- Kawaguchi Tsukiko, chef du clan Kawaguchi, je suis ici pour m’entretenir avec le Kazekage, disait-elle à l’un des gardes devant la tente.

Il la fit patienter afin d’annoncer au préalable de son arrivée au fameux Kazekage. La blonde profita de ce court instant pour regarder le nouveau « Palais », soit une tente au pied de « l’ancienne ». Son esprit critique ne tarda pas à se mettre en marche, trouvant les failles de ce nouveau lieu : facilité d’écraser la tente en explosant le Palais « inhabité », possibilité d’y mettre le feu, un impact négatif sur l’image de sa personne – et du village – ou une image floue – Suna est-il sécurisé au point de tout entreposé dans une tente ? ?

« Mes Kawaguchi doivent rire sous cape, malgré leur fidélité … » se disait-elle, commençant petit à petit à comprendre les quelques « moqueries » légères qui fusaient par ci et par là, dans un cercle d’amis intimes ou autour d’un verre dans son bar. Un Kawaguchi aimait vivre dans ses bâtiments ou toujours montrer son talent en édifiant des choses démesurées. La tente n’était qu’un logement temporaire, fait pour l’urgence ou pour la nécessité minimale … Pas un logement dans un règne de faste, et de richesse.

« Plus important, Suna avait promis de se développer … On fait marche arrière ».

Entre les règles strictes de sécurité, ou l’abandon d’une certaine « civilisation » soit de l’eau courante et de l’électricité dans sa demeure, tout indiquait qu’on faisait un grand bond en arrière, dans l’ère du silence et de la répression, et dans l’ère du conservatisme. Il faut dire, on disait les Kawaguchi Conservateurs, mais face à une tente, les membres étaient finalement « développés ».

« Je dois me la fermer, c’est tout », s’ordonna-t-elle, avançant lentement avec sa canne dans la tente du Kage. Un simple regard vers les canapés, et le manque de chaises, elle fut exaspérer intérieurement. Les vieilles personnes ou les « blessés » de guerre ne pouvaient pas tous se permettre de s’asseoir à même le sol …

« Je vais avoir mal » se disait-elle.

- Bonjour, Kazekage-sama, introduisait-elle, tentant maladroitement un salut formel qui s’imposait devant cet homme.

Son regard s’attarda sur le membre manquant de Kioshi. A nouveau, elle fut exaspérée. Kibo n’était-il pas censé le protéger ? N’était-il pas censé d’enquêter au sein de Suna pour trouver ces ombres menaçantes ?

- Comment vous portez-vous ? Votre … blessure a-t-elle pu se cicatriser ?

Quelque chose avait changé en la demoiselle, ou plutôt brisée. Suite à son retour, au confinement discret imposé par son clan, ou encore à l’expérience aux côtés de Kibo avec l’Araignée, elle avait recouvert son regard d’acier, sa voix de soi et de son cœur de pierre. Elle était ce qu’elle avait toujours souhaité être : une Shinobi, une arme froide et coupante, au service d’une cause noble comme la protection de son pays.

- Je vous remercie de m’avoir reçu. Je ne doute pas que vous avez beaucoup à faire.

La petite Tsukiko que Kioshi avait connu avait disparu il y a bien longtemps. Le clan n’avait nullement apprécié sa rétrogradation, et le soupçon sur une éventuelle implication dans le meurtre de Zanshi, et elle avait subi une batterie de test, ou d’épreuves pour prouver à nouveau sa loyauté, et sa soumission. Enfermée entre quatre murs de sable, brisée à plus d’une reprise tant physiquement que mentalement, « rafistoler » après un entraînement violent une dizaine de fois, et le tout sous un même et unique Leitmotiv soit la fidélité à la Famille, elle avait vite oublié toute trace de passé, ou toute source de faiblesse. Autrefois, les traits fatigués ou encore le regard de Kioshi auraient brisé en mille morceaux son cœur, mais aujourd’hui, elle restait droite et fière, le regard tourné uniquement vers l’avenir et ses intérêts. Plus jamais elle ne souffrirait au nom d’autre personne. Au final, n’était-ce pas par sa faute de l’avoir rétrogradé et laissé le doute peser sur elle qu’il l’avait « condamné » à sa façon ? N’était-ce pas aussi de sa faute à toujours chercher à la faire raisonner par le cœur et non la raison qu’elle n’avait nullement pu être la grande Kunoichi, l’arme aiguisée mais une simple petite Chunin impatiente et effrayée ? Elle avait compris, à terme : on ne pouvait compter que sur soi-même.

Un fauteuil de sable ne tarda pas à s’élever, ainsi qu’un petit tabouret de sable, où elle reposait tant son fessier que son pied meurtri.

- J’ai quelques difficultés à m’asseoir à même la terre. Cependant, si ma position vous gêne, je ferais un effort de me mettre à votre niveau, disait-elle poliment en marquant la distance. Sauf votre respect, Kazekage-sama, ce titre devrait vous changer.

Elle se tut, analysant les traits du Yamada. Elle se sentait en confiance, mine de rien. A moins qu’elle ne cherche à le tuer sauvagement, il ne ferait rien de mal à son égard – et encore, il serait apte à tenter un sacrifice comme Kibo.

- En endossant cette fonction, Kazekage-sama, vous avez signé également pour mettre de côté tous sentiments personnels afin de vous adonner entièrement à votre village et à ses habitants. Peut-être est-ce une pensée trop dure voire même très fausse, mais au moins, cela a le mérite de fonctionner efficacement.

Si elle avait pensé qu’à elle-même en devenant cheffe de clan, elle ne porterait guère longtemps ce titre. Chaque membre d’un groupe attendait beaucoup du chef soit une paix, soit de la force, soit de la richesse, soit la vengeance, soit la guerre … Les sentiments ne servaient plus qu’à une chose : faire bousculer une balance quand la raison était indécise.

- Aujourd’hui, je viens discuter avec le Kazekage. J’ai une demande à formuler vis-à-vis de mon clan.

Elle se tut, laissant quelques minutes s’écouler.

- J’ai promis que restaurer certaines pratiques du passé comme nos fêtes, dans nos Ruines. J’ai déjà restauré par moi-même certaines galeries. Je souhaiterais que deux fois dans l’année, tous les Kawaguchi de Suna aient droit à prendre une « journée de pause » afin de pouvoir s’adonner à une ou deux traditions de notre clan, fortifier nos liens, notre attachement à certaines valeurs. Auriez-vous des conditions ou des raisons de me refuser une telle demande ? demanda-t-elle, s’apprêtant aux multiples contre-arguments.

- On demande, inconsciemment, plus de prise de responsabilité, finit-elle par dire dans un murmure à peine audible.

Le sourire qu’elle affichait maintenant ne quitta pas davantage ses lèvres lorsqu’il donna une réponse des plus catégoriques. A vrai dire, et inconsciemment, il venait d’amener un sujet épineux sur le « tapis » même : la Sécurité de Suna.

- Vous refusez sans chercher à négocier. Ne pensez-vous pas que j’ai les fonds nécessaires pour cette « perte d’argent » des caisses propres des Kawaguchi ? Ne pensez-vous pas que l’on pourrait négocier une certaine quantité, ou certains événements ? Vous vous dites à l’écoute d’un peuple, mais vous semblez traiter mes hommes plus de chiens de garde que d’humains avec leurs propres traditions et besoins.

Elle se tut bien. Mais, et il est nécessaire d’insister, elle n’hurlait pas, elle ne criait pas. Elle parlait très calmement, et regardait avec autant de passivité cet homme qui était – ou fut – son maître.

- Mon clan serait donc celui qui met la sécurité de Suna en péril ? Ainsi, la trahison évidente des Saibogu en travers de la vente de leur connaissance à d’autres pays, le départ d’une partie des Yamada pour des désirs d’une vie nomade … Rien de tout cela n’affaiblit notre village ? demanda-t-elle, durement. Ainsi donc, vous nous faites confiance malgré un interrogatoire constant aux portes comme si nous étions tous des traîtres ? interrogea-t-elle avec une curiosité feinte.

Il fallait admettre, qu’à ses yeux, Kioshi se contredisait : comment pouvait-on confier une sécurité à des membres qu’on ne cessait de surveiller et d’interroger tous les jours ? Déjà certains Shinobis fatiguaient, et semblaient désireux d’abandonner ce rôle auquel il s’était promis de s’adonner à vie. Les plaintes s’élèveront au fur et à mesure et elle préférait le lui faire savoir avant qu’il ne soit trop tard. Cependant, et que chacun se rassure, ce n’était nullement et uniquement que les Kawaguchi qui allaient élever les tons.

- Vos méthodes vont créer plus de monstres que d’alliés. Bientôt, vous ne serez pas le Kazekage à l’écoute de son peuple, mais le Kazekage soumis à un Conseil détaché de la réalité. Voyez la vérité en face, l’enquête sur les tenants et aboutissants de la mort de Zanshi n’a mené à rien. Il faut mettre fin à cette paranoïa, et aller de l’avant. Quant à la Sécurité, il vaut mieux développer des systèmes de surveillances que des interrogatoires bien trop évidentes pour les alliés comme les traîtres.

En somme, il fallait admettre ses erreurs de s’attacher bien trop au passé, ou persévérer dans une voie inutile.

- Parlant de Sécurité, je suis bien curieuse d’une affaire non terminée, que je n’ai malheureusement pas pu suivre : qu’est-il arrivé à Saibogu Satoshi ?

C’était en soi la question piège : quel sort avait-on donné à celui qui avait « presque » - si cela n’a déjà été fait – trahi Suna, et sa nation tout entière. L’appui du Daimyo pouvait-il vraiment compter, à bien réfléchir ? Une question pertinente dans le fond : où se placer ce grand Kazekage au niveau de la Nation.

- Ne voyez pas là une attaque, mais je souhaite me renseigner sur votre position vis-à-vis des clans, vis-à-vis de Suna, vis-à-vis de la Nation. Vis-à-vis de l’actualité, à vrai dire.