La journée semblait longue, trop longue. Pourtant, ce n’était que le petit matin lorsque le Raïkage installa son noble fessier sur la chaise de son bureau. Scrutant l’horizon, c’est avec un soupir qu’il s’attaque à la masse de travail qui se trouvait devant lui. Les différents dossiers étaient triés en amont par sa secrétaire et la pile la plus grande était, forcément, la plus inquiétante pour le coup. Le premier papier était un rapport d’un jeune genin de la foudre avec beaucoup de potentiel. Ce dernier était dépêché en mission au côté de la jeune et ambitieuse Katsuga Rukia, conseillère du Daimyô de Tetsu no Kuni. Leur tâche était d’enquêter sur des mystérieux cris lointains provenant de l’océan. Ces derniers étaient irréguliers et parfois accompagnés d’une étrange lumière verdâtre. Le rapport du jeune homme était sans appel. Le démon à six queus s’était éveillé et son projet était d’anéantir le monde. Il avait emporté dans sa fureur la jeune Tetsujin, laissant ainsi une chance de survie au genin des nuages. Les autres feuilles posées sur le bureau ne faisaient que reporter ce que le genin avait décrit. Manzo se tourna vers la fenêtre en posant une main dans ses cheveux et en regardant une nouvelle fois le rapport. C’était à peine croyable, mais ce n’était pas la première fois. Sanbi, Gobi et maintenant Rokubi… Le monde allait encore subir un combat dantesque. Cependant, la différence était que cette fois-ci, le démon a trouvé un hôte. Aucunes informations est fourni sur celui-ci et il y a fort à parier qu’aucunes informations soient trouvables. Cela rendait la situation encore plus inquiétante, car un Jinchuriki contrôlant parfaitement son Bijuu peut devenir bien plus redoutable que la bête en elle-même.

Cela faisait une vingtaine de minutes que le Kadoria était à son bureau et déjà les nouvelles s’annonçaient très mal. L’appelle de cette sale habitude se faisait plus dur à résister que les autres jours. Posant le rapport, le manipulateur de la gravité se leva et se dirigea en direction du toit. Il adorait fumer sa cigarette en contemplant le village des nuages. Ces instants étaient souvent coupé de toute notion de temps. Cela lui permettait de réfléchir en paix et prendre du recul sur toutes les situations qu’il avait ou qu’il allait devoir affronter. Regardant les nuages, l’agent du Daimyô se posait beaucoup de question. Si le Bijuu a fait des ravages vers Tetsu, il n’est pas improbable que d’autres nations soient concernés par cette menace. Que se passerait-il alors ? L’avenir est incertain et le temps est tout sauf un allié. Néanmoins, sa nécessité est déconcertante pour le nécromant. Il devait s’accorder quelques jours de réflexions pour trouver une solution viable à tout ceci.

La suite de la journée se passa relativement dans le calme, si on oublie un rapport déconcertant de Shirudo sur sa mission à Hai no Kuni. Les échanges entre lui et une protagoniste du Kyomu étaient relativement tendu, ce qui n’allait pas le sens de la dernière entrevue entre le nécromancien et la Saibogu. Un point dérangeant que Manzo allait devoir traiter lors de leur prochaine entrevue.

Le sujet du Kyomu était encore de mise pour cette fin de matinée. En effet, le Jônin Izaya avait demandé audience auprès de la Septième Ombre au sujet de rejoindre le Kyomu en tant qu’agent de liaison entre les deux parties. Un projet honorable, mais compliqué au vu de la situation actuelle. Néanmoins, le maître de la gravité voulait s’entretenir avec le jeune shinobi pour obtenir plus de détails sur ses ambitions et ainsi prendre sa décision.

C’est donc cet individu, originaire de Shimo qui pénétra le bureau du Raïkage en le saluant respectueusement. Levant la tête de sa masse de travail, l’homme fort de Kumo prit la parole.

« Izaya ! Je t’en prie, assieds-toi. »

Rangeant quelque peu son bureau, le Raïkage, lui, se leva pour se mettre près de la fenêtre.

« Comme tu peux le constater, j’ai étudié ta requête concernant le Kyomu, Kumo et une possible intégration de cette organisation. Néanmoins, dans un contexte aussi tendu que celui que nous vivons en ce moment, j’ai besoin de détail, de précision, de justesse et de fiabilité. Ainsi,j’aimerais donc que tu m’expliques méticuleusement le projet que tu veux mener. Suite à cela, je prendrais ma décision. »

Terminant un peu froidement sa phrase, le Nanadaime s’orienta vers le Jônin, attendant une réponse détaillée.

L’homme portait un costard noir accompagné d’une chemise blanche et d’une cravate allant avec l’ensemble. Celui-ci m’invita à m’assoir ce que je fis sans me précipiter et rangea dans un même temps son bureau recouvert de papiers et de dossiers. Je me doutais qu’un homme de son importance, qui avait la gouvernance du village mais également de nos forces armées, devait être submergé de travail. Son récent coma n’ayant sûrement rien arrangé à la situation.

Il m’expliqua qu’il avait lu ma requête mais souhaitait que je lui réexplique mon projet dans son entièreté. J’avais eu le – maigre – espoir que celui-ci aurait été méticuleusement décortiqué pour éviter de me lancer dans une tirade dont je ne pourrai pas aussi méticuleusement peser les mots. Mais il en fut autrement et je pris quelques secondes pour réfléchir à mon discours. En réalité, je savais déjà parfaitement ce que j’avais à dire, mais je pris ces quelques secondes pour me détendre.

« Cette idée m’est apparue comme une évidence depuis que je suis au courant de l’existence de cette organisation. J’ai découvert le Kyomu il y a quelques mois seulement, en lisant des rapports dans les archives. Comme vous le savez, je ne suis pas originaire du village. Je suis de Shimo no Kuni, et plus précisément du clan Kinzoku même si j’ai toujours refusé de porter ce nom. Personne ne connait mon passé, outre ces quelques détails et je pense que… »

Je pris alors une profonde inspiration pour la longue tirade dans laquelle j’allais m’engager.

« Je pense qu’il est temps d’en parler aujourd’hui. Je faisais partie d’une famille de comptable, nous vivions plutôt bien mais mes parents étaient loin de mener la vie de richesse qu’ils désiraient tant. D’aussi loin que je me souvienne, je ne parviens pas à me rappeler de moments où je ne reçus pas de coups. J’ai été battu, torturé, violenté. Aujourd’hui encore, mon corps porte les marques de ce passé. »

Je désignai mon dos d’un mouvement de tête, puis ferma les yeux.

« Je travaillais constamment mais je restais la risée du village et tout particulièrement de mes parents à qui je faisais honte. Tout le monde était au courant de ma situation, mais personne ne leva le petit doigt, jamais. Et tout ça car je ne maîtrisais pas le Kinton. Quand je pouvais dormir, c’était soit dans un placard à balai qui me servait de chambre, soit dans le jardin… été comme hiver. Mes premiers souvenirs remontent à lorsque j’avais 5 ans, et ce fut ma première nuit à l’extérieur par une journée d’automne. J’ai accepté mon sort jusqu’à l’aube de mes treize ans, où j’ai mis le feu à ma maison et fuit le village. »

Je pris alors une seconde inspiration et fixa les yeux du Raikage d’un regard déterminé.

« Et je suis arrivé à Kumo. J’ai été recueilli, élevé, entrainé. Ce village est pour moi ma raison de me battre, tout autant que l’est mon envie de justice. Et le Kyomu me permettra à la fois de servir le village plus efficacement que je n’ai jamais pu le faire mais également de rétablir un semblant de justice en ce monde. Je pourrai affronter le Shukaï dans l’ombre, leur porter des coups fatals, améliorer notre alliance avec l’organisation et la consolider, sans que le village n’ait à jamais à se soucier des retombées. J’ai conscience que c’est une organisation criminelle, mais je ne me fais pas d’illusions. Et puisqu’il faut bien quelqu’un pour se salir les mains, je me porte volontaire avec la plus grande fierté et volonté. Mais c’est également en influant ce groupe que je pourrai mieux servir le village et la justice. Je vous demande donc, Manzo-sama, de me permettre de me rejoindre le Kyomu. Depuis toutes ses années je sers le village de toutes mes forces et je veux aujourd’hui le servir encore plus. »

Je pointai du doigt une lettre qui se trouvait dans mon dossier, signée de la main d’Hakushi Shadis.

« J’ai à maintes reprises parlé à mon maître, Hakushi Shadis, de mes intentions. Et il m’a maintes fois encouragé à suivre ma voie, comme il est écrit dans cette lettre. J’accepterai toutes les mesures de sécurité que vous déciderez à mon égard, j’ai toujours été d’une loyauté sans faille au village et je le suis d’autant plus aujourd’hui. »

Kumo allait mal. Ce n'était pas la peine de le nier. En sortant de son long coma, le Nanadaime en était bien conscient. La révolte interne au village des nuages avait fragilisé un village qui n'avait pas besoin de cela. La guerre contre l'Empire et l'apparition de ce Jinchuriki ne venait pas simplifier les choses. Néanmoins, ce n'est pas pour autant qu'il fallait perdre espoir. En prenant le recul nécessaire, tout était possible. Il fallait prendre tous les paramètres de l'équation en compte. Difficile, mais faisable. Un des gros paramètres était justement le Kyomu. Un allié on ne peut plus particulier. Une organisation de criminels qui partageait un objectif commun avec Kumo. Ce n'était pas la première fois qu'un dirigeant s'allier à ce genre de groupuscule et le passé nous montre que ce n'était jamais une solution populaire. Néanmoins, lorsque la survie de la nation ainsi que la victoire est en jeu, on ne peut pas se permettre de faire le choix populaire, car il faut être réaliste et lucide. C'est ce que s'efforce de faire la Septième Ombre, chaque jour depuis son intronisation au rôle de Kage. Toutes les décisions qu'il prendra ne seront pas soutenues, mais il ne faut jamais oublier que c'est le pour le bien de tous, et non pour le bien de l'individu.

Les yeux du nécromant étaient rivés sur Izaya. C'était un Kumojin exemplaire qui avait gravi les échelons en étant efficace. Il s'attendait donc à une réponse claire et détaillée, à l'image de l'homme qu'il est. Bien entendu, la décision du Raïkage était déjà plus ou moins prise, mais les paroles d'une personne peuvent changer bien des choses dans ce monde. S'adossant contre le mur près de la fenêtre, Manzo croisa les bras et écouta les premières paroles de l'ancien Shimojins. Le prologue était naturel. Izaya était originaire de Shimo, comme beaucoup de membres du village de Kumo. Nombreux sont ceux ayant fui le pays du givre pour diverses raisons. La guerre civile, l'envie de devenir plus fort, l'attrait d'une structure militaire, les raisons étaient variées. Néanmoins, il indiqua dans la suite de son discours, que la sienne différait des raisons les plus probables.

En effet, le Kinzoku confia à l'homme fort de Kumo que son enfance était rythmée aux coups qu'on lui infligeait. Sa vie à Shimo se résumait par des violences physiques comme psychologiques. Jusqu'à ses treize ans, il prit sur lui jusqu'au moment où il brûla sa maison et se tourna vers un foyer d'accueil que représentait Kumo. En restant inébranlable, le Kadoria prit en compte les informations que lui transmettaient le manipulateur du Kinton. Le monologue continua sur son arrivé à Kumo. Le village représentait sa raison de se battre, car grâce à lui, il a réellement pu vivre. De plus, il mentionna son envie de justice dans ce monde et c'est pour cela qu'il désirait intégrer le Kyomu. Servir le village plus efficacement et rétablir la justice dans ce monde. Ces intentions étaient louables. Devenir le pont qui lie le Kyomu à Kumo. Devenir la lame qui étripe les ennemis de Kumo dans l'ombre. Devenir un agent de Kumo dans un groupe de criminel. Une proposition aussi refusable qu'acceptable. Les risques étaient gros, mais les récompenses le sont aussi…

La lettre qu'indiquait Izaya avait été lue et relue par Manzo. Hakushi Shadis est un shinobi très respecté par le Kadoria. Il a en lui une grande confiance, qui s'appuie sur de nombreuses situations où Shadis a montré sa loyauté à Kumo, qu'importe le dirigeant. Néanmoins, Shadis devait l'avoir vu aussi, cet homme fait écho avec un certain Monjara Shinji pour le manipulateur de la gravité. Un homme voulant servir son village plus efficacement, rejoignant alors une organisation criminelle… Même si la forme diffère, le fond reste le même… La décision était complexe, mais pour l'heure, le nécromancien savait ce qu'il devait faire.

« Notre passé nous construit, que nous le voulions ou non. Aussi dur soit-il à être évoqué, il ne faut pas qu'il te hante. Je garderais précieusement les informations que tu m'as confiée, tu n'as pas de craintes à avoir là-dessus. Je ne peux être que désolé d'apprendre ce que tu me confies, mais c'est ainsi. Que ce soit pour se protéger, pour protéger les autres, pour rétablir la justice, notre quête de puissance et de savoir vient du fait que nous voulons combattre cette faiblesse que nous avons, un jour, ressentie. »

Le Raïkage marqua une pause avant de reprendre.

« Je comprends ta position. Le sens du devoir t’appelles et tu dois répondre. J’ai été placé dans une situation sensiblement semblable à la tienne il y a de ça une dizaine d’année. J’étais encore jeune, plein d’ambition et prêt à donner ma vie pour Kumo. Le Daimyô m’a confié la mission de servir Kumo dans l’ombre en voyageant à travers le monde et en obtenant le plus d’informations possibles afin d’aider le village des nuages. Je devais arpenter le Yukan toute ma vie en quête d’informations, mais le Daimyô en a décidé autrement lorsqu’il m’a appelé pour devenir le prochain Raïkage. »

Suite à cela, Manzo s’installa de nouveau dans son siège.

« Nos histoires diffèrent sur quelques points, mais toi, comme moi, sommes alimentés par notre désir de protéger et de servir ce village. Le contexte du monde dans lequel nous vivons est chaotique, c'est indéniable. T'envoyer au sein du Kyomu permettrait d'obtenir un peu de lumière sur ce qu'est réellement cette organisation et sur leurs intentions. Néanmoins, tu serais à la merci des différents criminels sans aucune aide direct de Kumo et Red pourrait obtenir bien des choses d'un Kumojin haut gradé comme toi. Je ne peux t'envoyer à l'aveugle dans une organisation comme celle-ci, du moins… Pas maintenant. »

Le Nanadaime afficha un léger sourire avant de reprendre.

« Comme tu as pu le voir dans les archives, Red et moi-même avons convenu d'une action synchronisée. Le Kyomu attaquant Yuki no Kuni et Kumo s'occupant enfin de Shimo no Kuni. Notre attaque conjointe est très importante pour éviter que l'Empire regarde de trop près nos agissements. Suite à cela, j'organiserai une nouvelle rencontre avec la Saibogu afin de parler du futur et des conséquences de nos agissements respectifs. Comme tu peux t'en douter, j'ai besoin des anciens Shimojins devenu Kumojins pour l'assaut au sein du pays du givre. Le but est d'arrêter la guerre civile qui tourmente le pays depuis de trop longues années. Même si ce pays ne vaut plus rien pour toi, ne voudrais-tu pas empêcher que d'innocentes personnes soit pris au milieu d'un conflit qui n'est pas juste ? Un Jônin comme toi, appartenant au clan Kinzoku, peut amener la paix et la justice sur ces terres gelées. Kumo doit arrêter cette guerre et pour cela, j'ai besoin de l'aide de tous les Kumojins. Quand ce problème sera réglé, je t'emmènerais avec moi à la rencontre de Red et nous discuterons de tout cela, mais pour l'heure, Kumo a besoin de toi en tant que Kumojin et ancien Shimojin, pas en tant que membre du Kyomu. »

Le nécromant se mit dans le fond de son siège en attendant la réaction de Izaya.

Mon monologue terminé, je me tus et attendis que le Raikage me donne sa réponse. Mes mains étaient devenues moites et je tentais en vain de dissimuler les signes du stress que je ressentais pleinement maintenant. C’était la première fois que je dévoilai ainsi mon passé, et bien que j’ai tiré un trait dessus, cela restait un traumatisme. Une cicatrice que je porterai à jamais en moi et qui a depuis tout ce temps participé à forger ce que je suis. Fixant toujours de mon regard l’ombre de Kumo, je l’entendis tenter de m’apporter un semblant de réconfort en m’expliquant qu’il ne fallait pas que je sois hanté par mon passé. Mais mon passé n’était pas un fardeau que je portais tous les jours – contrairement à ce qu’il pouvait croire – c’était une force qui me poussait à en faire et à en vouloir toujours plus. A rendre ce monde meilleur et à faire en sorte que plus jamais une telle chose ne puisse se produire dans une autre ville, en commençant par Shimo.

Marquant une courte pause, le Raikage me confia à son tour un pan de son passé. Manzo s’était vu une mission par le Daimyô en personne : celle de servir le village caché des nuages en parcourant le monde et en récoltant le plus d’informations possible. Une mission périlleuse, qui promettait à celui qui se la verrait confié solitude et danger de mort. Mais le Kadoria l’avait mené à bien jusqu’à ce que le Daimyô le rappelle pour qu’il devienne le Nanadaime Raikage. Ainsi, lui aussi était poussé par le désir supérieur de servir le village et de le protéger. Je ne connaissais jusqu’alors pas vraiment le Kadoria. Mais l’homme se disait être comme moi un homme servant une cause plus grande et je comprenais mieux maintenant pourquoi, inconsciemment, je le respectais autant. Nos gestes et nos attitudes définissent ce que nous sommes, bien plus que nos pensées et nos paroles.

« Je ne peux t'envoyer à l'aveugle dans une organisation comme celle-ci, du moins… Pas maintenant »

Ces mots me firent l’effet d’un coup de poing. Ainsi, je me retrouvais face à un refus, ou tout du moins un refus dans l’immédiat de me laisser partir pour Hai no Kuni. Mon souffle en fut coupé et il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits, tandis que je mettais tous mes efforts dissimuler les états par lesquels je passais : incompréhension, colère, déception, tristesse. Le Raikage me fit un sourire – ce qui m’agaça légèrement puis me calma après coup – et m’indiqua qu’il avait besoin de moi pour un projet plus pressant : la conquête de Shimo no Kuni. Encore une fois, ces propos firent l’effet d’une bombe en moi. Shimo no Kuni, j’avais également de grandes ambitions pour mon pays et de grands projets, mais je mettais juste là gardé de les divulguer. Le Nanadaime conclua son discours en affirmant que le village avait besoin de moi pour ce projet. Un blanc s’installa alors dans la pièce, mes yeux de braises fixant les siens. Mes pensées s’enchainaient à une vitesse effrénée et je peinais à en calmer le flux. Mon clan et mon pays m’avaient peu importé jusqu’à il y a peu. Ils représentaient pour moi un passé, un traumatisme sur lequel je devais tirer un trait. Un passé avec lequel je désirai aujourd’hui renouer. Il était évident que le village ne pouvait pas ainsi prendre la main mise sur le pays sans éviter une guerre interne, malgré le soutien de l’actuelle cheffe des Kinzokus, ou plutôt la commandante de la branche rebelle et ce malgré leur objectif louable : apporter la paix au sein du pays en faisant abdiquer l'actuelle Daimyô, ODA Hiseyuki. Le constat est pourtant là : quel que soit le résultat de cette guerre, le gagnant en ressortirait avec une légitimé amoindrie. La nouvelle alliance serait ainsi conclue avec l’actuelle Oni Kinzoku, qui serait promue Daimyô. Mais ce serait une prise de pouvoir par la force purement et simplement. Nous serions considéré comme une partie de la population comme un envahisseur et la légitimité de la Kinzoku serait grandement entachée. Il faut donc également que le chef de clan travaille pour reconstruire le pays. Un Kinzoku Kumojin conviendrait donc parfaitement, malgré sa faible légitimité. A moins qu’il ne puisse mettre en avant sa capacité à négocier avec le village du statut qu’obtiendrait le clan et le pays tout entier, appuyé par la Daimyô elle aussi Kinzoku. Les actes témoigneraient ainsi d’eux-mêmes.

Conscient que je manquais de temps pour me convaincre de la bonne décision à prendre et qu’une telle occasion ne se représenterait sûrement pas, je décidai de me lancer après plusieurs minutes de réflexions.

« Bien, je comprends votre décision, elle est toute justifiée. » Je pris alors un ton plus grave. « Cependant, je dois aussi vous faire part d’une autre idée qui nourrit mes pensées depuis plusieurs mois maintenant. Je suis au courant pour l’invasion sur Shimo no Kuni, ou plutôt l’aide que nous allons apporter aux rebelles. Comme vous l’avez-vous-même dit j’ai lu les archives concernant tous les plans en relation avec le Kyomu. Je suis un Kinzoku et quoi qu’il ait pu se passé, je reste un membre de ce clan. Et je pense aujourd’hui qu’il est temps d’arrêter de fuir ce que je suis. »

Je marquai alors une légère pause puis commença mes explications.

« Au cours de mes recherches j’ai appris l’existence d’un conflit au sein du clan, conflit qui sans aucun doute va déboucher sur une guerre. La Daimyô dilapide les caisses du pays pour défendre sa position, refusant l'alliance qu'a conclue toute seule Oni Kinzoku. Ses motivations sont louables, mais elles sont également nourries par l’envie d’obtenir plus de pouvoir, ce qui en soit n’est pas forcément un problème, mais la Daimyô ne doit pas se faire d'illusion, de même que ses partisans. La Kinzoku convoite ouvertement sa place et a justement fondé cette alliance afin de pouvoir réaliser ses ambitions. Une guerre civile est inévitable et se termina forcément par un bain de sang et par la violence. Hors l'histoire nous a déjà prouvé qu'une révolution faite par la force et forgée dans le sang apporte inévitablement son règne de terreur. Mais même s’il est impossible d’empêcher que la guerre éclate et que le sang coule, je pense qu’il est possible de limiter les pertes des deux côtés et de transformer cette révolution en quelque chose de plus grand qu'une simple guerre civile et d'une prise de pouvoir par la force. Le problème aujourd’hui est que le clan est divisé entre deux idéologies : nouer une alliance avec le village pour sortir le pays de son âge de terreur ou garder son indépendance et défendre l’actuelle Daimyô. J’ai énormément réfléchis à tout ça et je pense avoir trouvé une solution à ce problème, même si elle ne se fera pas sans combattre. De-même, cette solution sous-entend que je devienne le chef du clan Kinzoku. »

Plus que de simplement gagner en puissance et en notoriété, devenir le prochain chef du clan était pour moi une possibilité de réformer le clan. Je comptais bien, si je parvenais à atteindre mon objectif, le remodeler en profondeur ainsi que le pays pour tirer un trait sur un passé qui le hante et se lancer dans un futur plus glorieux que jamais auparavant.

« Les loyalistes ne veulent pas que leur pays devienne un simple satellite, ce qui est tout à leur honneur, même s'ils ont mené leur pays dans la pitoyable situation dans laquelle il est. Si nous remplaçons la Daimyô en mettant Oni Kinzoku à sa place, cela apportera dans un premier temps un bouleversement et un déséquilibre des puissances. Même si plus tard, le pays en ressortira grandi, ce sont des jours de chaos et de tensions qui l’attendent. Hors, cela ne consiste en rien un futur serein. De plus, rien ne nous confirme que Oni respectera ses engagements, nous ne pouvons faire confiance à une personne n’appartenant pas au village, mais nous ne pouvons pas non plus placer l’un des nôtres à la tête du pays sans quoi la situation serait encore plus catastrophique et cela paraîtrait à juste titre pour une invasion. Il faut donc quelqu’un de confiance qui puisse faire le lien entre les deux entités. Quelqu’un qui puisse sortir le clan et plus généralement le pays de l’âge de terreur dans lequel ils vivent, et je peux réaliser tout cela. J’ai espoir de pouvoir efficacement faire le lien entre nos deux pays et de justement distribuer les aides que nous leur apporteront afin de les aider à se reconstruire, sans quoi un autre conflit sera inévitable. J’ai espoir de pouvoir rendre justice aux membres du clan et au peuple jusqu’ici opprimés. Et j’ai aussi espoir que le village gagne en influence sans pour autant que cela ne mène à une augmentation des conflits. Enfin, j’ai espoir de pouvoir limiter le nombre de victimes. J’ai l’intime conviction qu’il s’agit là de la voie que je dois prendre. Il reste bien évidemment à élaborer cette idée et établir un plan, mais en suivant mon idée, le village ainsi que le clan auraient tout à y gagner. Tout comme vous qui souhaitez protéger le peuple du pays de Kaminari, je souhaite le protéger. Mais je souhaite aussi protéger les miens. Mon passé n'est pas un fardeau. Mon passé est une motivation : celui qui me donne la force de vouloir changer ce monde.»

.Le regard du Kadoria était imposant, tout comme son art. Il n’était ni froid ni chaleureux, seulement insistant. Il savait qu’un refus allait décevoir le Kinzoku qui était plus que déterminé à rendre justice. Une qualité admirable que le Raïkage admirait. Une qualité même rare de nos jours. Beaucoup de Kumojins se contentaient de laisser leur instinct primitif parler et rien d’autre. Izaya lui semblait un cran au-dessus. Un mélange de sagesse, de force et de valeurs. Un homme que Manzo admirait beaucoup et surtout, qu’il comprennait. Le manipulateur du métal devait d’ailleurs comprendre pourquoi Le kadoria ne pouvait le laisser partir de la sorte. Il a besoin de shinobi comme lui à ses côtés dans ces heures sombres qui se profilent à l’horizon. Le nécromant se voyait beaucoup dans cet homme qui se présentait devant lui. Il était plus vieux que lui, mais l’âge n’est un indicateur de rien de tout. Un jeune shinobi peut avoir vécu beaucoup plus de choses qu’un vieux civil.

Comme prévu, Izaya accepta et comprit la décision de son supérieur, mais il ne s’arrêta pas là pour autant. Il rebondit sur une une idée qui le dévore depuis quelques temps. Affirmant son affiliation au clan, il débuta ses explications. Il parla de la guerre civile de Shimo, d’un Daimyô avide de pouvoir, de l’alliance conclu entre Kumo et Oni. Son discours était long, mais en rien inintéressant. Le maître de la gravité écoutait attentivement chaque mot prononcé par le Kinzoku et réagissa finalement à tout ceci.

« Tu as, en effet, fait de bonnes recherches. Tout ce que tu dis est malheureusement vrai. Nous sommes dans une situation où Shimo ne survivra pas longtemps si personne ne fait rien. La rébellion n’a pas les moyens de prendre le dessus et la Daimyô se contente de vider les caisses de son pays pour lutter. Si le conflit s’étend encore pendant des années, Shimo ne pourra pas se relever. La solution n’est sûrement pas la plus belle, mais s’allier avec Oni nous permet d’agir vite et efficacement. Comme tu le dis, le sang coulera dans tous les cas. Autant qu’il ne coule pas en vain afin que la paix retrouve le pays du fer. Néanmoins, l’alliance est fragile, vu qu’elle repose sur des humains. Tout peut changer très rapidement et comme tu le dis, Oni désire du pouvoir et rien ne nous indique ce qu’elle fera lorsqu’elle l’aura. C’est un risque que nous devons prendre pour le bien de Shimo. »

Marquant une pause, le Nanadaime reprit.

« Ta solution semble intéressante. Tu as le recul nécessaire pour assurer convenablement la gestion de ton clan, sans être biaisé par l’un des deux mouvements de ce dernier. Qui plus est, Oni pourra difficilement continuer la gestion de son clan ainsi que celle de son pays. Quelqu’un devra prendre le relais et personne d’autre à part toi semble être de taille. C’est une lourde responsabilité que tu endosseras, mais tes épaules sont assez large pour supporter tout cela. Ton intérêt étant seulement pour Shimo, tu pourras maintenir la paix et gérer les divers conflits qui pourront se déclencher. Le but à terme est, en effet, d’assurer un lien étroit et une alliance forte entre Kumo et Shimo et ton rôle sera décisif dans ces projets. J’ai confiance en toi et je suis persuadé que tu peux réaliser ton plan, même si cela ne sera pas chose aisée. »

Craquant ses doigts, il reprit.

« Cependant, ta place au sein du clan et de Shimo t’accapareras beaucoup de ton temps et tes futurs relations avec le Kyomu seront encore plus difficile à maintenir efficacement. Néanmoins, j’ai espoir que la Saibogu et ses fidèles renouvelleront l’alliance que nous avons entrepris et que de ce fait, tu pourras assurer ton rôle particulier. Sache en tout cas que tu te lances dans un projet complexe sur beaucoup de points, mais qui vaut le coup. L’avenir apportera son lot d’obstacle, mais sache que Kumo et son Kage seront là pour aider un de nos compatriotes. »

Reprenant son souffle, L’Ombre termina ses paroles.

« Nous reparlerons de tout ceci en temps et en heure. Pour l’instant, nous allons faire les préparatifs pour notre assaut sur Shimo. Étant un Kinzoku et originaire de ce pays, tu participeras au réunion stratégique avec le général et moi-même pour décider du stratagème à adopter. Notre regard se tournera ensuite vers l’Empire qui gronde au loin. Par la suite, lorsque Kumo triomphera, je t’inviterai de nouveau ici-même, dans ce bureau et nous parlerons de ce que toi et moi réservons pour le futur de ce monte. Pour le moment, je t’ordonne de devenir le lien entre Shimo et Kumo pour que nos deux entités prospèrent. »

Spoiler:

Ce fut la première fois que je dévoilai ainsi mes opinions et mes idées à quelqu’un. La première fois de mon existence que je me confiais. Je me sentais à la fois soulagé et un brin effrayé, ou plutôt vulnérable. Les mains moites, je les frottais un instant puis les posa contre mes hanches, reprenant la position militaire que la situation imposait. Je me rendis compte que ma respiration s’était accéléré. Mon pouls s’affolait lui aussi et des sueurs froides vinrent me prendre dans mon impresario. Après toutes ces années à vivre reclus sur moi-même, enfermé dans mon monde, je découvrais enfin ce que signifiait vivre. L’excitation, la peur, la colère, l’envie, l’ambition, le courage, bien que je connusse toutes cela, je ne pensais pas en être si éloigné. Vivant au gré des jours mon humeur dépendait des cauchemars qui me tourmentait dans la nuit. Des cauchemars me rappelant constamment d’où je venais et quel était mon fardeau. Mais ce fardeau n’en était plus un. Ce fardeau se sublimait pour devenir ce qu’il aurait toujours dû être : la motivation pour aller toujours plus loin. La volonté de répondre la justice dans le monde des hommes qui en était dépourvu. Mal à l’aise de m’être ouvert, j’écoutais avec une attention toute particulière la réponse de mon supérieur.

Le Kadoria confirma mes craintes sur l’état actuel de Shimo no Kuni. Le pays ne pouvait continuer ainsi à courir vers sa perte. Je ne ressentais que colère et rancune à son égard mais également le besoin viscéral de faire quelque chose. Laisser faire les choses m’était impossible et le temps d’agir était venu. Oni représentais la meilleure solution s’offrant à nous. Une solution que j’espérais temporaire. Si la rebelle se montrait trop avide, nous devront agir en conséquence mais la situation la plus pressante à régler dépassait les simples jeux de pouvoirs. Il s’agissait de sauver tout un pays, mon pays. Le Raikage approuva ma volonté de devenir chef de clan, je pourrai ainsi devenir la main réunissant les deux entités et faire entre la parole de chacun à l’autre. Cette position ne serait pas facile à tenir mais il le fallait pour le bien du plus grand nombre. Il le fallait pour que juste soit enfin rendu et que tout ceci n’eût pas été fait en vain. Manzo m’accordait sa confiance et son totale soutien dans ma démarche, ne restait plus qu’à conquérir Shimo.

Il souleva néanmoins un problème d’envergure, ma double position en tant que membre du kyomu et chef de clan à shimo no kuni m’accaparera plus de temps que je n’en ai à offrir. La fatigue et le stress en découlant seront intenses et l’erreur n’était pas permise. Pendant ces derniers mois je m’étais questionné sur ma capacité à tenir de si grandes responsabilités. Depuis mon arrivé à Kumo j’étais toujours resté en arrière-plan, refusant les postes à responsabilités et déléguant le plus possible. Hors je décidai en ce jour un changement total de comportement en ayant aucune expérience en la matière. Mes seules alliées seraient ma détermination et ma volonté à changer les choses. Personne ne le ferait à ma place. Il me fallait donc accepter mes responsabilités et endosser ce rôle. Le Raikage lui-même me faisait confiance pour réussir, je ne pouvais faillir.

Manzo était un personnage complètement différent de ce que je m’étais imaginé. Ses paroles étaient franches et ne transpirait d’aucune violence ou colère particulière. Les Raikages ont pourtant maintes fois démontrés leur propension à la violence et à la barbarie. Toutes ces années à fuir la réalité se terminait finalement sur la rencontre avec un homme ayant la même vision que moi. Un homme parvenu au sommet pour changer les choses. M’accrochant à cette idée, je me préparais à lui offrir toute l’aide dont j’étais capable pour mener à bien cette quête.

L’homme fort du village reprit son souffle et remit cette discussion à plus tard. S’avancer sur de tels projets devait se faire en temps et en heure. Nous efforts devaient dans un premier temps se concentrer sur la guerre à venir, nul doute qu’elle ne se fera pas sans sacrifices. Il m’annonça que j’allais participer aux réunions stratégiques, en sa compagnie ainsi que celle du général Seki et des autres pointures du village. Une réunion au sommet qui serait mon premier pas dans la cour des grands. Une fois Shimo et l’Empire défaits, le Kadoria me donnait rendez-vous ici-même pour discuter du sort du monde. Quel que soit le dénouement de la guerre, le monde allait changer.

D’un ton solennel, Kadoria Manzo m’ordonna de devenir le lien entre Shimo no Kuni et le village caché des nuages. Faisant claquer mes chaussures dans un élan pour me redresser, j’inclinais légèrement la tête et y répondit avec conviction.

« Ce sera fait selon vos ordres Raikage-sama. »

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