Une convocation plus qu’officielle avait été envoyée au domicile du Taisa. Il s’était donc préparé pour l’évènement. Sa tenue enfilée et son arme attachée dans son dos, il quitta l’endroit pour se rendre à l’Académie. C’est là-bas qu’il devait retrouver celui qui lui servirait de senseï.

En effet, il était convié à un entretien pour déterminer si un certain Sairyo Hiko pourrait l’encadre au sein du village afin de le faire progresser. Fuka n’y voyait aucune objection. Après tout il était bien là pour ça. Et puis c’était par ce genre de liens qu’il pourrait à la fois progresser tout en se faisant une place au sein des Roches. Il s’y rendait donc sans trop d’appréhension. Presque avec impatience.

Cette bonhomie joviale exaspérait Samehada. Elle ne manquait pas de lui faire remarquer par leur lien si spécial :

- N’oublies pas pourquoi nous sommes là s’il te plaît. On est pas là pour se faire des copains.

- Justement on est dans un endroit parfaitement inconnu. On a très peu de relations ici alors autant dire que j’ai intérêt à m’intégrer pour pouvoir retrouver ton maître.

L’épée émit un son qui ressemblait à une sorte de grognement. Difficile à dire en fait. Pas facile de toujours comprendre le langage particulier d’une épée. Fuka traversa la ville. Il rencontrait des passants interloqués par le lourd paquet qu’il portait sur son dos. Des regards auquel le sabreur était maintenant habitué depuis quelques temps qu’il trimbalait ce petit bijou. L’objet était juste peu pratique pour se frayer un chemin parmi la foule à moins de jouer un peu des épaules. Tout en veillant à ce que personne ne touche la lame sous peine de finir embroché !

Il y avait meilleur moyen de se faire connaître. Fuka préférerait que ce soit par ses faits d’armes. Une opportunité que lui offrirait le fait d’avoir un senseï. Il venait d’arriver au lieu de rendez-vous. Il trouva quelqu’un à qui s’adresser à l’entrée qui lui indiqua la salle où l’attendait son éventuel maître. Légèrement anxieux, il prit une légère inspiration pour se donner un brin de courage. Et lorsqu’il franchit la porte, il tomba nez à nez avec un gamin. A peu près une dizaine d’années, sûrement plus. fuka chercha du regard le senseï censé l’attendre. Personne d’autre dans la pièce. Le Taisa approcha donc du jeune garçon pour lui demander :

- Excuse moi mais toi aussi tu attends Sairyo Hiko ? Un gradé qui chercherait une équipe à former ?

Alors ça pour une surprise… Ce devait être une blague ce n’était pas possible autrement. Le jeune bambin présent dans la pièce et assis au bureau décroisa les bras pour venir tendre une main de présentation au Taisa. Il se présenta sous le nom de Sairyo Hiko. Hébété, Fuka tendit lui aussi la main et rejoint le gamin à la table. Il avait du mal à comprendre. Il pouvait percevoir le rire moqueur de Samehada dans un recoin de son esprit. Il allait vraiment être formé par ce môme ?!

Puis sans gêne, avec un léger sourire, celui qui se prétendait être Hiko demanda à Fuka de se présenter. Mais l’esprit du sabreur fulminait déjà en se faisant une raison, simple mais évidente. Celle qu’il faisait soit face à une illusion. Sûrement un moyen de le tester. Ou bien il était devant un simple shinobi de son niveau voulant se faire passer pour le professeur qu’ils attendaient. Et dans cette dernière hypothèse, il n’avait pas vraiment envie de perdre son temps inutilement. Il n’était pas là pour ça.

Il n’avait pas parcouru la moitié du continent et renié ses origines, bien malgré lui, pour se retrouver nez-à-nez avec un petit plaisantin en manque de boutades avec ses petits camarades. Il n’avait pas la prétention d’être un grand homme, son ego n’était pas non plus démesuré, mais la situation avait tout de même quelque chose d’incongru, il fallait le reconnaître. Et c’était trop gros pour paraître vrai. Dans quel village important pouvait-on avoir affaire à un aussi jeune gradé ? Fuka s’interrogeait en très peu de temps sur l’immédiat et l’instant présent.

Tant et si bien qu’il ne répondit pas immédiatement, perdu dans une légère inspection rapide du jeune garçon. Mais cela ne dura qu’une seconde tout au plus. Car il ne tint pas longtemps dans son mutisme face à cette rencontre si particulière. Les mots laissèrent donc place à l’incompréhension, sans pour autant oublier qu’il s’agissait peut-être bien de celui l’ayant convoqué ici. Diplomatie était donc mère de sûreté :

- Pardon d’avance pour le tutoiement et de celui qui va suivre. Mais tu me parais un peu jeune pour être celui qui m’a convoqué ici. J’aimerais donc avoir une preuve comme quoi je ne fais pas simplement face à un collègue s’ennuyant en attendant notre véritable senseï.

Puis il mit délicatement une main sur la garde de son épée. Son ton n’était pas agressif, son visage ne témoignait d’aucune colère, Fuka tenait simplement à être tenu informé au mieux de la personne lui faisant face.

- Tu pourrais par exemple me maîtriser en un instant avant même que je ne dégaine cette arme.

Puis sa dextre quitta la poignée de sa lame, pour venir se reposer sur la table. Un doigt se leva et pointa le dossier posé sur le meuble :

- Ou alors tu serais capable de me citer certaines choses que seul un dossier de l’Alliance pourrait stipuler à mon sujet. Petite question d’échauffement : d’où je viens ?

Fuka s’attendait à toute réaction. Enfin pas exactement puisque celle qui suivit la « menace » du sabreur fut accueilli d’une manière qu’il n’avait absolument pas vu venir. Le jeune garçon éclata de rire avant de s’exprimer franchement sur la cause de son hilarité. Si le Taisa avait voulu, il aurait pu blesser son interlocuteur, voire pire. C’était les mots du concerné. Fuka était encore plus perdu que lorsqu’il avait découvert l’identité supposée du garçon.

Tout ceci ne l’aidait pas au final car rien ne venait confirmer la réelle identité du garçon. Il pouvait toujours mentir en évitant les questions épineuses. Et ça n’allait pas s’arranger puisqu’il éluda également la question du Taisa qu’il avait concocté pour tenter de deviner qui il était vraiment. Il ne répondit pas du tout à sa question sur ses origines. Ce qui faisait de lui quelqu’un de suspect. Enfin peut être pas jusque-là non plus mais c’était assez perturbant de se dire que ce gamin jouait possiblement avec les nerfs du sabreur. Il avait beau être d’un tempérament patient, toute cette mascarade pourrait le mettre à bout. Il ne souhaitait pas perdre de temps. Samehada était une épée puissante. Il en avait conscience. Et il devait donc se préparer, se surpasser pour être à la hauteur de son arme et dégager son plein potentiel.

La moindre minute devait l’aider à devenir plus fort. Une quête personnelle très répandue dans ce monde. Mais essentielle pour tout shinobi débutant. Fuka se savait capable de grandes choses avec Peau-de-Requin. Mais cela se ferait au prix de nombreux sacrifices et de nombreux entraînements. Ainsi, le fait d’avoir un senseï ne le dérangeait absolument pas. Mais encore fallait-il qu’il puisse lui apporter un plus. Une place dans le village n’était pas totalement ce qu’il recherchait à travers cette collaboration. Et il avait pris finalement la décision d’exprimer tout haut cet objectif.

Mais il fut devancé de peu par celui qui semblait être Hiko. Il se présenta un tant soit peu avant de ponctuer par une étrange remarque. Celle de son anniversaire la semaine prochaine. Il spécifia qu’il fêterait sa quinzième année. Cela n’arracha pas plus de réaction au sabreur. La jeunesse de son interlocuteur était évidente. La quinzaine correspondait bien à l’apparence du jeune garçon, donc ce n’était pas plus étonnant que d’être accueilli à un rendez-vous prévu avec un senseï pour tomber sur un enfant. Le Sabreur prit donc enfin la parole pour exprimer son avis sur la situation :

- Ce dossier a dû spécifier pas mal de choses sur moi. Pas la totalité non plus. Mais je suppose qu’il a été fait mention de ceci, dit-il en désignant son arme. Elle est mon unique héritage. Elle a une immense valeur et un pouvoir incommensurable. Alors tu comprendras que je souhaite par-dessus tout m’améliorer pour maîtriser au mieux ce don.

Il avait rabaissé son doigt une fois terminé pour venir croiser les bras sur sa poitrine.

- Mais si cette épée est mon « talent », je serais curieux de savoir quel est le tien. Car si tu es celui qui est censé me servir de senseï, j’aimerais savoir ce que tu pourrais m’apporter. Je n'ai rien contre le fait de recevoir un quelconque apprentissage, peu importe la personne, tant que cet enseignement m'est utile.

Il redoutait un peu la réponse au vu de sa réaction de tout à l’heure. Il avait avoué qu’au corps-à-corps, il se serait fait écharpé par Samehada. Le Taïjutsu, domaine dans lequel Fuka devait exceller, n’était donc pas dans ses cordes. Et dans ce cas, quelles autres compétences avait-il pour se prétendre son futur formateur ?

Le très jeune Hiko n’était définitivement pas un habitué du Taïjutsu puisque le terme de « sabre à pouvoir » lui échappait totalement malgré le fait que le dossier du Taisa le mentionnait. En même temps, pour son âge, et n’étant pas natif de Kiri, il n’avait pas dû entendre énormément parler des Sabres à Ame.

Ce qui était dérangeant dans cette jeunesse, c’est que la relation senseï-élève s’en retrouvait totalement chamboulée. L’élève avait une maturité pouvant lui octroyer certaines connaissances que son senseï n’avait pas. La tendance traditionnelle était bouleversée. Et par cette remarque, cela commençait dès maintenant. Le Sabreur en vint à se demander si la possibilité de refuser un senseï était autorisée au sein de l’Alliance. Sûrement pas. Il devrait donc faire avec… Mais peut-être avait-il lui aussi un don particulier qui justifiait son grade au sein du village.

C’était bien là le but de la question de Fuka précédemment. Et il eut une réponse. Ou plutôt une démonstration. Hiko lui parlait et d’un coup, il disparut. Totalement. Sur le coup, le Sabreur ne put qu’afficher une surprise sincère. S’il s’était attendu à cela. Le gamin serait donc une sorte de caméléon. Il ne fut pas long à se révéler. Il était juste plus loin, assis sur le rebord de la fenêtre. Un léger sourire aux lèvres, Fuka reconnut le côté pratique d’un tel don. Et surtout les avantages non négligeables en combat.

Hiko se qualifia comme un shinobi de type sensoriel. Il y avait donc plus de sensorialité dans cette technique qu’un véritable don héréditaire. Mais c’était d’autant plus intéressant pour le Taisa. Il avait déjà entendu parler de ces guerriers capables de disparaître d’un terrain de combat ou de retrouver leur cible dans un pays immense avec les yeux fermés. Là où ça suscitait un intérêt pour le sabreur, c’était dans sa quête commune avec Samehada. Pour retrouver son créateur, de telles capacités seraient plus qu’intéressantes. D’un coup, cette collaboration prenait du sens. Mais il devait également se plier aux règles de cette relation. Son « senseï » s’était interrogé sur les sabres à pouvoir. Il était peut-être temps d’y répondre.

- Je vois. Enfin, façon de parler ! Quant aux fameux sabres, je peux comprendre que ta connaissance en soit limitée. Si l’on n’a pas été à Kiri ou à Mizu no kuni, ce genre d’artefacts doit paraître pour une banale arme encombrante. Mais chacune est unique en son genre et renferme un pouvoir tout aussi particulier. Difficile de dire combien il en existe, ou qui les créés. Mais c’est également ce qui m’a amené ici. Samehada, c’est ainsi que s’appelle mon épée, a ressenti l’appel de son créateur et tient à le retrouver. Je suis ici pour l’aider.

Fuka marqua une pause. Il avait, pendant son discours, saisi le manche de l’arme en question pour venir la déposer à la verticale, en appui sur le sol, à côté de lui. La dextre agrippant toujours la garde, il la maintenait dans sa position pour éviter qu’elle ne tombe. Connaissant le caractère de Peau-de-Requin, elle n’aimerait pas finir sur le parquet. Intérieurement, Fuka se mit à penser, à l’attention de Samehada :

- C’est l’occasion de lui montrer je crois.

- Tu crois ? Regarde ce morveux, il va filer dans les jupons de sa mère !

Le Sabreur était maître de la décision au final. Après cet échange silencieux, il insuffla une petite quantité de chakra dans l’épée qui n’eut d’autre choix que de réagir. Les bandages cédèrent et craquèrent alors que les écailles de Samehada ne sortent au grand jour. Le sourire de Fuka s’élargit en observant la réaction du jeune Hiko :

- Voilà ce que vaut Samehada. Enfin elle a bien d’autres capacités. Mais tu comprends mieux son surnom de « Peau-de-Requin »