La descendante de la noble famille Tsukiko avait parcouru une longue distance pour parvenir jusqu'ici. Le désert lui semblait être un endroit parfait pour être en paix. Le long de son chemin elle n'avait cessé de rencontrer toutes sortes de personnages, et un peu trop de Shinobi. Aucun d'entre eux ne lui avait fait une bonne impression et n'était parvenu à améliorer sa vision des choses. Peut-être à part Howaito, et encore.

La jeune Samouraï s'était séparée de sa senseï pour quelques temps. Cette dernière était reste au pays du feu, elle voulait retrouver ses proches, sa famille. La dame ne les avait pas vu depuis une dizaine d'années si ce n'était plus. Yaeko ne pouvait donc lui refuser, et cette séparation lui permettrait de faire les choses à sa façon. Si elle voulait alléger le monde d'une âme malfaisante, maintenant, elle le pouvait.

La température avait augmenté et le paysage était moins verdoyant. Plus elle avançait plus elle s'aventurer dans cet endroit particulier. C'était donc à ceci que ressemblait un désert ? Elle savait ce qu'était le sable mais n'en avait jamais vu autant d'un coup. Derrière elle la plaine d'Ame avait déjà disparu. Elle voulait aller plus loin, expérimenter cet environnement. Ses vêtements étaient bien trop chauds.

Maintenant dévêtue de son kimono impeccablement replié et parfaitement rangé dans cette bandoulière qu'elle avait récupéré sur le cadavre d'un vil personnage qui avait tenté de la détrousser; elle pouvait maintenant profiter des quelques rares courants d'air qui survenaient de temps à autre. Elle se rendit rapidement compte de la difficulté à vivre et survivre dans ce milieu, mais fort heureusement pour elle; la nuit était proche.

Le froid nocturne du désert ne lui poserait aucun problème, elle était habituée à la vigueur des hivers de Tetsu no Kuni. Elle aimait la neige, le froid, le métal. La dureté et la difficulté ne lui faisait pas peur non plus, elle en avait trop vécu au château pour se laisser abattre maintenant. Cependant il y avait bien une chose qui lui manquait : la présence de sa senseï et amie, Kumiko.

C'était à ce jour la seule personne en qui elle pouvait faire confiance bien qu'elle soit une Shinobi dans l'âme. Leur relation était forte, imbrisable. La femme du Daimyo de Kögan était à peu de chose prés le garde-fou de la combattante du fer, qui pouvait savoir ce qu'elle serait capable de faire face à un shinobi. A priori pas grand chose, tout dépendait de ses mots. Mais ici, qui pouvait venir la déranger ?

Le voile obscur de la nuit tomba finalement sur le désert. Malgré l'absence de bois, Yaeko parvint à réunir sur son chemin quelques brindilles, avec lesquelles elle alluma un feu. Il lui restait peu de vivres, mais suffisamment encore. Elle fit donc cuire une de ces fameuses brochettes de Ta no Kuni lorsque ses sens se mirent en éveil. Elle n'y croyait pas... Se redressant elle lança face aux dunes.

"Je sais qu'il y a quelqu'un..."

Dit elle simplement en posant sa main droite sur le pommeau de son Katana.

Je continuais à me rendre régulièrement dans le désert pour poursuivre mon apprentissage orthographique. Comme d'habitude le calme du désert m'aidait à me concentrer et j'avais bien besoin de ça vu le nombre de choses qui pouvaient me distraire à Suna. Le silence était aussi primordial que nécessaire pour ma lecture du bouquin qui était sensé m'aider à m'améliorer. Je reconnais volontiers que je me serais bien passé de ces leçons mais la désir de poser des sceaux correctement m'imposait ces efforts. Et puis c'était plutôt agréable de passer ses journées au bord d'une oasis. Sans parler du fait qu'ici il n'y avait personne pour m'insulter...

Le refus du grade supérieur suite à l'examen Chûnin avait laissé dans traces dans les esprits étriqués des habitants de Suna et parmi les autres Genins. Spécialement ceux qui avaient été recalés et n'avaient pas obtenu le précieux sésame. Les choses commençaient pourtant à se tasser et les remarques désobligeantes se faisaient plus rares et même moins véhémentes. J'y avais toujours droit, évidemment! Mais le temps commençait à faire son œuvre et les gens semblaient mettre de côté cet événement. Peut-être qu'après quelques années ils finiraient par complètement l'oublier. Je l'espérais en tout cas. Non que leur avis m'importe, hein? Mais c'était toujours plus agréable de se balader dans Suna sans avoir constamment droit à des regards désapprobateurs...

Pour une fois j'avais bien avancé dans mes leçons et j'avais même réussi à faire quelques exercices proposés dans le livre sans faire de fautes. Bon d'accord, ils étaient d'un niveau plutôt élémentaire. Mais c'était toujours ça! Fallait bien reprendre à la base vu mes lacunes orthographiques et grammaticales. Dès lors chaque petite progression sonnait comme une victoire. Avec un peu de chance d'ici quelques années je serais un vrai pro dans le domaine et j'éviterais les leçons que m'imposait la Kazekage. Faut dire que c'était assez la honte d'étaler mes lacunes à presque chacune de nos rencontre...

Finalement la nuit avait commencé à étendre son manteau sur le désert sans vraiment que je m'en aperçoive. Et ce fut pratiquement lorsque je n'arrivais plus à lire à cause de l'obscurité que je me rendis compte qu'il était temps de rentrer. Le temps de me rouler un pétard pour la route et je prenais la route de Suna. Après l'effort, le réconfort. J'allongeai donc mes jambes pour gagner en vitesse et surtout éviter de me fatiguer plus que nécessaire quand une lueur dans l'ombre attira mon attention.

Curieux comme j'étais je décidai de faire un rapide détour pour voir d'où elle provenait et je rejoignis rapidement ce qui devait certainement être la lumière projetée par un feu. Quelques minutes plus tard j'arrivais à destination et, le pétard en bouche, observais la demoiselle visible dans la lueur des flammes dansantes. De mémoire je ne l'avais jamais vue celle-là. Sûrement une étrangère si j'en jugeais à sa couleur de peau à peine visible dans la lumière.

*Qu'est-ce qu'ils ont tous à venir se perdre dans la désert, hein? C'est devenu la mode ou quoi?*

Il ne fallut cependant pas longtemps à la demoiselle pour remarquer ma présence ou plutôt la sentir. Elle se redressa main sur son arme avant d'affirmer qu'elle savait qu'il y avait quelqu'un. J'hésitai un instant à simplement m'en aller mais je me ravisai. Pourquoi ne pas papoter un petit coup?

- "On se calme, on se calme!" fis-je d'une voix apaisante en m'avançant dans la lumière. "Tu n'auras pas besoin de ton arme je ne suis pas ici pour me battre, juste pour voir qui se trouvait autours de ce feu! Et me réchauffer un petit coup aussi..."

Je penchai la tête sur le côté tout en tirant une taf supplémentaire sur mon joint. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ici celle-là? Je vins ensuite prendre place autours du feu sans lui demander la permission. Après tout ce désert était à tout le monde mais surtout aux Sunajins. Et puis laisser une personne se réchauffer semblait relever de la politesse la plus élémentaire pas vrai?

- "Je squatte un moment!" annonçai-je donc avant de jeter ma pseudo-cigarette dans le feu. "Tu t'appelles comment?"

J'ouvris un peu mon manteau pour laisser la chaleur imprégner les couches inférieurs de mes vêtements avant de me frotter les mains et les tendre vers les flammes.

- "T'as pas un truc à manger par hasard? Je crève la dalle! En échange je te donne de l'alcool si tu veux! On peut appeler ça un échange de bons procédés! Vendu?"

J'espérais qu'elle était du genre loquace parce qu'il n'y avait pas pire que de se retrouver avec une personne qui érigeait le silence en dogme...

La présence se révéla bien vite être celle d'un homme. Mais quel homme ? Elle avait pu ressentir des émanations de chakra à son approche. Cet étranger semblait bien sûr de lui. Pour la Samouraï cela ne faisait aucun doute, c'était un shinobi. Dans son pays on appelait ce genre de personnage un barbare. Aucune éducation, aucune politesse; rien ne permettant une bonne impression. Il était la surprise venant gâcher la beauté du silence et de la tranquillité. Se présenter aurait été la première des choses à faire, mais Yaeko savait que les ninjas avaient une toute autre approche de ce qu'on appelait, à Kögan, la bienséance. Sa main pâle reposait toujours sur le pommeau de son Jintaichi.

En un seul mouvement elle aurait pu lui trancher la tête et le laisser reposer dans un caveau de sable. Mais le méritait il vraiment ? Il ne l'avait pas -encore- insultée, et n'avait porté aucune atteinte à son honneur. Si elle s'était fixée sur les enseignements du daimyo, cela n'aurait fait une très grande différence; celui reposant principalement sur la cruauté; mais bien heureusement pour lui, celle qui l'avait véritablement guidée n'était autre que sa préceptrice, Kumiko. Ainsi elle gardait bien à l'esprit que seul ceux le demandant par leur actes pouvaient mourir par le fer du Samouraï. C'était une sorte de code d'honneur, et Yaeko n'était pas une criminelle. Elle relâcha donc sa prise sur le Katana.

Néanmoins, qu'elle ne veuille pas lui retirer la vie, aussi peu de valeur pouvait-t-elle avoir à ses yeux; ne retirait rien à son agacement face à chacun des mots qu'il avait pu prononcer, et encore plus devant son comportement. Sa première réponse fut un soupir évocateur suintant presque le mépris, tout au moins si un tel sentiment pouvait être transmit par une simple expiration. Elle resta là, plantée, droite; observant l'intrus à son périmètre profiter du feu qu'elle avait quitté pour l'appréhender et dont elle ne pouvait, elle même, plus jouir à cet instant. Cependant, et même si elle avait habitude du froid, ne pas disposer de son kimono ni de son feu lui posait problème.

Elle se résigna donc à se rapprocher, tout au moins assez pour sentir la chaleur des flammes. La bandoulière où était empaqueté son habit et ses victuailles était maintenant à ses pieds. Mais elle ne partagerait rien avec lui, par pour le moment. S'il ne méritait pas la mort, il ne méritait pas non plus qu'elle le nourrisse. Il ne semblait pas affamé non plus, ni mal en point; puis il se déplaçait dans les dunes, seul, dans le noir. N'aurait il pas pu allumer son propre feu à bonne distance de son campement ? Non, c'était le propre des shinobi. Profiter des autres un maximum et imposer leurs règles. Mais Yaeko était une rônin, elle n'avait plus ni maître ni règles; seulement des principes, maintenant.

Après quelques longues minutes de silence animées seulement par le crépitement des branches et brindilles se consumant, passée à l'observer de ses yeux vairons, elle se décida à parler. Puisque le silence n'était pas assez parlant, visiblement...

"Vous êtes grossier. Vous approchez de mon campement tel un voleur, venez profiter de mon feu, tentez de me soutirer ma nourriture et ce face à une femme. Vous ne vous présentez pas et, me demandez mon nom. Vous êtes tous les mêmes..."

Soupira-t-elle à nouveau. Elle défit ses armes en dénouant un simple nœud enserrant une boucle à sa taille, les tout proches de sa main, et s'assit derrière le feu. Une main dans sa sacoche et elle extirpa son kimono aux motifs fleuris, lequel elle passa sur ses épaules. Ensuite, et l'extrait une boule de pain noir qu'elle s'était procurée plus tôt dans la journée, et en arracha en morceau, avant d'en prendre une bouchée. Elle regardait l'homme en mâchant tranquillement. Après une poignée de seconde, elle avala et reprit.

"Vous n'en aurez pas, vous n'êtes pas digne de partager ma table."

Ajouta-t-elle froidement, sur un ton dur. Les flammes dansaient au gré de la brise et des accalmies entre les deux personnages. La lumière chaude éclairait parfaitement son visage, ses yeux, ses longs cheveux et ses deux sabres. Son Jintaichi, un long Katana, et son petit frère, un Chisa, plus petit; reposaient chacun dans leur fourreau en bois d'acajou, noir marqué d'une longue de motif représentant un cerisier 'Japonais' en fleur...

Bon ben celle-là elle n'était pas du genre bavarde. Ce qui était un peu ennuyant dans la mesure où j'avais espéré pouvoir converser tranquillement avec elle au coin du feu. Peut-être lui parler de Kaze si elle se révélait effectivement être une étrangère et éventuellement écouter ses récits en retour. Elle m'aurait offert de la nourriture, je lui aurais fais goûter l'alcool local. Et le tout dans une relative bonne humeur ou une ambiance qui s'en approchait. Mais non...

Je pouvais comprendre sa méfiance ceci dit. Je ne m'étais pas vraiment approché du feu en manifestant clairement ma présence et elle pouvait très bien estimer que je représentais une menace. Elle ne me connaissait pas et n'avait aucune raisons de croire que je ne cherchais pas l'affrontement ou que j'étais ici pour lui créer quelques ennuis. La parole était une chose qui n'avait que peu de valeur lorsque c'était un inconnu qui vous la donnait. Comment aurait-elle pu deviner que je disais vrai et que je n'avais pas une idée derrière la tête? Viol, vol, meurtre... Autant de possibilités qu'une femme devait sûrement envisager lorsqu'elle se trouvait seule dans un désert et qu'un homme l'abordait d'une manière si peu... hum... classique?

Pourtant elle ne semblait pas sans défenses et la manière dont elle tenait la poignée de sa lame confirmait cette première impression. Dès lors, lorsqu'elle fit jouer l'argument de sa féminité je ne pus m'empêcher de me fendre de l'un de mes sourires en coin. À d'autres...

- "Une femme armée jusqu'aux dents..." corrigeai-je sans pour autant chercher le débat à ce sujet. "Mais tu as raison, mes manières laissent à désirer!"

En fait j'avais peut-être trop l'habitude du désert et de ses coutumes. On disait souvent que plus le climat d'un pays était rude et plus ses habitants étaient chaleureux. Un état d'esprit qui se résumait souvent à l'entraide. Quel était l'intérêt d'allumer un feu chacun de son côté alors qu'on pouvait se mettre à deux pour l'entretenir? Mais à nouveau je ne pouvais pas la blâmer d'être méfiante: comme elle l'avait fait remarquer j'aurais au moins pu me présenter au lieu de directement demander son nom. J'aurais pu faire jouer mon insigne de Suna pour exiger qu'elle s'identifie mais ce n'aurait pas été drôle. Et, vu les circonstances, peu constructif...

- "Bon, reprenons sur de meilleures bases alors! Akuzu Shinji, Shinobi de Suna à mes heures perdues! Genin plus précisément mais ça, limite, on s'en fout complètement. Enchanté, donc! Et maintenant je pourrais avoir l'honneur de savoir à qui je m'adresse? Échange de bons procédés, etc..."

Je ne sais pas si ça allait la pousser à partager un peu de ce pain noir qu'elle portait à sa bouche mais j'en doutais fortement. Elle semblait décider à ne pas partager même si je ne savais pas encore si c'était à cause de mon approche ou par simple égoïsme. Voir autre chose... En tout cas d'après elle je n'étais pas digne de partager ce repas frugal - mais repas tout de même - avec elle. Bon ben... tant pis hein?

- "De toute façon ça n'a pas l'air très bon ton truc! J'en veux pas tout compte fait!"

Je retirai mon manteau que je disposai en longueur sur le sable avant de m'allonger dessus, glissant un bras derrière ma tête en guise d'oreiller. La demoiselle s'était également départie de ses sabres et je fis de même avec le mien que je jetai à un ou deux mètres de moi. Assez près pour que je puisse m'en saisir rapidement en allongeant mon bras mais suffisamment éloigner pour que ce geste puisse être interprété comme un désir de ne pas engager d'hostilités. En accord avec mes propos...

Je me redressai au bout de quelques instants de silence pour activer un sceau et récupérer la bouteille d'alcool qui apparut. D'un mouvement maintes fois répété, je saisis son bouchon entre mes dents pour l'ouvrir avant de le recracher au milieu des flammes. Quelques gorgées plus tard je laissai un râle de plaisir s'échapper entre mes lèvres avant de m'allonger à nouveau, tournant la tête dans la direction de la demoiselle pour l'observer avec plus d'attention. Elle était plutôt mignonne dans son genre même si son comportement contrastait avec son apparence.

- "J'imagine que tu ne veux pas non plus me dire ce que tu fais dans les parages? Non qu'au fond ça m'importe réellement mais c'est une manière comme une autre de tenter d'amorcer une discussion pas vrai?" repris-je après quelques instants de silence uniquement brisés par le crépitement du feu. "Et puis je pourrais même te donner de précieux conseils si tu cherches à atteindre une destination précise! C'est que je connais plutôt bien le désert tu vois?"

Quelques nouvelles gorgées plus tard je tendais la bouteille à peine entamée à la demoiselle pour l'inviter à boire si elle le désirait. J'avais déjà une idée assez nette de sa présence mais il fallait parfois de la patience pour apprivoiser un animal sauvage. Le moindre petit geste pouvait compter. Et puis l'alcool avait au moins l'avantage de délier les langues et d'adoucir les moeurs si tant est qu'elle désirait tout de même partager cette bouteille avec moi...

Yaeko restait assise. Elle observait le shinobi face à elle alors qu'il parlait encore plus qu'à son arrivée. Intérieurement, elle désespérait; se demande quand allait il se taire. Elle n'allait tout de même pas devoir le faire taire ? Elle oublia bien vite cette idée, ce n'était pas dans son intérêt en fait. On ne l'y reprendrait plus à venir dans un endroit soit disant désert. La prochaine fois elle se dirigerait vers une bonne grosse agglomération, elle aurait moins de chance de tomber sur un ninja! Enfin, maintenant qu'il était là, elle devait bien faire avec, surtout qu'il disait, donc, appartenir à un village ninja. Forcément, ce village ne devait pas être bien loin. Elle était donc sur leur territoire.

Un brin de lucidité parvenait enfin à raisonner la jeune femme. Pas trop tôt. Alors, ô miracle, elle dénia parler. Bien sûr, avec elle, rien ne pouvait être facile; encore moins avec un ninja.

"Je n'ai que deux katana... Je ne suis pas vraiment armée."

Elle se tut et soupira. Elle se dit qu'il s'agissait sûrement d'une blague. Les shinobi avaient un humour particulier, pour ne pas dire pourri. La Tsukimi, en effet, n'était pas armée jusqu'aux dents; enfin dans son esprit quoi. Pour un samouraï être armé jusqu'aux dents signifie avoir à sa disposition toute son armurerie : Lance, arc, flèches, sabres et autres armes blanches; sans oublier son cheval... Mais là, juste deux Katana. Bon, ça ne retirait rien à sa dangerosité, ni même au taux de mortalité de ses combats, soit total. En effet, ainsi positionnée, elle aurait pu en un mouvement éclair, trancher le crâne de ce ninja sans qu'il ait le temps de joindre les mains et d'utiliser l'un de ses fameux jutsu.

S'il y avait une chose qui distinguait ces deux combattants, c'était bien ça, la vitesse et la précision de leur mouvement à une telle distance.

"Shinji..."

Même son prénom lui paraissait pourri...

"Tsukimi Yaeko."

Dit-elle si froidement que même Yuki passait pour une station balnéaire à côté. Malgré son agacement grandissant, elle reprit.

"Heureusement que cela vous importe peu, puisque je ne fais rien par ici. Par contre, j'ai une question. Comment pouvez dire que ce que je mange est mauvais, si vous ne savez pas ce que je mange ? Enfin, peu importe, je ne vous en donnerai pas. Et surtout pas en échange de vos conseils..."

Dit-elle en croquant à nouveau dans son banal morceau de pain...

Elle se souvint d'Howaito, et dit alors qu'elle aurait presque préféré l'avoir en face d'elle à ce moment plutôt que ce ninja là... Elle savais les shinobi assez spéciaux, mais ce point là... Non, en fait, c'était normal; c'était un shinobi...

Lorsque la jeune femme daigna enfin me donner son nom, son ton était aussi froid que cette fameuse neige dont j'avais déjà entendu parler. Je ne comprenais pas vraiment ce qui la poussait à se comporter ainsi mais il semblait qu'elle avait de sérieuses lacunes au niveau des relations sociales. Yami était un peu du même genre mais elle n'était pourtant pas aussi froide. Celle-ci semblait au contraire refuser la conversation sous toutes ses formes! Une solitaire? Sûrement. Peut-être qu'elle avait vécu dans sa vie quelque chose qui la poussait à se méfier autant des gens et à leur parler de cette manière. Après tout les guerres étaient aussi incessantes que régulière et ces dernières avaient certainement entaché d'une manière ou d'une autre son enthousiasme...

Je baissai mon oeil valide en direction des flammes et j'y noyai un instant mon regard. J'écoutai les crépitements de ce dernier, cette étrange mélodie enflammée qui rythmait le silence glacial qu'elle s'évertuait à maintenir entre nous. J'eus néanmoins une lueur d'espoir quelques instants plus tard lorsqu'elle m'avoua avoir une question. Je reportai alors mon attention sur elle en me demandant si elle était finalement prête à papoter un peu mais je fus bien vite déçu: elle me demanda simplement comment je pouvais affirmer que sa nourriture était mauvaise alors que je n'y avais pas goûté. Elle ajouta qu'elle ne m'en donnerait pas et encore moins en échange de conseils. Je soupirai doucement avant de formuler une réponse:

- "Et bien... Par exemple lorsque tu vois une femme qui ne te semble guère appétissante est-ce que tu as besoin de coucher avec elle pour savoir que tu n'en retireras aucun plaisir? Enfin en ce qui te concerne, un homme? Ben là c'est un peu pareil sauf que tu remplaces le sexe par le goût de ton pain! Et vu sa tronche, franchement..." m'amusai-je.

Je sais, je sais... La comparaison était un peu... étrange! Mais le principe restait plus ou moins le même. Je portai à ma bouche la bouteille d'alcool en me demandant si c'était une bonne idée de boire en présence d'une personne dont je ne savais rien. Peut-être que ça allait contribuer à détendre l'atmosphère ou peut-être que je me mettais davantage en danger. Mais j'aimais jouer avec le feu et prendre des risques inconsidérés, il est vrai...

- "Bon donc si je résume tu t'appelles Tsukimi Yaeko, tu te trouves en plein milieu d'un désert mais tu n'y fais rien et tu as un don inné pour rendre une conversation agréable! Ben tu vois, c'est déjà un bon début! On peut même dire qu'on commence à sympathiser, pas vrai?"

Je me fendis d'un léger sourire en reprenant une gorgée d'alcool avant de me rouler une clope, confortablement installé sur mon manteau. Je la vissai rapidement au coin de mes lèvres avant de l'allumer d'un mouvement nonchalant et reporter mon attention sur la demoiselle:

- "Si tu avais envie de coucher avec moi je peux te dire que tu t'y prends plutôt mal..." glissai-je sur le ton de la plaisanterie. "Et puis de toute façon je ne suis pas un homme facile!"

Oui en fait elle ne semblait pas du tout avoir envie de plaisanter cette étrangère. Du coup ça me donnait encore plus envie de la taquiner. Je me relevai pour tirer mon manteau un peu plus près d'elle avant de m'y allonger à nouveau. C'était sûrement mon esprit de contradiction qui prenait le pas sur le reste mais j'avais envie de l'embêter un petit peu. Gentiment, sans arrières pensées évidemment...

- "Bon alors qu'est-ce que tu dirais d'un petit jeu? Je te pose une question, tu m'en poses une à la suite et ainsi de suite! C'est plutôt correct non? Allez, je commence! Est-ce que tu as l'intention de me tuer si je ferme les yeux?"

J'aurais peut-être pu commencer à la questionner au sujet de banalités mais tant qu'à faire il valait mieux aller directement au coeur du sujet et tenter de crever l'abcès. Je ne savais pas vraiment si sa méfiance se portait uniquement envers les hommes, les habitants de Kaze ou les Shinobis. Mais j'étais du genre têtu et je comptais bien obtenir des réponses ou une piste pour me permettre d'en apprendre plus sur la mystérieuse demoiselle...

Les mots du shinobi la laissaient presque de glace. Elle ne pouvait qu'éprouver un profond désintérêt face à ce genre de personnage et leurs boniments. Observant toujours le feu, la jeune femme intercala néanmoins une quelques mots après sa première tirade. La comparaison paraissait à Shinji d'une logique incontestable, d'ailleurs la samouraï ne pouvait non plus trouver à y redire. Elle connaissait le goût de l'un mais pas de l'autre et le peu d'attirance qu'elle eut cru ressentir pour un membre de la gente masculine s'était estompée assez rapidement pour des raisons diverses.

"Je suppose..."

Le Sunajin continua sur sa lancée jouant d'image et d'un soupçon d'ironie pour s'exprimer. Malgré le dégoût qu'elle pouvait ressentir pour cette catégorie d'êtres humains, elle ne pouvait s'empêcher de lui accorder un minimum d'attention. Yaeko le laissa donc parler, jusqu'à ce qu'il achève son court discours. Sa dernière phrase fut sans doute celle qui méritait le plus une réponse, mais la jeune femme voulait aussi relever la précédente. Dotée d'un fort esprit de contradiction jusque là ténu par ses années passées au château, elle ne put s'empêcher de lui répondre.

"Pas un homme facile... Vous êtes comme tous les autres. Si je vous faisais des avances, nous n'hésiteriez pas un instant..."

Soupira-t-elle. C'était le propre de l'homme, rares étaient ceux capables de dire non à l'appel du charnel. Lorsqu'elle était à Tetsu, au château de Kögan, elle était l'objet, malgré son statut, des convoitises de bien des hommes; d'ailleurs, depuis qu'elle eut mis les pieds dans ce dojo. Elle connaissait leurs comportements, leurs envies et leurs regards. Un seul n'avait jamais laissé transparaître ne serait ce qu'une infime pensée lubrique à son égard : Mugen. Alors, ce shinobi qui s'était incrusté dans son paysage, prêtant déjà un attrait assez prononcé pour certains vices, visiblement; ne pouvait être dénué d'arrières pensées... Enfin...

"Si j'avais souhaité vous tuer, je l'aurais fait. J'ai mon honneur."

Répondit-elle comme si c'était une évidence. Malgré son sale caractère, la jeune femme n'était pas impulsive et réfléchissait quand même un minimum avant d'agir. Même si elle détestait les shinobi, elle ne pouvait pas se permettre de tuer chaque ninja qu'elle croisait. Elle n'ôtait pas la vie gratuitement, enfin, tout dépendait du point de vue que l'onadoptait.

Finalement, elle consentait à jouer au jeu du ninja, même si elle avait perdu tout goût à l'amusement...

"Ma réponse vous convient ? C'est donc à mon tour. Pourquoi avoir choisi de devenir shinobi en sachant tout le mal que vos semblables peuvent faire autour d'eux ?"

Demanda-t-elle d'une petite voix sans lâcher les flammes du regard..

Je me fendis d'un sourire lorsqu'elle me fit remarquer que j'étais comme les autres... Elle avait sûrement raison et tort en même temps temps! Bon allez soyons honnêtes: elle était séduisante et puis son caractère de chameau m'attirait! C'était plus fort que moi malheureusement, j'étais attiré par ce genre de femmes. Et puis l'ambiance un brin romantique procuré par le feu et le sable fin donnaient envie d'expérimenter quelques positions de Taïjutsu avec cette étrangère. Mais je n'étais pas non plus suicidaire et j'avais compris le message: pas touche!

Et puis elle ne comptait me tuer puisqu'elle avait son honneur, comme elle disait! Je ne demandais qu'à la croire mais je n'allais pas me fier non plus à la parole d'une inconnue. Toujours est-il que sa réponse sembla sonner juste et qu'elle me rassura quelque peu. J'étais naze et je n'avais pas envie de me battre pour l'instant! Spécialement pour une broutille aussi insignifiante que le partage d'un feu. Et puis la conversation devenait plus agréable de minutes en minutes. Avec un peu de chance j'arriverais même à arracher un sourire à cette demoiselle. Quoique...

Je lui fis un signe de la tête pour lui confirmer que sa réponse me contentait et lui laissai donc le loisir d'enchaîner à son tour! Sa question ne manquait pas d'intérêt et je me demandai si elle tentait de me faire prendre conscience du monde dans lequel nous vivions ou si sa curiosité était réelle. Je sortis de quoi rouler un joint et restai quelques instants silencieux avant de hausser les épaules:

- "Je ne suis pas ce genre de type qui cherche à changer le monde, y apporter une paix durable ou une connerie dans ce genre-là..." fis-je en préambule. "Si je suis devenu Shinobi c'est pour être capable de causer plus de mal qu'on m'en inflige, pouvoir rendre chaque coup qu'on me donnerait et garder toujours la balance penchée en ma faveur! Le mal qui ronge ce monde, je m'en contrefous pour être honnête!"

Et oui, c'était par pur intérêt... C'était une opportunité qu'on m'avait d'abord imposée mais qui m'avait donné les moyens de certaines ambitions. J'avais avant tout pensé à moi-même au moment de m'engager et non au village ou à ses habitants! On était seul dans ce monde et il fallait apprendre à s'en sortir par soi-même sans compter sur les autres. De ce point de vue là devenir Shinobi avait été une excellente option!

- "Et puis la paie était bonne..." ajoutai-je sur une note plus légère. "Ou en tout cas elle le semblait à cette époque-là!"

Je tirai quelques lattes sur mon pétard avant de rouler sur le dos et observer les étoiles qui jalonnaient l’obscurité de la voûte céleste. On ne profitait jamais assez de ces spectacles placides et grandioses que vous offrait la nature. De ces petites choses qui semblent si anodine et dont on a oublié la valeur. J'observai un instant la fumée que je crachais monter dans le ciel et s'y perdre avant de basculer à nouveau sur le côté pour observer la demoiselle:

- "À mon tour!" m’enthousiasmai-je. "Même si tu sembles perdue au milieu d'un énorme désert tu dois bien avoir un but pas vrai? C'est quoi ton nindô, ce qui te fait avancer?"

Comme qui dirait: donne-moi ton nindô je te dirais qui tu es... Je tentais de faire dans la généralité pour apprendre à cerner la jeune femme que j'avais en face de moi et dont le visage était déformé par les flammes. Et puis avec un peu de chance j'aurais une idée plus précise de qui j'avais en face de moi. À ce propos...

- "Tiens, attrape!" fis-je en lui lançant le joint.

Je souhaitais partager, entre autre. Mais j'avais fais en sorte que l'envoie de l'objet soit soudain et susceptible de la prendre par surprise! Juste pour voir la manière dont elle allait réagir...