Un nouveau départ

(#) Sujet: Un nouveau départ Sam 26 Mar 2016 - 0:26

Sous le couvert d'un arbre qui bordait l'un des parcs de Konoha, Natsuki appréciait l'ombre que lui apportaient les feuilles caressées par le vent. Par le passé, il en profitait comme si c'était la dernière, comme si le monde cessera de tourner demain. Aujourd'hui, c'était on ne peut plus vrai. Le sien avait depuis plusieurs années arrêté sa course de toute façon. Malgré le cadre reposant dans lequel il s'était installé, il sentait toujours cette tâche sombre qui obscurcissait son cœur. Il avait beau être parvenu à reprendre une vie presque normale, celle-ci avait prit un tournant à sens unique, changeant drastiquement la perception qu'il pouvait encore avoir du monde. A l'image d'une peinture monochrome, tout ne lui apparaissait plus que terne désormais. Mais si son existence était devenu fade, il était toujours vivant : il appartenait encore au Village de la Feuille, et continuera d'en défendre les valeurs jusqu'à son dernier souffle.

Sa guitare usée par les années d'exposition au soleil posée sur ses cuisses, il en grattait distraitement les cordes sans prêter attention à ce qui pouvait bien se passer sous ses pieds. La tête appuyée contre le tronc, les yeux clos et les jambes pendant mollement de part et d'autre de la solide branche sur laquelle il était, il ne se concentrait que sur le son produit par son instrument. L'on ne pouvait même pas parler de mélodie, et pourtant les notes qui s'enchainaient dans un rythme lent l'apaisait. Sans qu'il sache pourquoi, son instrument jouait la contre-mesure de toute l'horreur que lui insufflait sa malédiction. Un peu comme si ses accords formaient un fil conducteur pour sa pensée, laissant revenir son esprit à une époque où il n'avait pas à supporter tout cela. Un phénomène d'autant plus curieux que Natsuki n'était pas particulièrement doué avec sa guitare : de son propre aveu, il en jouait par plaisir, et non pour progresser. Il était un ninja, pas un musicien, il vivait dans un monde où il valait mieux savoir se battre que manier son instrument. A moins bien sûr, que celui-ci ne soit au cœur de son style de combat, ce qui n'était pas son cas.

Après un bon moment, il sortit de sa rêverie et empoigna sa guitare, sa main traçant un bref instant l'impact dans le bois qu'avait fait par mégarde Natsumi lors d'une rencontre nocturne. Il ne vérifia pas si elle était correctement accordée – il était incapable de le faire à l'oreille seule, et ne jouait de toute façon pas assez pour que cela ai de l'importance – et commença à jouer une ancienne mélodie chargée de souvenirs pour s'échauffer les doigts. Il n'était pas devenu meilleur depuis la dernière fois qu'il l'avait gratté, mais c'était le cadet de ses soucis : il jouait déjà assez bien pour ne pas que l'on lui jette de pierres, ce qui était pas mal. D'abord ratés, ses accords devinrent progressivement maladroits au fur et à mesure que les gestes jamais acquis revenaient péniblement à sa mémoire. Les notes flottèrent dans l'air, laissant aux nuages le temps de s'enfuir avant que sa mélodie ne leur fasse abattre la pluie.

(#) Sujet: Re: Un nouveau départ Lun 28 Mar 2016 - 23:59

Voilà une semaine que nous nous étions rencontrée pour la première fois. Une semaine que je réfléchissais à l'éventualité de rejoindre, ou non, cette fameuse équipe afin de tenter de devenir shinobi. Une question qui au fond me perturber bien plus que je le pensais. Moi, Hayashi Leika, celle qui avait décidé depuis un bon moment déjà que jamais elle ne laisserait un seul shinobi entrer dans sa vie, voilà que désormais, je réfléchissais à l'éventualité de m'engager dans une carrière de ce genre. C'était plutôt invraisemblable et pourtant.

Je marchais au travers de la ville en regardant mes pieds, complètement perdue dans mes pensées. Je ne savais pas quoi faire et je ne savais pas non plus a qui en parler. Minato et mon père auraient un avis très tranché sur la question et ma mère n'aurait pas été une bonne conseillère. J'avais d'ailleurs passé la mâtinée avec elle à l'aider au camps Inuzuka. Cela m'avait valu une jolie morsure sur la main gauche et du coup, un beau bandage en prime. C'était douloureux, mais je devais bien avouer que pour l'heure, ce n'était pas le principal de mes soucis.

Mon cerveau était en pleine ébullition. Cela me donnait d'ailleurs mal à la tête et une certaine nausée en prime. J'aurais bien eut besoin de boire quelques choses de frais, ou de me reposer à l'ombre, mais ce n'était malheureusement pas la particularité première de mon environnement.

Je savais cependant que Konoha abritait un petit lac non loin sous couvert d'une épaisse forêt. Je pourrais bien aller m'y réfugier histoire de profiter un peu histoire d'avoir de la fraîcheur.

Je continuais à marché tranquillement, avant d'enfin pénétrer dans les sous-bois. J'aurais pu être seule et m'installer sous un arbre pour faire la sieste, mais dés que le silence des arbres me tomba dessus, un bruit instrumental s'immisça dans mon esprit et curieuse, j'observais les alentours pour en trouver la provenance. Je tombais finalement sur Nara Natsuki. Celui qui avait été désigné la semaine dernière comme mon sensei et a qui j'avais rapidement faussé compagnie, faute de motivation de ma part. L'art shinobi ... Très peu pour moi. Du moins, c'était avant que tout cela me perturbe au plus haut point, si bien que je ne savais pas vraiment où j'en étais.
Sortant une nouvelle fois de mes songes, je restais un moment sans vraiment trop savoir quoi faire. Devais-je l'interrompre ou au contraire lui laisser le loisir de continuer à jouer sa délicate mélodie ? Une question ne tarda pas à me traverser l'esprit et je n'étais pas du genre à garder ma langue dans ma poche. Je fis rapidement éruption dans son petit paradis, d'abord silencieuse et observatrice, attendant qu'il remarque ma présence, avant de finalement, m'avancer vers lui dès lors et m'installait en face de sa position, tout en demandant :

"Je croyais que les shinobis n'avaient pas de loisirs personnels ..."

(#) Sujet: Re: Un nouveau départ Mer 30 Mar 2016 - 11:19

L'esprit de Natsuki était loin, bien loin de son corps. Guidé par les notes de musiques qui le portaient comme des marches vers la sérénité, il flottait bien au-dessus du monde, libre de toute contrainte et de tout soucis matériel. Puis la perception d'un regard, d'une présence près de son enveloppe de chair et de sang rompit le voyage et le ramena sur terre.

« Hum ? » souffla-t-il.

En baissant les yeux vers ses pieds ballants, il croisa le regard d'une jeune demoiselle rencontrée une semaine plus tôt. Affichant alors un sourire de convenance en guise de salutation, il bascula sur le côté pour se laisser tomber au pied de l'arbre et de rejoindre le niveau de Leika. Sa réception l'amena proche de sa housse de guitare, sur laquelle il déposa son instrument.

« A mon tour d'être étonné que vous puissiez penser cela, Leika. Que serait un Homme sans loisir, sinon une bête de somme mécanique ? Je trouve qu'il est assez malsain de ne vivre que pour sa carrière militaire. Tout être pensant a besoin de moments récréatifs pour s'aérer l'esprit, ou d'un hobby pour se changer les idées. Une partie des membres de mon clan travaille à la ferme cervidée par exemple, où des cerfs en semi-liberté sont étudiés de la même manière que les biches y sont traies ou soignées. Pour ma part, je me suis plutôt tourné vers la guitare, même si j'avoue que cela reste occasionnel. La cuisine me sied davantage. »

Son instrument de musique, il l'avait continué plus par habitude que par nécessité depuis qu'il allait mieux. Mais au fil des ans, il s'était beaucoup attaché à lui, et probablement qu'il ne serait plus là aujourd'hui s'il n'avait pas eu sa guitare entre les doigts. Plus là tel que l'on le connait actuellement en tout cas.

« Dois-je déduire de votre croyance que votre père se consacre corps et âme uniquement à sa profession de shinobi ? » demanda-t-il en reportant son attention sur les yeux de son interlocutrice. « Sauf son respect, lui aussi doit se permettre des écarts de temps à autre, sans quoi vous ne seriez pas de ce monde aujourd'hui. Vous semblez vouer un tel mépris de la carrière de ninja que j'ai l'impression que vous oubliez qu'avant d'être des soldats, nous sommes des êtres humains. Et à ce titre, nous ne vivons pas uniquement pour la guerre et le sang. Pas tous en tout cas... »

Il était impossible de classer les humains dans des cases fixes. Tous les Konohajin n'étaient pas des êtres bons et serviables, de la même façon que les Kumojins n'étaient pas tous des imbéciles bornés, hautains et hargneux.

« Si vous me parliez un peu de vous Leika ? En dehors de fumer, boire et faire la fête, comment occupez-vous votre temps ? Et surtout, à quoi aspirez-vous comme avenir ? Je me doute bien que descendre d'un illustre clan fait peser beaucoup d'attentes de la part de la Famille sur les épaules, mais vous n'êtes pas la première à désirer faire autre chose de votre existence que ce que votre sang semble vous prédestiner à. Tous les Nara de naissance ne deviennent pas non plus des ninja. »

Il avouait être curieux de ce qu'une jeune femme avec le caractère de Leika attendait de la vie.

(#) Sujet: Re: Un nouveau départ Jeu 31 Mar 2016 - 0:07

Je m'appuyais doucement sur l'arbre derrière moi tout en observant le shinobi descendre de son perchoir et reposer sa guitare sur un étuis disposé au sol avant de me regarder tout en prenant la parole pour m'exprimer son point de vue sur ce que je venais de dire.

En effet, ma vision de la chose était plutôt étriquée et mon visage rougit légèrement lorsque le professeur eut l'idée de me remettre les idées en place tout en me faisant baisser le regard devant ma propre bêtise. Je rougis d'autant plus lorsqu'il évoqua les propres loisirs de mon paternel sans lequel je ne serais pas là. La situation m'échapper légèrement et j'avais bien du mal à me reprendre alors que plus rouge que jamais, je me permettais cependant de contrecarrer ses paroles :

"Mon père m'a abandonné pendant douze ans pour une mission ! Je n'avais que sept ans lorsqu'il a disparu et qu'on l'a déclaré comme mort ... Vous savez l'effet que ça fait de savoir qu'en fait, son père a préféré se consacrer à une mission plutôt qu'à voir grandir ses enfants durant autant de temps ? Le feriez-vous, vous Nara Natsuki ? Abandonneriez-vous votre fils, votre fille pour partir en mission en sachant très bien que vous risquez de ne jamais les revoir ? De les laisser grandir sans leur père ?"

Je baissais rageusement le visage, préférant laisser ma vue se concentrer sur autre chose. L'herbe verte qui courrait autour de nous, les fourmis qui grimpaient dans un arbre. Récente blessure à peine réveillé, mon cœur saignait à nouveau de la réalité qui était la mienne. Je me laissais tomber à même le sol, m'adossant une nouvelle fois à l'arbre alors que le jeune homme m'en demandait plus sur ma propre personne. Je penchais la tête en arrière pour observer le ciel, puis je baissais uniquement mon regard, pour l'observer une nouvelle fois.

"J'aide ma mère à la clinique vétérinaire ... Je l'aide à faire les soins des animaux, je nettoie les cages et les enclos, je leur donne à manger. Ce n'est pas forcément toujours plaisant, mais ça occupe l'esprit et puis les animaux eux ne se plaignent pas ! Ils sont toujours pleins de réconfort. Nous recevons souvent des Inuzuka, j'ai beau ne pas apprécier les shinobis, j'adore les ninkens, je trouve ces chiens particulièrement intelligents, mais je déplore un peu qu'on les utilise de cette façon, même si cela semble être leur ... Propre volonté !"

Je soupire et me retourne légèrement pour observer une fleur perdue dans l'herbe. Je repense alors à la question du gradé, réfléchissant à cette dernière. À quoi aspirais-je actuellement ? Il m'était invraisemblablement impossible de répondre à cette question, car, ma vision des choses étaient en train de changer, d'évoluer vers quelques choses de plus complexes, mais surtout de plus complet. De longues minutes s'écoulèrent alors que le soleil commençait doucement à filtrer parmi les feuillages et à venir caresser ma peau laiteuse. Je repris finalement la parole :

"J'aspirais juste à pouvoir m'échapper de ce clan de merde où je suis mal vue peu importe ce que je fais, ce que j'entreprends. Je voulais juste m'en éloigner le plus possible et espérer vivre une vie normale et peut être même heureuse ..."

Mon regard se détourna de la fleur pour revenir sur le tatoué :

"On dirait bien que mon avenir me joue des tours cependant et me pousse inexorablement vers le monde shinobi et donc inévitablement la mort, la souffrance, le sang, la guerre et les champs de bataille ..."

Je lui souriais tristement, pratiquement résolus à devoir me lancer dans ce genre de carrière :

"Je n'ai même pas passé le diplôme de l'académie shinobi ... Ma mère m'a retiré de cette dernière avant d'avoir fini mon apprentissage ..."

Natsuki considéra les joues rougies de Leika avec étonnement. La demoiselle devait être bien prude pour s'empourprer si facilement. La tenue qu'elle avait enfilé quelques jours plus tôt, lorsqu'il l'avait rencontré pour la première fois, ne devait avoir pour but que d'exaspérer son père plutôt que de refléter une part de sa personnalité.

La suite fut tout aussi intéressante. Leika souleva un point qui en expliquait plutôt long sur son ressentit envers les shinobis. Il ne s'agissait pas seulement d'une histoire d'être poussée dans la carrière de ninja pour répondre à des attentes familiales. Il y avait derrière bien plus : un père absent, et un sentiment d'injustice devant un travail qui a été préféré à son propre enfant. La colère montait dans la voix de la jeune Hayashi, mais ce n'était que pour l'extérioriser. Qu'elle s'écoule seulement, Natsuki était bien plus apte désormais à éponger ce genre de chose qu'il ne l'était deux mois plus tôt.

« Oui, je sais ce que cela fait. » déclara simplement Natsuki en s'asseyant à son tour. « Peut-être dans une moindre mesure par rapport à vous, mais mes parents étaient souvent absents de la maison aussi. J'ai passé une bonne partie de mon enfance chez une Tante du clan. Est-ce que je le regrette ? Pas vraiment. Est-ce que je ferai pareil ? C'est déjà le cas. Je n'ai peut-être pas d'enfants, mais il y a des gens que j'aime, et que je laisse derrière moi chaque fois que je pars en mission. Et quelque part, je pense que c'est là l'une des plus belles preuves d'amour que peut offrir un parent à son enfant. Vous savez Leika, les ninja ne font pas seulement ce métier pour gagner de l'argent et vivre, ils le font aussi pour défendre un idéal. Il varie d'une personne à l'autre, mais globalement, les mêmes principes se retrouvent toujours. Nous nous battons pour un monde en paix dans lequel notre descendance pourra grandir sans la peur. Les combats que nous livrons, nous le faisons pour ceux n'ont pas la force de le faire. »

Il marqua un temps de pause, le temps de passer son annulaire sur l'une de ses cernes.

« C'est assez paradoxal au final. Nous risquons notre vie pour les autres. Nous en sauvons autant que nous en fauchons, et bien souvent, ce sont nous qui sommes au cœur des conflits. Cela veut-il dire qu'aucune bataille n'aurait eu lieu sans nous, et que le monde se porterait mieux sans nous ? Difficile à dire, mais je serai d'avis que non. Rien n'est blanc ou noir de toute façon. Tout ce en quoi je crois, personnellement, c'est du bienfondé de mes actions. C'est pourquoi j'ai crée l'équipe Matsudaï, et ce depuis sa première génération. Pour qu'elle soit le bouclier de ceux qui n'ont pas encore la force de se défendre, et de ceux qui ne l'auront jamais. »

Il l'écouta parler de la clinique de sa mère, sujet sur lequel elle s'exprima avec un peu plus d'enthousiasme. Elle semblait avoir un bon contact avec les animaux, soit tout le contraire de lui. Cela était presque amusant de constater à quel point ils se situaient tous deux aux antipodes, autant sur le caractère qu'en général. Il ne pu s'empêcher de sourire.

« Vivre une vie normale, c'est bien vague comme concept, et surtout, propre à chacun. Qui plus est, ce n'est pas forcément incompatible avec la vie de ninja, vous savez ? Être shinobi ne se limite pas à faire la guerre et à tuer. En un sens, c'est même le métier le plus diversifié qui soit. Le sang, la mort et la souffrance font partie du quotidien, certes, mais pas forcément plus que dans d'autres métiers. Vous qui avez travaillé avec votre mère dans la clinique, vous n'avez jamais eu à provoquer la souffrance d'un animal pour pouvoir le soigner ? Injections, réduire une fracture, recoudre des plaies, quand ce n'est pas simplement l'accompagner dans ses dernières heures ? Les hôpitaux, les fermes, les maisons de retraite, la famille même. Nous vivons tous ces moments dans notre vie. »

Natsuki croisa les bras sur sa poitrine, et pencha légèrement la tête sur le côté.

« L'on va encore dire que je prêche pour ma paroisse, ce qui n'est en un sens pas le cas. Je ne cherche pas à vous recruter de force Leika, je vous exprime juste un point de vue. Sachez juste que ne pas être diplômé de l'Académie des Shinobi n'est pas handicapant : je ne le suis pas non plus. »

Son clan l'avait formé déjà bien avant la construction de Konoha, et lui-même pouvait très bien en faire de même avec la jeune femme.

« Quant à votre désir de vous éloigner de votre clan, j'imagine que ce sont les moyens financiers qui vous empêchent de prendre votre appartement ailleurs ? Si cela ne tient qu'à ce détail, j'ai peut-être une solution pour vous.» déclara-t-il après s'être accordé quelques secondes de réflexion. « Je suis le propriétaire d'un restaurant qui a ouvert depuis peu, et des postes sont encore à pourvoir. Celui d'une serveuse notamment. Si vous êtes intéressée, vous pouvez venir postuler là-bas. Cela vous permettrait une certaine indépendance financière, et prendre un peu de recul vis-à-vis de tout. Qu'en pensez-vous ? »

L'offre n'était pas forcément à prendre de suite, une réflexion était probablement nécessaire, surtout au vu des incertitudes qui noyaient la jeune femme.

Les paroles du haut gradé afflué au fur et à mesure de notre discussion et le moins que je pouvais dire, c'est que le Natsuki présentait des arguments convaincants, du moins beaucoup plus que tous ceux qui avaient essayé de me convaincre de telles choses depuis que j'étais devenus aussi radicale sur la question. Je l'écoutais avec patience et attention, assimilant chacune de ses paroles afin d'être sûre de bien les comprendre. Pouvais-je seulement comprendre et approuver la comparaison qu'il me faisait entre mon père et lui-même. Abandonner ses enfants ne serait jamais pour moi comparable avec le fait de partir en mission en laissant derrière lui uniquement ses amis, les personnes que nous aimons. Nous avions un point de vue différent sur la chose et je tenais à lui exprimer :

"Abandonner la chair de sa chair n'est pour ma pas comparable à abandonner ses amis ! Ils auraient pu nous arriver n'importe quoi ! Et c'est d'ailleurs ce qui s'est produit ! Nous avons été rejetés du clan, c'est peut-être rien dit comme ça, mais ça na pas été facile à vivre et ça ne l'est toujours pas !"

J'avais commencé à triturer mes doigts les uns dans les autres pour m'occuper l'esprit pendant que je parlais de ce que je ressentais et je ne comptais d'ailleurs pas m'arrêter sur ces quelques paroles. Le flux reprit et sorti de ma bouche :

"Je commence cependant à percevoir votre façon de penser. Se défendre pour faire croitre un idéal, c'est une notion que je peux tout à fait comprendre, mais ce que je désapprouve, c'est le fait qu'il y a toujours des civils qui en souffrent dans l'histoire ! Des gens comme moi qui n'ont aucun moyen réel de se défendre ! Vous faites des combats pour nous, mais en contrepartie, vous vous attaquez à des gens comme nous et c'est ça le plus triste dans l'histoire ..."

Pourtant, je comprenais le côté gris de la situation, car nous étions dans un cercle infini ou la loi du Talion régnait en mettre. Attaqué, mes amis, j'attaquerais les vôtres. Un cercle sans fin ...

La conversation prenait alors une allure tout autre en évoquant le quotidien, qui était, selon professeur, assez similaire avec un citoyen lambda. Le métier restait différent, mais il était diversifié et amené à toucher différents métiers. Une variété qui je ne pouvais le nier, me plaisait. Je relevais le regard lorsqu'il m'avouait qu'il était possible de monter en grade sans forcément être diplômé de l'académie shinobi :

"Vous pensez que c'est vraiment possible ? Je veux dire ... Mon clan n'acceptera jamais de me valider au rang de genin, je ne vois pas vraiment de solution de devenir shinobi, à cause de cela. J'y pense depuis que nous nous sommes rencontrés et j'ai beaucoup trop fauté pour que l'on accepte cela. De même que je ne suis pas d'accord avec les principes de notre famille ..."

Trop étriqués et élitiste de mon point de vue. Je pensais que tout le monde avait le droit à sa chance, ce n'était pas le cas de la plupart des miens. Mes yeux se baissèrent pourtant de honte lorsqu'il évoqua la possibilité de prendre mon appartement et les difficultés financières liés à cela. En effet, j'y avais déjà songé :

"Je ... Je ne suis pas rémunérée pour le travail que j'effectue à la clinique vétérinaire, donc c'est assez dur de prendre mon envol et de m'éloigner du quartier Hayashi même si c'est mon désir depuis quelques années déjà ..."

Sa proposition me touchait alors pour l'instant, je répondais d'un bref hochement de tête positif :

"Je viendrais voir votre restaurant et faire un essai alors si vous le voulez bien ..."

Natsuki se contenta de hausser les épaules. Leika avait parfaitement saisi comment fonctionnait le monde shinobi, ce qu'il permettait, mais surtout, ce qu'il infligeait.

« C'est exactement à cela que ressemble la réalité. Durant la guerre, tout le monde n'est pas un soldat, et indéniablement, beaucoup souffrent des dommages résultant des conflits, quel qu'en soit son échelle. Je reste cependant persuadé que nous faisons plus de bien que de mal, dans la globalité. Après individuellement, il y a toujours des personnes qui se tournent plutôt vers le '' mal '' que vers le '' bien '', avec toute la relativité que j'accorde à ces concepts. Les guerres éclatent bien parce que chaque camp est persuadé d'être dans son bon droit. »

Natsuki en avait oublié avec le temps combien il était agréable de discuter et de débattre avec autrui. Surtout quand la concernée avait un point de vue extérieur sur le sujet, plutôt que le nez dans le guidon. C'était ainsi que l'on évoluait, non pas en se confortant dans ses idées, mais en les confrontant à la réalité des autres. Leika aussi semblait avoir besoin de cela, mais sur d'autres domaines.

« Pour quelqu'un qui n'aspire qu'à s'éloigner du clan dans lequel elle se sent rejetée, je trouve que vous attendez beaucoup de reconnaissance de sa part. Pour autant que je sache, ce n'est clairement pas le rôle d'un chef clanique de déterminer le grade de quelqu'un. Tout au mieux, il est en droit de le reconnaître ou non, mais c'est l'administration qui décide du grade de quelqu'un en fonction de ses capacités. Et pour cela, il suffit de faire enregistrer sa licence de shinobi. Licence que vous n'avez pas, puisque vous êtes sortie du cursus '' scolaire '', mais qui n'est pas inaccessible pour autant. »

Lui avait la sienne, et n'avait posé ses fesses sur les bancs de l'Académie autrement que pour suivre des cours particuliers.

« Beaucoup d'étrangers de Konoha rejoignent les rangs du Village de la Feuille. Les Gekei sont un exemple suffisamment récent pour être pertinent. Ils ont simplement passé un test d'aptitude pour avoir évaluer s'ils sont aptes à exercer la profession. C'est ce que vous devrez passer vous aussi si un jour vous vous décidez à vous lancer dans cette voie. Mais pour le moment, je vous sens encore dans la tourmente vis-à-vis de ce sujet, et je ne rien faire pour vous aider à en sortir hélas. C'est un choix qui n'appartient qu'à vous. Sachez toutefois que tant qu'il restera une place de disponible dans mon équipe, vous y serez la bienvenue si vous y entrez avec la volonté de progresser et d'aller de l'avant : je serai tout à fait disposé à vous préparer à l'examen d'évaluation. »

Il marqua un temps de pause, frottant à nouveau sa cerne du bout du doigt.

« N'importe comment, pas de décision hâtive. Laissez-vous le temps, vous arriverez peut-être même mieux à réfléchir à la question quand vous aurez prit davantage de recul vis-à-vis de votre clan qui semble obséder vos pensées plus que vous ne le souhaiteriez. Ce qui en soit, je comprends : ils restent avant tout votre famille, et qu'importe comment elle est, chacun cherche au fond de lui de la reconnaissance dans leurs yeux. »

Natsuki se leva, et rangea sa guitare dans sa housse de transport. Elle ne risquait plus de lui servir aujourd'hui.

« Cela vous dirait de voir mon restaurant déjà aujourd'hui, si vous avez le temps ? » proposa-t-il. « A cette heure-ci, il est fermé, mais au moins vous saurez où il se trouve. »

Ce n'était pas la porte à côté, mais lui n'avait rien de prévu d'autre : ce jour était consacré à la récupération physique.

« Et d'ailleurs, c'est sans rapport mais si je peux me permettre la curiosité. Vous qui assistez votre mère à la clinique vétérinaire, cela vous est déjà arrivé d'y voir un Gekei ? »

Le Nara tatoué étudiait ce peuple de relativement près, et s'attelait notamment à démentir ou vérifier les rumeurs et les croyances qui couraient sur eux.

Devant les paroles pleines d'encouragements du jeune homme, je restais de marbre, mais au fond de moi, mon esprit bouillonné de toute part. Entre le désir cuisant de vouloir être reconnu à ma juste valeur, celui de m'émanciper de mes parents et de mon clan et l'ouverture vers une vie nouvelle qu'il semblait me proposer, j'étais comme perdue en deux océans complètement différents. Je baissais les yeux, observant le sol dans une position des plus prostrées, insensible au fait qu'il m'observer.

C'était peut-être la première fois que je sentais que l'on me portait une aussi grande attention et cela avait au moins le don de réveiller mon cœur et de commencer à me faire ressentir de la gratitude à son égard que je ne pue m'empêcher d'exprimer bien longtemps :

"Merci ..." Dis-je d'une voix tremblotante.

Je ne pleurais pas encore, mais ce n'était vraiment pas loin. Aussi, redressant le visage et l'observant avec des yeux luisants, je lui demandais :

"Vous ... Vous pensez vraiment que je peux réussir ?"

Je baissais une nouvelle fois les yeux tout en me tripotant nerveusement les mains. J'avais un vrai manque de confiance en moi vis-à-vis de ce qu'il venait de m'avouer :

"Je ... Je veux dire ... Je n'ai vraiment aucune base, ça me fait peur de rater quelque chose comme ça qui peut décider du reste de ma vie ..."

Je n'avais vraiment aucune confiance en moi. Un, malheureusement, bien gros défaut qui me caractériserait encore un petit moment. Je gardais les yeux fixés sur le sol encore une fois jusqu'à ce qu'il me propose d'aller voir le restaurant. Voilà une façon plus ou moins originale de changer non seulement le sujet de la discussion, mais aussi le flux de mes idées. Je répondais cependant à sa demande de prendre mon temps :

"Oui ... Je vais faire ça et ... Je vous tiendrais au courant de ma décision une fois que je l'aurais prise ..."

Espérons que ça ne soit pas trop long malgré tout. Je commençais à me sentir bien en la présence de cet homme. C'était rassurant.
Me relevant, je le regardais alors d'un visage nouveau, peut être un peu plus détendue en soit :

"Allons-y ! Je vous suis, ça me permettra peut-être de prendre une décision plus rapidement concernant votre offre !"

Je lui souriais et nous nous mettions naturellement en route pour notre destination qui semblait se trouver vers le centre du village vu la direction que nous prenions. Natsuki décida cependant de me poser une question concernant les ... Spécimens que j'avais déjà pu croiser à la clinique vétérinaire de ma mère. La question me perturba un peu au départ, mais finalement, je lui répondais le plus naturellement du monde :

"Ça arrive parfois ... Mais c'est assez rare !"

Puis, intriguée, je demandais :

"Pourquoi cette question ?"

« Honnêtement, je ne sais pas. » répondit simplement Natsuki en se mettant en route en compagnie de Leika. « J'ai besoin d'un peu plus d'éléments qu'une simple discussion pour évaluer votre potentiel et dire si oui ou non vous avez les capacités de réussir. Mais cela dit, je ne m'inquiète pas trop sur ce point là. Vous avez du sang clanique dans les veines, et cela vous confère un talent naturel bien plus important que ce que vous pourriez croire. Il ne tient qu'à vos efforts et votre volonté de le développer, ou au contraire, d'investir votre énergie dans autre chose. »

Que ce soit vétérinaire bénévole, serveuse, ou ce qui lui faisait envie. Toutes les combinaisons n'étaient d'ailleurs pas incompatibles. Vint ensuite dans la grande rue principale la question de la clinique et des Gekei, à laquelle Natsuki répondit en se fendant d'un sourire en coin.

« Je m'intéresse d'assez près à eux. Avant de rouvrir le restaurant, je travaillais comme archiviste au Palais du Hokage, et si je n'ai pas encore démissionné entièrement de là-bas, c'est parce que je n'ai pas totalement clos un dossier au sujet de ce curieux clan. J'avais pour tâche d'étudier leur histoire et leur intégration à Konoha, et voyez-vous, je n'ai pas pour habitude de commencer un travail que je ne peux pas finir. Je continue donc de me renseigner sur eux à gauche et à droite, et notamment sur les rumeurs et fausses croyances qui courent sur eux. Du genre '' naissent-ils dans des œufs, ont-ils des portées, ressent-ils des pulsions de leur animal totem " etc... Mais les Gekei restent très peu accessibles sur ces sujets. C'est un peuple très secret, et bien que je m'efforce d'éviter qu'ils croient que je les vois comme des bêtes de foire, des animaux étranges plutôt que des humains à part entière, ou des spécimens d'étude, le courant passe assez mal entre eux et moi... »

Il haussa les épaules, l'air de dire que ce n'était pas si dérangeant que cela.

« Mais bon, je ne perds pas espoir. A force de patience, je devrai bien arriver à un résultat. Que ce soit finir ce dossier, ou me faire haïr par l'ensemble du clan. L'on arrive toujours à quelque chose de toute façon dans la vie, tant que l'on persévère. Ou alors, l'on meurt avant. »

Cela arrivait aussi. Même souvent.

« Regardez, c'est ici. » indiqua Natsuki lorsqu'ils arrivèrent devant l'imposant restaurant.

Le bâtiment grimpait sur deux étages au-dessus de l'entrée, mais seul le rez-de-chaussée était fonctionnel pour le moment. La devanture avait cependant été entièrement restaurée, afin que chacun sache que le restaurant était à nouveau opérationnel. L'ancienne enseigne de l'Arrêt au Porc était le seul élément extérieur qu'il avait fait retirer. C'était maintenant son restaurant, et plus celui de Chikin : il portait donc un nouveau nom. L'enseigne apparaissait cependant en flouté aux yeux des joueurs pour le moment, car elle n'avait pas encore été montée dans la partie rénovation. Bientôt...

« Venez jeter un coup d’œil à l'intérieur. » lui proposa-t-il en ouvrant la porte d'entrée.

Ils pénétrèrent dans la salle principale, bien ordonnée et pourvu de tables et de chaises pour accueillir près de deux cent personnes. Un bar était situé dans le fond, et permettaient à ceux qui désiraient prendre uniquement un verre de se détendre. Actuellement, le restaurant était vide, en dehors d'une personne qui assurait la disposition des nappes et du couvert avec une minutie impressionnante. Son uniforme ne laissait pas de doute sur la fonction qu'il exerçait ici.

Dès que Natsuki entra, il se redressa de toute sa hauteur dans leur direction. La coupe propre et lisse, il portait de fine lunettes dont le regard froid franchissait les verres comme l'âme de ceux sur qui il se posait.

« Bonjour, Natsuki. » salua-t-il avec respect en se courbant.
« Bonjour, Reiji. Tout se passe bien ? »
« Oui. J'achève de préparer le service pour ce midi. Et puisque nous parlons de cela, j'aimerai faire remarquer que selon les horaires que vous nous avez fixé, le restaurant n'est pas encore ouvert aux clients. De fait, puis-je savoir qui vous accompagne ? »

Natsuki afficha un sourire en coin. Reiji supervisait l'équipe des serveurs, et il était difficile de trouver plus droit que lui sur le règlement. C'était précisément pour cela que le Nara tatoué l'avait engagé à ce poste, en plus de ses compétences impressionnantes.

« Reiji, je vous présente Leika Hayashi. Elle souhaiterait postuler pour l'un des postes vacants de serveur. Cela vous dérangerait de vous occuper de vérifier si elle est apte ? »

Leika lui avait dit qu'elle réfléchirait à son offre, mais Natsuki préférait la pousser directement sous le bus. L'adaptabilité à une situation changeante faisait partie des qualités essentielles pour un shinobi. Et bien que cela risquait de brusquer voire de braquer complètement la jeune femme, c'était un risque qu'il valait mieux prendre tout de suite plutôt que trop tard. Reiji de son côté resta silencieux quelques instants, ses yeux inquisiteurs posés sur la jeune femme.

« Si c'est ce que vous voulez. » répondit-il finalement sur un ton égal.

Natsuki accorda un sourire encourageant à Leika.

« La vie est faite d'opportunités Leika. Il y en a autant que d'étoiles dans le ciel, mais elles doivent être saisi au moment où elles se présentent, ou être perdues. Ne vous inquiétez pas, c'est vos qualités qu'il va tester, pas vos compétences : ni lui ni moi n'attendons l'excellence aujourd'hui. »

Son expression générale resta imperturbable, mais le regard sévère que Reiji leur porta laissait pourtant entendre le contraire.

« Veuillez me suivre, Mademoiselle. » demanda-t-il en lui indiquant une porte de service. «Avez-vous de l'expérience dans la profession ? Et savez-vous ce que nous attendons de votre part pour ce poste ? »

Les hostilités commençaient. Natsuki les observa de loin, installé à une table non préparée, ses mains formant un triangle parfait à hauteur de sa poitrine. Tout ceci n'avait rien d'un jeu, et il espérait que Leika en ai conscience. Car que ce soit en tant que ninja, ou que serveuse, le monde professionnel n'était pas un fleuve tranquille qui se pliait aux envies de chacun.

Il laissait une marge, certes, mais il avait aussi ses attentes, et surtout, ses exigences.

Le fil de notre discussion allait bon train, passant sans aucun problème d'un sujet à l'autre et lissant ainsi des éclaircies apparaître dans l'avenir plutôt sombre auquel je me prédestinais. Mon apprentissage, pour commencer, ne semblait pas être un souci majeur d'après mon professeur. La bonne volonté et mon talent naturel, bien que j'aie un sérieux doute sur ce dernier, serait sans aucun doute des atouts de choix face aux épreuves qui m'attendraient. Il ne me restait donc qu'à faire preuve de ténacité et surtout, essayer d'améliorer mon état d'esprit.

Nous marchions à présent à travers les rues du village du feu, prenant une direction inconnue pour moi, ce qui ne m'empêchait cependant pas de poursuivre ma discussion avec le Nara, et surtout d'en apprendre un peu plus sur lui et son projet ... Secret. Les révélations me laissèrent de marbre, même si je pouvais les comprendre. Moi la première, même si aux premiers abords tout laissé penser que j'étais une branleuse de première, j'étais plutôt du genre perfectionniste et j'aimais bien fignoler tout ce que j'entreprenais jusqu'à la dernière minute.

Aucune parole prononcée pour ma part jusqu'à l'arrivé devant le restaurant. Le bâtiment était imposant. Bien plus que je ne l'aurais pensé et je l'observais, évaluant l'imposante bâtisse tant par sa hauteur que sa largeur.
Le manieur d'ombre ouvrit la porte et m'invita à rentrer, ce à quoi je répondis par un simple :

"Merci !"

Tout en lui passant devant pour finalement découvrir la salle principale. Immense, c'était le seul mot que je pouvais formuler pour la décrire. Ce n'était pas une serveuse qu'il fallait pour gérer un tel lieu, mais plutôt, une armée de serveurs ! Je n'ouvrais pas la bouche de stupéfaction par politesse, mais ce n'était pas loin. Un homme se trouvait là et semblait disposer les derniers couverts nécessaires à la mise en place des tables avant de saluer le chef des lieux. Restant un peu en retrait, j'écoutais la conversation, rougissant par moment avant de finalement m'avancer à la demande du chef de la racine.

Des paroles encourageantes de la part de ce dernier, puis finalement, je m'éloignais avec le majordome sans prononcer la moindre parole. Nous traversions une porte de service pour atterrir dans un endroit bien moins agréable où je subissais deux premières questions. À la première, je répondais négativement :

"Non, aucune dans ce domaine-là ..."

Ça commençait bien déjà. Mais le Nara savait très bien que je n'avais aucune expérience. C'était donc plus sur la deuxième question que je serais jugé. Qu'est-ce que l'on attendait de moi pour ce poste ? Il me suffisait d'être logique. Qu'est-ce que moi, j'attendais d'un serveur quand j'allais au restaurant :

"Discrétion, amabilité, efficacité, rapidité, le sourire ..."

Cela me semblait des pré-requis essentiel. Personne n'aimait avoir un serveur trop envahissant, ou désagréable. De même que voir des serveurs faire vingt fois un aller-retour pour de petites choses étaient assez ... Dérangeant. J'observais l'homme en face de moi avant de compléter :

"C'est ce que moi, j'aimerais avoir de la part de mon serveur quand je suis au restaurant en tout cas ..."

Je lui souriais alors timidement.

La tête légèrement baissée, Reiji dévisagea Leika par-dessus les verres de ses lunettes. Il donna l'impression d'étudier autant la jeune femme et son attitude que la réponse en elle-même.

« Quoi qu'extrêmement concise, c'est une réponse correcte. » lâcha-t-il après quelques secondes de silence. « Tenez, enfilez ceci. » lui dit-il en lui tendant un tablier.

Ce n'était pas l'uniforme de l'établissement, mais il n'avait pas le temps de lui en faire enfiler un juste pour ce qu'il comptait faire. Il profita donc du temps que Leika le revêtisse et le noue pour lui expliquer ce qui avait besoin de l'être.

« Beaucoup s'imaginent que la profession de serveur se limite à prendre une commande et à apporter des plats. C'est outrageusement réducteur, car derrière l'aspect simpliste de la chose se cachent une quantité de travail. Ce n'est pas pour rien que nous demandons à notre personnel de salle autant de compétences techniques que relationnelles et comportementales. L’amabilité que vous avez évoqué par exemple, ce n'est pas que de la politesse et un sourire. C'est aussi adopter en toutes circonstances un comportement professionnel et une présentation en cohérence avec l'image du restaurant – surtout quand celui-ci est nouveau. L'efficacité, c'est garantir la qualité du service rendu, et placer le client au centre de votre activité en analysant rapidement ses besoins, voire le conseiller dans ses choix. Réagir immédiatement aux problèmes, aller au devant des dysfonctionnements possible. La rapidité, c'est s'organiser pour réduire les temps d'attentes des clients, assurer la fluidité du service entre la cuisine et la salle, et répartir les tâches avec le reste de l'équipe présente sur le service. »

Reiji confrontait sans gant Leika avec un métier dont elle n'avait probablement que des aprioris, le tout en laissant clairement entendre qu'il ne faisait qu'effleurer du doigt la réalité de la profession. Mais il ne tolérait pas ceux qui venaient en croyant qu'ils pourraient se la couler douce avec un job facile.

« Si vous ne pensez pas capable de vous adapter à une clientèle diverse, à un flux d'activité qui peut devenir intense en peu de temps, et de gérer un ensemble de tables sans vous y perdre, vous pouvez partir. Sinon, allez dresser la table de votre client, puis prendre sa commande. Le chariot avec les nappes et le couvert de trouve dans la salle. La communication avec la cuisine se fait par l'entrée près du bar. »

Reiji ne la suivit pas immédiatement lorsque Leika traversa les portes dans l'autre sens. A la place, il resta les bras croisés, comme s'il savait que quelqu'un allait le rejoindre sous peu.

« Tu es plutôt dur avec elle Reiji. » lui fit remarquer sur le ton de la taquinerie la femme qui sortit des vestiaires en s'attachant les cheveux. « Ne va pas nous la faire fuir tout de suite. »
« Ce n'est pas un camp de loisir ici, Sakurako. Je lui explique simplement les choses telles qu'elles le seront. »
« Ce n'est pas une raison pour la briser avant de lui avoir donné sa chance. »
« Natsuki t'a laissé les pleins droits sur la gestion de ton personnel de cuisine, alors ne te mêle de ma façon de gérer la mienne. » répondit-il en rehaussant ses lunettes.

Sakurako lâcha un soupire amusé en tapotant l'épaule de Reiji, puis se dirigea vers la cuisine. Elle s'arrêta toutefois dans entrebâilleur de la porte, et porta un dernier regard à son collègue.

« C'est Natsuki qui l'a soumit à ton expertise non ? Il a plutôt bon nez en général, il sait ce qu'il fait. »

Le regard dédaigneux de Reiji l'amusa : c'était suffisant comme réponse. Sakurako enfila sa toque, et alluma ses fourneaux. Elle était encore seule dans la cuisine, les autres n'arriveront pas avant deux heures, pour le début du prochain service.

« Si c'est Natsuki qui joue le client, il va demander une omelette au porc, à tous les coups. » songea-t-elle.

Ses ustensiles se réunissant petit à petit sur son plan, elle fredonna une ancienne chanson en se mettant en au travail.

Nous voilà dans les cuisines ou je me retrouvais soumis au regard inquisiteur du maître d'hôtel. J'ai l'air timide, mais je le regarde pourtant droit dans les yeux juste après lui avoir donné mes réponses. Ces dernières sont brèves, mais néanmoins exacte d'après ses dires suivant et il me tends un tablier en me demandant de l'enfiler.

Je m'exécute sans prononcer la moindre parole tout en écoutant le discours qu'il souhaite me donner en exemple pour me décrire les qualifications nécessaires pour exécuté le métier. En gros, ce qu'il attend de moi. Il me met rapidement au pied du mur après m'avoir sortie son beau discours en me demandant de partir de suite si je ne me sens pas capable de faire ce travail. C'est un peu rude dans la façon de s'exprimer, mais surtout, terriblement déstabilisant quand on a même pas encore commencé à travailler.

J'avoue que pour le coup, je ne sais pas vraiment quoi faire alors je lisse doucement mon tablier en regardant le sol, n'osant pas imposer plus ma présence à mon détracteur et me retournant pour retourner dans la salle à manger ou je pousse un long et profond soupir en m'appuyant contre la porte et en écartant une mèche de cheveux de mon visage.

Dans quel pétrin je me suis fourrée moi ?

Je ne peux cependant pas abandonner sans essayer d'au moins me battre. Le majordome m'a demandé de dressé la table de mon sensei et c'est ce que je vais faire. Ça ne doit pas être bien compliqué après tout. Il suffit de faire preuve d'un peu d'observation et comme je ne suis qu'en apprentissage, je prends tout mon temps pour retourner auprès de mon sensei, m'arrêtant pour regarder l'une des tables déjà dressés. La façon dont le centre de table est posé, mais aussi la nappe blanche et le tissu plus fin, noir et ornée de motif rouge qui passe d'un bout à l'autre de cette dernière. Sur ça, je pense avoir compris à peu prêt quoi faire, alors je me dirige vers le chariot non loin de la table de Natsuki et j'y prends une nappe et un centre de table avant de revenir vers l'endroit ou se trouve le manieur d'ombre :

"Excusez-moi !" Lui demandais-je afin qu'il retire ses coudes de la table.

Je prends alors un soin tout particulier à déplier la nappe blanche, la répartir de façon égale de chaque coté de la table et en lisser les plus avant de déposer le centre de table. De la même façon que les autres tables, c'est-à-dire en direction du bar. Jusqu'à là, rien de très sorcier, je pense avoir tout bien fait, je vais donc chercher des couverts. Je prends soins de les saisir avec une serviette afin de ne pas les salir et je fais de même avec les verres. Eau et vin pour le moment car je ne sais pas encore ce que va consommer mon professeur. Je vais disposer le tout en face en prenant soin de suivre le modèle des autres tables, mais le pliage de la serviette, me pose pour l'instant un souci. Je fais la grimace, mais je ne dis rien, préférant m'approcher doucement du jeune homme et lui demander :

"Est-ce que vous souhaitez prendre un apéritif ?"

Bien sûr, il refuse, voilà qui ne m'arrange pas. Pour le coup, je suis un peu déstabilisée et je ne sais pas vraiment comment réagir. Il faut que je me calme et que je réfléchisse. Je souris timidement avant de dire :

"Je vais vous chercher ça ! Merci !"

Dans le genre pas inutile, on fait mieux, mais je n'ai pas vraiment le choix, au passage, j'attrape une serviette sur la servante et me dirige vers le bar pour y chercher une carafe d'eau avant d'aller frapper timidement à la porte avant de rentrer :

"Excusez moi Reiji … Est-ce que vous pouvez me montrer comment vous faites le pliage de vos serviettes s'il vous plait ?"

Seul client du restaurant, Natsuki attendit tranquillement installé à sa table. Son regard se promenait dans la pièce la moins rénovée du restaurant, tant l'agencement d'origine suffisait déjà amplement à satisfaire les attentes de son propriétaire. La pagode centrale, une miniature du restaurant tel qu'il l'était à l'époque avant ses travaux, permettait de comparer l'évolution de l'établissement entre ses deux propriétaires. Pour le moment, c'était d'ailleurs faire sculpter et peindre cette maquette de deux mètres qui lui avait coûté le plus d'efforts...

Passées quelques minutes, Leika arriva depuis une porte de service vêtu d'un tablier, et se présenta à lui pour dresser la table. Attentive à son environnement, elle mima la disposition des autres couverts, et fit démonstration d'attentions particulières pour les y installer. Silencieux et invisible, aussi discret qu'un élément du décors, Reiji observait la jeun femme depuis la porte avec un œil à qui rien ne semblait échapper.

« Je vais prendre seulement de l'eau en carafe, s'il vous plait. » répondit Natsuki lorsque sa serveuse vint s'enquérir de son apéritif.

Une demande qui sembla la dérouter. Il haussa alors un sourcil à son attention, mais elle parvint à se ressaisir, et le pria de patienter. Ce qu'il fit.

« Oui ? » répondit Reiji d'un ton égal en apparaissant presque dans le dos de Leika, s'étant glissé à sa suite dans l'arrière salle qui bordait la cuisine.

Il posa sur le côté ce qu'il avait en main, et se saisit de la serviette que lui tendit la jeune femme.

« Cet établissement est accessible aux familles, aussi les motifs que nous utilisons restent très simples. Observez. »

Reiji lui fit une démonstration lente en cinq temps sur la manière élémentaire de plier les serviettes ici. Son geste était fluide, ferme, et carré, ce qui trahissait une pratique régulière et maîtrisée. Il rendit ensuite le résultat à la serveuse.

« Ce n'est pas nécessaire que vous sachiez le réussir aujourd'hui, mais c'est bien que vous vous y soyez intéressée. » lui précisa-t-il sur un ton qui n'avait rien d'encourageant. « Tenez, vous devriez prendre cela aussi, vous avez oublié de le laisser à votre client. »

C'était la carte des menus qu'il lui tendait avec un soupir dont le reproche s'entendait sans ambigüité.

« Les carafes sont là-bas, avec la fontaine. »

Leika disparut à nouveau dans la salle de restauration une fois ses tâches accomplit. Natsuki la réceptionna avec un sourire, mais refusa d'un geste de la main la carte qu'elle lui tendit.

« Cela ira merci, je vais prendre comme d'habitude. »

Sauf que le d'habitude, elle ne le connaissait probablement pas, une situation dans laquelle il la mit sciemment. Volontairement, il la laissa à sa réaction.

« Oh. C'est Sanae qui me sert d'habitude, elle sait que je prends de l'omelette au porc. Vous êtes nouvelle ici je crois, je ne vous avais jamais vu avant. Vous avez un petit nom ? » lui demanda-t-il avec le sourire de l'intéressé que Leika pourrait croire comme véritable.

Du côté de la cuisine, la chef continuait de s'activer aux fourneaux, si bien que lorsque Leika se présenta à l'ouverture communicante dans le mur pour lui transmettre la commande de Natsuki, Sakurako lui fit passer le plat déjà prêt.

« Voilà pour vous. » lui glissa-t-elle d'un ton aimable en s'appuyant sur le rebord à côté de l'assiette servit. « Alors c'est vous la petite nouvelle qui est mise à l'épreuve aujourd'hui ? Je m'appelle Sakurako, enchantée de faire votre connaissance. Tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas. Reiji a l'air sévère comme ça, mais il a un bon fond. Il cherche simplement à tester votre résistance à la pression qui est le quotidien d'un restaurant. Gardez la tête haute, le sang froid, et vous réussirez. Holala, je vais me taire avant qu'il ne m'entende. Servez vite votre client avant que son plat ne soit froid. Bon courage à vous » lui lança-t-elle avec un clin d’œil avant de se retirer.

Quelques volutes de fumée dansèrent au-dessus du plat doré à souhait.

Reiji me montra avec rapidité et dextérité le pliage à effectuer avec les serviettes, non sans se permettre une petite remarque acerbe au passage. Je ne disais rien me contentant d'observer ce qu'il faisait et de le reproduire à l'identique à trois reprises pour être certaines de bien avoir assimilé la chose, puis je prenais le menu qu'il me tendait avant de me diriger vers l'endroit où je pourrais trouver une carafe d'eau.

Cela semblait plutôt simple pour l'instant et je ne tardais pas à revenir vers Natsuki, lui servant un verre d'eau avant de reposer la carafe sur la table, puis lui tendre le menu qu'il refusa, me laissant une nouvelle fois dans l'embarras le plus total. Une nouvelle fois décontenancée, je reprenais le menu en rougissant, le plaquant contre mon ventre et ne sachant trop quoi dire lorsqu'il m'indiqua qu'il prenait la même chose que d'habitude. Je restais un moment silencieuse, rougissant d'autant plus avant de déclarer :

"Excusez-moi monsieur, mais je suis nouvelle et je ne connais donc pas vos habitudes ! Pouvez-vous me renseigner afin que j'en informe la cuisine ?"

Mouais, c'était bof comme réponse, mais au moins j'avais réussi à me sortir de l'impasse. Il enchaîna en me demandant mon nom :

"Je m'appelle Leika ! Je vais chercher votre plat monsieur !"

Je lui souriais avant de m'en retourner vers la cuisine et d'être accueilli par celle qui semblait diriger la cuisine avec un charmant sourire :

"Bonsoir ! Merci, moi, c'est Leika ! Je lui coupe du pain et je le sers de suite."

J'avais approuvé chacune de ses paroles par un hochement de tête positif afin de ne pas la couper, alors que je m'activais en même temps à couper du pain régulièrement dans une panière afin de le ramener à la table de mon professeur en même temps que son plat. C'est ainsi que je m'exécutais, déposant l'assiette devant lui, de la même façon que la cuisinière me l'avait donné.

"Voilà pour vous monsieur ! Omelette au porc du chef !"

Que pouvais-je donc faire à présent ? Décemment pas rester là à le regarder manger, je détestais que l'on face ça avec moi. Non, je devais rester active et un rapide coup d'œil me montra qu'il restait encore de nombreuses tables à dresser. Ça, je pouvais le faire, car ce n'était pas vraiment compliqué. Je gardais donc un œil sur mon professeur de loin, tout en continuant à installer, nappes, assiettes, verres et couverts sur les tables alentour, avant de revenir vers lui lorsqu'il eut fini :

"Désirez-vous un dessert ?"

L'omelette qui lui fut servit était probablement parfaite, comme d'habitude, mais ce n'était pas à elle que Natsuki s'intéressait, tout comme Reiji d'ailleurs. Leika apporta l'assiette à son client, puis s'en alla vaquer à d'autres occupations. Une bonne initiative, dans la mesure où dans un restaurant, le personnel a rarement un moment de quiétude avec une clientèle nombreuse. Aujourd'hui elle se limitait à un seul dans le cadre d'un essai, aussi c'est au dressage des tables restantes que la jeune femme s'attela. Préparer et débarrasser entrait pleinement dans les attributions d'un serveur, soit dit au passage.

Reiji, ayant beaucoup mieux à faire de son temps que simplement rester les bras croisés à observer Leika faire, poursuivit de son côté ce qu'il avait entreprit avant que Natsuki n'arrive avec sa postulante. Repassant derrière la Hayashi lorsque c'était nécessaire – et au goût de cette dernière, c'était probablement très souvent – ils achevèrent tous deux de préparer la salle pour le prochain service. Ce fut sur à peu près les mêmes délais que le Nara tatoué termina son assiette. Les couverts posés ensemble au centre de son plat, il attendait les doigts liés sur son ventre.

« Non merci, cela ira. » répondit-il lorsque Leika lui proposa le dessert. « Je suis relativement pressé, et ne vais donc pas m'attarder. Pouvez-vous m'apporter l'addition je vous prie ? »

Un nouveau défi se présentait, celui des méandres de l'administratif et de la facturation. Heureusement, si Reiji était exigeant et froid, il n'écrasait jamais gratuitement autrui. Et comme Leika n'avait aucune raison de savoir comment l’addition et son règlement fonctionnaient ici – pas plus que le droit de s'approcher de la caisse, par ailleurs – il intervint au niveau du comptoir.

« Les commandes et le prix total. » se contenta-t-il de demander avec le même ton neutre.

Une carte des menus était disposée sur le comptoir, permettant justement de relever les tarifs des plats au besoin. Pour le calcul par contre, il était laissé aux bons soins du serveur. Reiji rédigea la facturation avec une écriture que l'on jurerait sortie d'une imprimerie, et la tendit à Leika. Natsuki de son côté avait déjà préparé la somme, et n'avait rien trouvé de mieux que de payer en petite ferraille : la coupelle destinée à récupérer le règlement manqua de déborder lorsqu'il lâcha sa poignée dedans.

« Je vous laisse vérifier, mais faites vite s'il vous plait. J'ai rendez-vous bientôt, et je serai peiné de devoir expliquer à mon collaborateur que je suis arrivé en retard car ma serveuse n'a pas été capable de se dépêcher. »

Coup de pression surprise, Natsuki n'avait d'un autre côté jamais prétendu jouer le rôle de l'allié dans cette épreuve pour Leika, pas plus qu'il ne lui faciliterait la tâche dans un monde exigeant où l'on pouvait rencontrer tout type de clients, du plus aimable au pire des impolis, avec toutes les nuances sournoises qui existaient entre les deux. Réagir convenablement et avec professionnalisme dans chacun des cas était essentiel. Il compta donc deux minutes mentalement, puis se leva pour prendre congé.

« Merci pour le repas. Au revoir. »

Reiji quant à lui fit un signe autoritaire à la demoiselle pour qu'elle le suive dans l'arrière-salle lorsqu'elle eu terminé. Bras croisé et regard inquisiteur, il commença avant qu'elle n'ouvre la bouche :

« Bien, c'est terminé. Faites-moi votre bilan maintenant. Qu'est-ce que vous pensez avoir réussi convenablement, devoir améliorer, et est-ce que vous vous croyez capable de poursuivre ainsi avec vingt tables à servir? »

Peut-être même plus que tout le reste de la simulation, c'était les prochaines réponses de Leika qui influenceraient sur son avenir à court et moyen terme.

"Bien monsieur, je vous apporte ça de suite !" Déclarais-je en rassemblant les couverts de ce dernier ainsi qu'en prenant la panière à pain avec moi. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de dénoter que j'oubliais quelques choses, alors je me retournais peu avant mon départ pour le comptoir :

"Désirez-vous un café malgré tout ?"

Pressé, ne voulais pas non plus dire qu'il était prêt à passer sur l'impasse d'un petit café vite fait bien fait. Je lui proposais donc par politesse avant de quérir sa réponse et de m'en retourner vers le comptoir où je déposais la panière sur un plateau, je vidais le contenu de l'assiette dans une poubelle et je faisais passer le tout en cuisine pour la plonge. Reiji m'attendait déjà en me demandant la commande et son prix. Immédiatement, je sentis qu'il y avait un piège rien qu'à entendre le son de sa voix. Je ne connaissais pas le prix du plat que Natsuki avait commandé, mais un menu sur le comptoir me permettrait de le connaître alors que je commençais à déclarer, tout en feuilletant les pages du menu :

"Il a pris une omelette au porc à…"

Je tournais plusieurs pages avant de finalement déclarer :

"4 ryos."

Voilà qui était dit et dès lors que l'homme me tendit la facture, je m'en retournais auprès de mon client providentiel du jour pour lui donner l'addition. Il me déposa alors un petit monticule de pièce dans le plateau de la note. Je restais alors surprise, mais j'affichais finalement un sourire en réponse à sa requête :

"Bien monsieur !"

Je comptais rapidement la monnaie avant de lui rendre 0.20 Ryos, en trop :

"Tenez monsieur ! C'était en trop dans votre règlement."

Je lui adressais un nouveau sourire poli de circonstance avant de lui souhaiter une bonne journée et de m'en retourner vers la caisse pour y déposer le règlement. C'était sans compter sur l'intervention du majordome qui m'interpella immédiatement, ne me laissant pas une minute de répit. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de dénoter que j'oubliais quelques choses, alors je me retournais peu avant mon départ pour le comptoir : Moi, je restais timide, prostré dans une position limite défensive, malgré tout, je finissais par lui répondre après avoir regagné un peu de confiance en moi :

"Je ne pense pas m'en être trop mal sortie pour un essai comme ça à pied levé, sans vraiment m'y attendre…"

C'est vrai, car à la base, je n'étais ici que pour voir à quoi ressembler l'établissement et pas du tout pour faire un essai. Si on prenait tout cela en compte, c'était plutôt pas mal de mon point de vue.

"Mais je ne connais pas le menu, n'y même les clients, du coup, j'étais assez mal à l'aise face au demande du client. Avec un peu de pratique, je pense cependant être tout à fait capable d'assumer ce rôle pour plusieurs tables oui !"

Reiji écouta immobile sans rien laisser transparaître, sinon remonter ses lunettes de l'annulaire lorsque Leika eu terminé. Sans la quitter des yeux, son jugement tomba après quelques secondes de réflexion.

« Savoir s'adapter immédiatement et réagir en conséquence quoi qu'il arrive est une qualité indispensable à notre métier. Mais en effet, vous ne vous en êtes pas trop mal sortie. Vous avez été polie, souriante, efficace, et vous ne vous êtes pas dispersée. Cela aurait été difficile de l'être avec un seul client à servir, en même temps. Vous n'avez aucune expérience dans le domaine, cela se voyait clairement, mais vous savez utiliser un minimum votre tête. C'est très loin d'être gagné, toutefois si vous vous montrez disciplinée et assidue durant la formation que vous allez avoir ici, j'arriverai à faire quelque chose de vous une fois la base inculquée. Les habitudes viendront ensuite, et je m'assurerai personnellement que s'en soient de bonnes. »

L'ensemble se voulait globalement positif, voire même encourageant, mais le ton et l'expression n'y étaient clairement pas, créant un décalage entre le langage verbale et gestuel.

« Vous pouvez me rendre le tablier. » demanda-t-il en tendant la main. « Je m'entretiendrai plus tard avec Natsuki. Dites-lui simplement que c'est bon. Vous viendrez signer les modalités de votre contrat demain après-midi s'il vous convient, et débuterez Mercredi. Soyez-là à neuf heures du matin, et sachez que je ne tolère pas les retards. »

Il récupéra le tablier qu'il plia en deux sur son bras.

« Si vous avez des questions, je vous serai gré de me les poser dans l'instant. Le cas échéant, vous pouvez disposer, nous en avons terminé pour aujourd'hui tous les deux. »

Ce avec quoi il était loin d'avoir d'en avoir fini par contre, c'était la gestion du restaurant. Son sens de l'organisation lui permettait de rebondir sur tous les imprévus, mais le temps n'était pas éternellement compressible. Il prit donc congé une fois toutes les affaires réglées avec la Hayashi.

« Tu sais que même tes félicitations sonnent comme des reproches ? » lui lança Sakurako lorsque Leika fut partie.

Reiji se contenta de lui lancer un regard froid, puis s'éloigna.

A l'extérieur du restaurant, Natsuki attendait en observant le bâtiment dans son ensemble. Mais c'était pas la bâtisse qu'il voyait, il regardait bien plus loin : vers ce à quoi elle ressemblera dans quelques années.

« Alors, comment cela s'est passé ? » demanda-t-il à Leika lorsqu'il l'aperçut arriver.

Les paroles du majordome me laissèrent pantoise et je dus faire un effort assez impressionnant pour ne montrer aucune réaction, que ça soit du dégoût, de la colère ou même le fait d'exprimer le simple fait que j'étais blessée par ses propos. Au lieu de ça, je refermais la bouche et me contentais de ne prononcer aucune parole, préférant de loin, ne pas lancer des hostilités qui malheureusement pèserait bien plus que nécessaire dans une balance déjà tendancieusement fragile pour moi.

Aussi, je me contentais de hochement de tête positif à son intention, répondant uniquement à sa question par une petite phrase :

"Non, ça ira merci… Bonne journée à vous !"

Et sans demander mon reste, je quittais rapidement l'établissement après lui avoir rendu mon tablier.
Devant ce dernier se trouvait cependant, l'homme qui m'avait emmené ainsi, Nara Natsuki qui avait d'ailleurs jouait le rôle du client lors de mon petit test. Ce dernier m'adressa une simple phrase de politesse à laquelle je répondais par un bref hochement de tête :

"Je ne pense pas m'être trop mal débrouillée, même si j'avoue avoir été surprise d'être mise aussi rapidement en situation. J'espère ne pas trop vous avoir déçus, ou même être passé pour trop maladroite…"

Je faisais la moue en disant cela, tout en m'approchant de lui pour contempler à mon tour l'immense bâtiment. Il n'exploitait pas grand-chose pour l'instant de la superficie de ce dernier et je me demandais bien si le maître des lieux avait d'autres idées pour développer cet endroit, mais bon, cela ne me regardait pas vraiment pour le moment et je n'avais pas trop envie de l'embêter avec cela. Je préférais détourner l'attention :

"J'ai l'impression que Reiji n'a pas été très content de ma présence en ces lieux. Ai-je t'en l'air idiote et simplette que ça lorsque l'on me voit au premier abord ou est-ce juste qu'il est comme ça avec tout le monde ?"

Ma question pouvait paraître légèrement osée, mais l'attitude du majordome m'avait vraiment déstabilisé, plus encore que la mise en situation imprévue qui venait de se produire.

Leika arriva en faisant la moue, mais Natsuki savait par expérience que ce n'était pas un signe révélatoire de comment cela s'est passé dans un entretien où Reiji était en face. La jeune femme lui fit part de ses doutes et de ses questions.

« Je ne pense pas personnellement que tu sois idiote ou simplette. Tu le serais si tu croyais que tu puisses filer sous la muraille de Konoha sans que personne ne s'en aperçoive, à la rigueur, mais nous n'en sommes pas là. Concernant Reiji, c'est juste qu'il est... il a toujours été comme cela. » révéla Natsuki en passant stratégiquement une main dans ses cheveux. « Je l'ai rencontré il y a quelques années dans le restaurant d'une ville du Pays du Bois, et il avait déjà cette façon d'être. Très froid, directif, à en attendre et à en demander beaucoup de chacun, et ne sembler malgré tout jamais satisfait du résultat que l'on lui fourni. Je crois que c'est cela qui m'a séduit chez lui. Car sous cette apparence hautaine, il fait preuve d'un professionnalisme comme je n'en ai jamais vu. Il sait ce qu'il fait, et dirige l'équipe dont il a la responsabilité d'une main de maître non pas en fonction de ce que les membres du personnels sont capable, mais de ce qu'il les croit capable lui. Et contrairement à ce que tu pourrais penser, les valeurs sont toujours ramenées à la hausse. »

Natsuki fit signe à Leika, et ils se remirent en marche : il ne voulait pas rester trop longtemps devant le restaurant, et son texte avait besoin d'être un peu aéré.

« Reiji est très exigent, certes, mais c'est sa façon à lui de pousser les autres à donner le meilleur d'eux-même, et de se dépasser pour se rapprocher de l'excellence. Et crois-le ou non, mais il ne se donne pas la peine de perdre du temps avec ceux qu'il juge sans potentiel satisfaisant. Il a l’œil pour cela. Il y avait des erreurs dans ton service, des points à corriger, mais s'il t'en a fait la remarque, c'est qu'il croit qu'il est possible d'arriver à quelque chose avec toi. Le cas échéant, il t'aurait simplement congédié sans davantage de cérémonie. Donc oui, il est très peu avenant, et intimidant même quand l'on ne le connait pas, mais c'est sa façon d'être. Ce n'est pas quelqu'un de mauvais dans le fond. »

Sakurako semblait très complice avec lui par exemple.

« Tu l'ignores sûrement, mais Reiji est originaire du Pays des Neiges. Cela ne m'étonnerait même pas d'apprendre qu'il est né dans un bloc de glace. » plaisanta-t-il. « Je me demande encore parfois qu'est-ce qui l'a motivé à accepter ma proposition de venir travailler pour moi. Mais je suis content de le compter dans mon personnel. Avec lui aux commandes, je sais que je peux laisser le restaurant sans crainte : il est capable de gérer à peu près tous les problèmes que l'établissement peut rencontrer. Des hommes comme lui, l'on ne les trouve pas à tous les coins de rue. En tout cas, il sera un excellent formateur pour toi si tu acceptes l'offre que je t'ai fait – et que lui est d'accord, bien entendu. Je discuterai ce soir avec lui de ta prestation, et préparerai en fonction ton contrat. »

Natsuki consulta la montre gousset qu'il portait à la poche, et haussa les sourcils.

« Ce que le temps passe vite. Bien Leika, je vais devoir prendre congé de toi. Une séance de récupération aux sources chaudes m'attend, et je ne compte pas arriver en retard. Je te dis à demain probablement du coup. Si tu peux te présenter vers quinze heures, ce sera parfait. »

Après un dernier signe de la main, il emprunta son propre chemin et s'éloigna.

Le Nara se montra bienveillant à mon égard, m'expliquant avec des mots simples pourquoi il appréciait autant son majordome et aussi pourquoi ce dernier se montrait particulièrement fermé envers les autres. Je me renfrognais, mais j'acceptais malgré tout de le suivre tout en continuant à l'écouter silencieusement. Nous marchions calmement au travers des rues et la discussion porta tout du long sur le fameux Reiji. Le Nara semblait lui vouait un grand respect, mais aussi une certaine confiance. Cela me montrer dans tous les cas une chose, si le Nara lui faisait confiance, je devrais moi aussi en fait de même et sans aucun doute apprendre de ses conseils et de ses remarques. Je baissais les yeux quand soudain, le manieur d'ombre décida de me fausser compagnie après m'avoir poliment salué. Je restais un moment sans rien dire, n'y trop savoir quoi penser de tout ce qui venait de se dérouler, mais une chose était pourtant sûre. Tout cela ne pouvait pas être mauvais, autant pour moi que pour mon avenir. Dans la vie, il fallait savoir profiter des occasions qui nous étaient offertes et celle qui se présentait à moi aujourd'hui était peut-être une façon de prendre mon envol et d'enfin me libérer de toute la pression que je ressentais au sein du clan. Une lueur d'espoir au bout d'un chemin semé d'embûche. Ça valait malgré tout le coup de tenter l'aventurer et cela ne pourrait pas être que négatif pour moi.

Je me prenais à espérer certaines choses, notamment un petit chez moi, loin, très loin du quartier Hayashi ! C'était vraiment le pied, mais pour l'heure, je devais rentrer à la maison, même si l'envie n'y était pas vraiment. Qui sait, je pourrais peut-être tenter une petite sortie nocturne plus tard dans la soirée, il me semblait avoir repéré un trou de lapin proche de la muraille que je pourrais facilement exploiter pour me sauver au-delà du village.

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