Pour tout vous dire… je me sens un peu perdu. Non pas dans le sens où je ne trouve pas mon chemin il y a des limites à ma connerie quand même. Je veux dire par là que depuis que j’ai rejoint l’armée, ce n’est pas la rigolade. Je n’habite pas dans un palace déjà, je trouve ça inadmissible ! Bon d’accord là c’est une plaisanterie. Non plus sérieusement… le Shozaichi me donne une certaine impression que je n’aime pas spécialement : l’inaccessibilité. Je veux dire par là que pour le moment je n’ai pas d’amis, ça à la limite je peux survivre. Ma famille… on ne va pas en parler. Il ne me reste que mon sabre… qui n’est pas spécialement des plus bavards. Pour résumer, la vie n’est pas aisée depuis mon entrée au sein du Shûkai. Mais loin de moi l’idée de me plaindre pendant des heures, même si c’est bien parti pour. Non je veux plutôt mettre l’accent sur quelque chose qui me parait important : où est ma nouvelle « famille » ? Mon équipe quoi ! Un groupement de personnes avec lesquelles je ferais autre chose de ma vie que me prélasser dans l’herbe ou dans mon plumard, ou alors piquer dans la poche des gens pour aller m’acheter un coup à boire. Oui c’est illégal, mais personne ne m’a vu faire encore alors je ne vois pas pourquoi je n’en profiterais pas. Bref, me voilà dans le centre-ville. Je suis actuellement en train de faire une petite balade. Je n’aime pas spécialement les regards qui se posent sur moi… mais je suppose que ma taille et le fait que je trimballe mon arme sur le dos ne me rendent pas spécialement amical. Sans oublier mon expression… on dirait clairement que j’ai l’intention de commettre un meurtre, ou que c’est déjà fait.

— Tch. Va t’engager qu’ils disaient. Bande de cons. Je t’en foutrais de l’armée moi. Huh… si seulement j’avais ne serait-ce qu’un truc à faire. Je ne demande pas la lune.

Je rêve ou je suis en train de parler tout seul là ? Faut vraiment que je trouve de la compagnie parce que là je vais devenir dingue. Bref, tandis que je déambulais comme un zombie dans le centre-ville, j’en profitais pour jeter quelques regards un peu partout, cherchant ainsi quoi faire. Une idée, une illumination, n’importe quoi qui me sortirait de l’ennui dans lequel je suis profondément plongé. Sauf que pour le moment ce n’est pas encore gagné. Et c’est alors que j’entendis des éclats de voix non loin de là. Une voix féminine et ensuite une voix masculine. Il semblerait qu’un conflit ait éclaté entre les deux vu les insultes qu’ils étaient en train de proférer. Sauf que ce que je n’avais pas vu c’est que la voix masculine n’était en fait qu’un vulgaire voleur de bas étage qui venait de dérober un… portefeuille si ma vue est bonne. Ce n’est qu’en le voyant se diriger vers moi que je pouvais attester avec certitude que c’était bien cela. Ni une ni deux, je détachais mon fourreau de mon dos, avant d’attendre patiemment que le voleur passe près de moi. Une fois que ce fut le cas, j’en profitais pour lui donner un violent coup dans les jambes avec le fourreau pour lui faire perdre l’équilibre. Dans sa chute, il laissa tomber le portefeuille et j’en profitais pour entreprendre un petit sifflotement mesquin avant de ramasser l’objet d’un geste vif. À la suite de quoi, j’écrasais l’odieux malfaiteur à l’aide de mon pied, avant de m’assoir sur lui tel un vulgaire pouf. J’attendais alors sagement que la victime du larcin s’approche de moi pour lui rendre son bien tout en lui disant à haute voix :

— Tenez. Soyez plus prudente la prochaine fois. Je ne serais peut-être pas là pour vous sauver la mise.
— Merci jeune homme.
— Pas de quoi, je ne fais que mon travail.
— Oh ! Vous êtes dans l’armée ?
— Il paraît ouais.
— Vous n’avez pas l’air convaincu ! C’est un beau métier, vous savez ?! Moi j’aurais aimé que mon fils fasse la même chose. D’ailleurs à ce propos… vous êtes assis dessus.
— HEIN ?

Oups ! Je me levais alors d’une traite en m’excusant platement auprès de la dame. Elle éclata alors de rire et insulta une dernière fois sa progéniture avant de lui dire de se relever d’une part et d’autre part, qu’il allait se prendre une sacrée raclée en rentrant à la maison. Oh ça me rappelle des souvenirs ça. Je soupirais alors longuement avant de glousser quelques secondes, ce petit événement fortuit venait de me mettre de bonne humeur. Je rattachais alors Ketsuatsu à mon dos avant de me retourner pour reprendre ma route, sauf qu’en me retournant je percutais quelqu’un au lieu d’effectuer mes premiers pas.

— Ah putain ! Mais fais attention où tu marches gamin !

Sale gosse…

— Aha… je vais le buter ce gamin.

Non rassurez-vous je ne vais pas le faire. Juste lui mettre une grosse claque sur les fesses avec le fourreau de mon sabre. Sadique comme idée je sais, mais c’est tout ce qu’il mérite pour m’avoir dérobé mon précieux portefeuille ! Ce n’est pas parce qu’il est presque vide que j’autorise le premier gosse venu à me le prendre comme ça. Cela dit il a du cran lui… et doit être également plutôt habile pour me prendre mon bien sans que je ne le remarque. Si j’avais été magnanime, je n’aurais certainement pas dans l’idée de lui flanquer une raclée monumentale… mais alors le fait qu’il agite mon portefeuille comme si c’était un putain de poisson qu’il venait de pêcher… y’a rien à faire, non seulement ça me met hors de moi, mais ça me donne envie de lui faire bouffer des sucettes par le derrière ! Pourquoi une sucette ? Tous les gamins aiment les bonbons ! Moi-même j’en piquais dans les magasins. Bon après mes fesses étaient malheureusement toutes rouges à cause de mes parents… mais ça c’est une autre histoire. Ah pis alors ce clin d’œil qu’il vient de me faire là… ah non rien à faire il mérite de se prendre un taquet. Mais par contre il est sacrément doué pour monter sur les toits comme ça ! J’ai même un peu de mal à le suivre. On va mettre ça sur le compte de la fatigue hein ? Ouais, vaut mieux.

— Reviens ici sale mioche ! Y’a rien dedans de toute façon ! Y’a pas de bonbons en plus !

Bah quoi ? On sait jamais la ruse ça peut marcher non ? Quoique je n’y crois pas trop. Il y a plusieurs choses qui rendent ce gamin bizarre. Cette agilité, cette aisance à déambuler sur les toits comme un funambule et il est rapide le môme. Serait-il possible que j’aie jugé trop vite ce petit chapardeur ? C’est probable. Vous savez j’ai beau faire l’imbécile comme ça à longueur de journée, j’ai quand même un esprit vif. Pour être plus clair : je n’aime pas réfléchir, mais quand je fais l’effort, je suis plus malin que j’en ai l’air. Raison pour laquelle je cherchais un moyen de le prendre de vitesse. Il est vraisemblablement plus rapide que moi et le fait qu’il passe par les toits, l’évite d’avoir à éviter des obstacles. Il n’a qu’à sauter de toit en toit pour rejoindre l’itinéraire qu’il veut. Mais je m’interroge sur un truc… pourquoi il a agité mon portefeuille comme un blaireau ? Par fierté ? Il savait pertinemment que j’allais le prendre en chasse. Il m’a peut-être observé ? Je devrais arrêter de réfléchir et trouver un moyen de lui faire perdre un peu de vitesse. Bon pas le choix, ce n’est pas très sport, mais tant pis. J’allais alors chercher un kunaï dans ma poche, le seul qui me restait. Je le lançais alors de toutes mes forces, voulant ainsi l’obliger à l’esquiver, histoire de rattraper mon retard. Fort heureusement, mon lancer ne fut pas vain et cela me laissa une légère ouverture, suffisante pour que je puisse passer devant lui et me mettre dans sa course.

— STOP ! On s’arrête là ! Je veux récupérer ce qui m’appartient. Si tu es sage, je te laisse partir, sinon…

Bon ce n’est peut-être pas vraiment malin de faire ça maintenant, mais tant pis. Je dégainai alors mon sabre, d’un geste vif. Ce n’est qu’une intimidation de bas étage, mais si c’est suffisant, ça me va. Je veux juste récupérer mon bien, j’ai suffisamment couru et j’en ai ma claque.

— Ne fais pas l’imbécile et rends-moi ce qui m’appartient.

Il est passé ou mon kunaï tant que j’y pense. C’était mon dernier alors j’aimerais bien le récupérer. Je n’en reviens pas que je suis en train de penser à ça alors que ce sale gosse ne m’a toujours pas rendu mon portefeuille ! Je fais quoi je lui mets une avoine ? Ou je le laisse s’excuser peut-être ? Ouais c’est bien ça. J’attends tes excuses mon petit ! Déjà la première pour m’avoir fait cavaler, la deuxième pour la disparition de mon kunaï et la troisième - sans doute la meilleure - : mon portefeuille bordel !

Si avant ce n’était pas assez clair pour moi, maintenant ça l’est, comme de l’eau de roche si vous me passez l’expression. Des mudras, une flaque d’eau qui apparait comme par magie et mon équilibre qui m’abandonne. Ce gosse est un shinobi. Avant de tomber à la renverse, j’eus tout de même le réflexe de prendre appui sur ma paume gauche pour éviter de terminer sur le popotin. Oh… il vient de prononcer mon nom. J’en étais sûr ! C’est bien un de mes semblables. Qui utilise l’élément eau si je ne m’abuse. C’est bien au moins il me donne quelques informations sur lui. Il faut que je fasse gaffe à mon équilibre et où je mets les pieds pour éviter les chutes. Heureusement que je suis plus agile que je n’en ai l’air et que mes réflexes ne sont pas mauvais. Ça ne suffira peut-être pas pour lui éclater sa tronche, mais… qui ne tente rien n’a rien. Je me relevais alors d’une traite en usant de ma paume pour me propulser afin de me remettre rapidement sur mes deux pieds. Je rangeais mon sabre en un éclair avant de me remettre à sa poursuite. Oh oui je veux le récupérer sale gosse ! Mais là en revanche je ne ferais plus l’erreur de te sous-estimer. Que tu sois suffisamment doué pour me mettre une raclée, je m’en fiche pas mal, je veux juste récupérer ce qui m’appartient. Pour les conséquences, on verra ça plus tard. Au lieu d’essayer de le rattraper, je vais me contenter de rester à une certaine distance de lui, il veut clairement que je le suive à un endroit précis. Sinon il aurait profité de ma chute pour se faire la malle. Il me teste, c’est quasiment sûr. Pourquoi ne je sais pas exactement, mais pour le découvrir je vais devoir le suivre.

Quelques instants plus tard, nous arrivâmes à quelques secondes d’intervalle à un endroit qui me semblait étrangement familier. Ça ressemble trait pour trait à ce qu’on m’avait montré lors d’une brève visite de la capitale que j’avais effectuée. Je ne suis pas certain, mais il me semble que nous foulons les terrains d’entrainement. D’accord… je crois que je suis en train de comprendre ce qui est en train de se passer. Ce qui m’amène à la question que je me dois de poser à mon petit chapardeur de portefeuille :

— Bon d’accord… je vois où tu veux en venir gamin. Bon il est où ton sensei ? Je suppose que c’est lui que je dois rencontrer ?

C’est obligé. Je suis sûr de mon coup, ce gosse n’est que l’intermédiaire. Je dois rencontrer quelqu’un de plus puissant que lui. Ou alors c’est vraiment lui qui doit me mettre à l’épreuve. Si toutefois il s’agit d’un test, même si ça en prend le chemin. La confiance du gosse, sa volonté de me montrer ce qu’il sait faire et même si je crois un petit peu au hasard, le fait qu’il m’emmène exactement à cet endroit, c’est trop gros pour être une coïncidence. Donc visiblement il s’agit là d’une sorte de test. Peut-être même un bizutage. En vérité je ne sais même pas où j’en suis avec tout ça. Je lui demande si son maître va venir, mais si ça se trouve je suis dans le faux. Bon et puis merde, je n’ai pas le temps de réfléchir pendant des plombes. Celui qui détient mon portefeuille se tient face à moi et me toise presque du regard depuis le début. Soit je lui montre que je ne suis pas là pour plaisanter, soit on taille la discute pendant des plombes. Je soupirais alors longuement, prenant le temps de me concentrer quelques instants. Je n’ai plus de kunaï, plus de shurikens, juste Ketsuatsu. Mon adversaire utilise le ninjutsu et manipule l’élément eau. À partir de ces postulats, je peux d’ores et déjà penser à une stratégie simple. Déjà je ne vais pas utiliser mon sabre tout de suite, c’est mon seul atout alors autant le sortir plus tard. On va s’en tenir à du combat au corps à corps. Sauf que je dois faire attention où je mets les pieds. Une glissade peut arriver à tout moment. Bon… fini la réflexion, je passe à l’offensive. Je m’élance donc en direction du gosse, en prenant garde où je mets les pieds, je pose alors la main sur mon sabre, comme pour lui faire comprendre que ma prochaine attaque viendra de lui, sauf qu’une fois arrivé à bonne distance de lui, c’est ma jambe gauche qui s’élança vers son visage. Autant y aller franchement, j’ai cette impression que ça ne va pas être de la tarte.

— Tu vas me le rendre mon portefeuille, compte là-dessus !

Même si je dois te couper les bras et les jambes, je vais récupérer mon bien. Tu peux t’en assurer.