Cela fait bien longtemps que je n'avais pas remis les pieds dans l'ancien Hall du Sable de Suna. L'endroit a quelque peu souffert de l'absence du clan mais la majorité des affres du temps ont été réparés par nos habiles Bâtisseurs. L'ordre a encore une fois excellé et l'absence de critiques de ma part à leur encontre tend à souligner leur excellent travail. Ho bien sûr j'ai ajouté quelques détails aux anciens plans. Par exemple le fait que le trône au fond de la pièce - le mien! - soit davantage surélevé. Une manière de s'élever au-dessus de la nasse formée par les miens. Après tout la hiérarchie existe pour être mise en valeur, n'est-ce pas?

C'est donc installé sur le splendide siège symbolisant mon autorité que j'observe mes frères et soeurs s'entasser dans la massive bâtisse. De nombreuses discussions perturbent le calme que j'avais espéré mais je laisse faire. Après tout la réunion n'a pas encore commencé. Elle le sera uniquement lorsque j'aurai fait l'effort de frapper le gong qui se trouve à mes côtés. C'est plutôt efficace lorsqu'il s'agit d'obtenir l'attention, ça, de péter les oreilles des gens. Encore une tradition que j'affectionne!

Je pose mon regard sévère sur Tali puis Amano, espérant y déceler une quelconque forme d'admiration. J'observe ensuite chaque nouvel arrivant et tourne régulièrement la tête vers l'homme à mes côtés. Ce dernier, chargé de répertorier les personnes présentes, m'indique finalement que nous sommes au complet. Quelques mudras et le silicium qui borde l'entrée du Hall se remodèle de manière à fermer entièrement le siège du clan. Il s'agit de ne pas laisser un quelconque inférieur nous déranger. Ou pire: nous écouter!

"Bien, nous allons pouvoir commencer!" chose que je confirme en frappant dans le gong pour obtenir le silence. "Tout d'abord je tiens à vous remercier pour votre présence. Il est évident que vous n'aviez guère le choix de participer à cette réunion néanmoins je me félicite de ne pas avoir eu besoin de traquer un éventuel réfractaire!"

La démocratie? Mon cul! Je marque un instant de silence et commence à marcher sur la petite estrade d'où je domine mes ouailles. J'apprécie voir les regards désapprobateurs qui s'échangent. Comment reconnaître les fauteurs de troubles potentiels? Simplement en observant leurs réactions. Les gens ne font pas asse attentions aux indices qu'ils lâchent bien malgré eux. Et je sais que Tali ne loupe elle aussi pas une seule miette de cet étrange spectacle, le but de l'unité qu'elle dirige étant non seulement chargée d'établir une hiérarchie du sang mais également de faire taire les réfractaires. On ne règne pas sans casser des têtes...

"Comme vous le savez, ces derniers jours ont été marqués par le changement. Il convient donc de nous adapter à la nouvelle réalité du pays et de faire face aux défis qui nous attendent!" je leur décoche un léger sourire amusé. "Comme vous le savez j'ai toujours eu de l'inimitié pour Suna. Ou, plutôt, pour les incapables qui ont succédé à Zanshi et contribué à plonger ce pays dans l'état déplorable qui est le sien actuellement! Or il se trouve que le nouveau régent dispose de ma confiance. Je vous le dis sans détour: je suis convaincu que sous l'égide du Toshiro le village mais aussi la nation retrouveront leur grandeur passée. Car après tout l'un ne va pas sans l'autre n'est-ce pas?"

Simple rhétorique, évidemment. L'avis des membres de la famille ne m'intéresse pas spécialement. Ce qui compte, c'est qu'ils se plient au mien! Néanmoins je ne suis pas tout à fait honnête. Car s'il est vrai qu'Ogami dispose de ma confiance - pour peu que le terme soit adapté - il ne représente pas la finalité à laquelle je m'attendais. Mais à défaut d'avoir un Kawaguchi sur le trône de Suna, je consens à lui laisser une chance. Déjà parce qu'il l'a méritée. Mais aussi parce que j'ai compris avec les années que mes ambitions ne se réaliseront pas dans le cadre d'une course au pouvoir. Comme on dit: il faut laisser du temps au temps...

"Ainsi donc j'ai décidé que le clan reviendrait s'installer à Suna! Du moins en partie! Les guerriers seront stationnés dans le village et réintégreront les forces sunajins! Quant aux autres, ils m'accompagneront au Temple d'Ichibi où sera établi le nouveau siège clanique! Car voyez-vous mes amis, si je comprends entièrement la nécessité d'apporter du sang neuf aux troupes du villages je suis également conscient que le rôle d'un clan aussi prestigieux que le nôtre ne peut se limiter à des considérations si... basiques!"

Inutile de leur dire, je suppose, que je compte me faire reconnaître comme un dieu par le peuple? Après tout je suis l'hôte d'une créature qui est considéré comme telle dans la croyance populaire du pays. Il n'est que justice que l'homme qui le détient emprisonné dans sa chair hérite de la même considération. Mais j'aurai largement le temps d'apporter les précisions nécessaire. Par exemple lorsqu'il sera trop tard pour les miens de refuser cette possibilité! Il vaut mieux les mettre devant le fait accompli. Non?

"Je compte sur vous pour agir en adéquation avec ces nouvelles directives!" il vaudrait mieux pour eux, en tout cas! "Mais je ne vous ai pas seulement réunis pour parler de tout ceci. Je souhaite également vous donner l'occasion de vous exprimer sur les sujets qui vous tiennent à coeur. Ainsi donc si l'un d'entre vous souhaite me faire part d'une requête ou d'un désir particulier, je vous enjoint à le faire maintenant! Le clan ne saurait avoir de secrets pour ses membres!"

Du moins, en théorie! Je me passerai de l'avis des miens pour atteindre les objectifs que je me suis moi-même fixé. Néanmoins je crois qu'il est important de leur donner l'impression d'exister. Et même que leur avis compte. Après tout diriger rime avec manipuler...

Suna, Suna... Synonyme de honte et de petitesse. Revenir ici c'est revenir à un endroit ou la honte côtoie la perfidie. Se sentir mal en ces lieux c'est tout à fait normal, ils ont abrités des générations d'incapables et de lâches. De traîtres et d'imbéciles, de shinobis aveuglés par leurs propres idéaux incapable de distinguer une situation dangereuse et une situation avantageuse. A l'image du dernier dirigeant en date, qui par histoire personnelle a plongé un pays entier dans la ruine et l'abandon. Absent, incompétent. Et pourtant aujourd'hui les manieurs de sables sont revenus dans leurs anciens quartiers. Rénovés par les constructeurs du clans, sous impulsion de Kira soutient inflexible il semble du nouveau régent de Suna. Si Tali déteste l'admettre avoir un village militaire avec un dirigeant est une bonne chose. Ces incapables auront enfin une raison de se lever chaque matin, le laissez-aller de Suna était horrifiant et honteux pour l'image de Kaze.

Perdre une guerre est déjà un piètre résultat, mais avoir des cadres dirigeants absents est un autre stade autrement plus honteux. La Daimyo absente, un Kage obnubilé par la rage et sa colère. Non cela ne menait à rien, et encore une fois les Kawaguchis, visiblement héros des temps modernes ont du intervenir. Sauver les miches d'un village inactif, pousser sur le trône un régent. Soutenir Kaze tout entier, en espérant que la finalité ne soit pas la même. Mais la réunion d'aujourd'hui porte sur un sujet on peut plus sensible. Le retour de la partie guerrière à Suna. Non, elle refusait d'y croire Kira ne pouvait pas décemment choisir cette option après son discours d'élection. Tali se serait-elle trompé sur le candidat à soutenir? Elle laisse les bruits se répandre dans l'assemblée et la première intervention se faire, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Elle est de la même branche que Kei. Et partage ses idées néanmoins il faut s'aligner sur les décisions de Kira. Encore et encore, son nouveau post officiel inclue de suivre et d'obéir. Se plaindre? Pas encore, pas maintenant elle n'a pas franchement des raisons de se plaindre. Du moins elle garde pour elle son opinion cela ne servirait à rien Kira est aussi réceptif aux avis divergents que le despote qu'il est. Se positionner contre lui signifierait gâcher toute la relation construite avec cet imbécile.

-Aider Suna est une obligation guère un choix.

Le ton froid, dur correspondait à ses fonctions. Bourreau, chien de garde et bras-droit. Elle endosse tous ces rôles aussi bien qu'elle peut. Elle scrute l'assemblée, allume une cigarette et esquisse un léger sourire carnassier.

-Imaginez-vous un instant que les Kawaguchi s'abstienne de soutenir Suna. Si celui-ci tombe, et sans notre force il tombera assurément, nous devrons endosser la protection de tous ces incapables. Est-ce que le clan veut? Non bien sur que non, une partie d'entre vous ne s'intéresse guère aux affaires autres que celles du clan. Vous avez fort raison, c'est là le rôle du chef de clan. Hormis le fait que nous avons un moyen d'inspecter directement les défauts et lacunes de ce village qui depuis trop longtemps moisis, également les moyens de les combler. Le clan Kawaguchi encore une fois va guider Suna, l'élever et lui faire retrouver un semblant de superbe. Nous n'allons pas les abandonner à leurs sort, non mes frères et soeurs. Nous nous positionnerons en sauveurs. Nous le seul clan pouvant mieux que quiconque comprendre les désirs du désert. Les guerriers montreront à ces insectes que notre séjour à la capital n'a pas amoindris nos capacités martiales. Que nous avons à rougir de rien bien au contraire ils rougiront en se rendant compte de l'écart entre eux et nous! Nous allons une fois de plus rejoindre Suna mais pas entièrement et c'est là la subtilité! Les autres iront construire une demeure pour le clan, une demeure décente à la gloire du premier manieur de sable. Ichibi, et alors plus besoin de Kaze ou de Suna. L'autonomie nous l'aurons, le pouvoir nous l'aurons. La reconnaissance, après avoir aidé le régent dans ses nouvelles positions nous l'aurons. Les Kawaguchis sont en passe de devenir un symbole pour ce pays et ses habitants et aucun d'entre nous se défilera de son devoir!

Elle avait augmenté la tonalité de ses propos vers la fin de son discours. Sondant à présent la foule pour y chercher les éventuels réfractaires, si les mots ne pouvaient convaincre alors son unité ferait le reste. Elle esquissa un nouveau sourire dévoilant sa dentition parfaitement blanche.

-Néanmoins concernant les éventuels bannis Suna ou non cela tient toujours. Interdiction de les voir dans nos quartiers, ou de leurs adresser la parole ceux qui s'y risqueront savent à quoi s'en tenir.

Elle fit un signe de la main en direction de ses suivants. La messe était dite.

La personne qui prend la parole n'est pas l'une de celles que j'attendais. Mon regard se promène un instant sur les membres du clan puis sur la rousse qui vient de demander la parole. Kei... Je ne sais pas vraiment que penser d'elle. Je la supposais de mon côté et il semblerait que j'ai vu juste. Mais il semblerait également que ses idées soient aussi extrêmes que les miens. Elle met ainsi en doute l'intérêt de l'accord conclu avec Suna.

Des protestations, je m'y attendais. À peu près sous cette forme. J'ai toujours décrié Suna et mon discours n'a pas changé au moment d'accéder au Trône de Sable. Mais il se trouve que les choses ont changé et qu'à mes propres désirs se sont ajoutées les obligations d'un chef de clan. Et un chef de clan digne de ce nom ne peut pas suivre ses propres désirs. Pas tout le temps du moins... Malgré tout les avantages que nous tirons de cette collaboration me semblaient évidents. Et je suis ravi de constater qu'ils n'ont pas échappé à Tali.

Ma chienne de garde prends ainsi donc la parole sans y être invitée. Cette faculté à oublier qu'elle n'est que la seconde m'exaspère souvent. Mais tant que ses interventions vont dans mon sens je suppose que j'aurais tort de me priver d'économiser un peu de salive. Et puis l'avantage c'est que je peux profiter de l'argumentaire de la blonde pour prendre quelques gorgées de ce merveilleux nectar du sud du pays. J'interviens cependant quelques secondes plus tard lorsque l'intéressée a terminé.

"Merci Tali pour cet explicatif qui, je l'espère, aura réussi à lever les éventuels doutes que vous pouviez encore avoir quant au bien fondé de ce projet..."

Pourtant le ton que j'utilise tend à prouver que mes remerciements adoptent la forme d'une réprimande. Je les accompagne d'un regard noir avant de reporter mon attention sur Kei. Je crois qu'il est nécessaire d'éclaircir certains points. Et c'est sur l'un d'eux en particulier que je décide de revenir:

"Dis-moi Kei... Est-ce que je t'ai déjà laissé penser ne serait-ce qu'une seule fois que la charité fait partie de mon vocabulaire?" oui, je suis quelque peu vexé! "Néanmoins je te remercie pour ton intervention. Elle me rappelle que je dois aborder un autre point avec vous tous aujourd'hui..."

La plupart des gens ont déjà compris que ma mine sombre n'annonce rien de bon. Pourtant c'est sur un ton plutôt conciliant que je reprends la parole alors que je monte altièrement les escaliers qui mènent à mon trône.

"En tant que chef de clan j'aime me comparer à un père bienveillant. Ce qui fait de vous tous ici présent mes enfants. Et tout le monde sait qu'un père ne souhaite que le meilleurs pour les siens!" dis-je sur le ton de l'évidence. "Maintenant il arrive que les enfants décident de désobéir. Ho ce n'est pas bien grave, c'est de leur âge. On peut aisément pardonner les facéties qui relèvent de la jeunesse n'est-ce pas?"

Je m'accorde un temps d'arrêt histoire de reprendre une gorgée d'alcool et saisir l'occasion offerte de passer mon regard lourdement sur l'assemblée. J'apprécie ces instants de calme avant la tempête, le point d'orgue de l'attente. Avant de prétendre obtenir l'intérêt d'une assemblée il faut savoir attirer son attention. Je crois que dans le domaine je m'en sors plutôt bien. Je tapote doucement sur l'accoudoir à un rythme régulier jusqu'à ce que j'estime que ce petit jeu à assez duré.

"Mais il se trouve que j'ai beaucoup plus de mal à tolérer la désobéissance d'une personne consciente de ses actes. Et encore, c'est un doux euphémisme..." autant être clair. "Or il se trouve que l'un des membres du clan - et qui plus est mon propre élève - a décidé de s'élever contre mon autorité. Tu vois de qui je veux parler Kei?"

Le sourire froid que je lui décoche traduit mon assurance sur le sujet. Comment pourrait-elle ignorer l'état dans lequel elle a retrouvé Amano? Je me saisis d'une pomme étonnamment fraîche et en savoure une première bouchée. Une tragédie ne peut être appréciée à sa juste valeur si elle n'est pas agrémentée de quelques plaisirs de ce genre. Aussi ma jambe droite se retrouve sur l'accoudoir de mon trône tandis que j'adopte une position qui n'a rien de très divine mais qui a l'avantage d'être confortable.

"Kawaguchi Amano a décidé qu'il était plus sage de prendre le parti d'un inférieur au détriment du Seigneur de Sable et de sa seconde. Et à ce titre il mérite un châtiment exemplaire!" mon regard se promène sur l'assemblée à la recherche d'une personne que je sais absente avant de se reposer sur Kei. "Malheureusement il semblerait que l'intéressé ne soit pas présent parmi nous. Et que la dette qu'il a envers le clan repose à présent sur tes épaules ma douce Kei..."

Je caresse sa joue du revers de la main. Ce geste apparent de tendresse ne fait que souligner la menace qui pèse dans mes propos. Je lâche un soupire volontairement audible pour marquer un semblant de regret puis prends à nouveau un peu de hauteur par rapport à mes sujets.

"Tu paieras donc pour lui!" il est temps d'adopter un ton plus solennel. "Kawaguchi Kei! Je te condamne à cinquante coups de fouet pour la désobéissance de ton compagnon. Son crime sera lavé par ton sang et ta souffrance!"

Je claque des doigts comme pour préciser que la sentence est immédiate. Deux des hommes de Tali réagissent et viennent saisir la rousse avant de l'amener sur l'estrade. Des liens de sable ne tardent pas à soumettre les poignets et les chevilles de la jeune femme, la maintenant fermement debout. Puis une réplique de Shukaku s'élève du sol. Histoire de rappeler à mes sujets pourquoi personne n'a osé s'opposer à ma nomination à la tête du clan...

"Que ceci serve d'avertissement, de châtiment et de promesse à tous ceux qui seraient tentés de faire pareil!"

Finalement ce seront les griffes de Shukaku qui officieront comme fouet. Je suppose que le sable s'enfoncera plus profondément dans les plaies et amplifiera la douleur de la jeune femme. Je l'espère en tout cas! C'est ainsi que l'on retient ses leçons! Pour être honnête avec vous je n'avais pas dans l'idée de faire payer Kei pour les écarts de son amant. Mais puisqu'elle a jugé utile de remettre implicitement mes décisions en doute...

"Quelqu'un d'autre souhaite s'exprimer?"

Mon ton détaché contraste avec la scène qui se déroule sous les yeux du clan. Une traînée de sang éclabousse le sol et j'écarte machinalement mon pied de sa trajectoire. Pour l'instant Kei n'a pas encore crié. Peut-être que ça viendra... Car après tout un divertissement sans le son n'est guère intéressant.