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Il n’avait pas fallu longtemps à Fuka pour être ramassé par le même homme qui était présent à son réveil. En position de faiblesse, il avait dû ranger sa fierté de côté pour être tiré de ce mauvais pas. vite remonté à sa chambre, le moine lui demanda de s’habiller car le Régent de Kumo l’attendait. Ce n’était donc plus un Raïkage au pouvoir ?! Ou bien il s’agissait d’un remplacement le temps de l’Examen à Suna. L’organisation de ce village échappait aux connaissances du Taisa qui avait été brièvement interrogé par son médecin personnel. Il lui demanda son nom et mentionna la Samui comme étant une ancienne connaissance. Le regard bas, Fuka se contenta de réagir à une seule chose :

- Fuka.

La fierté l’étouffait et son âme de soldat ne lui permettait pas d’en dire plus. Il se sentait honteux d’être ici dans un si pitoyable état, à la merci de ceux qui avaient été ses adversaires sur les terres brumeuses. Etant attendu au palais du Raïkage, il s’habilla avec les vêtements qu’on daigna bien lui prêter. En silence, ils traversèrent le village, son compagnon monacal aux trousses. Le duo passa par des rues animées où le bretteur put se confronter à la vie Kumojin. Son regard curieux s’attardait sur les étals des marchands ou les bâtiments par ci par là. Ils arrivèrent à destination où le moine s’annonça à une porte. Hashiru se nommait-il.

C’est ici qu’il le laissa. Il fit entrer le jeune homme avant de retourner au couloir. L’entretien qui allait suivre se jouerait donc entre le responsable du village et le Shukajin. Malgré les quelques douleurs qui lui restaient et sa fatigue, il avait encore assez de hargne pour puiser dans ses ressources physiques et rester droit. Un exercice qui malmenait encore son corps mais il tenait bon. Dans ce genre de situation, l’esprit est le meilleur allié de l’Homme. Sans sa fidèle compagne, il était comme dépossédé d’une partie de lui-même mais il faisait sans. Il savait que son arme l’attendait là où ils avaient été séparés. Jamais les autorités Kumojins n’auraient pu mettre la main dessus. Ce souci mis de côté, il n’avait plus qu’à se concentrer pleinement sur l’instant présent et cet entretien.

Pas difficile de savoir que ce qu’il aurait à dire à cet homme qui lui faisait face serait déterminant sur son sort. Sa fierté risquait de nouveau d’en prendre un coup. Il avait toujours su se comporter en bon soldat obéissant avec ses supérieurs mais il ignorait s’il aurait cette même facilité avec ceux d’un autre pays. Alors qu’il expirait paisiblement, une part d’exaspération profonde s’échappa ainsi subtilement. Il été face à son juge et il était seul pour se défendre. Sans arme cette fois. Seuls les mots.

C’était sans doute la rencontre la plus importante depuis qu’il était devenu Régent. En même temps, c’était la seule qui avait un côté international. S’il aurait préféré l’éviter, il savait très bien qu’on ne pouvait tout simplement pas garder indéfiniment un shinobi de l’Empire. Mais comme tout bon dirigeant qu’il était, Aomine considérait aussi qu’il n’allait pas le laisser s’en aller sans lui avoir parlé.

C’était Hashiru qui l’avait amené. Quoi de plus logique lorsqu’on savait que c’était lui et Kamikaze qui avaient vécu cet épisode à la fois diplomatique et terrorisant. Le Patriarche, et dire qu’ils l’avaient affrontés… Le Colosse était assis sur son fauteuil, mais du haut de ses deux mètres lorsqu’il était debout, il restait très imposant même dans cette position. Sa main droite lui indiqua de s’asseoir sur une des deux chaises en face de lui.

« Je suis Bakushô Aomine, Régent de Kumo. Et clairement, j’porte pas l’Empire dans mon cœur. Pourtant, c’est sur la base de la diplomatie que nos deux villages avaient organisé cette rencontre à Ta no Kuni. Et malgré les rapports qu’on m’a faits, il y a un truc qui m’a travaillé depuis que je sais que tu es ici. »

Il repensa forcément à Hôritsu, mais rien ne changea dans son comportement. Même sur le moment d’ailleurs, ce qui était appréciable. Les jours avaient passé et il était devenu capable de ne plus rien laisser transparaître lorsqu’il repensait à son senseï. Un point positif pour le dirigeant de village qu’il était devenu.

« Le Rokudaime Raïkage, qui était aussi mon mentor, s’est fait assassiné à Suna. Et franchement, diplomatie ou pas, si j’avais le ou les coupables en face de moi… je les tuerai sans la moindre hésitation. »

Comment, là encore, ne pas penser à Senritsu Hak qu’il avait missionnée pour en apprendre davantage sur le rouquin de Konoha ? Enfin, ce n’était pas le sujet du jour, le Colosse cherchait à faire comprendre quelque-chose de plus sensible.

« Je suis le chef des Kumojins, mais je sais qu’avec tout ce qui s’est passé, n’importe qui a pu perdre ses moyens, y compris mes hommes. J’aimerais donc que tu me racontes ta version des faits, en partant de l’attentat qu’il y a eu au Shozaichi jusqu’à aujourd’hui, en passant bien sûr par la rencontre avec mes hommes. »

Ce n’était ni pour punir les Kumojins ni engager de poursuites contre le Shûkai. Aomine voulait simplement se donner bonne conscience d’écouter ce que ce ninja de l’Empire pourrait dire. En plus d’éventuelles informations, il pourrait se révéler être une assurance pour définitivement couper les ponts avec le Shûkai jusqu’à nouvel ordre.

L’homme avait un physique imposant. Son siège semblait ridicule comparé à sa haute stature. Des traits fins mais un physique qui laissait présager un diplomate invétéré. L’ironie ne serait pas d’une grande aide pour le Shukajin. Il pouvait ravaler ce trait de caractère d’habitude laissé à Samehada. Sans elle, il devait compenser son absence en se faisant lui-même certaines remarques. L’épée était en fin de compte une part de sa pensée. Un tel rattachement était tout aussi effrayant que rassurant.

Le responsable du village se présenta sous le nom de Bakushô Aomine. Le régent des Nuages se montra clair dès son premier échange avec le jeune homme. Il n’appréciait pas l’Empire. Une première information qui pouvait s’avérer néfaste pour le Taisa. Mais il continua de parler et d’exposer que c’était la diplomatie qui avait motivé la rencontre entre les émissaires du Shûkai et ceux de Kumo. En résumé, Fuka n’avait pas intérêt à se planter dans ses réponses sous peine de quoi il terminerait dans les geôles du village pendant un long moment. Si ce n’est à la morgue.

Cette intimidation verbale ne l’effrayait pas pour autant. Après avoir rencontré une personne comme le Patriarche, les autres semblaient si insignifiants. Cette nouvelle donnée pourrait conduire le bretteur démuni à sa requête s’il ne prenait pas gare. Il n’avait certes jamais rencontré quelqu’un plus fort que ce moine mais il n’en restait pas moins un modeste soldat de l’Empire. Il y avait bien d’autres shinobis, certes tous moins forts que le Patriarche, mais autrement plus puissants que le Taichou. Pour que la régence des Nuages soit laissée à celui qui lui faisait face, c’est que ce dernier devait avoir un certain niveau. Mais la prestance et la carrure ne l’intimidaient pas. Il craignait plus le pouvoir décisionnel reposant entre ses mains.

C’est de sa bouche qu’il apprit alors une information capitale. Le Rokudaime Raïkage avait péri lors de l’attaque de Suna. Après cette rencontre, Fuka ignorait jusqu’à l’incident ayant agité la capitale mondiale des derniers jours. Prise par les combats, il y avait eu énormément de pertes. Kumo déplorait son dirigeant. Rapidement remplacé certes mais il n’en fallait pas moins pour une puissance mondiale de se reconstruire après un coup dur. Exactement comme le Shûkai et les pertes occasionnées par l’attaque menée sur sa Capitale.

Tout cela pour en venir aux faits que cet Aomine comprenait la réaction d’un homme confronté aux agresseurs d’un proche. Cette information lui avait permis d’introduire sa question visant à savoir si un des deux camps n’avait pas perdu les pédales pour attaquer l’autre. Une sorte de mise en confiance pour pousser le Taisa à avouer certaines vilénies ? Possible mais inefficace. Les Shukajins n’avaient pas engagés le combat, ni les Kumojins d’ailleurs. Fuka se retrouvait seul survivant impérial de cette rencontre et il porterait ce souvenir seul. On lui demanderait pourtant de le relater. La première fois était ici dans ce bureau et les prochaines l’attendraient au Shozaichi. S’il y rentrait un jour…

Face aux interrogations du responsable Kumojin, Fuka se voyait forcé de répondre. Il ne pouvait se désister face à cet homme sous peine de rester un long moment à Kaminari :

- L’attentat nous a pris de court. Nous avons reconstruit la cité du mieux que nous pouvons. Mais dans ce chaos, les autorités ont pris l’initiative d’une rencontre entre nos nations. Comme vous l’auront déjà rapporté vos hommes, on a retrouvé sur place la tenue d’un Kumojin. Un tel indice a poussé les dirigeants à s’interroger sur la responsabilité des Nuages dans cette affaire et c’est ce qui nous a amené à ce rendez-vous aux conséquences dramatiques.

Son regard devint alors vide. Il repensa à ses compagnons de route. Aussi bien à son épée qui était sans aucun doute restée là-bas. Il souffla légèrement, non sans une certaine exaspération :

- Alors que les discussions ont durés quelques minutes entre nos responsables de mission, ce Patriarche a surgi d’on ne sait où alors que l’entretien touchait à sa fin. Il a alors attaqué sans sommation en nous déclarant la guerre. Le marché ensuite était d’épargner ceux qui se plieraient à sa supériorité et de « châtier » les récalcitrants. Comme vous l’aurez compris, notre choix ne s'est pas porté en sa faveur.

Le souvenir amer de la lumière du temple et des dégâts qu’il occasionna se manifestait dans ses muscles et son squelette endolori. Ses dents se crispèrent alors qu’il avait terminé de parler. Sa version sommaire englobait les généralités de cet évènement et le Régent ne risquait pas d’en apprendre plus que ce qu’on lui avait rapporté. Fuka ne s’étendrait pas sur les détails. Il répondait aux directives comme il l’aurait fait chez lui. En tant que bon petit soldat.

Aomine était imposant, mais il ne comptait nullement sur la peur qu’il pourrait inspirer à ce Fuka pour obtenir quelque-chose. Tout ce qu’il voulait, c’était lui faire comprendre que les périodes troubles étaient derrière chacun, et qu’il pouvait parler librement. Mais apparemment, ça n’avait pas suffi, à moins que la version qu’il évoqua eut été la vérité ? Dans tous les cas, officiellement, la boucle était bouclée. Et le coupable était aussi seul que puissant : le Patriarche.

Les Kumojins avaient tous les deux dû s’incliner face à lui, d’une façon quelconque, sinon ils n’auraient pas pu réchapper à l’assaut mortel du moine. Quant aux Shûkaijins, ils avaient fait l’inverse. Valait-il mieux vivre en s’étant rabaissé à quelqu’un pour être épargné ou mourir avec fierté ? Si la fierté était une valeur que le Régent affectionnait forcément, il ne pouvait se dire qu’au moins ses Kumojins étaient rentrés sains et saufs. Et puis, ils n’auraient qu’à laver leur honneur une fois que le Patriarche serait mis hors d’état de nuire.

« Bien, je te remercie pour ta franchise. »

Il se leva après avoir signé un document qui, visiblement, était préparé et laissé sur son bureau depuis quelques temps.

« Hashiru ! »

Une fois que le moine reprit place dans le bureau, le Raïkage prit le parchemin qu’il se contenta de plier en deux avant de le mettre dans une enveloppe qui portait déjà le sceau de Kaminari no Kuni et celui de Kumo. Il contourna son bureau avant de la remettre en main propre à son Ministre.

« Tu escorteras le Shûkaijin jusqu’à Senun où vous embarquerez pour vous rendre jusqu’aux côtes de Tsuchi no Kuni. Ne sors pas du bateau et remets-le lui et le corps de Samui Yuki aux autorités de l’Empire, puis rentre aussi vite. Ceci sera ta seule mission avant la tenue du premier Conseil décisionnaire. »

Le Colosse termina en adressant un regard à Fuka. Avait-il compris l’intérêt que les Kumojins l’accompagnent en bateau jusqu’à son pays ? Les relations avec l’Empire étaient plus que tendues. Mais plus que tout…

« Fuka, toutes mes condoléances pour tes frères d’armes tombés au combat et bon retour chez toi. »

D’un signe de tête, il fit comprendre au moine de Maskine qu’avec le Shûkaijins, ils pouvaient disposer. Après tout, Aomine n’avait besoin de rien de plus.

Un vaste soulagement traversa la poitrine tendue du Shukajin. Le relâchement musculaire provoqué par cette réaction lui rappela à quel point il était encore meurtri par ses blessures de guerre. Mais au moins pourrait-il les panser et guérir véritablement dans son village.

En effet, le Régent venait de rappeler le moine dans le bureau. Lui remettant alors une missive, il lui demanda de vive voix d’escorter le Taichou jusqu’au port ainsi que de l’accompagner dans le bateau jusqu’aux côtes impériales. Cet ordre sonnait donc le glas du séjour de Fuka ici. Il dissimula son élan de joie. Un bon soldat devait se montrer impassible quel que soit la situation, aussi euphorisante soit-elle. L’idée de pouvoir retrouver son foyer et sa compagne lui remonta le moral. Il aurait besoin de cette légèreté d’esprit pour tenir le coup. Rien n’était fait et il y avait encore un certain voyage à faire.

Alors qu’ils allaient disposer, le responsable Kumojin eut quelques mots à l’attention du Taisa qui n’avait pas encore bougé. Il avait prévu lui aussi de dire quelques mots mais il avait été devancé par le Régent qui lui présenta tout simplement ses condoléances pour la perte de ses compagnons d’arme. Bien qu’il n’était pas spécialement à l’attacher à l’un des deux, cette rapide rencontre lui avait suffi pour apprécier l’état d’esprit de la jeune fille. La perte de la responsable de leur groupe ne lui laissait pas un goût amer en bouche. Il se sentait certes concerné car il lui devait la vie mais il n’était pas accablé de chagrin. Sa plus grande peine à l’heure actuelle était l’absence de Peau-de-Requin. Mais dès la mer franchie, il n’aurait plus qu’à se rendre sur les lieux de la fameuse rencontre pour la récupérer. En espérant qu’elle y était toujours et qu’un petit malin ne s’était pas amusé avec. Car pour lui, il serait déjà sans main à l’heure qu’il est. Mais des mouvements de terrain à cause de nouveaux combats pouvaient tout aussi bien la faire disparaître. Il était hors de question qu’il perde sa plus grande alliée.

Malgré l’impatience qui le gagnait, il continua de se contrôler en présence des Kumojins. Il avait hoché de la tête pour remercier le Régent pour ses paroles. Ce à quoi il ajouta ensuite :

- Merci à vous. Pour votre accueil et pour l’expression de vos sentiments. Sans les soins que votre village m’ont prodigués…qui sait où je serais. Encore merci en tout cas.

Fuka préférait rester simple. Il était aussi gêné et presque blessé dans son orgueil de devoir ainsi être redevable à un village qu’il avait combattu il y a à peine quelques mois. La tête ailleurs, il salua une dernière fois le maître des lieux avant d’être conduit jusqu’à la sortie, encadré par le bonhomme monacal. Maintenant que les ordres étaient donnés, ils allaient pouvoir se mettre en route sans plus tarder.