Fais attention.

Ces deux mots sonnaient comme un refrain d’un air qu’elle souhaiterait oublier. La Lame Assassine était l’une des kunoïchis les plus expérimentées du Pays du Vent, elle n’avait besoin d’aucun rappel. Mesurer le risque de chacune de ses actions lui était accoutumé, tout comme le fait de pouvoir commencer à agir en attendant l’arrivée de celui qui allait l’épauler dans sa tâche du jour.

Depuis qu’elle était arrivée à Suna, elle ne s’était concentrée que sur le côté « sensible » des zones du village. Entre l’Ergastule et maintenant le Kenkyuujo, le village de Suna avait été davantage frappé que les premières impressions pouvaient laisser croire. Certains prisonniers, fort heureusement pas les plus dangereux, s’étaient échappés. Si Atifiziel faisait partie de ces êtes à s’être envolés, l’ancien Furyou n’était plus un problème… Quelle curiosité que la décision des Saibogu d’avoir gardé un tel monstre.

Une sanction envers les Saibogu, voilà ce qu’aurait probablement fait une Régente ou un Kazekage dignes de ce nom. Mais jamais la Akuzu n’avait été éduquée pour juger les autres. Elle n’était là que pour agir, et accomplir chacune des missions qu’on lui confiait. Et celle d’aujourd’hui était d’une importance capitale. On pouvait même dire qu’elle était la première étape d’un long processus : le renouveau de Suna ou sa reconstruction ?

« Tu es là. On nous a signalé des possibilités d’effraction ici. »

Elle s’était adressée à la personne qui venait d’arriver. A deux, ils allaient enfin pouvoir se mettre au travail. Le laboratoire près duquel ils allaient rentrer était grand ouvert. Jusque-là, rien d’anormal mais…

« Regarde ça. »

L’index droit de la blonde pointait vers les bordures des portes. Non seulement ces dernières étaient ouvertes, mais les traces tranchantes ne laissaient place au doute. L’entrée avait été forcée. Quelqu’un qui aurait profité de l’attaque subie par le village pour voler des recherches ? La Lame Assassine s’engouffra dans le premier couloir, et prit à droite.

« Prends à gauche, et fais attention. »

Akuzu Shizuru était toujours sur ses gardes. Mais là, cela avait un véritable sens : elle pourrait très bien tuer quelqu’un aujourd’hui, si ça ne se passait pas comme prévu.

Silencieuse, la récente Chûnin semblait assimiler les informations sans laisser transparaître la moindre parcelle d’émotion. Une qualité grandement appréciée, même si la Lame Assassine n’était pas du genre à féliciter les rares qui pouvaient participer à ses missions. Non, définitivement du genre solitaire, la blonde se montra comme son homologue et sans un bruit, elles s’enfoncèrent dans le premier couloir du laboratoire.

Forcément, Akuzu Shizuru avait pris celui de droite, et découvrit quelques pas plus tard une sorte de salle de réunion. Pour preuve : une grande table oblique en bois en était le centre. Différents meubles étaient placés tout autour d’une façon toute sauf anormale. Etait-ce la salle de réunion de ce laboratoire ? Le Kenkyuujo était bien plus vaste, et il était tout à fait probable que si une effraction quelconque avait été faite, elle n’ait pas eu lieu ici. Mais les marques à l’entrée ne pouvaient être innocentes.

Machinalement, la jeune femme fit le tour de la table, à la recherche d’un quelconque indice. Mais elle finit par en trouver bien plus…

« Ema, ici ! »

Derrière la table, à l’opposé de l’entrée, une petite étagère renfermant une multitude de dossiers était placée. Comment le savait-elle ? Tout simplement parce que cette dernière était renversée, mais aucun dossier n’était totalement en dehors.

Shizuru regarda d’un œil attentif l’ensemble de l’étagère et lorsqu’elle fut sûre qu’il n’y avait aucun piège, elle la remit à l’endroit. Les dossiers étaient triés par ordre alphabétique, et étaient nombreux. Trois tiroirs pour ce meuble, et il y en avait probablement d’autres…

« Ce sont des dossiers, classés par nom. Là, il y a le sommaire… »

Bien.

Le sommaire remplissait bien son rôle et servait de registre à tous les dossiers qu’il y avait ici. Pourtant, en comparant ce dernier à l’ensemble des dossiers de l’étagère, la Lame Assassine se rendit rapidement à l’évidence.

« Il en manque. Par exemple, ceux de Saibogu Oniri, Saibogu Satoshi, Ketsueki Yami et même… »

Elle ne termina pas sa phrase. Mais la situation devenait plus tendue.

« Qu’as-tu vu de ton côté ? »

Spoiler:

D’autres dossiers manquants ? Probablement, mais la Akuzu n’avait prononcé que les noms qui ressortaient de ce sommaire. Que pouvaient-ils bien avoir comme valeur ? Une seule façon de le savoir : regarder à l’intérieur de l’un d’eux. Et c’est ce que Shizuru fit pour le dossier qu’elle avait dans les mains. En relisant les lignes, elle s’assura de transmettre les bonnes informations à Ema.

« Ces dossiers sont tenus par et pour le village. Ils contiennent les groupes sanguins et autres informations médicales. Rien d’alarmant, en somme. »

Mais dans ce cas, pourquoi quelqu’un aurait-il intérêt à les avoir volés ? C’était sans doute l’interrogation que la Zenzaburô devait avoir. Et elle aurait totalement raison. On ne pouvait pas faire grand-chose avec ce genre d’informations. Mais il y avait sûrement une explication. Et ce fut ce que la Lame Assassine tenta de trouver.

« Peut-être qu’ils ont été volés pour nous détourner du véritable objectif de cette intrusion ? Qu’est-ce que tu en p- »

La kunoïchi s’était interrompue. Elle avait aussitôt sorti son épée et fit volte-face. Ema put alors entendre sa sœur d’armes frapper à plusieurs reprises. Il y avait de l’agitation, beaucoup trop d’agitation : Shizuru se battait !

Et elle courut avant de finalement arriver dans la pièce où se trouvait la Chûnin. Forcément, l’experte en Taijutsu était plus rapide – notamment grâce à ses capacités d’assassin – mais elle était essoufflée. Son épée encore à la main, elle s’accrochait grâce au mur pour reprendre son calme.

« Il y avait quelqu’un mais… il a disparu, littéralement… »

Entraînée depuis des années, la kunoïchi se redressa rapidement et rangea sa lame tout en pénétrant davantage dans la pièce de droite. Comme l’avait souligné Ema, il y avait des blocs en métal partout sur les murs. Et elle en avait ouvert un.

« Ema, ce ne sont pas que de simples boîtes. »

En effet. Et cette salle n'était pas qu'un simple laboratoire. C'était une morgue.

Spoiler:

« Je suis ta supérieure, Ema. Mais oui, ça va. »

Elle l’avait tutoyée, et la concernée n’aimait pas ça. Même si c’était une kunoïchi qui ne faisait qu’accomplir les missions qu’on lui confiait et qu’on la rapprochait plus d’une arme que d’une personne, il y avait certaines choses qui étaient devenues accoutumées à la Sunajin. Et le respect hiérarchique qu’on lui devait en était un exemple. Enfin, elle ne laissa pas ce petit détail interférer avec ce qui s’était passé. Il fallait agir, et vite.

Sans même que la Akuzu puisse donner une idée, la Zenzaburô semblait déjà tenir une piste. Si elles étaient bien dans une morgue, peut-être que les numéros de chaque « cercueil » en métal était lié à quelque-chose d’autre. Et par cette autre chose, elle sous-entendait très clairement un lien avec le sommaire ou les dossiers en eux-mêmes…

Préférant rester silencieuse le temps de vérifier cette hypothèse, la Lame Assassine retourna dans la pièce voisine et revint avec le sommaire et quelques dossiers pris au hasard. Elle parcourut une nouvelle l’ensemble de manière très rapide. Puis elle partagea sa conclusion.

« Tu as raison, il y a un lien. Certains numéros ont une croix, et cela semble signifier qu’ils sont morts. Mais je ne vois pas l’intérêt de voler ces rapports. Quel serait l’intérêt de connaître le groupe sanguin d’un Saibogu par exemple ? En tout cas, il est normal que le village tienne des informations comme celles-là. »

Elle regarda une nouvelle fois le sommaire, chercha un numéro avec une croix et regarda les cercueils encastrés dans les murs. Lorsqu’elle trouva ce qu’elle chercha, elle reprit avec sérieux.

« Il y a une croix pour le numéro 34 et donc il est censé y avoir… le cadavre de la personne correspondante. Rien d’anormal. Et si on procède par inversement… »

Elle regarda un autre cercueil à l’opposé, portant le numéro 100. Elle l’ouvrit sans tarder. Et il était vide.

« Ce cercueil-là est vide, donc le numéro dans le sommaire correspond à une personne vivante. Par exemple ici c’est… »

Son visage changea. Toujours aussi froide et sérieuse, Akuzu Shizuru était devenue méconnaissable. Elle s’était tellement figée qu’elle en avait fait tomber les dossiers et le sommaire.

« Nous devons immédiatement faire notre rapport, sortons d’ici, et vite ! »

Elle était tellement persuasive d’habitude qu’on ne pouvait lui désobéir lorsqu’en plus de sa prestance venait s’ajouter une sorte de hâte et de sentiment d’urgence. Les deux kunoïchis quittèrent aussitôt la morgue et le laboratoire.

Derrière elle, en plein milieu de la morgue, quelques dossiers restaient ouverts. Le sommaire était sur ces derniers.

N°98 : Ikamoto Tsubashi
N°99 : Kawaguchi Kajirô
N°100 : Kyoshi Rei ✗
N°101 : Kyoshi Rei (corps secondaire) ✗
N°102 : Saibogu Lina

Zenzaburô Ema avait compris qu’elle était celle qui devait suivre les ordres, et non l’inverse… mais jusqu’à quel point ? Dans tous les cas, malgré sa politesse et son vouvoiement enfin adopté, elle ne put se retenir d’en demander davantage. Elle voulait des réponses à ses questions, et si ce n’était pas forcément ce que l’Akuzu aurait souhaité, elle le comprenait. C’était une Sunajin qui avait à cœur de faire son devoir. Pourtant, Shizuru resta silencieuse un long moment.

Tu ne peux pas l’éviter. Il faut lui parler, sinon tu prendras un risque conséquent.

La jeune femme finit par s’arrêter, et à se tourner en plein milieu de la ruelle de Suna vers son vis-à-vis. Ema… Il ne fallait pas qu’elle rende les choses plus difficiles qu’elles ne l’étaient déjà.

« Je n’ai pas bien vu qui m’a attaqué là-bas, mais je pense que c’était une femme. Et non, ça ne peut pas être Kyoshi Rei ni quiconque qui soit mort. La seule Nécromancienne capable de les réincarner est morte à Hai no Kuni. »

Mais ce n’était pas suffisant. Qu’avait-elle pu voir ou découvrir de son côté ? Inutile de chercher à lui cacher la disparition du corps de Kyoshi Rei. Non, ce n’était pas la peine… La Lame Assassine reprit aussitôt.

« Le corps de l’Homme Masqué a effectivement disparu, mais tu ne dois parler de ça à personne. Suna n’a pas encore de Kazekage et le village est plus vulnérable que jamais. Si l’information venait à fuiter… cela aurait des conséquences terribles pour Suna, et pour le pays. »

Surprise, Shizuru avait posé sa main sur l’épaule de la Chûnin. Elle était non pas amicale mais désireuse d’être compréhensible. Elle voulait sans le moindre doute que son message passe, et de la meilleure façon possible. Zenzaburô Ema devait garder le secret, pour le moment du moins.

« Je ferai le rapport dès que j’aurai trouvé une personne de confiance qui soit bien placée dans le village. Je ne suis pas faite pour diriger, alors je ne peux pas garder ça pour moi mais toi par contre, tu dois t’assurer de ne jamais en parler. Et ne t’inquiètes pas, je vais retrouver ce corps et on tirera tout ça au clair. »

Sur quoi elle attendit qu’Ema lui témoigne de la compréhension, avant de se retirer…