Music ♫:

Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis l'attentat envers Zanshi et bons nombres de choses s'étaient passées... L'avènement du conseil, la décision pour la mise en place des élections, Tsukiko était partie alors que Kibo était revenu... Et Kioshi demeurait toujours mal.

J'avais rendu visite au Yamada confiné dans sa tente chaque jour. Toutefois, plus le temps passait et plus il s'amaigrissait en refusant d'avaler le contenu de son assiette alors que je parvenais à le faire boire : c'était là la seule raison de sa survie alors qu'il se laissait dépérir.

Parfois je ne trouvais même pas les mots alors je restais là, sans rien dire à veiller sur lui. Est-ce que le temps saurait apaiser son cœur meurtri ? Il avait reçu la visite de Kibo, je n'en doutais pas : est-ce que voir des personnes penser à lui et tenir à lui l'aidait à tenir ?

Nous n'avions pas reparlé de la confession de mes sentiments à son égard et c'était peut-être mieux ainsi, après tout il avait raison: c'était trop tôt. Parviendrais-je vraiment à faire en sorte que cela ne soit pas trop tard pour moi ? Le voir dans cet état m’insupportai, même aujourd'hui dans une nouvelle visite qui succédait celle de la veille et qui serait remplacée par celle de demain. Plus le temps passait et plus je pouvais retirer les bandages qui parsemaient ici et là mon corps des suites de mes brûlures.

J'avais emmené de quoi pouvoir lui faire un brin de toilette alors qu'il ne faisait plus rien pour faire attention à son hygiène corporelle. Comment pourrait-il avancer et se sentir un nouvel homme dans cet inconfort de crasse ? Il fallait y remédier.

Sans grande surprise, il n'avait pas non plus touché à son assiette du jour, qui repartirait dans doute intacte le lendemain pour laisser place à une nouvelle qui ne serait pas touchée non plus. Je lui tendais un boire, seule chose qui daignait avaler, et observer son collier flanqué d'un nouveau nom : Zanshi y avait été ajouté. Je détournais un instant le regard avant de le porter de nouveau sur lui.

« L'eau t'aide à tenir mais tu es sûr de ne rien vouloir manger ? Il te faut retrouver des forces pour aller mieux... »

Mon cœur saignait de le voir ainsi. J'étais là pour lui, comme d'autres, mais je parvenais tout de même à me sentir impuissante. Préférant m'affairer à la tâche de m'occuper de lui, je creusais un trou dans le sable que je retenais avec du doton que de façonnait contre les parois de la cuve improvisée et commençait a la remplir avec toute l'eau que j'avais apporté, l'observant un instant en espérant obtenir son aide malgré son état :

« Tu veux bien me donner un coup de main en usant de ton suiton pour la remplir et de ta chaleur pour la réchauffer ? »

Je cherchais son regard qui demeurait dans le vide, comme s'il ne me voyait même pas, comme s'il s'était exilé dans un autre monde où la souffrance n'existait pas.

Music ♫:

Il ne comprenait pas, n'avait plus de but pour avancer. Pourquoi aller mieux ? Pour moi ? Pour nous Kioshi ! Sa voix était dénaturée, froide, tout comme son regard : il était méconnaissable. Son corps dépérissant avait changé mais pas seulement, son esprit était mort en même temps que lui-même.

« Plus tu perdras de force et plus tout ira en s'empirant. Même ta souffrance déjà incommensurable trouvera le moyen de s'accentuer et te conduira au bord du précipice... Pourtant tu te souviens ce que tu m'as promis n'est-ce pas ? Tu n'iras pas rejoindre Zanshi. Alors tu dois reprendre des forces. Si ta mort me ferait souffrir, te voir ainsi en fait tout autant... »

Je baissais un instant le regard, contenant mon émotion grandissante et mon désarroi. Il me parlait de Kibo, venu lui rendre visite et qui était passé par l'épreuve que subissait actuellement Kioshi. Même si mes sentiments n'avaient pas été aussi forts et que les choses ne s'étaient pas bien terminée entre nous, j'avais eu un aperçu de la chose lors de l'annonce de la mort de Shinji, si brutale. Aare m'avait montré son âme dans ce qui semblait être leur refuge pour preuve de la véracité de ses propos. Alors moi aussi je peux te comprendre Kioshi...

Le temps. Kibo avait dit que c'était la seule chose qui pourrait guérir Kioshi mais je n'étais pas d'accord.

« Le temps aide à panser les blessures mais pas à s'en relever en attendant simplement qu'il passe. C'est notre entourage qui nous aide à y trouver le courage. Le courage d'avancer n'est pas pour nous mais pour eux. »

C'était la conclusion que j'avais pu tirer de toutes mes observations pour comprendre les interactions et relations sociales.

« La solitude n'aide en rien et le temps seul non plus. Il te faut la volonté d'aller mieux et ce n'est pas pour toi que tu le ferras mais pour nous : pour tout ceux qui tiennent à toi ! »

Il cherchait à me blesser par ses mots mais il ne parvenait pas à m'atteindre. Je restais inflexible sans changer la moindre expression devant son rejet ouvert et son envie de rester seul. Plus il agissait de la sorte et plus j'avais envie et je me devais de l'aider. Je ne répliquais donc par à ses mots, n'en faisant fit.

Puisqu'il ne se montrait pas coopératif pour l'eau et la chaleur, je trempais un linge propre dans la cuvette d'eau que j'avais créer et l'essorais avant de commencer a nettoyer doucement le visage du Yamada sans mot dire. Je lui ouvrais sa chemise pleine de crasse pour faire de même sur son torse, alors qu'il était semblable a une poupée de chiffon se laissant faire, sans conviction... Pourtant, je ne perdais pas ma motivation et poursuivais en silence pour qu'il se sente mieux et surtout qu'il ne se sente pas seul.

Music ♫:

Il posait des questions idiotes mais au moins il s'en posait et il cherchait à réfléchir, ce qui était un bon début pour le sortir de sa torpeur.

« La volonté de te battre ! La volonté d'aller mieux pour nous tous ! Et pour aller mieux il faut que tu manges et que tu te reposes. »

Ses muscles n'arrivaient presque plus à le tenir tellement il était faible. Je sentais presque son corps trembler sous mes mains alors que je le débarbouillais pour qu'il se sente mieux et plus à l'aise.

Il tournait son regard vers moi alors que je m'affairais à lui retirer sa chemise, lavant son torse puis le penchant légèrement en avant pour faire reposer son épaule sur la mienne tandis que je frottais aussi son dos en prenant bien soin d'essorer le linge dans le sable pour le tremper de nouveau et poursuivre sa toilette. J'étais douce dans mes gestes, ayant presque peur de lui faire du mal alors qu'il semblait désormais si fragile.

Mon regard rejoignait le sien lorsqu'il me demanda pourquoi est-ce que je l'aidais et pourquoi je l'aimais... Pouvais-je simplement répondre à cette deuxième partie alors que moi même je ne comprenais pas à savoir pourquoi j'étais si attachée à lui...

« Je t'aide parce que tu as toujours su m'aider lorsque j'en avais besoin. Je t'ai toujours dit que je serais là pour toi en retour si tu devais rencontrer des difficultés... »

Des difficultés... C'était bien un euphémisme de dire cela alors qu'il semblait avoir perdu toute raison de vivre.

« Et je t'aime... Je n'ai aucune idée de pourquoi je t'aime. C'est comme cela et puis c'est tout. Nous sommes pourtant très différents aussi bien dans nos clans que nos caractères mais tu as su me faire confiance malgré mon nom. Tu m'as permis d'entrer dans le Kakumeigun et d'apprendre la médecine. Tu m'as appris à m'ouvrir aux autres et à ne pas garder pour moi ce qui n'allait pas. Tu as su être mon guide dans ce monde que j'ai de la peine à comprendre même si tout va mieux sur ce point aujourd'hui. Voilà pourquoi je t'aime. »

Et toi Kioshi ? Pourquoi tu aimais Zanshi ? Je n'osais pas te poser la question par crainte de raviver des souvenirs encore trop douloureux pour toi en même temps que je craignais de souffrir en écoutant les raisons.

Son discours se poursuivait sur le fait de mon « acharnement » à vouloir l'aider alors qu'il arguait ne pas avoir besoin de cette aide.

« Je n'ai pas l'intention de partir et de te laisser. De t'abandonner... Pourquoi devrais-je te frapper ? T'ai-je déjà fait du mal ? Tu as beau dire le contraire tu as besoin de soutien pour parvenir à t'en sortir. Tu aurais fait exactement la même chose pour moi si la situation était inversée, je me trompes ? »

Bien sûr que non. Kioshi avait toujours été là pour moi lorsque ça n'allait pas, il savait me soutenir et m'aider à être forte pour poursuivre ma route malgré tout. C'était à mon tour d'en faire de même pour lui.

« Si tu ne veux pas que je souffres aussi alors va mieux ! C'est de te voir ainsi, dans cet état, aussi triste et faible qui me fait souffrir. Si tu manges et que tu reprends des forces, ton corps retrouvera de sa force et j'irais déjà mieux. Il ne restera alors que ton esprit à apaiser, ce qui est le plus long. »

Mais au moins si ton corps allait mieux nous pourrions sortir de cette tente que tu n'avais pas quitté depuis des jours. Nous pourrions fouler ensemble le désert où tu as grandi et que tu chéris tant pour te ressourcer et voir autre chose que l'habitacle de ton chez toi.

Sa voix se faisait tremblotante alors qu'il était empli d'émotions alors que je poursuivais ma tâche, ôtant le reste de ses vêtements pour laver ce qui n'avait pas encore été fait. Je l'écoutais et lui répondais, restant imperturbable dans ce que je faisais.

« Mon existence n'a de sens que si je suis entourée de ceux que j'aime. Toi, Oniri, Ogami, Eichi... Vous comptez pour moi et j'ai besoin de vous tous. J'affectionne énormément Oniri, nous avons vécu beaucoup de choses toutes les deux mais mes sentiments à son égard ne sont pas du même genre que ceux qu'elle éprouve pour moi. Je pense que l'amour est un sentiment incontrôlable. On peut apprécier une personne puis a force d'épreuves, d'instants partagés, l'on peut finir par voir ses sentiments évolués. Nous avons vécu tout cela elle et moi mais mes sentiments ne sont toujours pas à la porter des siens. »

Je marquais une pause avant de l'observer dans les yeux, arrêtant ma tâche un instant :

« C'est toi que j'aime. Je me fiches donc de guérir de mon malheur pour te soutenir dans le tien. A deux nous sommes plus forts que tout seul alors laisse moi porter ton fardeau. Je ne veux pas m'en aller et je veux vivre à tes côtés. Auprès de toi chaque jour que tu le veuilles ou non : comme ton ombre que je suis. »

Mon regard écarlate était pénétrant et transposait toute la sincérité et la portée de mes mots.

Je lui avais exprimé le fond de ma pensée et m'étais évertuée à lui montrer toute la portée de mes sentiments. Il n'avait pas dit un seul mot alors que j'avais stoppé mon activité pour l'observer droit dans les yeux. Il n'avait rien dit mais il posa ses lèvres sur les miennes.

Surprise, il me fallut quelques secondes pour réaliser ce qu'il était en train de faire. Je ne voulais pas vraiment y penser, préférant savourer l'instant présent mais je me demandais surtout dans quel état d'esprit il le faisait et pourquoi ? Etait-ce une façon de me prouver son attachement ? Une façon de me remercier ? Une façon de se donner du courage en voyant qu'il n'était pas seul ? Un baiser purement passionnel sans autre forme de sentiments plus profonds comme il m'avait déjà donné par le passé ? Je ne savais le dire. Pourtant, ce baiser là ne ressemblait pas aux autres. Il était emprunt de quelque chose de différent sans que je ne parvienne à déterminer quoi.

Après un bref instant, je lui rendais ce baiser, lâchant le linge humide que j'avais dans une main pour venir posée celle-ci sur sa joue pour la caresser doucement. Son toucher était lui aussi nouveau avec cette barbe naissante mais cela restait son visage, celui que je prenais plaisir à cajoler. Je tentais de lui exprimer tout ce que j'avais pu lui dire à travers cet acte comme pour lui donner plus de poids et qu'il puisse les percevoir.

J'étais heureuse de voir en lui une réaction et surtout de ce genre là. J'avais beau me demander pourquoi il m'adressait ce baiser ce qui comptait avant tout pour moi c'est qu'il m'en adressait un et la raison finalement importait peu tant que cela nous apportait une certaine consolation à nous deux. Je ne voulais pas le brusquer ni même entreprendre d'autres choses. Il l'avait dit : c'était trop tôt. Il ne fallait pas précipiter les choses. Je préférais donc prendre le temps et le suivre dans son mouvement et ce qu'il avait envie ou non de faire : c'était lui qui décidait de ce qu'il se passerait ou ne se passerait pas.

Lorsque nos lèvres se séparèrent, je gardais un instant de plus les yeux fermés comme pour en profiter encore un moment avant de les ré-ouvrir et de lui adresser un sourire. Ma main continuait de caresser sa joue alors que l'autre se perdait dans ses cheveux avant que mes doigts glissent le long de son dos et remontent vers sa nuque et vice versa, doucement...C'était étrange... Tout semblait si naturel avec lui alors que moi même je me surprenais à être si attentionnée et si à son écoute. Quand avais-je changé à ce point ? Ma guérison allait-elle m'ôter tout espoir de ce bonheur ? Je n'en avais pas la moindre idée mais ne pas guérir allait tout me retirer... Puisque j'avais vu Kioshi souffrir pour Zanshi, je ne voulais pas mourir et l'imaginer en perdition encore. Ajoutant mon nom à son collier avec ses mains usées et fatiguées de recenser les personnes chères qui lui avaient été retirées...Au lieu de cela, je me battrais pour lui tout comme il se battait pour nous.

Après quelques moments à l'observer sans dire un mot, je reprenais ma tâche et poursuivais de le laver tout en gardant mon sourire et en ne le quittant que rarement des yeux.

« Que dois-je penser de ce baiser ? Qu'exprime-t-il ? »

Me risquais-je à demander. Je n'avais pas peur de la réponse et je voulais seulement savoir comment l'interpréter.

« Si je veux t'en donner un nouveau, est-ce que tu me laisseras faire ? »

Lui demandais-je tout en m'approchant de lui doucement, ne laissant nos visages qu'à quelques centimètres de distance, les yeux dans les yeux, en attendant sa réponse.

Il ne savait pas mettre des mots sur son baiser. Ce n'était pas grave. Au moins il n'avait pas l'air de l'avoir fait parce qu'il se sentait obligé vis à vis de moi. Il semblait avoir agit par instinct sans pousser la réflexion plus loin et à vrai dire cela m'allait parfaitement. Il ajoutait même que cela était pour me remercier ce à quoi je penchais la tête sur le côté pour ajouter, un brin perplexe :

« Tu n'as pas a faire ce dont tu n'as pas envie toi aussi pour me remercier. A vrai dire, je ne mérites pas de remerciements... Je n'ai pas fait grand chose. »

J'aimerais pouvoir en faire plus. T'aider à aller mieux. Si cela était possible d'effacer ta mémoire pour ne plus souffrir le ferais-tu ? Non tu ne le devais pas... Nous savions tous les deux que trop bien où cela avait conduit Oniri. C'était dur mais il fallait pouvoir te souvenir de tout comme cela tu avais aussi accès aux bons moments passés.

Je m'étais rapprochée de lui, quémandant une nouvelle fois alors qu'il me fuyait du regard, gêné. Cette part de candeur me faisait sourire. Il osait à peine m'embrasser alors que nous avions déjà fait bien plus...

Finalement, il m'autorisait à le faire et même a faire ce que je voulais de ce corps dont je m'occupais chaque jour comme il me le disait si bien. Je reculais dès lors ma tête et gardais mon sourire tout en répliquant :

« Mauvaise réponse ! »

Je caressais à nouveau sa joue du bout des doigts avant de reprendre :

« Je ne veux pas me « servir de ce corps » mais prendre ce que tu veux bien m'accorder. Je ne te forcerais jamais la main Kioshi. Parce que c'est ce que tu es : Yamada Kioshi et non pas un corps. Si je m'occupais d'un corps c'est que tu ne serais plus en vie et ce n'est pas le cas. »

Finalement, j'essorais une ultime fois le linge humide et rebouchais le trou dans le sable tirant une serviette de mon sac pour le sécher bien que la chaleur environnante s'en était déjà chargée une bonne partie.

« Je suis heureuse de te voir aller mieux et pas grâce à l'attention que tu me portes si celle-ci est là uniquement dans ce but. Te voir aller mieux ça c'est ce qui me rendra véritablement le sourire. »

Pourquoi faire semblant en m'offrant de la poudre aux yeux dans l'unique but de me remercier si lui n'allait pas mieux ? Ce n'était pas ainsi que j'irais mieux également.

Music ♫:

Il ignorait combien de temps cela lui prendrait pour aller mieux : personne ne pouvait savoir ce genre de choses... Certain parvenait à se relever plus vite que d'autres même si la douleur ne faisait que s'atténuer sans jamais vraiment disparaître. Bon nombre de facteurs mugissaient cette démarche de guérison : une personne seule mettrait bien plus de temps à s'en sortir qu'une personne soutenue et aimée. C'était aussi pour cette raison que je voulais que Kioshi se rende compte qu'il n'était pas seul.

J'étais en train de le sécher alors qu'il me parlait d'alléger ma peine... Comment ? J'avais l'impression que tant qu'il serait dans cet état je ne parviendrais pas à avancer moi non plus... Je devais retarder l'échéance de ma guérison pour être certaine d'être convenablement là pour lui. J'ignorais si mon humanité existerait toujours après cela et donc si je pourrais continuer de lui venir en aide. Pourtant il en avait besoin, je ne pouvais pas le laisser tomber alors je devais encore un peu souffrir pour pouvoir lui être utile au maximum.

Je n'avais pas envie de perdre tout cela. Cette chaleur, ce bonheur de partager des instants comme celui là où il me donnait un nouveau baiser. Le prix de ma guérison était-il de tout perdre ? Si je ne faisais rien je perdais tout autant en plus de faire souffrir tout ceux qui tenaient à moi et je n'en avais pas le droit : ils avaient tous assez souffert.

Je me délectais de son baiser, laissant reposer la serviette sur ses épaules alors que mes bras se nouèrent autour de sa nuque, tandis que j'y répondais au centuple. Penser à tout cela me donnait envie de pleurer mais je me retenais : il était hors de question que je gâches ce genre de moment. A travers ce baiser langoureux je tachais de lui communiquer tout ce que je ressentais pour lui, une nouvelle fois. Je ne voulais pas qu'il fasse tout cela juste pour me voir sourire mais je ne pouvais pas non plus refuser ce genre d'initiative... Pourquoi tout devait être si compliqué...

Lorsque nos lèvres se séparèrent, je gardais le silence un instant, lovant ma tête dans le creux de son cou pour sentir sa chaleur qui m'avait toujours apaisé. Cette dernière était amoindrie mais je gardais l'espoir de la voir un jour ravivée.
Finalement je redressais la tête et l'observais dans les yeux :

« Tu sais. Je ne suis pas la seule qui crois en toi. Le conseil à été réuni avec à sa tête Oniri et Eichi, respectivement conseiller à la Défense et Tactique. Tsukiko a été nommée au Développement mais elle s'est enfuit... Tout ça pour te dire que le premier conseil à eu lieu et que Kibo et toi être les deux personnes entre lesquelles les Sunajins devront voter pour devenir Kage... »

Je le savais depuis quelques jours déjà mais je n'avais pas osé lui en parler, jugeant que cela était sans doute trop tôt et qu'il supporterait difficilement l'idée de devoir remplacer Zanshi. Cela devait toujours être le cas mais je me devais de lui en parler alors qu'il était concernée : les élections approchaient.

Je craignais quelque peu sa réaction mais quoi qu'il penserait je serais là pour le rassurer et le lui expliquer. Le village ne pouvait malheureusement pas rester sans Kage plus longtemps : nous étions beaucoup trop fragilisé. J'étais moi même fatiguée et passais le plus clair de mon temps dans son bureau au Kakumeigun à gérer mes tâches en plus des siennes : mes nuits blanches passées au QG étaient de plus en plus fréquentes. Oniri aussi était exténuée : nous étions tous dans de sales états suite à l'attentat et pour des raisons parfois similaires et parfois complètement différentes. Le monde tournait au ralenti et notre puissance s'était affaiblie : il nous fallait nous remettre sur les rails.

Il changea brusquement d'attitude, visiblement agacé que j'en viennes à parler de sujets qui fâchent... Pourtant avais-je vraiment le choix ? Il faisait parti des candidats, il était légitime qu'il sache en amont qu'il pourrait être le prochain Kazekage élu par les Sunajin.

Parallèlement à cela, il m'apprenait être au courant lui aussi du départ précipité de Tsukiko de laquelle il avait reçu une lettre tout comme moi. Dans la mienne, elle me disait qu'elle allait retrouver Kibo et partir pour le Shukai : ce dernier était rentré et avait effectivement croisé la Kawaguchi mais nous n'avions plus de nouvelles depuis lors... Personne ne savait vraiment ce qu'elle était partie faire visiblement. J'imaginais aisément le contenu du courrier qu'elle avait pu adressé à son maître tant et si bien que je n'avais pas besoin de la lire. La lettre était destinée à Kioshi et même si, en temps de trouble, nous avions tendance a vouloir tout épluché sans passer à côté de la moindre information, j'estimais que chacun avait le droit d'avoir une part de secret personnel qui ne nous regardait aucunement.

Je savais à quoi il pensait en cet instant alors qu'il me disait que les Sunajins devraient voter Kibo... Il ne se voyait pas reprendre la succession de Zanshi. Il était clair que ce n'était pas la meilleure façon pour faire son deuil mais peut-être cela lui permettrait-il de n'avoir pas le temps de trop y penser du fait des tâches qui l'incomberait s'il était élu... ? C'était difficile à dire mais il n'y avait que lorsqu'il reprendrait une réelle activité qu'il parviendrait à moins y penser. Ce n'était pas en restant dans cette tente, le plus clair de son temps seul, qu'il y arriverait.

« Ils voteront en qui ils croiront. »

Je me levais et me dirigeais vers l'unique contenant de l'habitacle à savoir une malle. Plusieurs choses s'y trouvait donc une lettre : peut-être celle de Tsukiko. Mais ce que je cherchais était tout autre : des vêtements propres.
Je m'asseyais de nouveau à ses côtés, ouvrant la chemise blanche pour la lui enfiler et l'aider à fermer les boutons alors que son regard semblait de nouveau perdu dans le vide. Je l'habillais entièrement avant de poser une nouvelle fois ma main sur sa joue et de lui demander :

« Tu ne veux pas aller prendre un peu l'air ? Allons marcher un peu. »

Je ne l'y forcerais pas et je serais là pour lui servir d'appui afin d'avancer mais j'estimais qu'il était temps qu'il puisse voir autre chose que les pans de sa tente. Nous irions fouler le désert ensemble, là où se trouvait ses origines pour qu'il puisse s'y ressourcer...

Kioshi était aveuglé par son manque d'estime envers lui même et il se trompait lourdement. Il croyait que les Sunajins ne voteraient pas pour lui tel qu'il était aujourd'hui mais pour celui qu'il était avant la mort de Zanshi. Ils connaissaient son attachement pour la Godaime et ils se doutaient sûrement très bien dans quel état il se trouvait actuellement : nous étions shinobis mais nous restions des humains avec des sentiments. Personne n'était à l'abri d'un coup du sort ou d'un acharnement de la miséricorde.

Je ne répliquais donc pas à ses propos jugeant qu'il n'en ressortirait qu'un débat stérile où chacun camperait sur ses positions.
Ma proposition de sortie le fit davantage réagir. Il me demandait si je n'avais pas peur qu'il croise de Saibogu.

« Tous les Saibogu ne doivent pas entrer en ligne de compte Kioshi. Voudrais-tu tuer Oniri sur le champ si tu la croisais dès à présent ? Tu la connais non ? Tu sais très bien qu'elle n'aurait jamais pu faire cela. Elle avait bien trop d'estime et d'attachement pour Zanshi. »

Plus que je n'en avais eu avec elle moi même. Je respectais profondément notre Godaime et ma sensei pour la femme qu'elle était mais je n'avais pas d'attachement particulier à son encontre. Je n'avais pas d'attachement particulier envers beaucoup de personnes de toute façon.

Je ne savais pas vraiment ce qui lui passait par la tête, toujours fut-il qu'il changea subitement d'avis, voulant tout à coup aller dehors. Quelque chose me disait qu'il avait une idée derrière la tête mais je le laissais faire : j'étais là pour veiller de toute façon.
Il se leva seul rapidement, bien trop vite. Il était posé au sol depuis des jours maintenant, ses muscles étaient faibles et il ne pouvait pas le tenir si bien qu'il s'écroula au sol quelques secondes après s'être mis debout, sombrant dans l'inconscience.

Mon visage exprimait mon inquiétude alors que j'observais son état pour voir s'il s'agissait d'un « simple » évanouissement et visiblement c'était le cas. Je calais ma sacoche sous sa tête pour qu'il soit installé plus confortablement et surélevais ses jambes avec mes mains pour que sa tension remonte. Il n'y avait pas grand chose à faire de plus pour attendre qu'il reprenne ses esprits.

Je détenais désormais l'argument infaillible pour qu'il mange : s'il voulait sortir et accomplir son idée mystérieuse, il fallait que son corps reprenne des forces et donc qu'il mange. Je tapotais doucement sa joue pour tenter de lui faire reprendre conscience, lui parlant dans l'espoir qu'il finisse par m'entendre de là où il se trouvait pour revenir.

Lorsqu'il finissait par rouvrir les yeux, battant des paupières pour stabiliser sa vision sans doute biaisée, sa tête reposait sur mes genoux et ma main caressait sa joue alors que je lui expliquais :

« Je crains que nous ne pourrons pas sortir aujourd'hui... Il va falloir que tu reprennes des forces pour que nous puissions marcher dans le village. »

Je lui tendais dès lors une cuillère de son repas du jour qu'il n'avait pas voulu toucher pour qu'il la mange. Il devait se sentir vraiment faible et fébrile en cet instant, je doutais qu'il refuse d'aller mieux. Je me voyais déjà hausser le ton à son encontre s'il refusait de le faire... Sa vie était en jeu, il ne devait pas plaisanter avec cela.

Kioshi avait repris connaissance, il papillonnait doucement des yeux pour réintégrer la dure réalité. Pourtant, brusquement, il refermait les yeux et cela peu avant que les gardes viennent annoncer que deux personnes souhaitaient voir le Yamada. J'observais ce dernier, qui feignait désormais l'évanouissement, me demandant s'il avait senti la présence de ces personnes en amont... Bien sûr que oui. Qui étaient-ils pour qu'il ne veuille pas les voir ?

Sa tête reposait toujours sur mes genoux alors que le garde appuyait son regard sur moi pour connaître mon avis. Il s'agissait de deux Yamada : les parents de Kioshi. Ce dernier ne semblait pas vouloir les voir mais je n'étais pas en mesure de les renvoyer. Ils avaient dû avoir vent de la nouvelle tragique et venaient voir leur fils pour lui prêter assistance... Quelque part je l'enviais. Je n'avais jamais connu cette chaleur parentale et même si Eien veillait sur moi, je le savais, son inquiétude à mon égard n'atteindrait jamais ce genre de sommet.

« Laissez les entrer. »

Me contentais-je de dire.
Si Kioshi voyait d'un mauvais œil leur venue, comme tout ce qu'il voyait en ce moment, je voulais pouvoir donner une chance a sa famille de l'aider aussi. Plus il verrait de monde, plus il verrait de gens qui tenait à lui et plus il parviendrait à remonter la pente petit à petit.

Je découvrais dès lors ses parents. Ils avaient l'air amicaux et bienveillants, comme l'idée que je me faisais et que m'avait dépeint Kioshi. Ils étaient eux aussi pieds nus et semblaient très ancrés sur leur origine de nomade : n'étant guère surpris de voir leur fils habiter désormais dans une tente. Peut-être étaient-ils venus le voir depuis ?

Ils observaient en silence la scène se jouant sous leurs yeux, se demandant probablement ce qu'il se passait, tout en étant sûrement inquiet par l'état de Kioshi fortement amaigri. Au moins je l'avais lavé et changé, il demeurait plus présentable même si j'étais certaine qu'il en avait rien a faire.

« Je suis Ketsueki Yami. Enchantée. Kioshi a fait un malaise et retrouve conscience doucement. »

Leurs regards étaient rivés sur lui avant de me porter un sourire tout en arguant me connaître en tant qu'intendante du Kakumeigun. Ils se disaient que mon nom n'était pas simple à porter, ce qui me fit esquisser un sourire à mon tour.

« En effet. Toutefois, on fini toujours par trouver sa place... »

Cela en valait sûrement autant pour eux qui avaient visiblement choisi de mener une vie de nomade comme ils l'entendaient.

« Peu importe de ce que les gens pensent de vous tant que vous savez quoi pensez de vous même. »

C'était ce que j'avais appris. Kioshi aussi traversait en ce moment cette épreuve. Il craignait le regard des autres sunajins sur lui quant à sa possible élection parce qu'il ne parvenait même plus a avoir confiance en lui même. Il lui faudrait la retrouver un tant soit peu pour que les autres parviennent à lui faire confiance.

« Savez vous que Kioshi fait partie des deux candidats possibles pour devenir le prochain Kazekage ?

Ses parents n'étaient visiblement pas au courant. Il fallait dire que les affichages ne couraient pas encore les rues mais le visage des deux candidats commençait à être placardé un peu partout afin de faire connaître aux Sunajins le choix qui s'offrait à eux.
Sa mère faisait remarquer que la possible promotion de Kioshi ne connaissait pas une source réjouissante.

« Le changement de Kage est rarement décidé via des circonstances joyeuses... »

Mais là il s'agissait de Zanshi cette fois et si la trahison de Kyoshi Rei avait dû marquer Kioshi, pour son Ecarlate celait sonnait tout autrement...

Les Yamada se rapprochèrent de leur fils, sa mère posait même une main sur sa joue et dans ses cheveux : ce geste me faisait étirer un fin sourire inconscient. Il était aimé, il était entouré, il avait une famille. J'avais tardé à les connaître et jamais la mienne ne m'apporterait autant de crédit que ce dont il bénéficiait. Voir cette famille unie et soudée me touchait.

J'écoutais avec attention les recommandations de sa mère pour que Kioshi mange de nouveau : des pinces et queues de scorpions grillées au feu de bois... Je ne savais pas cuisiner mais qu'importait, je suivrais ses recommandations pour espérer le voir reprendre des forces. Mon regard ne quitta pas le visage de Kioshi, cajolé par sa mère alors que je répondais à l'interrogation de son père :

« L'autre candidat est Kibo. Il est l'élève de Kioshi et même si je lui porte beaucoup d'estime, il n'est revenu qu'il y a peu d'un voyage de longue date qui le laisse malheureusement traîner dans la liste des suspects. Kioshi ne veut pas l'admettre et il ne souhaite pas se faire élire alors qu'il n'est plus le même homme mais je pense qu'il a toutes ses chances face à Kibo. »

Au moins Kioshi avait toujours été a Suna et il était le chef du Kakumeigun, l'autorité la plus importante après l'influence du Kage. Cela aussi avait changé à la demande de Zanshi. Il y avait désormais des conseillers qui avaient autant d'importance que l'ombre du vent : les décisions ne se ferraient pas en solitaire mais d'un commun accord pour une véritable démocratie et éviter les abus de pouvoirs comme nous avions déjà essuyé par le passé.

La main de la mère de Kioshi qui glissa sur mon genou me recentra sur mes idées. Sa paume était chaleureuse et bienfaisante, comme celle de Kioshi. Elle me remerciait de prendre soin de lui en arguant que je devais pourtant avoir du travail et en effet j'en avais puisque je devais prendre les rênes du Kakumeigun en l'absence de son chef et même si je dormais très souvent dans mon bureau ces derniers temps, je trouvais toujours le temps pour venir lui rendre visite chaque jour parce que je ne voulais pas le laisser seul, ruminant sur sa vie qu'il jugeait détruite tout en élaborant des idées stupides pour mettre un terme à tout cela.

Je ne parvenais pas a répondre à ses remerciements puisque c'était normal que j'agisse de la sorte. Je me contentais donc de lui adresser un sourire bienveillant tout en plantant mes yeux rouges dans les siens de la même teinte. Toutefois, lorsque son père souleva le fait qu'il ne nous pensait pas si proches tout en ajoutant qu'il ne parlait pas du fait que nous soyons en ce moment en contact l'un l'autre, je ne pus m'empêcher une mine étonnée avant de répliquer :

« Proches ? Nous le sommes assez oui. Nous avons déjà couché ensemble. »

Je disais cela le plus naturellement du monde comme si je pouvais parler de la pluie et du beau temps pourtant les regards se rivaient sur moi, enfin sur nous et à voir leurs mines gênées et le silence qui s'était installé d'un coup je comprenais que finalement je n'aurais peut-être pas dû évoquer ce point...

Étonnamment tout s'arrêta brusquement. Ou plutôt, l'environnement changea. Kioshi était éveillé et nous n'étions plus que tous les deux. Il avait un air interdit sur le visage lui aussi visiblement secoué par mes propos. Etait-ce le fait de l'annoncer devant ses parents qui le gênait ou bien le fait que ce ce soit fait alors qu'il était avec Zanshi ? Les deux sûrement mais il semblait que parler de la chose en elle même n'était pas vraiment la bienvenue. Tous ces secrets étaient stupides... Je n'avais pas honte d'en parler... Ses parents l'avaient trouvé dans le désert peut-être ? Ils avaient des liens charnels et je ne voyais pas en quoi cela était honteux...

Toutefois, je ne voulais pas froisser Kioshi davantage. Il employait des propos durs en croyant que je voulais lui forcer la main alors même que je ne voyais pas le mal dans ce que j'avais dit... Si ce n'était d'évoquer notre relation « extra-conjugale » si on pouvait l'appeler ainsi, pour ce point j'avoue que j'aurais dû tenir ma langue... J'étais en pleine réflexion.

« Hum... J'avoue que ce n'était pas très malin. Il faut croire que mon franc parler me joue du tord parfois... Mais ne va pas croire que je te force la main Kioshi... Je n'ai pas réfléchi au fait que cela pourrait être mal interprété... Est-ce que si tu avais été célibataire et que j'avais annoncé cela de la sorte tu en aurais tout de même été gêné ? C'est mal venu d'exprimer son attirance ? »

Je pensais comprendre. J'avais fait un nombre incalculable de progrès dans la maîtrise des codes sociaux et pourtant j'en apprenais encore aujourd'hui...
Je soupirais face à sa demande suivante : rattraper mon erreur.

« D'accord... Je vais réparer ma bêtise. »

Je prenais un air penaud comme une petite fille qui venait de se faire gronder alors même qu'elle n'avait pas pensé faire quelque chose de mal mais puisque c'était fait il fallait rattraper le coup.

Lorsque l'illusion se dissipa et que nous nous retrouvâmes de nouveau dans la pièce avec ce silence gênant, j'observais tour à tour ses parents avant de prendre un légèrement paniqué :

« Euh non c'est un malentendu ! Ce n'est pas ce que vous croyez ! Vous voyez pour moi coucher ensemble veut simplement dire dormir ! Je voulais dire par là que au sein de notre travail il nous est arrivés de dormir ensemble mais je n'avais pas d'arrières pensées ! »

Est-ce que j'étais une bonne comédienne ? J'avais mis le ton et la forme, mes joues s'empourprant même légèrement sur ma peau diaphane pour rendre tout cela crédible et faire honneur à Kioshi : je ne voulais pas qu'il se sente mal par ma faute. Je ne rougissais pas de honte mais de ridicule : cette façon de me donner en spectacle... Je le faisais bel et bien pour réparer mes erreurs.

Je me grattais la tête, gardant mon rôle de gênée avant de tenter une esquive pour dévier vers un autre sujet :

« Euh... Vous comptez rester quelque temps à Suna ? Je suis sûre que cela ferait plaisir à Kioshi et puis peut-être voudriez vous, vous aussi connaître le résultat des votes ? »

Ils étaient sympathiques. J'avais envie d'apprendre à les connaître et j'étais sûre que leur présence serait bénéfique pour mon Yamada préféré. Oui j'avais envie qu'ils restent.

Ils cherchaient à déceler le mensonge en moi mais ils n'y parvenaient pas, il fallait dire que mon côté inflexible et souvent inexpressif s'avérait utile dans ce genre de moment qui requérait une grande maîtrise de soit même.

Son père poursuivait sur sa lancée, arguant que nous formerions un beau couple... Tu entends ça j'espère Kioshi ? Bien sûr que oui puisque tu fais encore semblant d'être évanoui. Tu penses quoi de tout cela ? Je paierais cher pour lire tes pensées en cet instant. J'avais failli répondre à son père que ce n'était pas faute de lui faire la cour et de lui avoir même fait part de mes sentiments mais je me retenais. Je trouvais l'idée qu'il tournait auparavant autour d'une Ketsueki, amusante. Il fallait croire que désormais c'était la Ketsueki qui jouait au jeu du chat et à la souris avec lui...

Sa mère, bienveillante, mettait un point d'honneur à signaler qu'il venait de perdre Zanshi et qu'il lui fallait du temps pour se remettre : pour autant elle n'employait pas des propos allant dans le sens contraire de son mari...

Le débat se portait ensuite sur les deux prétendants au poste de Rokudaime. Il était vrai que les deux candidats qu'avaient retenu le conseil se valaient et qu'ils seraient capable aussi bien l'un que l'autre de mener Suna vers une ère glorieuse à ne pas en douter. Que déciderait les Sunajins ? Mon vote était déjà tout choisi. Cette pensée me fit baisser la tête vers l'homme en question qui reposait sur mes genoux et que je couvais d'un regard bienveillant. Je n'étais pas capable d'exprimer mon air chaleureux comme en était capable les Yamada mais je le faisais à ma façon.

Ses parents avaient décidé de rester jusqu'à l'élection : ce qui m'enchantait. J'avais envie d'apprendre à mieux les connaître et peut-être aussi parvenir à comprendre encore davantage Kioshi grâce à leurs conseils. Nul doute qu'ils allaient me voir souvent durant le temps qu'ils resteraient ici. Mon Yamada préféré avait besoin de leur présence même s'il prétendait le contraire : j'en étais convaincue.

Lorsque sa mère ajouta, en me faisant un clin d'oeil, qu'ils repartiraient ensuite puisqu'il était entre de bonnes mains, je ne pus retenir un nouveau sourire avant de répliquer :

« Kioshi à de la chance d'avoir des parents tels que vous. Si attentionnés et à son écoute... »

Jalouse ? Je l'étais un peu oui mais j'étais surtout envieuse. Voir ses parents agir de la sorte c'était ce que je m'étais toujours imaginée pour moi même et jamais je ne connaîtrais cela. Même s'il en était ainsi dans les mœurs de l'éducation des Ketsueki, je savais que lorsque mon tour viendrait de mettre au monde des enfants, je ne reproduirais pas ce schéma car je ne souhaitais aucunement qu'ils souffrent de la même solitude que j'avais connu pratiquement toute ma vie.

En plus d'être sympathiques et chaleureux, ils ne m'avaient pas jugé sur mon nom ce qui était rarement le cas lors des premières rencontres que je faisais.

« La vie est pleine de surprise. J'ai rencontré Kioshi pour la première fois alors qu'il arbitrait mon combat d'examen chuunin. Depuis, il m'a appris la médecine et aussi l'art de se confier à autrui. Il a risqué sa vie à mes côtés pour que je puisse passer un pacte Kuchiyose et il m'a aussi brûlé deux fois par inadvertance. Je suis aujourd'hui son intendante au Kakumeigun, toujours dans son ombre. »

Nous avions déjà vécu diverses moments depuis un an que nous nous connaissions désormais et pourtant la vie tournait et s'acharnait : aujourd'hui elle avait pris Zanshi et demain peut-être que c'était moi qu'elle emporterait ou tout autre personne à laquelle nous tenons... Nous ne pouvions rien faire contre le coup du sort si ce n'est veiller, rester sur nos gardes pour éviter son courroux. Une vie de crainte perpétuelle n'était pas une vie mais de la survie...

« Cela ne vous manque-t-il pas de ne plus bénéficier de la protection du village dans votre vie nomade ? Ne vous sentez-vous pas trop seuls à l'écart des vôtres ? »

Il fallait choisir sa voie et se tenir à ses croyances. Je respectais énormément leur choix parce qu'il respectait ce qui les caractérisaient tout en subissant le sacrifice d'être loin des membres du clan qui avaient choisi de rester à Suna. Suivre ses convictions, vivre ses rêves... Kioshi aussi était nostalgique du temps qu'il avait vécu dans le désert...

« Pourquoi Kioshi n'est-il pas venu avec vous ? Il a choisi ses responsabilités plutôt que de respecter ses origines ? »

Le père de Kioshi dit une phrase qui me perdait dans la réflexion : bien sûr il devait sûrement s'agir d'une taquinerie mais je me raccrochais à cette idée : si nous étions proches d'un Yamada lorsqu'il nous avait déjà brûlé alors j'étais sur la bonne voie... C'était stupide de penser ainsi parce qu'il ne m'aurait pas volontairement blessé mais au fond cela me rassurait comme si je me raccrochais au moindre signe de son attachement pour moi : c'était ridicule... Je me sentais moi même honteuse de penser de la sorte.

La relation qu'entretenait ses parents était attendrissante. Ils baignaient dans une aura d'amour et de confiance mutuelle impressionnante : jamais il ne m'avait été donné de voir cela. J'imaginais un instant mes propres parents agir de la sorte et me confortais que cela était impossible... Même lorsqu'ils vécurent leurs plus belles années ensembles, je ne les imaginais pas une seule seconde partager ce genre d'instants et regards qui voulaient tout dire...

Ils répondirent à mes interrogations, m'expliquant qu'ils se sentaient bien plus en sécurité dans le désert que dans un village. Ils étaient nomades et voyageaient beaucoup, un village restait ancré sur son point d'implantation et une fois que l'on connaissait son emplacement, il était aisé de le retrouver même si le désert nous offrait une défense naturelle intéressante par rapport aux autres nations. Ceux qui n'étaient pas habitués à la chaleur du désert, ploieraient sous son joug avant même de s'approcher du village.

Un léger silence se profila à l'horizon lorsque j'évoquais la raison de la présence de Kioshi toujours entre les murs du village malgré leur départ. Eux même ne savaient pas pourquoi il ne les avait pas suivi. Sa mère émettait l'hypothèse qu'il voulait sans doute veiller sur ceux qui resterait à Suna. J'imaginais aisément que la présence de Zanshi au village et de ses responsabilités, l'avait également conforté dans son choix de rester. Qu'en était-il de sa décision aujourd'hui ? Il était désormais chef de clan et peut-être futur Kage, il devait savoir qu'il ne pouvait pas partir ainsi...

Cela me chagrinait quelque part de constater qu'il ne pouvait pas mener sa vie comme il l'entendait, entouré des siens et de leur mode de vie, comme autrefois. Il tentait de renouer avec ses racines autant qu'il était en mesure de le faire et pourtant il restait là, allongé à faire semblant d'être perdu dans l'inconscience...

Finalement ils prirent congés. Je les saluais, les remerciant de leur visite malgré la non-envie de Kioshi a les voir que je me gardais bien de souligner...
De nouveau seuls dans sa tente, je caressais son visage du bout des doigts, me demandant s'il allait encore jouer à ce petit jeu longtemps ou s'il allait finir par réagir de nouveau.

« Ils sont partis. Mais je ne t'apprends rien. »

Bien sûr qu'il le savait.

« Pourquoi ne voulais-tu pas leur parler ? Ils s'inquiètent pour toi... »

Je marquais une pause avant de reprendre :

« Cela te regarde après tout... »

Je n'avais pas à m'en mêler, il était libre de faire ce qu'il jugeait le plus juste et peut-être que se montrer ainsi diminué à ses parents ne l'enchantait guère... Je posais sa tête sur le sable et m'allongeais à ses côtés, face à lui. Je l'observais dans les yeux sans mot dire des minutes durant, simplement en passant ma main dans ses cheveux.

« Repose toi maintenant... »

Je déposais un baiser sur son front et me décida à rester ici pour veiller sur lui. Je ne dormais pas et n'arriverais probablement pas à dormir mais au moins j'étais là s'il avait besoin de parler ou au contraire, de se complaire dans le silence.

« A moins que tu ne préfères sortir prendre l'air ? »

Je ne l'obligeais en rien mais peut-être avait-il besoin de quitter cet endroit quelques temps pour voir autre chose...