Je consultais les notes de l’examen Chuunin. Il y en avait un, même plusieurs d’ailleurs, qui me tapaient dans l’œil. L’un d’eux était Kadoria. Kuroba qu’il s’appelle. Un gamin, très au fait des réalités. Je lisais à nouveau ses réponses à l’examen. Qu’il ait écrit ce qu’il a écrit démontre trois choses : son intelligence, sa connaissance du monde ninja, et une loyauté ou potentielle habilité à la manipulation. Dans le doute, j’optais pour la première option. Le temps me dira si je me suis gouré ou pas. Quoi qu’il en soit, il pouvait devenir d’une utilité fort intéressante. Il ne me restait plus qu’à l’avoir en face de moi, pour me faire une idée plus précise du bonhomme. Il ne me fallait pas attendre bien longtemps.

Quelqu’un arrivait. Je l’entendais distinctement grâce à mon ouïe fort améliorée. Mais, au moment où je m’attendais à ce que la personne frappe avant d’entrer, VLAN un bonhomme venait de fuser dans mon bureau tel une balle perdue. J’ai à peine fini de me redresser que je tombe sur les yeux de l’intrus. Il me suffit que nos regards se croisent, pour que je remarque cette lueur espiègle. J’avais affaire à un cas. Après en avoir géré plus d’un au sein de mon équipe shinobi, j’avais acquis assez d’expérience pour les repérer du premier coup. Et là, j’avais vu juste. Déjà que le bonhomme ne toquais pas, il se permettait de me parler sans même commencer par me saluer. Ce n’est pas que je suis irascible mais il y un minimum tout de même vous croyez pas ? Je ne vous parlerais même pas de la blague sur le Satoru. En d’autres circonstances, j’aurais éclaté de rire. Mais là j’étais passablement agacé.

Je posais une main sur la table et mes doigts en tambourinaient la surface. Regard rivé sur le Chuunin, je ne souriais pas. Visage, fermé, ou plutôt expression faciale n’exprimant rien d’autre que la fermeté, je réagissais à tout ce… cinéma. Ma voix, calme, posée :

« Bonjour Kuroba. »

Puis je le regardais, laissant s’ancrer ce mot dans l’esprit du Jonin, histoire de lui rappeler que c’est la politesse élémentaire qu’il doit à toute personne à qui il adresse la parole pour la première fois dans la journée.

« Il m’arrive des jours, de penser sérieusement à te rétrograder. Tu es limite des moments… Il me semble que tu n’as pas encore pris totalement la mesure des responsabilités qui pèsent sur toi en tant que Chuunin. »

Je continuais de le regarder, sans sourciller, tandis que les doigts de ma main droite, continuaient de marteler la table. A cause de son entrée, de sa présentation et d’un rapport que j’avais reçu d’un membre du Satoru sur un récent incident, j’hésitais à lui confier cette mission. Il n’est pas mûr. Du moins... On dirait. Un beau potentiel, pas loin d’être vendangé. Car au regard de son intelligence certaine, il serait fort regrettable qu'il poursuive sur la voie qu'il s'est choisie actuellement. Quel gâchis !

Mes mots avaient eu un impact direct sur mon interlocuteur. Je le voyais reprendre son sérieux. Intelligent. Il démontrait à nouveau cette qualité qui était la sienne. Cette qualité qui avait fait que je m’intéresse à lui. Un homme intelligent, qu’il soit taquin, ou doté d’un quelconque défaut doit être clairvoyant. Savoir quand vient l’heure de passer aux choses sérieuses comme on dit est primordial. J’appréciais le changement de comportement. Le bonhomme s’excusait et s’épanchait en explications, mais ses mots avaient du sens. Ses mots corroboraient son attitude générale. Très bien.

Je le jaugeais à nouveau du regard. Aurait-il les épaules assez larges pour la mission que je comptais lui confier ? Le doute était permis, surtout après son entrée en matière dans mon bureau.

« L’euphorie ? Certainement… »

Je jaugeais à nouveau le Chuunin. Il me faudrait bien me résoudre à lui faire confiance. Au vu de ses notes à l’examen, il pouvait largement faire l’affaire.

« J’aimerai que tu te rendes dans le pays voisin de Shimo no Kuni. Dans quelques temps, je m’y rendrais pour échanger avec leur Daimyo. Je veux que tu prépares le terrain. Je veux que tu sillonnes le pays et que tu me rapportes, dans le détail, tout ce que tu trouveras comme information relative à la puissance des ninjas de Shimo, à l’établissement ou non de puissances étrangères, à la présence de groupes mafieux ou non. Je veux le maximum d’information, mais je veux que tu restes fin, discret. Et surtout… »

Je levais mon petit doigt signe que ce que j’allais dire était très, très important. Si Kuroba se plantait sur ce point, il pouvait être certain que je ne le manquerai pas.

« Fais en sorte que nul ne puisse savoir, ni d’où tu viens, ni qui tu es, ni qui tu sers. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Il était intelligent. Il avait bel et bien capté. Aucun insigne d’appartenance à Kumo, rien dans ses propos ou son comportement ne devait laisser penser qu’il provenait de la Foudre. Mais en plus de ces précautions qu’il devrait prendre comme un grand, je me devais de lui apporter une protection supplémentaire. Je me levais de mon siège et marchais vers lui. Une fois derrière lui, je lui soufflais :

« Sois de retour d’ici deux semaines au plus tard. Tu trouveras assez d’argent dans cette bourse. »

J’indiquais, de l’index de ma main gauche, une bouse visiblement pleine, posée sur ma table. De l’autre j’apposais un sceau sur la nuque du Kadoria. Il allait être protégé de toute tentative d’immixtion dans son cerveau. Enfin… Je l’espère. A côté de la bourse, se trouvait un parchemin. Une carte de Shimo no Kuni. Elle serait utile au tout nouveau Chuunin.