Yami me faisait la leçon. Des questions rhétoriques qui n’attendaient pas de réponse. Ou en tout cas, elle donnait l’impression qu’un avis contraire, elle montrera les crocs. Ce n’était pas un débat où je pourrais la convaincre, juste l’éviter en n’entrant pas dans les détails, en me contentant d’acquiescer la tête pour lui signaler que je l’écoutais bien. Tout simplement. Je ne pouvais pas lui expliquer pour Zanshi… C’était peut-être la seule chose à laquelle je ne pouvais me confier.
Et je comprenais finalement son refus pour le changement de corps. C’était une raison personnelle encrée à sa vie, pas un dogme universel. L’orpheline ne pouvait se résoudre à perdre la moindre trace léguée par ses parents. Là encore, on ne pouvait lutter contre. Le seul moyen serait de renouer avec sa famille, mais ne sachant comment les contacter, je ne pouvais absolument rien faire à ce sujet. Juste acquiescer encore une fois, juste la comprendre.
Yami voulut me montrer par des actes ce qu’elle voulait vraiment dire par recommencer. Je me demandais si c’était parce que ça lui manquait, un échange charnel, un moment fort chaleureux, une relation tendre et passionnelle. A califourchon sur moi, je profitais de ses moindres baisers, laissant mes mains découvrirent une nouvelle fois son corps, m’unissant de nouveau à elle.
Lorsqu’elle dormie contre moi, je demeurais éveillé, couché. Simplement détendue au contact de la douce demoiselle. Un instant de quiétude, d’apaisement. J’attendis qu’elle se réveille, la voyant se diriger alors vers ses vêtements, je me contentais de sourire en lui lançant :
« Enfin repu ? »
Une légère boutade à elle qui semblait si désireuse auparavant, à mon grand plaisir. Quand je la vis se vêtir, j’avais une petite peur. Comme si elle venait de prendre conscience de la situation et qu’elle comptait fuir tout à coup… Me laissant de nouveau seul à mon sort. Mais je fus rassuré quand elle revint s’assoir à mes côtés. Posant ma tête contre son bras, je lui avouais :
« Je te préférais avant… Si tu as froid, il te suffit de me le dire. »
Mais ça n’était pas la raison de son action. Ses propos, son aveu me figea. Comme si mon esprit ne comprenait pas, ou plutôt ne voulait pas comprendre. Je demeurais contre son bras, ne levant pas la tête vers elle, ne bougeant plus. Le temps s’était arrêté. Ou peut-être était-ce ce que je voulais : que le temps s’arrête pour que son délai n’approche pas ?
« Deux années… »
Un murmure, comme si je parlais à moi-même pour essayer d’intégrer l’information.
« … Et depuis quand le sais-tu ? »
Pourquoi ne me le dire que maintenant ? Pourquoi après avoir fait tout ça ? Etait-ce une façon pour elle d’avoir un dernier bon souvenir avant d’en finir ? Elle avait le comportement d’une désespérée, d’une condamnée, et non pas de quelqu’un s’apprêtant à vivre éternellement…
« Etait-ce un adieu, tout ça.. ? Une manière de ne pas avoir de regret avant la fin ? »
Yami avait une solution, mais elle disait qu’elle en trouverait une… Pourquoi chercher ce qu’elle a déjà ? C’est donc qu’elle ne souhaite pas choisir cette voie-là… Je m’avançais alors, afin de me retourner et de voir le visage de la demoiselle cette fois. Ma voix avait perdu toute sa vigueur.
« Immortelle, tu auras tout le temps de trouver une façon pour ne pas rester seule… As-tu pensé à ce que veulent les personnes qui tiennent à toi ? Tu choisis de ne pas nous survivre pour ne pas nous voir mourir, mais tu choisis pour nous de te voir mourir toi… »
Deux ans, c’était bien trop court. C’était rien du tout. Pas suffisant pour la connaître pleinement, pour partager plus de chose. Elle venait de me laisser goûter à ses lèvres, avant de m’annoncer le côté éphémère de la chose… C’était comme présenter un rêve et indiquer le compte à rebours avant de tout perdre… Avec l’éternité, elle aura tout le temps de trouver une méthode pour que quelqu’un d’autre vive avec elle. Et je veillerais à ce qu’elle ne devienne pas froide, comme Zanshi, aussi longtemps que je pourrais l’accompagner dans son existence. Une main tremblante vint se poser sur sa joue pour l’obliger à me regarder dans les yeux, et d’une voix brisée, je lui dis :
« Tu n’as pas le droit… »
Pas le droit de me dire ça, pas le droit de mourir, pas le droit d’abandonner…
J'étais enfin parvenue à le lui dire. Je soupirais face à mon aveu, comme m’ôtant d'un lourd poids qui me soulageait certainement mais qui alourdissait la peine de Kioshi. Avais-je le droit de le lui dire ? D'alimenter ses problèmes alors qu'il semblait déjà tellement acculé par ces derniers... Je ne voulais pas non plus lui cacher.
Pourtant, il me faisait de la peine... J'avais exposé la solution et lui n'osait plus me regarder, la tête posée sur mon bras sans plus aucune réaction si ce n'est quelques mots qui prouvait sa prise de conscience...
« Je ne le sais que depuis peu de temps mais il me fallait moi même digérer la nouvelle avant de pouvoir en parler... Je savais à quel point vous alliez en souffrir et il me fallait une potentielle solution pour l'exposer plus sereinement... »
Plus il parlait et plus il me brisait le cœur... Je perdais mes doigts dans ses cheveux, attentive mais ailleurs en même temps : oui j'aurais voulu ne jamais avoir à lui dire cela... Il me demandait si tout cela avait été un moyen pour moi de lui dire adieu et de ne pas avoir de regrets : je ne pouvais pas le laisser dire cela ni même le lui laisser penser :
« Non ! Bien sûr que non ! Je t'en prie ne crois jamais cela... »
Ma voix s'était brisée dans mes derniers mots. Il exposait ensuite mon égoïsme en me rappelant que je ne voulais pas les voir mourir mais que je leur imposais ma fin en ne voulant pas accepter la solution qui s'offrait à moi : je le savais... J'étais égoïste. Je ne voulais pas souffrir en ayant à connaître leur disparition un à un.
Il s'était retourné face à moi, me laissant voir son regard décomposé et la peur qui le traversait. J'avais envie de détourner mes yeux : ne pas avoir à assumer cette tristesse mais je n'en avais pas le droit... Je venais de l'affliger et je devais affronter les conséquences de mes propos malgré tout. Il voulait que j'accède à l'immortalité, arguant que j'aurais la possibilité de trouver une solution à mon inévitable solitude dans cette condition.
Une main tremblotante venait se poser sur ma joue, elle était douce, chaude, chaleureuse, réconfortante et apaisante. Je plaçais la mienne par dessus pour le maintenir contre moi et cesser ses soubresauts incontrôlés sous la vive émotion. Il m'empêchait de me dérober, me disant que je n'avais pas le droit... Pas le droit de lui dire cela ? De ne pas accepter la solution qui s'offrait à moi ? Un peu des deux j'imaginais et sûrement tellement plus encore... Le ton de sa voix me faisait baisser un instant les yeux qui laissaient échapper des larmes malgré moi. Bien vite, je les ouvrais de nouveau vers lui, larmoyante tout en posant mon front contre le sien et de déposer mes lèvres sur les siennes dans un baiser chaleureux de réconfort. Qu'importe l'adversité je les franchirais, nous les franchirions ! Lui, moi et tous mes proches. Je ne pouvais pas les laisser souffrir de la sorte... Leur bonheur m'importait bien plus que le mien et cela j'avais mis longtemps à m'en rendre compte.
« Je te promets d'y consentir si je ne trouve pas d'autres solutions... Mais si une autre existe et me permettrait de mener une existence normale à vos côtés alors je veux tenter de la trouver... Je suis une battante. Je ne me laisserais pas abattre par une maladie... Il m'en faut bien plus... »
Lui disais-je dans un murmure. Toute ma vie n'avait été que combat : loin des miens, ne sachant rien d'autres, luttant au quotidien contre une maladie qui m'affaiblissait depuis l'enfance, grandissant en orphelinat, finalement en sortir mais hérité d'une entité malfaisante, retrouvant mon père et parvenir à me débarrasser de l'entité qui s'avère être ma mère et finalement subir le contrecoup, être plus faible qu'auparavant alors que mon organisme souffre toujours plus... Sans compter les frasques d'Oniri et celles de Shinji... Je n'avais certes pas de marques sur mon corps attestant de ma souffrance mais la mienne était psychologique : mon esprit s'était brisé plus d'une fois mais j'étais toujours parvenue à maintenir le cap et à me relever grâce d'abord à mes idéaux puis ensuite grâce à mes amis. J'étais forte, mais sans eux je ne valais plus rien...
Ma main caressait son visage puis se perdait dans sa chevelure, le couvant d'un regard empli de sentiments :
« Alors cesse de te tourmenter pour ça : je ne mourrais pas à cause de cela, je te l'assure. »
Ma tête se perdait dans le creux de son cou alors que je passais mes bras dans son dos.
« Reste encore un peu avec moi... Ne m'abandonne pas... »
Le suppliais-je. Je pouvais affronter tout cela mais avoir son soutien et me perdre encore dans ces instants, qui me semblaient pourtant chimériques, en sa compagnie, m'aiderait à poursuivre le combat. J'avais besoin de cette présence, de cette personne importante qui me rappelait que j'étais vivante, que j'existais et que je comptais... J'avais besoin de me sentir aimée pour oublier le fardeau de mes problèmes. Kioshi ressentait-il la même chose ?
Non, je n’aimais pas ce qu’elle disait. Aucune de ces paroles. Elles sonnaient à mes oreilles comme une tentative de me réconforter, plus que la vérité. Comme si elle était tout de même condamnée, mais qu’elle ne souhaitait pas que je sois triste pour autant…
« Et si tu n’avais pas trouvé de solution ? Tu n’aurais simplement rien dit ? »
Elle pouvait dire ce qu’elle voulait, mettre les formes qu’elle souhaite, je n’entendrais que cette voix brisée dans un corps en voie de péremption. Dans toutes ses paroles, je trouvais l’angle négatif. Le cas critique qui correspondrait tout de même à ses propos.
« Et quand arrêteras-tu de chercher une autre solution pour y consentir ? Quand il sera trop tard ou quand il sera encore temps ? Si tu as peur d’être seule, je pourrais refroidir, ralentir au maximum mon organisme et tenir quelques centaines d’années avec toi. Ensemble, on trouvera une autre solution ou un autre compagnon pour que tu ne demeuras pas seule, et que tu ne perdes pas ton humanité. »
Sauf que si je faisais ça, je fonctionnerais toujours au ralenti, et je ne serais plus le grand ninja que j’étais. Plus qu’un homme affaibli qui survivra. Mais à ce moment-là, je pouvais dire tout et n’importe quoi pour qu’elle prenne cette solution lui permettant de vivre avant qu’il ne soit trop tard ! Nous ne connaissions pas vraiment, précisément, le délai qui lui restait… Et si ça venait plus tôt que prévu ? J’avais déjà vu mourir Tsukiko une fois sous mes yeux, c’était bien suffisant.
« Je cesserais de me tourmenter que je serais assuré que tu vivras, pas avant. »
Elle voulait apprendre les codes et les relations ? Et bien voilà. Du moment que l’autre est en mauvaise santé, on s’inquiète jusqu’à ce que ce soit fini, et non seulement parce que la personne concernée nous demande de ne pas nous en faire. C’est pas comme ça que ça marche ! Tu n’as pas le droit de venir, de m’embrasser, d’annoncer ta mort prochaine et me dire de ne pas m’en faire ! Mets-toi deux secondes à ma place ! Comment veux-tu que je fasse ce que tu me dis ?
« C’est plutôt à moi de te demander de rester… »
Ma bouche n’avait pas la force de crier, et mes bras de la retenir. Je demeurais simplement là, épuisé, assis contre elle. Si elle me poussait sur le côté, je tomberais comme une loque contre le sol. Même son baiser sonnait faux à ma bouche. Il cherchait plus de chaleur, de réconfort, qu’il ne profitait simplement du moment. Comme un adieu, comme un ultime échange avant la mort… Je ne devais jamais croire à cela… Elle parlait comme si elle n’était déjà plus là. Que par la suite, je ne doive pas penser ça…
« Je crois ce que je vois et j’entends… Si tu ne veux pas que je crois cela, alors vis et donne-moi l’impression de me tromper. Je ne veux pas être celui qui est là pour réchauffer tes derniers jours, car ensuite c’est moi qui aurais froid… »
Je me détaché de la demoiselle, me plaçant de l’autre côté du bac de sable. Il n’y avait plus aucun contact entre nous. Non, je ne la rejetais pas. Enfin pas vraiment. C’était ses adieux que je repoussais. Je ne voulais pas être son jouet qu’elle abandonnerait prochainement, juste pour avoir de bons derniers souvenirs. Car à la fin, ces souvenirs ne seront que regrets et remords pour moi. Des cauchemars qu’il n’y ait plus rien, qu’il n’y a pas eu plus…
Kioshi semblait ne croire aucune de mes paroles. Elles étaient pourtant sincères : j'espérais réellement trouver une autre solution et utiliser celle-ci en dernier recours. Ne pouvait-il pas comprendre que le voir lui ou les autres s'inquiéter pour moi m'affligeait plus encore ? Voir leurs regards perdus, esseulés, suppliants à mon encontre était encore plus difficile que de lutter contre les maux même de la maladie.
« Si je n'avais pas trouvé de solution, vous l'auriez appris plus tard mais je vous en aurais tout de même parler. »
De toute façon je n'aurais jamais pu le cacher car ma maladie allait occasionner une dégénérescence de mon organisme et des symptômes bien visible tout comme le sang qu'il m'arrivait de recracher bien que de façon très infime pour le moment. Je n'aurais pas non plus voulu le leur cacher.
Je l'écoutais me parler, me questionner, proférant des paroles plus dures à entendre que je ne l'aurais cru alors qu'il était prêt à freiner sa vie pour passer plus d'années en ma compagnie et nous permettre de trouver une solution.
« J'y consentirais quand il sera encore temps. Ne m'enterre pas trop vite. Si je me ménageais je pourrais encore estimer vivre cinq années alors je doute que mon temps sera inférieur à au moins deux années... Quant au reste : oui j'ai peur d'être seule mais non jamais je ne voudrais que tu amenuises ton existence de cette façon pour moi. Je ne peux pas te laisser faire un si grand sacrifice et je ne pourrais me regarder en face si mon égoïste m'en faisait venir à de telles extrémités. »
Il argumentait en prétextant ne plus s'en faire que lorsqu'il serait assuré que je vivrais et pas avant... Je n'avais aucune idée de comment procéder pour l'immortalité alors même si je le voulais, cela ne se ferait pas en un jour. Pourquoi se montrait-il si têtu ? Ne pouvait-il pas simplement profiter de la vie sans ce soucier plus que cela de la mienne alors même que je lui assurais que je ne mourrais pas quoi qu'il arrive ?
« Pourquoi... ? »
Lui demandais-je simplement. Pourquoi ne pas se soucier de ses propres problèmes que je savais nombreux ? Je ne voulais pas lui en imposer un de plus. Il méritait d'être heureux pas d'être acculé de la sorte. Pourquoi devait-il s'en faire alors que je m'évertuais à lui expliquer qu'il existait au moins une solution pour m'en sortir quoi qu'il arrive ?
Il était assis contre moi, comme un simple pantin près a s'effondrer... Je voulais faire quelque chose pour qu'il retrouve la lueur pleine de joie de vivre qu'il avait eu dans le regard un peu plus tôt mais j'avais l'impression que tout serait vain... Il me demandait à son tour de rester et de toute façon je comptais aller nulle part... Je ne pouvais pas le laisser dans cet état alors que j'en étais responsable et je voulais encore passer du temps en sa compagnie. Ma révélation me laissait un goût amer mais je savais que j'avais fait malgré tout la meilleure chose.
Il me disait que je devais lui donner l'impression qu'il se trompe car mon comportement trahissait mes mots. Il pensait que je n'aspirais qu'à de bons souvenirs avant de mourir, me laissant purement et simplement abattre au lieu de profiter de l'instant, profiter de la vie telle qu'elle était tout en gardant le sourire en sachant que la solution était à portée de main. Kioshi disait même qu'il ne voulait pas être celui qui réchaufferait mes derniers jours car c'est lui qui en souffrirait le moment où je partirais : j'y avais déjà pensé et c'était peut-être uniquement pour cela que je regrettais nos étreintes mais puisque je n'allais pas mourir, je n'avais pas à regretter le moindre instant dont j'avais eu si envie.
Il se détachait de moi, me tournant le dos pour se poster plus loin sur le sable de sa chambre. J'avais tendu la main pour le rattraper mais en vain. Je ne voulais pas qu'il s'éloigne. Je le voulais là, tout contre moi, baignant dans ma chaleur bien qu'incomparable à la sienne... Il m'avait aidé plus d'une fois et moi je semblais incapable d'en faire de même... Je ne voulais que son bonheur alors pourquoi je le piétinais de la sorte ? C'était alors qu'il s'éloignait de moi de la sorte que je me rendais compte à quel point je tenais à lui. Je n'aimais pas le voir ainsi : son bonheur prévalait sur le mien. Je déglutissais, et m'avançais vers lui avec la crainte infinie qu'il me repousse pour me témoigner de son désarroi sans accepter mon aide.
Je me plaçais dans son dos, passant mes bras par dessus ses épaules pour poser mes mains sur son torse et le rapprocher de moi alors que mon front se posait dans sa nuque.
« Ce n'était pas un adieu tout cela Kioshi... Mais le commencement. »
Osais-je me l'avouer ? Pourquoi le voir s'enfuir m'avait tant attristé ? J'avais trouvé refuge de nombreuses fois dans ses bras pour y trouver du réconfort puis peu à peu les rôles s'étaient parfois inversés alors que je m'étais rendue compte que nous n'étions pas si différents, aspirant aux mêmes choses. Je me sentais bien avec lui et je pensais avant tout à son bonheur avant le mien. Pour lui, je me rendais compte peu à peu que j'étais prête à renoncer à ma liberté juste pour passer plus de temps en sa compagnie. Je n'avais que faire de ma liberté alors que je pouvais être avec lui à chaque instant. C'était ce qui différenciait ce que je ressentais pour lui par rapport à ce que je pouvoir éprouver pour Oniri ou ce que j'avais pu ressentir pour Shinji. Je ne voulais aussi que leur bonheur mais je n'étais pas prête à renoncer à ma liberté parce que je n'éprouvais pas pour eux la même intensité. Etait-ce cela l'amour ? Je ne le savais pas. Je ne savais plus... Je ne voulais même pas me risquer à le lui dire alors que cela lui rajouterait sans doute un soucis de plus. Je préférais laisser mes sentiments parler pour moi et tenter de comprendre ce qu'il en était pour lui.
Je le contournais, m'asseyant à ses côtés, face à lui, cherchant son regard avant de m'approcher de lui et de lui donner un baiser emprunt des sentiments qui m'assaillaient à son égard. Un long et langoureux baiser passionnel qui reflétait mieux que n'importe quel mot ce qu'il suscitait en moi. Etait-ce éphémère ? Non... Cela semblait faire quelque temps déjà que ma vision de lui avait changé mais je ne m'en étais simplement pas rendue compte. Lorsque notre échange pris fin, je posais mon front contre le sien et lui disait, souriante :
« Je veux bâtir un futur où tu seras présent, à mes côtés. Je ne veux pas me contenter d'un futur incertain et je compte bien profiter du présent pour assurer mon avenir. »
Comprenait-il la portée de mes mots et tout ce que je cherchais à lui dire ? Allait-il en être soulagé en être que plus tourmenté ou au contraire fuir ? Je n'en avais pas la moindre idée mais ce que je savais c'était que je voulais... Vivre chaque jour en sa compagnie dont je ne parvenais plus à me passer...
Elle en aurait parlé, mais peut-être qu’il aurait déjà été trop tard pour en parler… Sa bouche nous l’aurait dit, ou bien son corps d’abord ? Pourquoi quoi ? Que voulait-elle dire par pourquoi ? Qu’attendait-elle de moi ? Que je souris à sa révélation ? Que je me lève et danse sur l’annonce de sa mort prochaine ? Que je reste impassible à son aveu ? C’était vraiment ce qu’elle voulait ? Et bien non ! Pardonne-moi de m’être attaché à toi ! Pardonne-moi d’être faible !
Ce n’était pas un adieu, mais le commencement… Le commencement de quoi ? De la fin ? De sa fin ? J’étais peut-être de mauvaise foi. Mais dans cet état, elle pouvait dire tous les mots doux du monde, je trouverais toujours un aspect négatif à la chose. Chacun de ses mots, chacun de ses gestes… Son étreinte me rappelait juste que peut-être ces bras seront bientôt froids. Son baiser si chaud et passionnel pouvait être le dernier. Son sourire, bientôt plus…
Yami voulait continuer de vivre avec moi dans son entourage. A moins que ce ne soit un autre message ?
« Je préfère d’abord m’assurer que tu aies bien un futur… »
Une nouvelle fois, je reculais le visage. Je ne pouvais plus l’embrasser ou me coller à elle. Pas pour le moment en tout cas. C’était trop… Moi qui attendais en espérant la venue de Zanshi qui n’arrivait pas, j’apprenais à présent qu’une autre femme allait peut-être disparaître ? Non, je ne pouvais pas.
« Laisse-moi s’il te plait… »
Une voix lasse, sans aucune force. Presque une supplique. Je ne voulais plus d’autres mots doux ni de gestes réconfortants. Je voulais juste oublier, à cet instant, ce qui s’était passé. Mon esprit ne voulait pas assimiler la chose. Je baissais le regard, n’osant même pas la regarder.
« J’ai besoin d’un peu de temps… »
Un peu, voire plus encore. Je ne pouvais être précis, car j’ignorais de combien de temps j’aurais besoin. Me comprendra-t-elle ? Me détestera-t-elle de lui demander de partir dans cette situation ? Sauf que c’était tout simplement au-dessus de mes forces…
Alors que j'essayais de lui témoigner ma sincérité à son égard et mon envie de me battre, il semblait ancré dans son désarroi sans vraiment savoir comment réagir... Que pouvais-je faire pour lui ? Je n'étais pas une adepte des relations sociales et je ne parvenais pas à savoir comment réagir dans ce cas de figure... Il voulait des preuves que je n'avais pas agit de la sorte uniquement pour me créer des souvenirs et ne rien regretter mais lorsque je lui témoignais de l'affection il se reculait ou me demandait de cesser... J'étais prise au dépourvue... Incapable de savoir comment réagir face à cela...
Il me disait préféré d'abord être certain que j'ai un futur avant de... quoi ? Poursuivre notre « relation » ? Continuer d'être l'ami cher à mon cœur ? Toujours était-il que ses paroles brisaient mon cœur déjà meurtri... Son recul, sa supplique presque inaudible me demandant de le laisser seul... Devais-je vraiment le faire ? C'était ce qu'il souhaitait mais je ne pouvais pas le laisser dans cet état... Je ne voulais pas qu'il soit mal mais en même temps que pouvais-je faire d'autre ? Je ne pouvais pas me précipiter pour accéder a l'immortalité même si je le voulais. J'aurais sans hésiter couru pour y accéder rien que pour revoir son sourire et sa confiance mais cela ne fonctionnait pas comme ça et je ne savais même pas si j'étais encore apte à le devenir ou non... Pour avoir ce genre d'informations, il faudrait que je retrouve mon père sauf que je n'avais aucune idée de là où il se trouvait... Allait-il me laisser dépérir ? Rien n'était sûr... Après tout il jugeait sûrement que je devais être capable de me débrouiller par moi même sans assistance.
Alors que Kioshi m'assenait le coup de grâce en me demandant du temps je ne pouvais m'empêcher de me dire que le mien était pour le moment compté mais je gardais mon calme, parvenant à ne pas verser de larmes alors que ma voix se brisait à travers mes propos :
« Je comprends... Pardonne moi... Je ne voulais que ton bonheur et j'ai tout gâché... une fois de plus. »
Que pouvais-je dire d'autre ? C'était la stricte vérité. J'avais voulu passer ces instants avec lui pour apporter l'affection dont nous avions tout deux besoins pour oublier nos problèmes, une chaleur, une présence, le sentiment d'être important aux yeux d’autrui mais voilà que mon honnêteté m'avait fait gâcher ces moments... Aurais-je dû les lui dire un autre jour ? Sans doute mais il aurait cru d'autant plus que j'avais simplement voulu profiter ce qui n'était pas le cas. Malheureusement, tant pis s'il était emplit de tristesse... J'avais fait ce que je jugeais le plus honnête et sincère de faire.
Là dessus, je me levais et commençais à me diriger vers la sortie avant de me raviser et de griffonner quelques mots sur un papier dans la cuisine avant de partir :
