Affairé à différentes paperasses depuis un moment, la journée voulait s’accompagner d’un nombre effarant de visites, alors que notre Ancien n’avait décidément ni la patience ni le temps de répondre à chaque question qu’on lui posait. Entre les demandes des Shinobis, les lettres diplomatiques et missives économiques à répondre, les pays qui crient « Révolte » en soufflant dans des cornes du Moyen-Âge, et les attentes des Seigneurs féodaux, on pouvait encore se demander si c’était bel et bien un humain qui se trouvait derrière ce pupitre. Sans doute était-il temps de prendre sa retraite … se retirer dans les entrailles du Clan Samui, et profiter d’un instant de vie et de fraîcheur pour se retrouver.
Mais hélas ! le Ninja ne connaît la retraite qu’à un seul instant : la Mort. Et pour le coup, notre guerrier vétéran n’était pas trop pressé !

Quoi qu’il en soit, le cercle coutumier de la matinée avait été assez régulier et chiant pour que notre homme ne daigne même pas lever les yeux, lorsque le nouvel interlocuteur pénétra dans les lieux. Le Capitaine était trop absorbé par une histoire de conflits entre deux petites communautés, pour une question de démarcation d’un terrain appartenant oui ou non à l’un ou à l’autre. Face à ce genre de situation ridicule, notre homme laissait son regard zigzaguer à de multiples reprises vers ce fameux tampon ; celui qui ne compterait que quatre lettres, mais pouvant mener à une solution radicale et définitive de la question. Se laisserait-il tenter par la chose ?

Heureusement que Kibo faisait son entrée ! Sans le savoir, il venait certainement d’épargner la vie de ses pauvres gens … . Une chance qu’il soit un étranger, et même un délégué d’une autre nation ! Sans cela, jamais notre quinquagénaire ne lui aurait apporté la moindre attention ! Mais étant donné l’origine de ce jeune combattant, notre papy acceptait pendant un temps – Dieu merci !!! – de lâcher les affaires courantes et de se concentrer sur l’aspect actuel des choses. Un Sunajin ? Notre homme avait entendu que certains d’entre eux étaient venus en représentation lors de l’Examen Chûnin ; certainement des curieux désireux de tisser des liens à travers le monde ; ou encore des gens voulant espionner cette nouvelle institution à peine installée dans ce vaste monde ! La récente rencontre avec SunaGakure no Sato avait permis la mise en place d’une Alliance – disons plutôt coopération – entre les différents services … . Restait à voir sur quoi cela donnerait.

Et voilà donc l’un des résultats les moins probants de l’histoire de cette planète ! Une demande en mariage ! Sans qu’il ne puisse contrôler ce réflexe, le regard glacial de notre grand-oncle/père ne put s’empêcher de zieuter avidement le tampon il y a peu désiré. Devait-il créer un dossier, le tamponner illico et expédier les « affaires courantes » ? Restons calme … c’est sans doute une mauvaise blague … ou en tout cas, quelque chose qui n’a absolument aucune chance d’aboutir !
N’ayant presque pas réagi à cette déclaration, le Capitaine de l’Ôda s’autorisait à conserver ce duel de prunelles entre les deux protagonistes. Vas-tu baisser la tête ? Ce simple échange de regards est la première évaluation ! Hors de question d’avoir un merdeux pouilleux caqueteux mêlé à notre illustre Race ! Je m’assurerai de te renvoyer à Suna à coups de pied dans le derche, et je suis sûr qu’en visant bien j’ai mes chances !

La témérité et la bravoure – ou folie … disons plutôt folie ! – du jeune homme semblait prouver la véracité et l’honnêteté de ses intentions. Parce que l’Ancien n’avait pas assez de travail comme ça ?! Il allait devoir s’occuper des prétendants de sa nièce ? Quelle plaie, ce job … . Autant aller chercher les allocations chômage … . Même en supposant que le regard soit ferme, soyons ce qu’il en est de la Confiance et de la Foi … .

~ Si c’est une blague, ce sera le cachot … . Si c’est sincère, ce sera l’incident diplomatique … . J’ignore qui tu es vraiment, mais je ne crois pas que tu aies bien réfléchi à la façon de m’annoncer les choses, gamin … .

Laissant sa tête reposer sur son poing, l’homme à la chevelure blanche et hirsute n’en perdait pas le contact visuel avec son interlocuteur. Ces pupilles d’une bleu glace de banquise auraient transpercées le visiteur, le mur derrière, le reste du bâtiment et trois ou quatre montagnes qui suivent, que ce ne serait même pas surprenant ! Attention, la partie vient de commencer, le perdant finit avec un concombre dans-non, oublions cette fin de phrase … .

~ Je doute que Suna soit assez délaissé et tranquille pour envoyer des puceaux faire la cour à la première venue … . Et je doute encore moins de ma patience à recevoir ce genre de freluquet. Donc, si tu veux bien développer et être prêt à en subir les conséquences … je t’en prie !

Maintenant que le jeune homme avait apporté ses prétendus arguments, un profond silence s’était assis dans la pièce. Les deux hommes se faisaient clairement face, sans sourciller. Attendant sans doute que l’un des deux ne s’effondre. Comme si le vieux crouton allait se laisser écraser ! Il était non seulement chez lui, mais il s’agissait avant tout de son propre Clan ! De sa Race ! A laquelle il avait consacré toute sa vie, son corps, sa détermination ! Il avait regardé vers l’avenir, toujours poursuivi le meilleur, dans le seul but de protéger les Siens contre la Guerre, la Trahison et la Défaite. Après avoir livré tant de batailles, ce n’était pas le mariage qui allait lui arracher des dents !

D’un geste de la main, de façon presque enroulée, il présentait le fauteuil se trouvant face au bureau pour que son invité s’y assoit. Le silence demeurait. Kakeshuou Samui, tout aussi froid était-il, était à explorer la piste et à observer quelques qualités chez ce visiteur inattendu. Il avait les couilles de venir le voir et d’affronter sa colère potentielle. La jeune Yuki Samui l’avait certainement briefé sur son caractère et sa sévérité. En ce sens, et s’il souhaitait réellement intégrer la famille, ce fameux Kibô allait devoir faire preuve d’un certain degré de détermination et de fermeté dans ses attentes et espoirs.

~ Pour l’instant, sache deux choses. La première : il est pour moi hors de question que Yuki soit confiée aux mains et au soin d’une personne dont je ne sais absolument rien. Et hormis ton nom et tes origines … je ne sais rien de toi ! Deuxièmement, je ne suis pas représentant du Clan. Et j’ai beau être un doyen de ma Race, je ne suis pas Chef de Clan. Seule Masayuki Samui, notre leader, est apte à parler au nom du Clan entier … .

Voilà déjà qui annonçait la couleur des choses. Kakeshuou ne comptait ni représenter le Clan, ni s’octroyer une autorité et un pouvoir qui n’était pas le sien. Contrairement à ce que ses détracteurs pouvaient toujours proférer et prétendre, il n’était qu’un Samui parmi tant d’autres ; un Capitaine au cœur de l’Alliance parmi tant d’autres ; un Ninja parmi tant d’autres. Nulle prétention à se dire au dessus des autres lorsque ce n’est pas le cas. Et s’il serait mentir que de dire que notre homme n’avait aucune ambition, ce serait une insulte que de voir en lui un homme dépourvu de principes et de morale. Il était d’ailleurs celui qui en regorgeait le plus … .

Ayant posé sa tête dans le creux de sa main, notre homme affichait toujours ce regard sévère, perçant. Il tentait de déchiffrer les intentions profondes de son interlocuteur. Aimait-il vraiment sa nièce ? Jusqu’où serait-il prêt à lutter pour la protéger ? Ce mariage n’était-il qu’une façade ? Sans doute sa petite-fille cachée avait-elle décidé de lui jouer un mauvais tour ! Ce ne serait pas la première fois … .
Il y avait certainement moyen de tester ces choses-là. Et pour ce faire, le Capitaine de l’Ôda était prêt à poser les questions qui fâchent. Car les deux gamins, dans leur incrédulité navrante, avaient certainement oublié bon nombre de détails !

~ Supposons un instant que je me porte garant et tenant de ce … « mariage ». Et que ce dernier ait lieu ! Qu’adviendra-t-il de votre couple, par la suite ? Tu n’es pas sans savoir que le Clan Samui a toujours basé sa réputation sur son unité et sa dévotion à une cause commune. Cette cause commune porte aujourd’hui le nom de « Shukaï ». Et jamais un membre extérieur au Clan n’a-t-il trahi sa parole … . Qu’arrivera-t-il, dans ce cas ? Emmèneras-tu Yuki dans tes terres, au risque de la priver à jamais de sa famille … ou rejoindras-tu l’Alliance ?

Voilà une question épineuse ! Mais le mariage ne pouvait pas lutter face à certaines questions administra tives. Et si c’était le cas, il ne pouvait en aucun cas lutter contre des notions aussi fortes et implacables que l’Honneur d’un Clan et sa parole. Ce genre de piège était digne du vieux combattant : inattendu, fourbe … et pourtant si limpide !

~ Alors, quelle serait ta décision ! Et tu comprends bien ici qu’il ne s’agit pas du simple bonheur de deux personnes ; mais également d’une alliance en cours entre Suna et le Shukaï ! …

Que le jeune homme se lance dans une présentation rapide était déjà un bon point pour lui. Il avait bien écouté les réponses et attentes de l’Ancien, et s’avisait désormais à les accomplir en apportant plus d’éléments personnels. C’était un minimum ! Sans même parler du papy le plus célèbre du forum, n’importe quel adulte ne marierait pas ses enfants à n’importe qui, qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille d’ailleurs ! Par contre … quel intérêt de me raconter ta vie, mon grand ?! Sans vouloir offenser, tes parents pourraient être vendeurs de beignets dans la province du Groënland que je serais plus impressionné ! Si tu veux véritablement m’apporter un plus qui me mette en confiance, peut-être est-il temps de reposer sur des atouts un peu plus côtés en bourse, non ?

Voilà quelque chose de plus concret ! Un village Ninja … . Celui caché du Sable : c’était déjà un bon point, étant donné les relations diplomatiques partagées entre ces deux Nations ! Après tout, quitte à raffermir des liens, autant faire passer le mariage sur le plan politique, ce serait toujours ça de gagné ! Mais la question n’était toujours pas réglé : on peut faire partie d’un Village, et être un restaurateur dans une petite rue abandonnée, à faire des nouilles sentant le poisson pas frais, pas vrai, Ordralfabétix ? Une unité Spéciale, voilà quelque chose de plus constructif. Visiblement, ce Kibô n’était donc pas un gringalet sans envergure. Sunagakure no Sato avait été pendant longtemps un Village Ninja relativement pacifique ; ne cherchant pas les problèmes. Comme quoi, même dans la paix, on pouvait encore faire des hommes de valeur … . En tout cas, au moins en titre.

Venait enfin le point le plus important ; aussi bien chez un homme que chez un Soldat de l’Ombre. La fidélité ! Mieux vaut en faire une pleine démonstration lorsque l’on veut porter son mariage à terme ! Après tout, c’était quand même la base de ce genre de relation … . Raison précise pour laquelle votre dévoué Capitaine n’a jamais commis cette erreur ! Non pas que le vieux bougre ne pouvait pas garantir sa fidélité à une femme, mais plutôt que cette dernière ne serait qu’un passe-temps, ne pouvant rivaliser avec sa mission. Il avait d’ailleurs plusieurs fois été proposé, mais il préférait se consacrer à ce qu’il faisait de mieux : le Devoir du Shinobi. La Mission.

Passons maintenant aux réponses. Qui étaient … acceptables. Mais tout juste ! Car notre Kakeshuou se tenait comme garant et ultime protecteur de son Clan. Et, en l’occurrence, peu importe le mariage ou non, notre ami ne comptait pas laisser le Clan s’étaler ainsi à travers le monde, et donner naissance à une nouvelle graîne, une nouvelle Race qu’il ne connaîtrait pas, et qui auraient de fortes chances de tourner Nuke-Nin. Les Samui étaient une Race parmi les plus rares ! Une Race d’élite ; qui avait mené maint combat, maintes victoires, et se méritait une place dans le Panthéon des braves. Rien, pas même un mariage, ne pouvait entraver cette splendide histoire taillée dans le cristal le plus pur par les ancêtres … .

~ Je vois que tu es quelqu’un de déterminé. Et c’est tout à ton honneur. Ce serait t’insulter que de te proposer de déserter Suna. Mais comprends malgré tout une chose majeure : c’est également la même chose pour Yuki. Nous sommes des Ninjas, nos corps ne nous appartiennent pas. Et Yuki appartient avant tout à son Clan. Son départ à Suna ne pourrait être compris que comme une désertion … . Et avec notre accord de coopération, Suna nous la livrerait. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que tu souhaites, Kibô-sans-Nom … .

La définition même de « situation épineuse ». Rien ne pourrait mieux convenir. Kakeshuou Samui lui-même ne savait pas s’il pouvait contribuer à cette recherche d’un statu-quo. En vérité, son esprit était déjà ailleurs. Il venait de placer son bras sur la pile de dossiers qu’il étudiait lors de l’arrivée du jeune homme. Et il se doutait qu’il devait rapidement revenir au travail. Tout une histoire, cette rencontre ! Que pouvait-il faire pour abréger cela, sans pour autant jeter son hôte, et en lui donnant une réponse – peu importe ce qu’elle serait.

Toute vie détient un mensonge. Un sourire narquois – presque sadique ! – naquit sur les lèvres de notre ancien combattant. Ce qu’il s’empressa de dissimuler ! mais l’idée, il la gardait à l’esprit, soyez-en sûr ! Voyons voir ce que notre homme penserait de cette proposition … .

~ Je pourrais déjà vous proposer une terre neutre pour le temps de la réflexion, en vous rendant Yuki et toi à Yuki no Kuni, notre terre d’accueil. Là-bas, le Clan vous accueillera. Je n’ai aucune raison de m’opposer à un mariage par principe ; mais étant donné qu’il s’agit de ma nièce, cela vaut au moins une mise à l’épreuve. Qu’en dis-tu …