Raito marchait tranquillement dans les rues de Kumo, saluant régulièrement des passants qui le reconnaissaient. Du jour au lendemain, il était sortit de l'anonymat. Depuis son élection au poste de conseiller, presque tout Kumo le connaissait. Si cela lui avait fait plutôt plaisir au début, il se rendit bien vite compte que ses activités allaient être plus difficile désormais. Si sa réputation continuait à augmenter, il allait bientôt devenir presque impossible pour lui de faire la moindre mission sous couverture. Heureusement pour lui, il pouvait toujours se servir de sa maitrise du Genjutsu et de ses techniques claniques pour compenser. Mais malgré cela, il avait plus de mal à se faire passer pour un gentil gamin inoffensif, déjà qu'avec son grade de chuunin, ce n'était pas facile. Enfin bon, il devait bien être la seule personne à ne pas vouloir être prise au sérieux.

Néanmoins, cela allait lui être utile pour la mission que l'Institut lui avait donné. C'était assez inhabituel, mais on lui avait chargé de faire un recrutement, sauf qu'à la différence d'Otoke, il devait juste servir d'intermédiare pour convaincre la nouvelle recrue et lui donner un test. Il s'agissait d'Hak, qui travaillait dans son département. Raito ne la connaissait pas personnellement, mais il en avait déjà entendu parler de par son équipier. Il savait qu'elle et Otoke étaient plutôt proches et s'il pouvait se servir de cela, il ne pouvait pas prévenir Otoke de sa mission. Il savait que le Dôbutsu n'approuvait pas les agissements de son organisation et qu'il ne faisait équipe avec lui que pour l'aider et s'amuser par la même occasion.

Le moment d'utiliser Otoke n'était pas encore venu, il se contenta de faire passer un message à Hak lui indiquant un lieu et une heure de rendez-vous. L'invitation, qu'il avait quand même signé, ne contenait aucune autre information. Si cela semblait évidement indiquer que la rencontre n'était pas officielle, Raito utilisait surtout cette méthode pour motiver la jeune femme avec sa propre curiosité. Il savait bien que si elle décidait de ne pas venir à cause de cela, cela aurait signifié qu'elle n'aurait pas été intéressé par la proposition de toutes façons.

Il se rendit alors au point de rendez-vous qui se trouvait être un bar peu fréquenté de Kumo. Ce n'était pas la première fois qu'il s'y rendait et ce choix n'était pas dû au hasard, il s'agissait du seul commerce du village où travaillait un membre de l'Institut. De plus, seuls les membres dont les dirigeants ont le plus confiance connaissaient l'existence de cet endroit, il s'agissait donc du meilleur lieu pour ce genre de rendez-vous. Et puis c'était aussi l'un des seuls bars du village où il pouvait commander à boire sans avoir de remarque son jeune âge.

Il s'installa donc à une table et attendit patiemment l'arrivée de son invitée.

Une invitation à aller dans un bar. Tu parles d’un putain de cadeau alors que je rentre chez moi – comme si je n’avais que ça à faire. Soupirant délicatement, je me demande honnêtement ce que peut vouloir le bébé conseiller de Kumo de moi, qui plus est en plein milieu d’un endroit comme celui qu’il me propose. Il a peut-être besoin d’une maman ? Je suis la mauvaise option dans ce cas. Pourtant – je ne vais pas me mentir. Il a piqué ma curiosité. Ne serait-ce qu’un peu. La dernière fois que j’ai rencontré quelqu’un siégeant au conseil, j’ai réussi à faire ce que je voulais de lui. Peut-être que le petit enfant tisse ses propres intrigues dans l’ombre ? Ou alors, a-t-il appris pour les miennes ? Non. Impossible. Je crois qu’Otoke et lui se connaissent, ça vient peut-être de là. M’étirant langoureusement, je me dirige vers le lieu indiqué sous le couvert de mon Spectre sans visage. Qu’importe où cela nous porte, il est évident qu’un conseiller de Kumo n’irait pas proposer un lieu aussi reclus s’il voulait jouer à un jeu devant le regard de tous, et je respecte son choix. Après tout… Je ne devrais avoir rien à perdre.

C’est comme une fête au sein de mon esprit. J’avance calmement le long des rues de Kumo, croise de façon presque inconsciente le regard des gens, les effleure lors de mes passages dans les rues bondées – mon système personnel fonctionne parfaitement, surtout lorsque je prends en compte le manque presque vulgaire de curiosité des villageois. Qu’est ce qui leur importe, après tout… Le jour où je trancherai leur gorge par simple plaisir, ils se diront peut-être qu’ils regrettent de ne pas être capable de me reconnaître exactement, mais d’ici là, qu’ils vivent paisiblement dans le monde d’illusions que je leur offre. De la poudre aux yeux. C’est tout ce qu’ils ont, après tout. A se demander si l’enfant prodige – l’icône montante de Kumo avec toute l’ironie que je peux mettre dans ces mots – se rend compte de tout ce qui ne tourne pas rond dans ce village.

Sourire léger à mon visage, déhanché calme me rendant plus féminine que le garçon manqué que je joue tous les jours, j’annule mon tour de passe-passe et entre dans le bar. Il ne me faut pas longtemps pour trouver un putain de gosse dans un endroit du genre. Tous des arrogants ces jeunes, même si lui, contrairement à tous les autres, peut se permettre un semblant de fierté. Après tout, il doit bien être le seul gamin qu’on doit encore accompagner chier qui a réussi à se faire un nom et s’imposer dans ce village. Dire que j’ai voté pour lui en tant que conseiller seulement pour rire de son score, et le voilà élu... Sans aucun signe d’hostilité, je m’avance jusqu’à lui et m’assois en face, sans attendre d’y être particulièrement invitée. S’il m’a demandé de venir, c’est qu’il va accepter de toute façon – qu’il ferme sa gueule s’il n’est pas d’accord. Putain. Il m’énerve rien qu’à le regarder sans que je ne sache pourquoi.

« Conseiller Dentô – enchantée. Vous désiriez me voir ? »

Aucune note d’hypocrisie n’arrive à être lue dans ma voix lisse, mais je n’en pense pas moins. Il reste un membre supérieur du village à cause de sa position, et je sens déjà ma muselière s’installer d’elle-même, m’empêchant de respirer aussi profondément que je le voudrais.

Raito attendit un moment à sa table, non pas que la personne qu’il attendait était en retard, mais il était venu en avance. Grâce au fait qu’il connaissait le gérant du lieu, il ne fut pas déranger par un serveur désirant prendre sa commande. Il n’était pas là pour boire ou pour consommer quoi que ce soit d’autre. Restant parfaitement neutre, il fut ravi de voir que Hak avait accepté son invitation. Il n’avait personnellement aucun intérêt à la recruter, mais il préférait ne pas avoir à insister. Si le Dentô ne reculait pas face à la difficulté, il préférait tout de même ne pas avoir à faire d’effort.

- C’est un plaisir de faire vous rencontrer, j’ai entendu beaucoup de bien à votre sujet. Tout d’abord, je vous remercie d’avoir accepté de venir et je tiens à signaler immédiatement que je ne suis pas ici en tant que conseiller et que cette rencontre n’a rien d’officielle.

Raito n’avait pas l’intention de tourner autour du pot. S’il n’avait jamais rencontré la jeune femme, les informations que l’Institut avait récoltées à son sujet et celles qu’il avait réussi à obtenir indirectement de la part d’Otoke lui permettaient de savoir que c’était la méthode avec le plus de probabilités de réussite.

- J’ai une proposition à vous faire, celle-ci n’ira pas dans le même sens que votre allégeance au village de Kumo. Si cela vous dérange, alors nous n’avons malheureusement rien à nous dire. Si cela suscite votre intérêt, je continue, mais rien de ce qui suivra ne pourra être révélé à qui que ce soit.

Raito parlait avec un ton sérieux et calme, il tenait absolument à montrer à son interlocutrice que tout ceci n’était en aucun cas un jeu. Laissant le silence régner, il récupéra une sacoche posée à ses pieds et en sortit un dossier sur lequel était apposé un sceau de chakra. Il contenait visiblement une dizaine de pages à l’intérieur, mais il était impossible de voir la moindre information sans briser le sceau, même la couverture n’avait aucune inscription.

Ce dossier contenait la totalité des informations que l’Institut détenait à propos de la jeune femme. Si une bonne partie d’entre elles n’étaient pas vraiment secrètes, le reste risquait fortement de la surprendre. Il s’agit ni plus ni moins d’un moyen demandé par le Dentô spécialement pour la convaincre, même si ce n’était pas dans les habitudes de l’organisation. Il poussa alors le dossier en direction de la Senritsu pour l’inviter à l’ouvrir.

- Vous avez maintenant un choix à faire. Écouter ma proposition ou brûler ce dossier et oublier notre rencontre.

Raito ne la menaçait pas directement, mais le sous-entendu était assez clair. L’Institut ne pouvait pas tolérer la moindre fuite et était prête à tout pour l’éviter.

Pas une réunion officielle ? Il me prend pour la première pétasse du coin qui se serait perdue en arrivant ici le petit connard ou comment ça se passe ? Non mais, regardez-le à ce donner tout cet air sérieux et tellement pompeux – tout en avançant qu’il n’est nullement là en tant que conseiller. Il y a un distributeur à Kumo qui enfonce des manches de balais dans le cul des enfants pour les rendre aussi coincés ou ? C’est absolument sidérant à quel point ils jouent aux adultes, alors que la majorité des adultes fait presque un concours pour trouver celui qui saura se comporter de la façon la plus puérile possible. Calmement, je m’abstiens de rire alors qu’il énonce ses règles, ses lois et ses projets. S’agit-il d’un test de ma loyauté ? Je n’arrive pas à lire en lui le moindre mensonge pour autant. C’est tout juste si j’arrive à distinguer un semblant d’émotion dans ce petit visage de gamin mal baisé – le balais dans ses intestins a certainement atteint son cerveau pour le rendre aussi inexpressif que ça. Putain. Même si je vomissais sur la table à cause d’un haut-le-cœur quelconque ce serait un art plus grand que la parole du bébé conseiller. Moi qui espérais qu’il fasse de la merde en boite d’enfant au conseil, c’est tout juste s’il doit endormir les autres…

Regardez-le sortir son petit dossier de son sac et me l’envoyer, sans la moindre explication concrète sur ce que c’était. Ses petites mains sur la grande pochette sont presque mignonnes, sinon que je pense qu’elles seraient plus belles encore si je les arrachais avec mes dents. D’un geste simple et traduisant tout le sérieux presque insultant qu’il met dans cette affaire, il le fait parvenir à moi. Bravo. Un dossier scellé, assez épais – il s’attend peut-être à ce que je brise le sceau avec mes fantastiques capacités en Fuinjutsu ? A voir son comportement, le regard qu’il lance au dossier et la citation presque criminelle qu’il fait au sujet de ce dernier, il doit contenir des informations particulièrement amus… Non. Il est bien trop sérieux pour rire avec son dossier de merde. D’une main, je le soulève puis fais mine de le peser. Vu ce qu’il me demande, cela doit être un magnifique condensé d’informations à mon sujet – et putain, il y a clairement plus que ce qui est dit sur moi dans les archives du village. C’en est trop. Reposant le dossier, je le renvois le long de la table au petit Dentô en face de moi, rigolant délicatement mais sans lui manquer de respect. Mes paroles s’en chargeront pour moi, car il a l’air de ne rien imposer du tout avec son comportement neutre. Après tout, il a dit qu’il n’était pas conseiller ce soir : ça fait de lui un Chûnin tout comme moi.

« J’ignore ce que vous désirez, mais je vois que vous avez fait vos devoirs en vous renseignant sur moi. Est-ce précisé dans quelle position votre cher équipier me baise les soirs, ou bien préférez-vous laissez ceci à votre imagination ? Dire qu’avec tout ceci, vous osiez pensez que je serais suffisamment conne pour croire à une réunion officielle dans cet endroit reclus… »

Je rigole de plus belle, mettant soigneusement ma main devant mes lèvres, me donnant l’aspect d’une minaude en pleine chaleur, puis je me calme en croisant son regard, reprenant mon sérieux en l’espace d’un vulgaire instant.

« Vous paraissez bien trop honnête et sérieux pour que ce soit un test de ma loyauté, et j’apprécie votre audace ainsi que votre franc parler. J’accepte sans conditions. »

Ma curiosité était suffisamment piquée à vif pour que je ne réfléchisse pas plus que ça à sa proposition. Si jamais cela s’avère une vulgaire farce cherchant à me faire plonger, j’ai de quoi me défendre avec ma langue de vipère et l’amitié d’un certain Ministre. Allez, gamin : accouche ce que tu veux que je fasse, au moins avec la même force que celle de ta mère lorsqu’elle t’a chié au monde.

Si les informations qu'il avaient obtenues sur la jeune femme étaient corrects, cela ne permettait pas pour autant à Raito de prévoir sa réaction. Il était stipulé très clairement dans son dossier qu'elle était imprévisible, néanmoins le Dentô était persuadé qu'il y avait un minimum de constance chez elle. Son comportement pouvait être différent à chacune de leur rencontre, ce n'était pas vraiment un problème, tant qu'il ne changeait pas toutes les deux minutes. Alors lorsqu'elle se mit à rire, il ne s'inquieta pas vraiment, il n'avait qu'à adapter son comportement au sien. C'était une tâche bien difficile, mais pas pour lui qui s'était entraîné pendant des années. En niant sa propre identité, il avait fini par être capable d'adopter celle qu'il voulait avec généralement assez de succès.

- Je suis content de voir votre réaction, cela ne fait que me rassurer sur le fait que vous soyez la personne qu'il nous faut.

S'il ne s'agissait que d'un simple détail, il était évident que Hak n'allait pas passer à côté. Raito avait volontairement indiqué qu'il ne travaillait pas tout seul. Il n'avait pas le droit de trop en dire, mais avec une personne comme elle, il jugeait utile de parler de son organisation ou tout du moins, de son existence.

- A vrai dire, je ne suis pas celui qui a fait les recherches à votre sujet, je ne vous connaissais que de nom jusqu'à hier. Cependant, je fais partie d'une organisation qui s'intéresse beaucoup à votre sujet depuis quelques temps. Cette organisation est implantée discrètement dans tout le pays, ainsi qu'à Kumo, son but principal est de regrouper les individus aux compétences particulières et ainsi de découvrir tous les secrets du chakra.

C'était déjà bien plus d'information qu'il ne donnait habituellement, même Otoke avec qui il travaillait depuis des mois n'en savait pas autant. Raito savait bien que le Dôbutsu était trop joueur pour refuser, mais c'était différent pour la Senritsu qu'il avait besoin de convaincre. Il décida néanmoins de ne pas évoquer les différentes expériences réalisées sur des animaux ou des humains, ou les enfants enlevés à leurs parents à la naissance pour les transformer en parfait outils.

- Évidement, vous n'avez pas besoin de partager le même objectif pour rejoindre notre organisation, les avantages qu'elle procure suffisent généralement à être convaincu. Nous disposons d'un grand nombre de membre dans le pays et ils vous aideront lorsque vous aurez besoin d'un service, comme un membre de cet établissement le fait actuellement. Comme vous devez vous y attendre, il ne s'agit pas que d'une fraternité, si je ne peux pas encore vous donner d'exemple concret de membre pouvant vous être utile, je suis persuadé que vous pouvez vous bien l'imaginer vous-même. Mon élection au poste de conseiller malgré mon jeune âge et mon manque de réputation devrait suffire pour vous le prouver.

Raito énnonçait ses arguments les uns après les autres, il gardait le principal pour la fin. Il savait qu'Hak l'attendait, s'il essayait tant que ça de la convaincre, c'était forcément qu'il y avait un élément qui contrebalaçait la proposition.

- Pour qu'une telle organisation subsite, elle doit faire preuve d'exigence dans son recrutement et la récolte d'information ne suffit, par conséquent chaque potentielle recrue doit passer un test. Si vous acceptez l'idée de nous rejoindre, nous avons préparé une mission spécialement adaptée pour vous. Qu'en dites vous ?

M’abstenant de rigoler je regarde calmement le bébé conseiller de Kumo m’expliquer une fioriture absolument indigeste de choses. Bien que consciente que ce sont là des atouts pour m’assurer de ne pas me perdre dans les petits jeux qu’il me propose, je ne fais qu’écouter d’une oreille – ce sera suffisant de toute façon. Ce putain de gosse m’énerve de façon viscérale. Aucune réaction aux piques que je lui lance, toujours ce sérieux tellement artificiel et vide de sens. Il ressemble à moi tellement il est adapté à mes oreilles, mais ça réveille en moi une rage dépassant celle de nombreux morts. Connard. Réagis merde ! Otoke arrive-t-il vraiment à supporter cette petite chose sans craquer ? Hm. Rien qu’à ces explications je peux comprendre dans quoi je me fais entraîner. Chacun arrive à y trouver son compte dit-il ? Tant mieux pour moi. J’ai beau être une pétasse irrationnelle lorsqu’on me permet d’agir absolument librement, mais je ne suis pas stupide pour autant et je sais tisser les liens nécessaires pour m’assurer que je puisse détendre mes laisses plus encore. De temps en temps, pour faire mine d’écouter, j’acquiesce vaguement à ses paroles. Les jolis mots ne changeront rien de toute façon. Mon visage, relativement calme, ne laisse rien décrire à toutes les folies auxquelles je pense qua… Brusquement, je relève la tête et croise son regard, haussant calmement les sourcils. On y est, putain ! Il se fou ouvertement de ma gueule. Et bien que le feu réponde au feu – tandis qu’il termine en m’annonçant qu’il y a des épreuves à subir, je me lève calmement et m’approche de lui.

« Regardez le petit solitaire ! C’est tellement triste de devoir aller jusqu’à rejoindre une organisation pour avoir des amis ! »

Me penchant à son niveau, je force au cri la plus mielleuse des voix qu’il m’est possible d’obtenir. Sans la moindre hésitation, je m’avance d’un pas rapide et dépose un chaste baiser sur son front avant de l’enlacer de mes deux mains et de coincer sa tête dans ma poitrine. De quelques gestes, je l’oblige à humer la totalité de la femme en moi qui se trouve ici, le suffoquant légèrement. Comme prévu, il n’y a aucune réaction de la part du peu de monde aux alentours. Ils sont extrêmement bien renseignés sur moi, ça fait plaisir à voir qu’il y ait des gens qui estiment l’information à Kumo au moins tout autant que moi. Libérant le jeune Dentô, je retourne m’asseoir à ma place comme si de rien n’était – lui, probablement, a senti ce qu’était qu’une vraie femme pour la première fois de sa vie. Quel âge a-t-il déjà ? Treize ? Quinze ? Quelque chose par-là. Je me demande si lui faire avoir une érection le ferait enfin quitter cette fausse apparence minable. J’ai l’impression de donner des coups de pieds dans un cadavre en termes de réactivité à mes plaisanteries, et c’est particulièrement frustrant. Quelqu’un que je ne puisse ni séduire, ni énerver, ni faire réellement sourire même – et ce malgré mes petites combines. Je n’ai absolument aucun référentiel pour interpréter quoi que ce soit de ses émotions. Faudra-t-il aller jusqu’à le sucer pour avoir une issue de secours ? Je souris discrètement – pourquoi ma première pensée va-t-elle à Otoke ? Je reprends mon sérieux d’avant, sourire hagard toujours aux lèvres.

« Je vois que vous êtes… Particulièrement bien entraînés, implantés et renseignés, en effet. Je ne cache pas que votre offre est très… Alléchante. »

Je sur-accentue ce dernier mot en passant ma langue sur les lèvres de façon vulgaire, à l’image d’une vraie pute. Qu’importe le prix qu’il faille payer et les têtes à arracher. Ce gamin est amusant. C’en est presque révulsant à quel point il est capable de rester neutre en toute circonstance – nos talents dans ce domaine doivent être proches. Le faire craquer prend, en l’espace de quelques échanges verbaux, une priorité presque maximale sur ma liste des choses à faire.

« Maintenant, repassons au sérieux. Si vous me contactez pour m’en parler PUIS me mettre au défi, c’est que l’issue de ce dernier vous importe peu… Ou que vous comptez m’éliminer si j’échoue. »

Je laisse un coup de vent siffler à travers mes dents, m’empêchant d’éclater de rire une fois de plus au nez du conseiller. Malgré tous les petits jeux que j’aimerai tester sur lui par pur plaisir – il me propose une mission et je sens déjà mes instincts me faire reprendre ce sérieux froid et calculateur de la garce prête à tout pour réussir et non pas s’amuser. Soit, je pense qu’il sera plus confortable de réussir avec cette mentalité-là, le conseiller passera sous la table au moment d’après.

« L’échec n’est pas une option, de toute façon. Que dois-je donc faire ? »

Je croise une jambe sur l'autre sous la table, preuve de ma détermination forte. Même les plus pourries des vignes peuvent être exploitées si l'on connait les bonnes combines.

Malgré les informations qu’il avait au sujet de la Senritsu, Raito fut clairement étonné d’avoir sous-estimé la folie de la jeune femme. Il fallait dire que s’il avait déjà rencontré des psychopathes, des tueurs en série, des malades mentaux, et d’autres individus étranges et dangereux, il n’avait jamais rencontré quelqu’un comme elle. S’il n’était pas un expert en psychiatrie, il restait persuadé que cette folie n’était qu’une façade qu’elle utilisait pour ne pas avoir à rester sérieuse. Il était évident qu’elle essayait de le faire craquer et si le jeune Dentô n’avait aucune idée de ses raisons, il n’allait pas lui faire ce plaisir.

Il resta alors totalement stoïque à la remarque puérile de Hak ainsi qu’au débordement d’affection dont elle fit preuve juste après. Bien que cela ne fut pas visible, Raito trouvait cela assez drôle. Enfin, ce n’était pas le comportement de la jeune femme qu’il trouvait comique, mais le fait qu’il savait à quel point elle perdait son temps. Il se demanda alors si en lui donnant tous les moyens nécessaires, elle serait capable ou non de le faire céder. Après tout, il avait subi des entraînements suffisament horribles pour faire pâlir son interlocutrice, mais celle-ci n’était pas sans reste non plus.

Sans faire la moindre remarque ou le moindre mouvement pouvant la satisfaire dans sa quête, il continua de l’écouter jusqu’au bout. Il se permit cependant volontairement un instant d’émotion lorsque Hak annonça ses hypothèses sur ce qui arriverait en cas d’échec de sa part. Il se contenta d’une simple sourire qu’il effaça immédiatement, mais il savait qu’elle l’avait remarqué.

- Vous faîtes erreur. Si vous échouez à cette mission, aucun mal ne vous sera fait, à vrai dire, si cela arrive, mes supérieurs risquent fortement de vous donner une autre mission. Comme je vous l’ai dis, cette mission a été spécialement choisie pour vous, si vous n’êtes pas capable de la réaliser, il s’agira d’une erreur de notre part et non de la vôtre. Cependant, n’allez pas croire que son issue n’importe pas pour autant, un échec serait regrettable.

A vrai dire, Raito n’avait aucune idée des conséquences d’un échec, il ne pouvait même pas garantir que l’Institut n’allait pas décider d’exécuter Hak avant la fin de sa mission. Il n’avait aucune information sur la mission ou sur les intentions de ses supérieurs pour la jeune femme. Il sortit une enveloppe de sa sacoche. Il l’ouvrit alors, brisant ainsi le sceau apposé dessus et en sortit une photo, le portait d’un homme. C’était la première qu’il voyait l’homme dessus, il comprit alors que la mission de la jeune femme n’allait pas être simple. L’homme en question était banal, mais vraiment banal. Il était brun, les yeux marrons et les cheveux courts. Il n’avait absolument aucun signe distinctif. Il devait connaître une vingtaine de personne qui lui ressemblait et uniquement à Kumo. Il tendit la photo à Hak, il remarqua alors qu’il y avait un mot inscrit à l’arrière de la photo, "Shinigami".

- Votre mission, si vous l’acceptez, est de retrouver cet homme et de le capturer. La seule chose que je pourrais vous dire pour orientez vos recherches, c’est que l’Institut ne travaille qu’à Kaminari, à vous d’en déduire ce que vous voulez.

La violence de l’inertie de ce putain de gamin commence à me jouer sur les nerfs – même Shigeru a l’air détendu comparé à lui, et dire que je considérais que ce médecin de malheur avait déjà un enculé d’arbre enfoncé là où je pense pour être aussi rigide. Assise calmement à nouveau, je l’écoute me répondre feignant ne pas être impressionnée. Il a une bande de petits chiens très bien éduqués à ses côtés, ça ne fait aucun doute – et je soupçonne à sa façon de parler qu’il n’est lui-même qu’un des échelons du pouvoir de sa fameuse… Organisation. Je souris doucement, dire que ce genre de choses se trament dans le dos des Kumojins m’amuse un peu, même si intérieurement j’enrage de ne recevoir que la proposition de participer au petit jeu maintenant. Enfin bon, c’est toujours mieux que rien non ? Aucun mal ne me sera fait si j’échoue. Bien sûr que non. Otoke veille sur moi après tout – j’ose espérer qu’il interviendrait même face à ce petit con. Souriant délicatement, j’attrape la photo qu’il me tend. Il se fout clairement de ma gueule, non ? Shinigami de mes couilles merde. Le retrouver et le capturer… Sur tout Kaminari. Il est tout au plus banal son Shinigami putain – et si j’enrage de plus en plus, c’est un défi qui me plait. Je ne vais pas me mentir.

« Si vous tenez tant à lui, vous devriez demander aux putes que vous utilisez les soirs de vous aider à le trouver… Vous savez ? »

L’envie de le provoquer à chacune de mes remarques est plus forte que moi, honnêtement. Surtout que le pauvre idiot doit tout autant ignorer qui est cet homme de merde. Shinigami. L’Ange de la mort. Ca en dit tellement dans un monde où toutes les personnes sont formées pour être capable de tuer. Putain, ça n’aurait pas pu être Hime ou que sais-je ? Non. Ange de la putain de mort de merde. Je serre la photo dans ma main et l’écrase, avant de l’enfoncer vulgairement dans ma poche. Je pense qu’il est préférable que je la garde pour pouvoir comparer, car à ce rythme je suis bien partie pour passer sur presque tous les hommes de ce pays. Le regard hagard, presque provocateur, je recroise celui du gosse en face de moi.

« J’ai déjà dit que j’acceptais, non ? Je vais même faire mieux, commencer tout de suite. »

Oui, mais par où ? Hurler Shinigami dans les rues et chopper le premier qui réagit et correspond à l’image ne semble pas totalement stupide, cependant je vais repasser pour la discrétion. Rester sobre. Ils ont « adapté » la mission à moi, ça veut dire qu’il faut s’infiltrer quelque part, ou approcher quelqu’un discrètement. Après tout, c’est bien mon point fort. La subtilité. Et logiquement… Si cette personne est recherchée par une organisation qui possède autant de relations partout comme il le dit si bien, c’est que soit il a accès à quelque chose à quoi les autres n’ont pas accès, soit qu’il s’est fait des ennemis là où il ne fallait pas. Ninja ou civil ? Je soupir délicatement, sans m’empêcher de sourire. On dirait bien que je vais devoir commencer par « cet » endroit, après tout. Me levant calmement, j’adresse un dernier petit regard au Conseiller avant de lui tourner le dos et partit, sifflant sur la fin.

« Désolé de ne pas vous avoir acheté votre Limonade. Une prochaine fois ? »

Sur un dernier éclat de rire, je réactive mon spectre sans visage et traverse Kumo sans attirer l’attention – c’est amusant. Oui. Oui. OUI. OUI ! Putain. J’ai l’impression de revivre. Qu’une partie de l’ennui qui me digérait dans ce village s’évapore. Slalomant entre la foule, je prête attention particulière à tous les hommes, cherchant celui qui ressemblerait à ma cible. Si beaucoup correspondent de façon vulgaire, ils ont soit le nez trop gros, soit les yeux de la mauvaise couleur, soit ce petit quelque chose qui me dit que je fais fausse route. Les Archives. Il ne faut pas longtemps pour les rejoindre, et moins encore pour rentrer dedans en prétextant une mission. Je suis du département Espionnage et Renseignements, après tout.

Soupirant lourdement, je commence à chercher pour abandonner bien vite. Putain, il y a beaucoup trop de monde dans ce village de merde. Supporter ça me permettra de savoir si je recherche un ninja d’ici ou quelqu’un d’autre, c’est déjà un gain considérable. Si seulement… Plaçant mes mains dans mes cheveux, je m’efforce de ne pas trop tirer dessus. Je peux d’office exclure toutes les femmes. Tous les vieillards et les enfants. Une échelle de vingt-cinq à trente-cinq ans. Ca laisse… Un putain de tas de dossier. Soupirant lourdement, je commence à balancer les dossiers. J’exclus les morts. Ca laisse… Trop de monde. Inspirant profondément, j’augmente ma vitesse en concentrant mon Chakra dans mon corps et changeant son flux, puis je renforce mes yeux pour suivre dans la vitesse de mes mouvements grâce aux principes d’une anticipation visuelle. Dossier après dossier, je replace ceux dont les photos ne correspondent pas – putain, ça avance super vite en réalité. En arrivant à la soirée… Je regarde la pile de dossier devant moi. Bon, il n’en reste plus que cinquante qui correspondent physiquement. Tu parles d’une récolte. Putain.

Aussi surprenant que cela pouvait paraître, Raito était content. S'il s'en foutait totalement des recrutements de son organisation, il était ravi d'avoir accomplie sa mission. Cependant, il avait quand même quelques réserves sur la Senritsu. Si elle était indéniablement douée et motivée, elle était également très instable et dans une organisation comme l'Institut, c'était assez dangereux. Il se demandait comment elle et Otoke pouvaient bien s'entendre, s'ils se ressemblaient un peu sur certains points, Raito n'arrivait pas à comprendre comment ils arrivaient à passer outre leurs différences. Il se demanda alors si Otoke n'était pas manipulé par la jeune femme. Enfin bon, ce n'était pas ses affaires.

- Je vous souhaite bonne chance pour vos recherches. Puisque je ne peux pas vous donner la liste des membres de l'organisation, je serais votre intermédiaire pendant cette mission. Par conséquent, si vous avez le moindre problème, lié à votre mission ou non, vous pouvez me contacter. Nous vous aiderons alors dans la mesure du possible. Si vous travaillez seule et que ceci n'est qu'un test, n'oubliez pas que tant que vous travaillez pour nous, nous vous considérerons comme l'une des nôtres.

Blablabla, tout ceci n'était pas utile, Raito le savait bien. Hak n'était pas du genre à demander de l'aide à des inconnus, sauf si elle avait une idée derrière la tête. Il n'avait pourtant pas vraiment le choix, cela faisait partie intégrante du discours de recrutement, la seule qui n'était pas adaptée à l'individu.

Au moment même où Hak se leva pour partir, Raito fit un signe à un homme qui les observaient discrètement. Celui-ci, légèrement surpris, se leva pour venir s'assoir aux côtés du jeune Conseiller.

- Tu as une nouvelle mission.

- Je dois arrêter de surveiller la future recrue ?

- Pas vraiment, tu vas faire en sorte que sa mission soit plus compliquée qu'elle ne l'est.

- Vous êtes sûr ? Cette mission vient d'en haut ?

- Qui est ton supérieur hiérarchique ?

Raito le regarda alors droit dans les yeux, l'air sévère. Le personnage calme qui avait eu affaire avec Hak avait laissé place à un individu bien différent.

- C'est vous… Désolé de vous avoir posé cette question, cela ne se reproduira plus. Vous désirez que je l'empêche de réussir ?

- Non, je veux juste que tu t'assures que sa mission soit difficile.

- Par n'importe quel moyen ?

- Evidement et arrête de poser autant de question, je vais finir par regretter de t'avoir placé sous mon commandement.

Terminant sa phrase, Raito se leva et quitta l'établissement pour se rendre aux terrains d'entraînement. Même s'il avait gardé son calme pendant tout l'entretien, il avait besoin de décompresser.