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- Réveilles-toi, Tsukiko. Tu as une mission.
 
Tsukiko était au Heaven Night, dans son bureau, à imaginer encore et encore un moyen de monter à la tête de son clan. Elle en dormait à peine les nuits, tellement l’affaire était préoccupante et vitale pour ses projets : sans titre, elle ne pourra nullement évoluer. Et sans évolution, elle restera cette stupide Chunin rétrogradée tout sa vie … Ce qui était hors de question. Toujours est-il que ce manque de sommeil l’obligeait à dormir « presque debout » au cours de la journée, dans des moments impromptus.
 
- Tu manques de sommeil, finit par dire l’employé qui l’avait réveillé.
 
Elle se contenta de grogner. Elle récupéra la lettre tendue, descella et lu la note longuement. Elle arqua les sourcils, tentant de comprendre la raison d’une telle mission « spirituelle ». En effet, il semblerait qu’il y avait une histoire de religieux un tantinet trop « fanatiques », et qu’ils commençaient sérieusement à gêner : entre les multiples tracs dans le cœur de Kawa no Kuni – ville de plaisir et de consommation par excellence – et les menaces de « clôturer » par « la force » les usines d’Ame no Kuni … Konoha comme Suna semblaient peu apprécier la chose. Ou du moins voir tout cela d’un mauvais œil.
 
- En somme, je dois m’assurer que tout se passe bien, et qu’ils ne font que fanfaronner, soupira-t-elle en s’étirant longuement. Rendez-vous dans trois jours, à Kawa no Kuni, dans une auberge, pour rencontrer votre partenaire qui est un Konohajin, me dit la mission. Frais et logement à nos frais, ils sont bien sympathiques ces missions, dit-elle avec sarcasme.
 
Heureusement, elle nageait dans une certaine aisance financière. Elle ne tarda pas à envoyer une ou deux lettres à deux de ses fournisseurs ou clients pour avoir un meilleur avis sur « là où il fallait dormir, manger et boire ». Elle demanda à ce que la réponse soit envoyée dans un avant-poste, près d’une des portes qui sépare la frontière de Kaze no Kuni et Kawa no Kuni.
 
- Nara Natsuki.
 
« Encore lui » se disait-elle. Il fallait dire que la première mission faite avec lui a été assez … intense émotionnellement parlant. Son visage était toujours, inconsciemment, un rappel constant de ses actes passés. Dès qu’elle entendait le nom du Konohajin, ou se remémora ce visage, les « Si » s’amoncelaient dans son esprit : et si elle s’était occupée d’Ibiki, et si elle avait été moins clémente avec Anita, et si elle avait été plus clémente … et « Si » et « Si ». Et sur ces « Si », elle quittait Suna trois jours plus tard pour aller au lieu du rendez-vous.
 

*

Comme toute femme qui se respecte, elle arriva plus tardivement que cet homme. Et sans plus un mot, elle s’assit tout simplement.
 
- Comme nous nous retrouvons, finit-elle par dire. Que deviens-tu depuis notre dernière rencontre ?
 
Pour sa part, les choses n’avaient nullement changé. Elle continuait à se démener.

Natsuki regarda d'un air septique son ordre de mission. Personne n'avait trouvé plus amusant que d'envoyer un ninja pour tempérer un large groupe de religieux commençant à hausser le ton sur les choses de la vie qui ne leurs convenaient pas. Certes, il n'était pas vraiment tout seul puisque Suna dépêchait de son côté un ninja – tien tien, Tsukiko encore – et qu'il aura juste à négocier/menacer de revenir avec une armée, mais tout de même. Il ignorait pourquoi, mais cette mission de l'inspirait pas du tout. A moins que cela était dû à cette douleur qui lui vrillait le crâne depuis ce matin ? Il ne savait pas trop, et au final, cela ne changeait rien : l'un dans l'autre, il n'avait pas d'autres choix que d'y aller.

*********************

Quelques jours plus tard, à Kawa no Kuni

Natsuki patientait à la table d'une auberge, un verre d'eau devant lui pour que personne ne vienne le déranger pour une commande qu'il ne voulait pas passer. Les jours passés à voyager au grand air ne lui avaient pas réussi. Son mal de tête ne s'était pas atténué, et les poches sous ses yeux étaient plus que jamais gonflées par le manque de sommeil. La moitié de son équipement pouvait tenir dedans aujourd'hui...

C'est alors que la demoiselle de Suna entra dans l'auberge. Rapidement, elle repéra le Nara tatoué, et prit place en face de lui.

« Je vous arrête tout de suite Tsukiko. Ce n'est pas parce que nous avons tué ensemble nos meilleurs amis que cela nous donne par défaut la même appellation. » annonça-t-il d'un ton égal. « Gardez le tutoiement pour quand nous échangerons nos photos de famille en riant autour d'une bière. »

Un rire qui semblait autant à sa place sur leur visage qu'une clarinette dans un groupe de métaleux.

« Cela mit à part, pour répondre à votre question, je suis resté la même chose que la dernière fois, et je vais parfaitement bien. »

Il n'en avait pas l'air.

« Tout comme vous d'ailleurs. »

Pas vraiment, mais ils n'étaient payés pour faire bonne figure, seulement pour être efficace.

« Ne le prenez pas personnellement. » dit-il après un instant en s'efforçant de sourire, son doigts frottant l'une de ses cernes comme s'il avait le pouvoir de l'effacer. « Je suis juste un peu fatigué, ne laissons pas cela entamer notre relation. Puisque nous sommes à nouveau collègues sur une affaire, ce serait dommage de s'embrouiller avant même d'avoir commencé. »

Il décroisa les bras, et fouilla un instant dans les plis de sa cape avant d'en sortir un petit carnet relié de cuir, qu'il posa sur la table face à Tsukiko.

« Voilà ce que j'ai déjà pu apprendre en cours de route sur ce mouvement religieux. Ils vénèrent celle qu'ils appellent la Déesse Verte. Selon leur croyance, Elle serait celle qui a engendré la vie sur le monde, son énergie étant en phase avec la Planète lors de sa création. Mère de tout ce qui vit, Elle n'apprécie rien de plus que ceux qui vivent en harmonie avec la terre, et qui trouvent la source de leur richesse spirituelle et physique en son sein. Elle prêche le respect de la nature et de l'amour de son prochain, et incite les hommes des nations civilisées à réparer les dégâts qu'ils peuvent causer. En résumé, leur dogme est de réduire à néant toute destruction sans but et sans volonté de reconstruction, et vivre de ce que la nature a à offrir, dans la paix et l'amour. »

Jusque là, pas vraiment de quoi s'inquiéter en somme.

« Ce qui me dérange dans tout cela, c'est le lien avec la mission qui m'a été confié. L'on m'a parlé de revendications vindicatives, mais la Déesse Verte est le seul groupement religieux qui fait parler de lui dans la région. Et à en croire ce que j'ai pu apprendre, cette croyance ne les poussent pas vraiment ses adeptes à prendre les armes. Une idée sur la question ? »

Peut-être que la jeune femme avait elle-même apprit quelque chose durant son morceau de trajet.

Nara Natsuki n’était nullement le Soldat Câlin et extrêmement altruiste et chaleureux qu’elle avait rencontré. Loin d'être gênée, cela lui convenait totalement. Au moins, avec lui, les choses avanceront efficacement, sans que cela traîne, sans que cela ne devienne des questions d’éthique laborieuses et fatigantes. Ainsi, sa remarque sur le tutoiement ou le vouvoiement ne la gênait nullement. En fait, elle comprenait « presque ».

- Très bien, restons-en au vouvoiement. Cela ne me dérange en rien, je peux vous l’assurer, disait-elle, changeant bien vite de ton, adoptant celui d’une personne « professionnelle » et non le ton « amical ».

Il fallait travailler, et il semblerait que l’un comme l’autre était plus doué dans ça que dans les relations sociales. Elle écouta donc sérieusement, et docilement, les paroles de Natsuki. Il avait fait quelques recherches préliminaires sur les religions pratiquées dans les environs possiblement en lien avec les revendications des fanatiques menaçant d’user de la force pour forcer la fermeture des « immondices » contre la nature comme les usines ou les villes. La seule piste potable était la religion de la « Déesse Verte ». Au vu de la description donnée par le Konohajin, elle le rejoint dans son idée que c’était étrange : pourquoi des êtres si pacifiques useraient de la force ?

- Peut-être que nous avons affaire à une branche plus extrémiste, qui s’est détachée de la religion … pour l’appliquer littéralement. Et par tous les moyens.

Les dissensions religieuses étaient courantes : il y avait les extrémistes, les modérées et les très-libérales qui se rapprochaient plus de l’athée que du religieux. Certains ne tardaient pas à se détacher du mouvement de masse pour se créer leur petite bulle de folie, ou de libéralisme. Il semblerait donc que la « Déesse Verte » a connu des scissions dans sa communauté. C’était une des hypothèses.

- Pour le savoir, je suppose que nous devons enquêter sur ces hommes et ces femmes. Cependant, je doute sincèrement que leur dire « Hey, vous ne seriez pas des potentiels touristes dont Suna et Konoha veulent voir en prison pour menace ? » soit une bonne idée, finit-elle par dire.

Elle réfléchit, à son tour, sur les différentes approches.

- Nous pouvons nous en approcher, comme de futurs fidèles. Nous pourrions être des … hum … civils perdus ? Des frères et sœurs ?

Peut-être pas. Ils n’avaient rien en commun. La couleur de peau tannée par le soleil de Tsukiko rendait Natsuki bien pâle à côté. Les yeux avaient différentes formes et différents regards. La bouche et le menton n’avaient rien en commun. Ne parlons même pas des cheveux.

- Je pense qu’il nous faut une solide histoire fictive, au cas où ils nous poseraient des questions. Je peux bien jouer la comédie, promit-elle.

Elle se tut, attendant le verdict du Nara.