Son attaque avait échouée.

Un échec lamentable. Croyait-il réellement pouvoir faire une différence sur la balance, lui qui n’est qu’un néophyte impuissant au milieu de lions ? Yanosa l’avait bel et bien dit lors de leur discussion à Yuki no Kuni : Haru manque cruellement de technique. Charger tête baissée sur l’ennemi et espérer le frapper n’est guère une option favorable. Il est vrai que le temps manquait cruellement et les Shinobis n’avaient point le temps de mettre en place une stratégie efficace… Cela n’excuse cependant pas le malheur qui a découlé de cette action et il en a payé le prix.

Alors qu’il n’était qu’à quelques centimètres de frapper l’adversaire masqué, une sorte d’écran s’est levé entre son poing et le torse de sa cible. Nul temps de réagir, sa dextre s’est enfoncée dans ce portail, suivit aussitôt de son corps en entier. Sans comprendre pourquoi et comment, il s’était déplacé quelques mètres plus loin de celui que l’on nomme Jiseyama. Puis, ses prunelles ambrées perçurent l’immense tsunami de sable s’étant élevé plus tôt. Sans même avoir le temps de lever le petit doigt, son corps accueillit contre son gré cette violente vague. L’impact causa de nombreuses hémorragies internes et externes ainsi que de nombreuses fractures.

L’océan de sable et de lave se calma à un moment. Le corps de l’apatride resta végétatif au cœur de cette marée granulaire. Le regard hagard, malgré l’intense martyre qu’il ressentait, aucun son ne sortit de sa bouche. Sa vision devint obscure et la dernière chose dont il se souvient est le terrible hurlement du démon renard perçant ses tympans, son chakra déferlant dans tous les sens.

Étais-ce la fin ? Tant de questions restaient sans réponse alors que sa conscience l’échappait rapidement. Pourquoi le blond a-t-il lancé cette vague de sable sur l’armée Taiyôjin ? Est-ce dû à un manque de coordination ou était-ce son intention depuis le début ? Les forces du Soleil ont-ils survécus à ce revers de situation ? Le brun est-il également tombé victime de cette trahison ? Si non, a-t-il prévenu le pire ? Et, surtout, est-ce que son sacrifice fut en vain ? Son cortex généra une dernière image avant de succomber dans les ténèbres : celle de sa petite sœur. Ah, pardonne ton stupide frère, Miyu. Lui qui ne voulait que sauver ce monde est mort sans même avoir fait la moindre différence. À cause de sa sottise et de son impuissance, le monde sera à feu et à sang. Tant d’innocents mourront… Et il s’éteignit avec cette dernière pensée en tête…

***

Une plaisante sensation frôla son faciès. Avant même d’ouvrir les paupières, il reconnut cette perception. Une douce brise caressait son visage. Il ouvrit les yeux à demi, son esprit encore dans les vapes. Les premières choses qu’il distingua, autre que la brise, est le plafond blanc et la présence d’une forte odeur de désinfectant. Machinalement, il reconnut ces éléments, propre aux hôpitaux. Son regard vogua alentour de la pièce déserte jusqu’à s’arrêter à une fenêtre entrouverte. Les raies de l’astre solaire l’aveuglèrent temporairement. Tant bien que mal, il se redressa en grognant de douleur et quitta son lit. Il figea lorsqu’il aperçut son reflet sur un miroir à l’autre bout de la pièce. Des pansements recouvrant la majorité de son corps ainsi qu’un plâtre recouvrant entièrement son avant-bras droit. Il soupira. À vrai dire, il n’a nul besoin d’examiner son reflet pour constater l’étendue des dégâts qu’il a encaissé. Le Shûkaijin est désormais habitué à un tel traitement… Quoi que, il n’est jamais tombé d’aussi haut. Il ne devrait pas marcher, il sent ses côtes fêlées et les os de ses jambes craqués au moindre mouvement.

Mais il est connu que la curiosité peut tuer le chat. Et avec les dernières images de son combat qui défilent dans sa tête comme un film d’horreur, il souhaite voir à quoi ressemble monde extérieur. D’un effort draconien, il marcha jusqu’à la fenêtre avant de s’écrouler sur l’allège. Il souleva avec peine ses iris dorées pour constater, les yeux écarquillés, qu’il avait atterrit dans un beau et grand village baignant dans la lumière estivale.

… Est-ce… Konoha ?

Sa voix est rauque et craquée. Au loin, il vit la célèbre falaise où les faces des précédents Kage y sont taillées en guise de mémorial, confirmant son doute. Puis, ce palais rouge iconique affichant le symbole « Feu ». Nul doute, il est au village caché de la feuille. Et quelle joie de voir qu’il tient encore debout, intact. Le brûlé soupira de soulagement, les yeux humides. Cette vue est-elle porteuse de bonne nouvelle ? Le camp de Yûgure Uma a-t-il réussi à contenir la bête et à sauver le monde ?

Spoiler:

« Ce sont des volets peint à l'effigie de paysage de Konoha oui. » répondit une voix sympathique dans son dos. « Ils sont décorés ainsi pour ne pas trop perturber les étrangers que l'on dépose à l'hôpital, pour ne pas qu'ils aient l'impression d'être ce qu'ils sont vraiment, à savoir enfermés. »

Il s'avança jusqu'au jeune homme, et constata qu'il ne tenait debout qu'avec peine.

« Je m'appelle Natsuki, je suis l'Assistant du Hokage. Je vais avoir besoin de votre temps pour vous poser quelques questions, et j'ose espérer que j'aurai votre entière coopération. »

Il n'y avait pas de menace cachée derrière son ton et son sourire ouvert, seulement la suggestion implicite que '' oui '' était la meilleure des réponses à fournir.

« Mais avant, peut-être désirez-vous que je fasse entrer un peu d'air frais ? »

Ce n'est pas comme s'il risquait d'aller bien loin, sans possibilité de recourir à son chakra et avec un corps dans son état – les soins n'avaient pas été volontairement limités au strict nécessaire pour rien, l'on n'était jamais trop prudent. Natsuki ouvrit donc la fenêtre, et déverrouilla les volets avec une peinture réaliste pour les écarter. Se révéla alors exactement le même paysage qu'ils affichaient, au détail près que la montagne n'arborait plus les visages des différents Hokage depuis longtemps.

« Moi aussi, je trouve que le Mont Hokage – ou plutôt, le Mont Rien Du Tout maintenant – manque de cachet depuis que l'on a fait retirer les visages des prédécesseurs dessus. Mais c'était un peu ridicule en un sens. Shiajin Suguato avait fait cesser ce culte de la personnalité durant son mandat, et après quatre générations de Hokage sans nouvelle sculpture, Miko Aburame avait décidé de carrément tout retirer. Mais les visages sont toujours sur les cartes postales, vous pouvez en acheter à l'accueil si cela vous tente. »

Natsuki se tira une chaise, ainsi que la table adaptable près du lit pour y poser son carnet : autant en profiter pour faire son rapport en même temps que plutôt que d'en perdre en le rédigeant plus tard.

« Bien, vous êtes prêt ? Si vous commenciez par me dire qui vous êtes, et d'où vous venez ? Nous n'avons pas encore eu l'occasion de mettre un nom sur le joli bracelet en plastique que vous avez au poignet. »

Par défaut, l'on y écrivait donc où la personne avait été trouvée.

« Et puisque l'on parle du Pays du Soleil, je serai très curieux de savoir ce que vous faisiez là-bas. En général, les shinobi évitent de s'y rendre, principalement à cause de ce petit soucis lié au chakra que nous y rencontrons. »

Le problème en question n'y était plus, puisque Miko était parvenu à s'y rendre elle-même, mais à priori, ce n'était résolu que depuis très peu.

« Ce qui m'amène naturellement à la question suivante : comment avez-vous fait pour vous aventurer si loin sur ces terres pourtant si fermées ? »

Et histoire de ne pas trop le surcharger, Natsuki concluait cette première série avec une dernière question.

« Je ne peux m'empêcher de remarquer que vous avez la voix rauque et cassée. Vous voulez du sirop ? »

Une voix retentit derrière lui, le faisant sursauter. Son esprit embrumé débuta à s’éclaircir et il écouta attentivement l’individu survenant dans sa chambre temporaire. Lorsque le tatoué dévoila la supercherie, Haru sentit une lourde honte pesée sur ses épaules. Voilà que le ninja impérial parait bel et bien pour un imbécile. C’est avec un maigre sourire crispé qu’il tenta de chasser ce malheureux sentiment.

J-Je vois…

Effectivement. Maintenant qu’il est plus alerte, il jeta à nouveau un œil sur ce fameux paysage. Comme l’a souligné son interlocuteur, il s’agit de volets à la décoration plutôt réussi. Néanmoins, il ne peut empêcher de se sentir idiot pour s’être fait berner de la sorte. Peut-il excuser cette piètre erreur par son état ? Il en doute fort.

Qu’importe. Écartant ce petit moment cocasse, il focalisa son attention sur le dénommé Natsuki : un homme au teint mat plutôt robuste possédant une longue crinière grisâtre puis de nombreux tatouages, parcourant non seulement ses bras, mais également son faciès. Il se présentant en tant qu’assistant de la présente Ombre du Feu et annonça qu’il aura besoin de sa coopération afin de répondre à quelques questions. Face à cette demande, Haru resta incrédule un instant, surpris des façons Konohajins. Dans une telle situation, il s’attendait plutôt à subir un interrogatoire par les forces spéciales. En tout cas, si les rôles étaient inversés et que le bras droit de l’Hokage était blessé, à Iwa, il ne donnerait pas cher de sa peau. Silencieusement, il remercie la gracieuseté de cette contrée.

Oui, bien sûr. Sans problème.

Il est vrai que le scarifié a quelques informations à distribuer et il est prêt à partager de son plein gré ses connaissances à toutes les nations si cela peut aider à maintenir la cage du mythique renard en place. Peut-être que ses supérieurs n’apprécieront pas qu’il collabore ainsi avec un « potentiel ennemi » de l’Empire, mais cela n’a pas son importance dans la présente situation. Et puis, intérieurement, il n’a jamais été un Heishi exemplaire, suivant aveuglément les désirs expansionnistes du Kamui. Au diable sa « loyauté », cela est définitivement plus grand que le Shûkai et concerne le monde entier.

L’Akita laissa l’assistant ouvrir les fenêtres alors qu’il rejoignit avec peine son lit, grommelant quelques jurons sous sa barbe. Il réalisa finalement ô comment il est mal en point. Jamais n’a-t-il encaissé auparavant une telle raclée. Il semble, si on le lui permet, qu’il soit obligé de rester cloué ici pour une ou deux semaines si la chance lui sourit. Lorsque les volets furent retirés, il aperçut le même paysage, à un grand détail près : les célèbres visages taillés dans la pierre ne sont plus. Natsuki débuta son explication. Oui, en effet. Il est parfaitement d’accord avec cet éclaircissement. Il n’y a aucun mal de se souvenir des anciens dirigeants, mais il ne faut pas non plus que ça devienne une sorte de culte comme l’a-t-il si bien dit. Dans son cas, si le Samui vient à tomber, il n’ose pas imaginer quel genre d’hommage l’Empire lui fera…

Se tirant une bûche et sortant un petit calepin, il est désormais l’heure de débuter cet interrogatoire : qui est-il ? D’où vient-il ? Que faisait-il au pays du Soleil et pourquoi ? Ses prunelles ambrées fixées sur le fameux bracelet que les patients portent à son poignet, l’ombre d’un sourire apparu sur son fin minois alors que l’investigateur lui demanda s’il souhaite du sirop pour soulager la douleur à la gorge.

Je vous en remercie, mais ça ne sera pas nécessaire.

Soulevant le menton, il songea brièvement aux réponses à donner. Non, il n’osera jamais mentir. L’apatride n’a rien à cacher et est ouvert à toutes les questions qu’on peut lui poser. C’est en toute sincérité, sans aucune malice derrière ses propos, qu’il répondit à Natsuki.

Je me nomme Akita Haru. Je suis un Heishi du Shûkai. Maintenant, vous pouvez inscrire un nom sur ce bracelet ?

Bien sûr que c’est une blague. Inutile de s’attarder sur ces futilités. L’effet de comédie passée, le rouquin à la frange blanchie récupéra son discours là où il l’avait laissé.

Il y a peu, j’ai reçu pour ordre d’investiguer sur Taiyô no Kuni. Rien de plus. Seulement ça. Je devais rencontrer un partenaire à un point de rencontre, mais il n’est jamais apparu. J’ai donc décidé de poursuivre la mission seul et j’ai scruté pendant quelque temps les murs sans obtenir quoi que ce soit de concret. Au final, j’étais prêt à faire demi-tour. Cependant, une dernière idée plutôt stupide m’est passée par la tête : et si je demandais le passage à l’intérieur du pays ?

Dit-il en étouffant un bon rire, la douleur à la cage thoracique étant peu supportable. Il espérait uniquement que l’homme en face le croit sur parole, aussi improbable que cela puisse être possible.

Un homme m’a ouvert les portes et m’a guidé à l’intérieur des frontières. Yûgure Ao est son nom. Par la suite, un conflit à l’intérieur même du pays a éclaté. Nous nous sommes réfugiés à l’intérieur de souterrains et le Taiyôjin m’a dévoilé le système qui draine le chakra de tous. Par la suite, nous avons atteint une immense salle où une bataille était en cours pour la libération du démon renard et…

Haru perdit son sourire. Il fronça des sourcils. Un blanc s’installa.

J’ignore ce qui s’est passé après que j’aie perdu connaissance.

Tout ce dont il se souvient est que ce combat était une course contre la montre. Trois hommes et lui-même versus deux autres hommes puis une femme. Et, alors qu’il tentait de faire diversion, une marée de sable l’a percuté, le mettant ainsi hors d’état de nuire. Il croyait avoir succombé à ses blessures et le voilà dorénavant à l’intérieur d’un hôpital dans l’un des cinq villages cachés. Ses iris dorés plongés dans le regard céruléen de Natsuki, il implora en silence une explication. S'il est attentif, l'assistant pouvait déceler dans son regard une certaine panique. Que s’est-il passé, exactement ? Pourquoi est-ce qu’un tsunami est apparu derrière lui et a heurté l’armée ? Et, bien sûr, la question la plus importante du jour : est-ce que Kyûbi a bel et bien été neutralisé ?

Spoiler:

« Félicitation, inconscient de la dix-huit en réa', vous voilà promu Akita Haru. Un bel infirmier viendra plus tard vous fournir votre nouveau bracelet à la mode. »

Natsuki avait beau sourire et se montrer cordial, il était assez difficile de déterminer s'il plaisantait de bon cœur avec le jeune homme, ou si sa voix dégoulinait dans le sarcasme. Dans le doute, mieux valait prendre la première option.

« Un membre du Shukaï ? D'accord. »

Natsuki fit tournoyer son stylo dans sa main. Ce que lui répondait Haru était intéressant, mais soulevait quelques nouvelles questions que le Nara tatoué garda dans un coin de l'esprit pour quand il avait de nouveau la parole.

« Je ne vais pas vous dire que nous n'apprécions pas des shinobi de nations étrangères sur nos terres parce que cela est faux : notre territoire est très ouvert...»

En plus d'être très surveillé.

« … et nous n'avons rien contre les visiteurs et les touristes. Toutefois, pratiquer des opérations militaires chez nous est peu plus embêtant. Je ne vais pas vous expliquer pourquoi, l'histoire de la méfiance naturelle tout cela. Du coup, quand vous m'apprenez que des forces armées étrangères se donnent rendez-vous chez nous, afin de se déplacer en petits groupes pour réduire leurs probabilité de se faire repérer, c'est plutôt... embarrassant. Enfin passons, je ne vais pas vous condamner pour cela, ce n'est pas mon travail. »

Il arrivait fréquemment à Natsuki de – devoir - porter plusieurs casquettes, mais celle de juge et de bourreau étaient restés à la maison. Pour le moment.

« Du coup, vous disiez donc que vous deviez enquêter sur le Pays du Soleil. Pas d'objectif plus précis que cela ? Dans le genre chercher pourquoi le Pays n'a pas de chakra, qu'est-ce qui se cache derrière ses murs, quelque chose dans cet ordre d'idées ? Et en parlant d'idées, en avez-vous sur le pourquoi vos supérieurs s'intéressent seulement maintenant au Pays du Soleil ? Je veux dire, cette nation est cernée par le Feu et la mer, ses habitants ne quittent pas les remparts, elle est là depuis une bonne paire d'année, et surtout, il y avait un Démon à Queues qui ravageait/bombardait des villes dans plusieurs Pays. Une menace internationale pour ainsi dire. Le '' pourquoi maintenant ? '' me paraît donc légitime. »

Le pire était peut-être que '' parce que c'était une bonne opportunité '' était tout à fait recevable comme argumentation.

« Vous avez donc demandé le passage dans le Pays, une demande à laquelle les vigiles répondent en général par une volée de flèches lorsqu'il s'agit de shinobi. Plutôt audacieux, mais la chance vous a sourit, apparement. Vous pouvez m'en dire plus sur ce Yugure Ao ? Ainsi que sur les origines de ce conflit qui a été éclaté au sein du Pays ? »

Mais cela, c'était juste l'apéritif, car Haru avait été témoin de deux choses importantes : le système qui permettait de neutraliser le chakra sur les terres du Soleil, et la présence du Démon Renard là-bas. Aussi tout naturellement...

« Que pouvez-vous me dire sur ce système de drainage et sur Kyubi ? »

Quoi que Natsuki faisait avec ses mains, il ne quittait pas des yeux Haru, étudiant autant les mots qu'il prononçait que ceux qu'exprimait son langage corporel. Et il y avait beaucoup à apprendre là-dessus aussi.

« Après que vous ayez perdu connaissance, vous avez été récupéré par l'une de nos équipes de Konoha. Elle a ramené ceux qu'elle pouvait compte tenu de ce que la situation lui permettait, dont vous. Chance, eh ? Du coup, dernière question de cette série : qu'est-ce que vous envisagez de faire maintenant, dans un avenir à court terme ? »

Et vu qu'il était interdit de faire mention de l'avenir du Shukai et de Kumo tant que tous les conflits n'étaient pas terminés, Natsuki ne pu conclure sur une note de légèreté.

Eh bien, en voilà un autre qui, tout comme Yanosa, a besoin d’une barre Snickers pour passer au travers de sa journée. Face à la réaction de son interlocuteur à l’égard de sa tentative d’alléger l’atmosphère, le balafré déglutit et se sentit tout d’un coup mal à l’aise. Impossible de savoir si sa réponse est franche ou bien si elle transpire de sarcasme. Dans tous les cas, cette façon de parler le frotte dans le mauvais sens du poil et l’ancien esclave regrette aussitôt son geste. Dorénavant, pour le reste de cette entrevue – en espérant qu’elle reste tout aussi cordiale – il gardera ses commentaires pour lui et gardera un sérieux implacable.

Ceci dit, le bras-droit de l’Hokage transcrivit des notes dans son petit calepin puis souleva la problématique d’une opération militaire sur les terres d’une nation voisine. Effectivement, c’est une chose qui a glissée à l’esprit de notre héros au tout début de son excursion, mais la suite des événements a fait en sorte que ce détail devint rapidement sans importance. Il comprend la méfiance envers l’Empire. C’est tout à fait naturel – même Haru garde une certaine distance envers sa propre patrie. Entendre Natsuki dire que ce n’est pas son devoir de le juger pour cela le rassura et soupira en tentant d’être le plus subtil possible. Il est certain que, dans un futur proche ou distant, cette histoire surviendra de nouveau. Même s’il est au cœur de cette problématique, selon son opinion, il n’en porte pas une grande part de responsabilité. En tant que Soldat impérial, membre de la plus basse classe hiérarchique du système, il ne fait que suivre les ordres. Il n’est pas prêt à prendre un coup pour le Shûkai. Pas pour un Empire qu’il déteste.

Naturellement, vint les questions sur sa mission et le Konohajin poussa un peu plus le bouchon auquel s’attendait le rouquin à la frange opaline. Tout comme il l’a si bien dit lui-même, il est légitime de s’interroger sur plusieurs points. En autre, pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Voilà plusieurs années que Taiyô no Kuni existe. Ce pays n’a pourtant pas été conçu de toute pièce – remarquez ici mon sarcasme. Du coup, spécifiquement parlant, quels étaient les ordres d’Haru ? Et pourquoi ne faire quelque chose que maintenant ? Le jeune homme resta un moment immobile, méditant particulièrement sur la dernière question.

Je suis désolé, mais je ne peux répondre à vos questions. Non que je ne veux pas, mais plutôt car je l’ignore. Comme je vous l’ai dit, la seule commande que j’ai reçue est celle d’enquêter sur le pays. Aucune spécification particulière. Pour être franc, j’ai également trouvé cela douteux. Je me sentais comme un cobaye. Et à mes connaissances, le Shûkai ne s’est jamais intéressé par le passé à cette contrée… C’est tout autant un mystère pour vous que pour moi.

Une nouvelle fois, le brûlé fit preuve d’une franchise totale. Lui-même, l’individu ayant reçu l’ordre de missive, ignore ce qu’avaient en tête ses supérieurs. Une pensée effleura son esprit : savaient-ils pour Kyûbi ? Il fronça les sourcils. Venant de la part du Shûkai, c’est tout à fait possible. Mais encore, pourquoi envoyer un Shinobi néophyte tel que lui dans ce cas ? Trop de questions, si peu de réponses. Au final, il est inutile de s’attarder sur ce sujet plus longtemps. Cela ne signifie pas qu’il oubliera d’aussi tôt cette interrogation. S’il retourne au bercail, il compte obtenir la réponse à cette énigme. Néanmoins, pour l’heure, il prie uniquement que son interlocuteur le croit sur parole.

Vint finalement le sujet du pays du Soleil. Certes, l’on ne peut passer à côté de ce sujet. Ce territoire qui est resté un véritable mystère jusqu’à dernièrement abritait un danger planétaire. Et, comme l’a dit l’investigateur, la chance a souri à l’apatride. Il lui apprit par la même occasion que ceux ayant tenté la même chose par le passé ont été accueilli par une salve de projectiles. Une nouvelle fois, le scarifié avala sa salive. Avoir su cela, il n’aurait pas eu le courage de s’approcher ainsi des murs et faire part d’une telle demande. Il aurait fait demi-tour et retourné à Iwa. Cependant, il ne regrette pas son choix. Bien qu’il n’ait pas fait grand-chose, il s’en aurait voulu jusqu’à la mort d’avoir fui tel un couard alors que le monde avait besoin d’aide, et ce, plus que jamais.

Cet interrogatoire est sans fin. Question par-dessus question. Mais cela était prévisible. C’est le but d’un interrogatoire, après tout. Natsuki questionna ensuite son patient/prisonnier sur Yûgure Ao, son guide à l’intérieur des frontières de Taiyô, l’origine du conflit qui a éclaté puis le fameux système qui absorbe le chakra de tous les habitants.

Pour être franc, je ne connais pas vraiment Yugure Ao. C’est à lui que j’ai demandé le passage, et il me l’a offert. Je ne sais pas pourquoi. Lorsque le conflit est survenu, il m’a caché pendant quelques heures, m’interdisant de sortir, avant que l’on se dirige vers un souterrain. D’ailleurs, j’ignore comment a débuté cette bataille. Je ne sais même pas qui était les assaillants. Ce que je retiens, toutefois, c’est que lorsque nous avons atteint la cage du renard, Ao a appelé une dénommée Uma « maman ». Je retiens aussi que son mari était l’un de ceux cherchant à libérer le démon et que l’armée Taiyôjin s’est prosterné devant lui, le nommant « Daimyô ».

Haru soupira. Il passe pour un vrai ignorant, non ? Et pourtant, il n’y a pas ne serait-ce qu’une once de mensonge dans ses propos. Pourtant, voilà qu’arrive le moment où il peut prouver sa valeur en tant que témoin… À savoir si c’est une bonne chose.

En ce qui concerne le mystère entourant l’absorption du chakra… Il y a un réseau souterrain qui parcourt tout le pays. Un véritable labyrinthe. Un système de sceaux traverse le réseau en entier. Néanmoins, ce n’est pas seulement ça. Je ne suis pas sûr de comprendre à 100%, mais il y a une face cachée à cette histoire. Yûgure Ao m’a dit que ces sceaux sont, à l’origine, un système Fûinjutsu donnant du chakra. Grâce à un pouvoir qu’il a nommé la Négation, le peuple du Soleil est capable de, et je cite, « d’inverser les effets d’une technique ». C’est ainsi qu’ils ont réussi à maintenir la prison de Kyûbi pendant toutes ces années, au prix de leur chakra. Mais, encore une fois, je n’en sais pas plus que ça.

Éventuellement, l’Akita fit part de sa version des événements. Après avoir perdu conscience, il ne sait point ce qui s’est produit. Natsuki évita son questionnement, répondant uniquement qu’une équipe de Konoha l’a secouru. Seulement, les mots qu’il utilisait ne firent que naquirent un plus grand sentiment d’effroi. Son rythme cardiaque accéléra d’un coup. Cette fois, l’on peut clairement lire la panique dans son regard.

« Compte tenu de la situation » ? Bon sang, dites-moi ce qui s’est passé. S’il-vous-plaît, je dois savoir. Avons-nous réussi à contenir le démon renard ou... ?

Il ne voulait même pas penser à la dernière option.

Natsuki secoua la tête, signe que c'était sans importance.

« Ne vous inquiétez pas, je vous crois sur parole. Je me doute bien que vous n'avez pas été informé de quoi que ce soit à propos de votre mission. Qu'importe les pays et leur armée, cela apparaît comme une évidence de ne pas donner plus d'informations à un soldat sur sa mission que ce qu'il a besoin de savoir pour l'accomplir, justement pour éviter des situations comme celle-ci de jouer en la défaveur du commanditaire. C'était juste par acquis de conscience que je demandais. »

Sur la question du système de suppression du chakra – qui se révélait être un draineur de chakra en réalité - , les informations furent plus riches, et plus détaillées que ce qu'avait pu fournir leur espion là-bas.

« Un réseau de fuinjutsu... Ma foi, l'idée se tient. Si l'on admet qu'un sceau peut neutraliser l'usage du chakra dans un corps vivant, alors l'on peut tout à fait concevoir de créer un territoire entier avec le même résultat, par effet de présence. Mais cela doit être immense et complexe... »

Bien au-delà de son domaine d'expertise en tout cas, mais le système méritait que l'on s'y intéresse, principalement pour un usage militaire, cela allait de soi.

« Et vous me dites que c'est en lien avec un pouvoir de Négation qu'on les habitants ? J'ai entendu la majuscule dans votre intonation. Ne pouvez-vous vraiment pas m'en dire plus ? Comme si ce Yûgure Ao ou l'un de ses proches que vous avez vu avait un tatouage en chiffre romain sur son corps ? »

C'était purement accessoire comme périphrase, autant demander directement si ce pouvoir était en lien avec un porteur de Gène, sa première suspicion.

« Au moins nous en savons un peu plus sur la généalogie de la famille du Daimyo qui s'était attitré le Pays du Soleil. »

Ils furent interrompu par l'Agent de Service Hospitalier – nom de code ASH – qui distribuait les petits déjeuners.

« Oh, des viennoiseries. » lâcha Natsuki en avisant le croissant sur l'assiette du plateau que l'ASH amenait. « C'est vrai que c'est dimanche aujourd'hui. Vous pouvez m'en mettre un aussi, s'il vous plait ? »

Natsuki rendit la table adaptable à son locataire légitime, puis attendit d'être à nouveau seul avec Haru pour déposer le second croissant devant lui.

« Ils sont excellents, mais un peu petits : l'on reste toujours sur sa faim avec un seul. »

Ce n'est pas parce que l'on est prisonnier à Konoha que l'on est forcément maltraité : faut vraiment l'avoir cherché pour se retrouver tout nu et sans bras dans une cage exposée sur la place publique.

« Ne vous sentez pas gêné de manger parce que je suis là. » lui assura Natsuki. « Vous avez besoin de reprendre des forces après ce qu'il s'est passé. Et n'importe comment, je ne compte pas encore partir. »

Et puisque l'on parlait de ce qu'il s'était passé, la question de Haru laissa le Nara tatoué silencieux quelques instants, comme s'il réfléchissait à ce qu'il pouvait lui dire ou pas.

« En circonstances habituelles, je me contenterai de vous dire que ces informations sont classées confidentielles, et que je n'ai pas à vous répondre. Toutefois, nous ne sommes plus dans une situation habituelle dès lors qu'il s'agit d'un Démon à Queues : je crois sincèrement que seuls, nous ne sommes pas assez forts pour leur tenir tête, et que les différentes nations armées ont besoin de collaborer face à Eux, qu'importe les litiges et les rancœurs du passé. Si vous rentrez au Shukaï, j'espère que vous transmettrez ce message à vos supérieurs. Peut-être que cela les dissuadera la prochaine fois de partir faire la guerre comme des gosses au pied d'un volcan pendant que les adultes s'efforcent de contenir l'éruption, et qu'ils participeront un minimum à l'effort de protection internationale qui les concerne... »

Donc, pour en revenir à la question...

« Pour vous répondre à '' compte tenu des circonstances, que s'est-il passé là-bas ? '' maintenant. Kyubi a été relâché. Il n'est pas encore libre, mais il a été relâché. Grâce aux sacrifices des habitants du Pays du Soleil, une dernière entrave est encore là pour le contenir, mais nous avons toutes les raisons de penser qu'elle ne tiendra pas plus de un an. Après cela, nous aurons droit au même scénario qu'avec Rokubi... Enfin, je dis '' nous '' en supposant que l'Empire et Kumo se sentiront concernés cette fois-ci. Car pour le moment, les deux camps sont surtout en train de ramasser leurs dents et de compter les points. L'Empereur Kakeshou en valait combien, selon vous ? »

Probablement assez pour que l'on puisse désigner le Pays de la Foudre comme vainqueur.

Heureusement pour le brûlé, l’homme en charge de son interrogatoire dit le croire sur parole au sujet de son ignorance face à sa propre missive – ou du moins, il le prétend. Bien que son raisonnement tienne la route, il ne comprend toujours pas pourquoi il a été envoyé plutôt qu’un autre. Si le but de la mission n’était qu’une simple reconnaissance, pourquoi garder le mystère autour de sa nature ? Si l’information est confidentielle à ce point, pourquoi ne pas la remettre entre les mains d’un ninja plus compétent ? Ou peut-être cherche-t-il trop loin. Peut-être que le mandat est réellement ce qu’il était inscrit tel quel sur le papier : enquêter sur l’extérieur des murs de l’énigmatique contrée du soleil. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en se creusant les méninges que les deux hommes décèleront la vérité derrière cette mascarade. Le seul moyen d’en être certain est de demander directement au commanditaire. Une chose qu’il compte faire une fois de retour au bercail.

Natsuki ne semble pas non plus douter de sa parole lorsque l’apatride mentionna le réseau souterrain parcourant l’entièreté du pays. Ce système de sceaux est responsable du mystère englobant l’absorption de chakra dès que la ligne des frontières est franchie et également garant de maintenir la cage d’un monstre en place. Du moins, en partie. L’immense Fûinjutsu n’est pas tout à fait conçu à ces fins. Pour le transformer tel que nous le connaissons, les résidents de Taiyô ont usé d’un pouvoir nommé la Négation – l’habileté d’inverser les effets d’un dit jutsu. Naturellement, le bras-droit de l’Hokage se posa un peu plus longuement sur ce sujet et posa une question plutôt inhabituelle sur laquelle Haru resta dubitatif pendant deux secondes.

Un chiffre romain ? Non, je n’ai rien remarqué de tel. Je ne peux rien ajouter non plus. Je n’ai pas vu cette capacité en action et Yûgure Ao ne s’est pas étalé sur le sujet. Après tout, nous étions dans une course contre la montre, le réseau avait été neutralisé. Je n’ai pas pensé à forcer la mise.

Qu’est-ce qu’un chiffre romain vient faire dans cette affaire ? Il est vrai que cette histoire de chiffre évoque quelque chose dans les lointains souvenirs de l’Heishi, mais sans plus. Dans l’univers des possibilités, il est tout à fait possible que le Taiyôjin arbore une telle marque sous ses vêtements. La seule façon d’élucider ce mystère est de demander au concerné lui-même afin d’effacer les doutes. Une fois de plus, le rouquin ne peut être une aide concrète sur ce dossier.

Le service hospitalier interrompit la discussion pour distribuer les déjeuners aux patients. Le Konohajin demanda un second croissant et attendit que l’employé quitte la pièce avant de déposer la viennoiserie sur son plateau, commentant qu’un seul n’est jamais suffisant.

Oh. Merci beaucoup.

Naïf comme il est, le doute n’effleura pas une seule seconde l’esprit de l’Akita tant qu’à la générosité de ce village. Pour ce que nous en savons, ces croissants possèdent peut-être des substances psychotiques afin de faciliter l’interrogatoire. Des drogues aidant à l’échange d’information, il en existe. Il est conscient de leur existence. Pourtant, à l’aide de sa main gauche, le Shûkaijin empoigna le premier croissant sans hésitation et l’engloutit. Du moins, il essaie bien de le manger, mais l’intense douleur le martyrisant l’empêchait de se mouvoir comme il le souhaite, ajoutant un effet cocasse à la scène.

Toutefois, toute bonne chose a une fin. Cette ambiance disparue lorsque Natsuki évoqua Taiyô no Kuni. À l’instant, une question particulière devint une obsession pour le néophyte : qu’est-ce qui s’est passé là-bas ? S’il remémore ses derniers souvenirs, les barreaux étaient sur le point de céder, Kyûbi tout proche de regagner sa liberté. Alors qu’il se démenait comme un fauve pour prévenir ce désastre, un tsunami granuleux le heurta puis sa conscience l’échappa… Ensuite ? Le Konohajin débuta un monologue et les mots qu’il emploi ne sont pas synonyme de bonne grâce. Plus que les secondes avançaient, plus que le scarifié sentait sa pulsation cardiaque augmentée en rythme et en intensité. Puis, telle la hache d’un bourreau scindant le cou d’un condamné, Natsuki lâcha la sentence.

Le Démon Renard a été libéré.

Il n’y a pas de mot pour décrire fidèlement l’horreur que ressentit notre héros. Sa respiration cessa net ; son cœur rata un ou deux battements ; son visage devint si pâle qu’on pouvait la comparer à de la porcelaine ; de nombreux frissons désagréables parcourut son épiderme ; la lumière dans ses yeux s’éteignit. Le regard hagard, les iris ambrées de l’Akita dérivèrent vers le sol, les propos du tatoué n’atteignant que de peu son esprit embrumé par l’affolement. Les habitants, sacrifiés ? Cela signifie-t-il que le pays entier est à feu et à sang afin de contenir la bête ? Une sorte de plan de contingence ? Mais à quel prix ? Des centaines, voire des milliers de vies humaines. À cette pensée, le visage d’Haru prit appui dans sa paume gauche, tentant de se ressaisir, mais en vain. L’annonce ultime à propos de la mort de Samui Kakeshuou ne parvint pas totalement à ses oreilles.

Et le peuple Taiyôjin, il valait quoi ?

Un murmure peu audible témoignant de son état de choc. D’abord, le déni. Car oui, tout Homme face à une telle déclaration ne peut croire immédiatement ce qu’il entend. L’on parle d’un génocide, après tout. Ensuite, le regret. Ses dents grincèrent sous la force de sa mâchoire. S’il avait été plus compétent, est-ce que les événements ce seraient déroulés autrement ? D’un point de vue réaliste, cela n’aurait probablement rien changé. Cependant, l’on ne peut chasser ce châtiment envers soi, ce regret de ne pas avoir fait plus. Et, bien sûr, porter le blâme sur ses épaules. Haru lamenta en silence. À ses yeux, le voilà en partie responsable du sacrifice d’une nation entière. Rien ne pourra laver tout ce sang sur ses mains.

Ironique pour l’homme qui ne souhaite que protéger les faibles soit lui-même si faible que son impuissance ait arraché la vie à autant d’hommes, femmes et enfants.

Vous avez dit, commença-t-il faiblement après une longue pause, que nous avons un an…

Délicatement, il redressa son tronc. D’une manière ou d’une autre, Kyûbi est piégé pour un temps limité à l’intérieur d’une contrée. Cela laisse donc tout au plus une année complète au Shinobi de s’entraîner et de se préparer à une éventuelle rencontre avec le renard. L’angoisse de plus tôt dans ses yeux fut remplacée par une nouvelle résolution.

La prochaine fois, nous l’arrêterons. Sans faute.

Ce n’est plus une simple question de sauver le monde. Le renard en a désormais fait une affaire personnelle.

Bien qu'il n'en montra rien, la réaction d'Haru à la mort de l'Empereur laissa Natsuki songeur : il n'y eu en aucune. Ou plutôt, cette dernière fut totalement occultée, alors que l'attention et les remords du Shukajin étaient davantage tournés vers l'incident du Pays du Soleil, et le sacrifice de tous ses habitants. A croire que dans l'Empire comme dans n'importe quelle autre nation militarisée, il y avait des écarts entre les directives et ce que les soldats pensaient vraiment.

« Je ne sais pas. » répondit Natsuki à la question d'Haru.

Une question qui était davantage une remise en place, afin de rappeler la gravité de l'incident.

« Peut-être autant que les villageois qui souffrent des conséquences de vos guerres. Peut-être un peu plus que les habitants des villes que Rokubi a ravagé pendant que votre empire se disputait avec Kumo au lieu de lutter contre le Démon à Queue. Difficile d'évaluer précisément une vie humaine, tout le monde manquera à quelqu'un le jour où il viendra à disparaître. »

L'on avait beau vouloir classer l'importance d'une vie – le Daimyo, les Conseillers, les gardes impériaux vers le sommet, les mendiants, les petites frappes et autres boulets de la société vers le fond -, une vie restait une vie, forcément importante pour quelqu'un.

« En effet, nous avons environ un an pour nous préparer, pour éviter que le Démon Renard ne puisse produire un même carnage que son homologue en forme de Limace. »

Natsuki sembla tilter sur quelque chose.

« Mais j'y pense, êtes-vous seulement au courant de l'attaque de Rokubi sur le continent la nuit dernière ? Qu'il a ravagé plusieurs villes, tué des centaines de shinobi et bien plus encore de civils durant la nuit où les armées pourtant avertie de l'Empire et de Kumo se sont affrontées ? Ou bien l'Empereur a-t-il préféré faire taire cette information à ses sujets ? »

Même s'il était désormais mort, là était une information bien intéressante concernant le choix de Kakeshuou. Une information qui influencera probablement la façon dont Mizuki s'adressera au successeur de ce dernier.

« J'ose espérer que ce que va devenir l 'Ancien Empire aura la même conviction que vous sur ce sujet. Rokubi a perpétré un véritable massacre, et n'a pu y parvenir que parce qu'il s'est longuement préparé, puis retrouvé devant une puissance militaire qui n'était en aucun cas le reflet de ce que l'Homme pouvait – et devait – lui opposer : le manque à l'appel de Kumo et de l'Empire s'est fait cruellement sentir. »

Natsuki ne laissait transpirer aucun reproche à l'encontre du Shukai et de Kumo à ce propos, mais uniquement parce qu'il avait une maîtrise absolue de son langage corporel. Car il était clair que comme beaucoup d'autres, il leur en voulait cruellement pour cela. Et apprendre éventuellement que c'était parce que les dirigeants avaient caché la menace à leurs armées n'atténuera pas vraiment son ressenti.

« Dans un an, je veux croire que tout le monde aura prit conscience du danger que représentent les Démons à Queues, et que toutes les armées seront préparées à lutter ensemble et présentes devant la cellule de Kyubi lorsqu'elle s'ouvrira. Nous ferons le nécessaire pour que chaque nation militarisée le soit, mais c'est le témoignage de gens comme vous qui donneront du corps à nos propos. »

Natsuki finit par se lever.

« Pour ma part, cet entretien est terminé. Si vous n'avez pas d'autres questions, il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre coopération. Dans un quart d'heure, vous devriez avoir une nouvelle séance curative pour arranger votre état. L'hôpital est vraiment débordé pour le moment, donc veuillez nous excuser de ne pas avoir pu vous remettre complètement sur pied dès la première séance. Sachez aussi que dès à présent, vous n'êtes plus considéré comme un prisonnier, mais comme un visiteur. Vous serez libre de partir quand bon vous semble. N'oubliez juste pas de faire retirer votre sceau inhibiteur de chakra avant de partir. »

Il s'approcha de Haru, mais ne lui proposa pas de main à serrer : il avait bien vu comment il était douloureux lors de ses déplacements. Et pour la première fois depuis le début de l'entretien, Natsuki lui présenta une facette plus humaine que professionnelle en s'adressant à lui.

« J'espère que nous aurons dans l'avenir l'occasion de nous revoir à nouveau. De préférence dans des circonstances qu'aucun de nous deux ne regrettera. Portez-vous bien, Haru Akita, et puisse le nouvelle Empire compter davantage de soldats de votre trempe. »

Ce fut à priori sur cette déclaration que Natsuki quitta la chambre du patient.