qui est relativement très présente ;
- Beaucoup d’habitants sont d’anciens ninjas recrutés dans tous les pays du Yuukan (mais qui ne peuvent pas utiliser de chakra, du coup) ;
- La capitale est une espèce de grande forteresse où personne ne peut aller en dehors de certaines personnes habilitées ;
- Une fois entré à Taiyô, il est théoriquement impossible d’en ressortir sans une autorisation spéciale et exceptionnelle ;
- Le Pays renferme de façon évidente un énorme secret, sans doute renfermé à la capitale.

Voilà ce que le dossier, en résumé et en substance, renfermait, en plus évidemment des récits quotidiens, de descriptions diverses et variées, d’informations sur la faune et la flore et d’autres choses qui ne seraient pas très très utiles au déroulement du récit. Maintenant qu’on est tous les deux au courant de ce qu’on est censé savoir grâce à l’espionnage, on pouvait discuter sans sous-entendu étrange.

- Honnêtement, Taiyô me préoccupe. Vraiment. Mais s’ils prévoient une invasion, il semblerait que leur armée est soit très bien cachée, soit… trop peu nombreuse pour ne serait-ce qu’inquiéter le sud du pays.

Deux solutions, à vrai dire : soit l’espionne en question est finalement un transfuge (ce qui expliquerait cet étrange paradoxe entre « personne ne sort » et « l’espionne est sortie ») qui ment sur les informations qu’elle a trouvée, soit il existe un complexe souterrain en-dessous de la fameuse capitale qui contient une armée incroyable… Ou alors l’armée de Taiyô est ridiculement faible.

- Au fond, ils n’ont jamais réellement tenté quoique ce soit envers nous, si ? Ils ont soudoyé quelques administrés pour rester tranquilles, sans plus. Ce sont les autres Nations qui se sont tous pointés en même temps devant leurs murs pour leur demander des comptes alors qu’il y avait franchement mieux à faire partout ailleurs.

Je soupirai néanmoins : l’espionne avait permis d’avancer dans ce qu’on savait du pays, mais on n’en savait effectivement pas encore assez. Même s’ils voulaient être tranquilles, ils ont tout de même réussi à soudoyer des Hijins pour qu’ils gardent le secret de leur existence ; alors que, concrètement, leur existence n’a pas spécialement à être caché.

- Tu proposes quoi ? J’ai aucune idée pour le coup de ce qui est le mieux.

Natsuki afficha une mine déçue. Il pensait en savoir plus sur ce qu'il savait, et que ce qu'il savait était un peu plus... important. Bon, tant pis, il devra se contenter de ce qu'il avait apprit sur ce qu'il savait.

« Mmh... Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, point pour toi. Si leur armée est trop peu nombreuse, alors nous n'avons pas grand chose à craindre. C'est vrai, nous n'avons jamais été mit à l'amende par des types qui se comptaient sur les doigts des mains par le passé. Les Furyou, les Romains, Makka, tout cela, des groupuscules sans incidence. »

Il se retint de citer les Démons à Queues, parce qu'il avait affronté Shukaku tout seul, et que ce dernier avait été vaincu par trois pelés. Il ne comptait donc pas.

« Après, il est sûr que si l'on attaque les premiers le Pays du Soleil en mode * taïaut taïaut *, cela ne va pas arranger notre image de Village sanguinaire, dictateur, cruel etc etc... Alors au final, c'est peut-être mieux d'attendre et de voir venir, en supportant simplement l'affront de s'être fait grignoter un bout de terrain sans rien dire. Puisque bon, dans le fond, qu'est-ce que l'on risque ? Si l'on laisse le Pays du Soleil croître, et gagner en puissance, ce n'est pas comme si nous, de notre côté, nous allons stagner. Alors le seul défaut, c'est si un jour l'effet qui s'applique au Pays du Soleil se répand partout. Car là, nous serons marrons. »

Naîtra alors une nouvelle ère, sans chakra, et les Saibogu règneront en maître avec/contre les samurai.

« A la rigueur, nous pouvons séparer le Pays du Soleil du reste du continent. Ils vivent en autarcie, donc qu'ils soient au milieu de l'océan ou rattachés à nos terres, quelle différence ? »

L'eau des nappes phréatiques, c'est tout. Un détail donc, surtout pour les cultures.

« Bon, il est sûr que ce n'est pas un exploit que je ferai tout seul. »

Natsuki avait ses limites, et il savait les reconnaitre : il n'était pas Kyoshi.

« Sinon, un sujet complètement différent maintenant, sur lequel l'on s'est toujours entendu tacitement, mais où l'on n'a jamais mit les choses au clair. Je veux dire, j'ai toujours considéré que tu as envoyé tes petits oiseaux, ceux qui te ramènent des informations pour leur majorité inutiles, me stalker pendant quelques mois avant ton service en tant que Hokage, et que du coup, tu sais ce que je suis. Et toi, je ne pense pas me tromper en disant que tu as considéré peu ou prou la même chose. »

Voir la narration '' Affaires d'état ''. ndlr

« Mais même en admettant cela, que tu m'as accepté pour ce que je suis malgré tout, il y a encore beaucoup de zones d'ombre. Peut-être est-il temps de faire lumière dessus, si cela t'intéresse. Et surtout, si tu as le temps. Je sais que nous sommes débordés en ce moment, tout le temps en fait même, et que j'ai beau me plier en huit, tu passes quand même plus de temps à vivre dans ce bureau que ailleurs. »

Ceci était dit sur le ton du constat, et non du reproche, ce qui laissait entendre qu'il ne voulait même pas imaginer l'état de la jeune femme si lui se risquait à faire moins. Ce qui était impossible, grâce au tiroir gauche.

« La version longue, tu peux la trouver dans le '' Secret Médical '', mais je ne pense qu'elle soit adaptée à la situation présente : elle se prête davantage pour un moment solennel, plein d'émotions, de doutes, d'intensités, tout cela. Là, nous sommes posés tranquillement, sans pression, donc faire dans le drame et l'intense, ce serait un peu... déplacé ? »

Le fait qu'il parlait de cela avec autant de légèreté le surprenait presque lui-même, mais lui montrait aussi il avait bien cheminé dans son travail sur lui.

« Donc voilà, je ne vis pas exactement avec un démon, comme tu l'avais sous-entendu la dernière fois. Et dire que j'en suis un est un terme très générique, un peu comme classer les humains et les rats dans la même catégorie. »

A savoir, mammifère.

« L'exacte réalité de la situation, c'est que je me suis '' installé '' dans ce corps. Ce n'est pas le mien, à l'origine, je n'en ai même jamais eu. C'était un gros paquet de nerfs sans conscience à l'époque, animé juste pas un instinct, mais le séjour qu'il a passé dans un laboratoire lui a rapporté tous les tatouages que tu vois, qui ont scellé la seule chose qui l'animait : sa soif de destruction. Moi, en tant que conscience, je suis né après, alors qu'il n'était plus qu'une coquille vide, et je me suis développé là-dedans l'identité de '' Natsuki ''. Cela s'est plutôt bien passé jusqu'à il y a dix ans, quand l'instinct de ce corps s'est réveillé, et est naturellement entré en conflit avec moi, locataire indésirable et indésiré. C'est ce qui a expliqué mon comportement un peu froid et austère ces dernières années. »

C'était très léger comme explication, au point de ne pas lever le voile sur tout si l'on se montrait pointilleux, mais toute version courte d'un long roman avait ce défaut : il fallait couper des passages pour que cela rentre dans la poche.

« Aujourd'hui, cela va beaucoup mieux, comme tu peux le voir. L'hiver, c'est un peu compliqué encore, mais cela mis à part, je me porte comme un charme. Fini les accès de rage impromptues et la mauvaise humeur au quotidien. Donc voilà, pas de quoi s'inquiéter. Et maintenant que tu es au courant de tout, nous pouvons tourner la page et passer à autre chose. »

Comme retourner travailler par exemple.

« Ah non, juste une chose encore. Les blagues sur les cornes, je les tolères en privé, mais à petites doses : elles me complexent encore un peu. »

Près de trois mois après, nous retrouvions nos deux protagonistes dans la même pièce, au même endroit. Aucun des deux ne semble avoir vieilli, aucun des deux ne semblait avoir vu le temps passé au sein de cet agréable bureau. Ils souriaient, ils se gaussaient, ils s’esclaffaient même, le tout sans savoir qu’en réalité, aucun des deux n’était aussi insouciant, innocent et plein d’espoir en l’humanité dans la réalité vraie du monde fictif dans lequel ils évoluaient. Preuve en est : cette conversation sur le pays du soleil improbable quand on la lit dans le prisme de la situation géopolitique du monde.

- Je pense que Taiyô est un problème, mais qu’il n’est pas la priorité. Qu’est-ce qu’on risque de toute façon ? Ce pays est sans chakra visiblement. Ce serait improbable qu’ils aient en leur sein de quoi détruire le monde. Aha. Aha. Aha.

Hein, « ahahahah » ?! Trop marrant, je trouve. Surtout avec le recul que l’on a de la situation. Mais bon. La suite était cependant plus intéressante, et justifie à elle seule la continuité de cette narration (parce qu’autant je vous aime, autant vous m’aimez, autant la blague du « AHAHA le pays du soleil n’est pas dangereux CLIN D’ŒIL » ne mérite pas de refaire un focus de plusieurs mois en arrière, ne déconnons pas. J’assume la blague pas hyper drôle). L’histoire du Nara. Ou un condensé, en tout cas.

Mes recherches et mes enquêtes m’avaient en effet permis de déterminer que Natsuki n’était pas un être humain comme les autres, qu’il faisait partie de ceux qui ont en leur sein un démon, des Jinchuriki mais en moins puissant puisque ce n’était pas des bijuu qu’ils avaient en eux. Ces enquêtes et ces recherches ne reposaient sur rien de sérieux, au demeurant, juste sur des intuitions et des rêves de jeunes blondes – et ces enquêtes approximatives justifient à elles-seules, de nouveau, cette narration. Mais je n’avais pas imaginé que celui qui possédait l’autre, c’était Natsuki. Plissant un peu les yeux, je regardai le Nara de haut en bas.

- Mais… Si tu possèdes le corps du démon… Ça veut dire que c’est un démon anthropomorphe ? Et que donc des démons pourraient se promener n’importe où avec l’apparence d’humains ?

Voilà qui était potentiellement inquiétant, si des démons sanguinaires, cruels et sans pitié avaient la forme d’humains… Oh mais où avais-je la tête, ce genre de démons à un nom. Ce sont des péhèneji, une race de démon créé par le Dieu paria T’omhaa pour détruire le monde en croyant amusé les shinobis. Aha, naïf qu’il était.

- En tout cas, peu importe ce que tu es, ou étais. L’important c’est ce que tu es maintenant.

Je lui adressai un sourire chaleureux. Natsuki était l’un des shinobis les plus forts de son temps, et sans doute l’un des Konohajins en qui j’avais le plus confiance.

- Par contre, cet instant confession ne nous empêche pas d’avoir une tonne de boulot.

Je lui tendis trois dossiers sur lesquels il devait bosser aujourd’hui. Au fond, je ne pouvais nier le fait que je me sentais satisfaite et flattée qu’il se soit confié à moi. Une fois qu’il eut pris les dossiers, je tournai le dos pour aller m’affairer aux miens.

- Allez, au boulot. Il faut prendre le taureau par les cornes.

Oups.