Tsubaki avait été informée par un des membres du clan Hyô d'une mission intéressante à accomplir, et s'était rendue sur-le-champ dans les plaines Sud de Yu No Kuni. Un groupe de brigands s'était installé dans la propriété d'un riche habitant du pays qui commençait à prendre peur de cette présence inquiétante, et avait rassemblé un groupe de Nukenins errants pour déloger ces malvenus. La jeune femme savait très bien qu'elle ne saurait s'en occuper seule, mais elle comptait bien faire en sorte de diriger l'opération et rafler la plus grande partie de la récompense. La Tsuchi No Serei avait bien fait part d'une manière économe de remplir cette tâche, mais comme on pouvait s'en douter, son hôte avait refusé catégoriquement. Le meurtre n'était pas dans ses habitudes, et elle n'y recourait jamais, en tant que ninja médecin. Seule l'esprit y considérait une option envisageable. Mais ce n'était pas elle, ce n'était pas ses méthodes, elle agirait autrement. Et elle allait gagner.

Elle parcourait les montagnes par lesquelles tombaient les durs rayons d'un soleil estival, réchauffant les champs et les vallées. Sa lumière même semblait faire briller l’herbe verdoyante qui poussait sur le flanc des monts, prodiguant vie et santé à la nature. Les branches des arbres ployaient légèrement sous la douce brise d’Eté qui soufflait doucement dans les plaines célestes. Les fruits mûrissaient magnifiquement, cette année, vifs et pleins de couleurs, ils ne donnaient qu’une envie à qui les regardaient : les manger sur-le-champ sans laisser le temps à leur porteur de perpétrer son espèce. Aussi Tsubaki se laissa aller et cueillit une poire qui, sous sa dent, se révéla juteuse et pleine de goût. Cet arbre-ci n’avait pas l’air d’appartenir à quelque verger, ainsi décida-t-elle de se permettre de récolter plusieurs de ces trésors pour en manger au fil de la route. Mais voilà que la fatigue venait à se faire sentir, après quelques heures de course et de marche. La kunoichi se cala alors à l’ombre d’un chêne qui dominait aisément ses congénères, et décida de lire pendant une petite heure un ouvrage de biologie qu’elle avait trouvé dans sa chambre et pris avec elle pour la route, afin de s’occuper dans des moments comme celui-ci. Le contenu portait sur les transmissions pathogènes, et traitait tant sur leurs origines que sur les moyens de les soigner, mais ce n’était pas un enseignement Ninjutsu : seule ici comptait la nature et ses bienfaits, dans les fleurs, les racines, les sèves, les feuilles. Tout dans un être vivant était source de survie dans ce monde pouvant se montrer hostile. Aussi prit-elle soin de lire et retenir le plus d’informations possibles dans le temps qu’elle s’était accordé. Ses connaissances pouvaient se trouver utiles en cas de nécessité lors d’un voyage ou d’une mission. Une fois cette science acquise, elle se remit en route, croisant le fer avec le doux vent chaud qui fonçait sur son visage, et admirant les paysages montagnards qui se dressaient à ses côtés, jusqu’à la sortie de la chaîne majestueuse.

Elle aperçut alors ce qui devait être le domaine dont on lui avait parlé. Il faisait bien un kilomètre de long sur sept cents mètres de large, et s’étalait en exposant vergers, champs et un petit début de forêt tout au Nord. C’était là qu’un campement avait pris place, et, d’après ce qu’elle voyait de là où elle se trouvait, la jeune femme pouvait en déduire que les campeurs n’étaient pas les propriétaires du terrain, détériorant, ravageant les terres qui ne leur appartenaient pas. Au plus proche d’elle se trouvait une magnifique résidence en bois sombre et en pierre taillée, qui lui semblait plus être la propriété du client. Elle se présenta à la porte comme une shinobi souhaitant aider le groupe de Nukenins à prendre d’assaut les bandits. On la fit entrer, et, sous les regards des ninjas déjà présents, on l’emmena voir le fameux propriétaire. Elle n’eut que faire des formalités et se présenta le plus brièvement possible, avant de demander, sans laisser le droit de réplique au vieil homme (ou du moins, à ses yeux, qui semblait vieux, bien qu’il n’eut que dans la cinquantaine), les avantages dont disposait le terrain. Son interlocuteur, ébahi par son sens du direct, et ne voulant contrarier une femme pour rien au monde (encore moins que les bandits qui se prélassaient à ses portes), lui apporta nombre de plans et de documents pour lui expliquer les caractéristiques des terres. Sous la propriété se trouvait un réseau de galeries qui permettrait d’atterrir, si l’on pouvait dire ainsi, quoique le mot émerger eut été plus acceptable et adapté aux circonstances, sous et derrière le camp des bandits. Il s’agissait auparavant de tunnels que ses parents, dans leur jeunesse, avaient creusé pour se divertir dans pareille étendue de terre, alors que leur parents respectifs habitaient de part et d’autres du terrain. Tsubaki eut un sourire de tendresse à l’écoute de cette anecdote, mais ne fit aucune remarque. Elle se proposa par la suite de mener le groupe à l’attaque, et se présenta aux ninjas errants qui se préparaient dans la maison et le jardin, à partir en direction du camp ennemi.

Elle n’eut droit qu’à des regards incrédules et des chuchotements qui semblaient être en opposition avec ce qu’elle venait de déclarer. Elle dut attendre quelques minutes de réflexion chez la bande de Nukenins avant que l’un d’eux ne se décide à prendre la parole.

La jeune femme prit le temps de réfléchir à ce qu’elle venait d’entendre. Quelques variables embêtantes s’étaient ajoutées à l’équation, et changeaient quelque peu la donne, comme on pouvait s’en douter. Même l’avantage sous-terrain n’avait pas été suffisant pour renverser le fameux groupe de bandits. Elle était en train d’élaborer une stratégie lorsque le propriétaire vint faire une annonce à tous ceux qui avaient répondu présent à son appel et étaient restés malgré la première défaite. Il informait les autres de ce qu’il avait appris quelques minutes plus tôt à la jeune kunoichi quant aux galeries, ce dont les ninjas ne semblaient pas au courant jusqu’alors, et leur annonçait qu’il donnait carte blanche à tous afin de virer cette bande de sauvageons de ses terres, quitte à les abîmer quelque peu. Après tout, il était riche, et rien n’était irréparable. A peine avait-il fini que nombre de murmures parcoururent l’assemblée, et Tsubaki, jusqu’alors paupières closes, ouvrit les yeux (si une telle expression peut s’avérer correcte) et déclara :

Le premier groupe attendait, caché dans les champs de blé encore intacts, observant les bandits qui ne semblaient pas s’inquiéter d’autre offensive que celle qui avait été faite quelques jours plus tôt. Ils festoyaient et chantaient joyeusement, dans un fracas épouvantable qui résonnait dans la tête de qui s’approchait à deux cents mètres du campement. Nul n’avait envie d’entendre plus cette bande de crétins s’amuser au détriment du propriétaire de ces terres, aussi les shinobis attendaient-ils avec impatience le signal de départ pour l’attaque. En attendant, il fallait prendre son mal en patience et essayer de rester le plus discrets possible.

Pendant ce temps, le groupe que dirigeait Tsubaki s’approchait du camp par la voie souterraine. Elle se sentait plus chez elle dans ces galeries, bien qu’elle soit originaire d’un village montagnard. Peut-être était-ce à cause du QG de l’organisation. C’était sûrement ça, mais elle n’avait pas le temps de s’en occuper. Elle avait des choses plus importantes auxquelles penser. Elle se trouvait sur un territoire encore inexploré personnellement, et pour éviter tout problème importun, ses troupes avançaient dans un lieu obscur, non éclairé. Elle avait cependant un bon sens des distances, ce qui lui permettait de se diriger correctement dans ce désordre de tunnels, de trous, de terre et de roche. Un des hommes qu’elle avait nommé pour la mission comme un de ses lieutenants, un de ses fous, tenta néanmoins de lancer quelque discussion au cours du parcours, en vain. Rien ne semblait intéresser la kunoichi. Elle gardait une expression grave et concentrée pendant leur progression, bien que personne ne puisse la voir dans les ténèbres omniprésentes dans le conduit. Elle avait une tâche, une mission, un groupe à mener, et elle n’avait pas le droit à l’erreur, sans quoi nombre d’hommes perdraient inutilement leur vie.

Son plan était simple, elle devait, avec une petite équipe, parcourir les galeries et infiltrer le terrain ennemi. Après cela, ils avaient charge de semer la zizanie dans les rangs des brigands pendant que le reste des shinobis rappliquaient illico presto du champ où ils étaient dissimulés. Ce plan avait été rendu possible grâce à une information qui avait été apporté dans la demeure : les bandits ne comptaient pas dans leurs rangs un individu doté de pouvoirs sensoriels. Aussi ne pourraient-ils pas être en mesure de savoir qu’ils allaient être envahis par le bas. Le soleil commençait déjà à chuter de son piédestal bleuté, cherchant quelque courtoisie chez la Terre mère alors que la Lune le remplacerait par la suite dans l’océan céleste. Ils devaient agir vite. Une fois la nuit tombée, ils auraient certes l’avantage de l’obscurité, mais la sécurité du camp risquait d’être renforcée.

Ils n’eurent pas si longtemps à avancer avant d’arriver sous le campement, d’après les estimations de Tsubaki, qui arrêta le groupe afin que tous se préparent aux combats qui allaient suivre. Elle annonça qu’en tant que médecin, elle n’allait pas être très utile en combat, mais qu’elle pourrait prodiguer des soins aux blessés. Elle se tourna vers son lieutenant, toujours plongés dans le noir, et lui ordonna d’entrer dans la phase suivante de l’opération. Il leur ouvrit donc le passage grâce à un sort Dôton, et le groupe fit son apparition derrière une grande tente, qui se trouvait aux environs du grand feu de camp duquel émanait une odeur de viande grillée qui chatouillait les narines de quiconque se trouvait dans les parages. Ils n’avaient fait aucun bruit, ne voulant pas attirer tout de suite l’attention. La jeune fille fit un signe à deux ninjas qui évoluèrent silencieusement et discrètement dans le campement afin de déposer ici et là des notes explosives dont Tsubaki avait fait l’acquisition plus tôt. Celle-ci ferma alors les yeux et se chargea de demander de l’aide à l’esprit de la Terre dans un premier temps des combats. Elle n’était pas très forte, bien que précise, et n’arrivait pas à se décider à tuer les gens, mais savait que son invitée ne répugnait pas à le faire. Sur quelque remarque taquine sur sa finale décision de la laisser tuer, l’esprit prit sa place de commandant du corps. Elle ouvrit les yeux, et, une fois les deux compagnons revenus, elle prit un kunai auquel était fixée une note explosive, et le lança dans les airs. Alors qu’il avait atteint le sommet de son ascension, elle joignit les mains et le fit sauter, indiquant à l’autre groupe le signal d’attaque.

La suite se passa très rapidement : les deux shinobis firent eux aussi exploser leurs parchemins et un désordre se forma parmi les troupes ennemies. C’allait être le chaos dans ce campement de criminels, et elle allait devoir faire attention pour ne pas y laisser de plumes. Elle resta toujours près de son fou, qui lançait armes et sorts Ninjutsu sur les ennemis qui se pressaient pour venir à la rencontre des infiltrés pour leur faire la peau. Tout d’abord, ils n’eurent qu’à gérer les humains normaux, mais virent ensuite les shinobis, qui firent eux aussi voler leurs Jutsus. Le combat faisait rage alors que les effectifs principaux entraient dans le camp, faisant tomber toute résistance, éliminant chaque criminel qui tentait soi de se défendre, soit de fuir en faisant le maximum de dégâts possible. La kunoichi lançait quelques kunais et explosifs sur ses adversaires, visant les organes vitaux et les structures sensibles des bandits, s’éloignant quelque peu de son lieutenant. La bataille était à l’avantage du groupe de la jeune femme jusqu’à ce que, rejoignant son camarade, elle vit celui-ci exploser sous ses yeux ébahis. Ses membres volaient en éclats alors que son sang brûlant l’éclaboussait, pétrifiée par la surprise et la terreur devant ce qui venait de se produire. C’est alors qu’elle le vit se dessiner à travers la fumée : le fameux « Jônin » ennemi, qui, explosifs dans les mains, avaient encore les mains jointes dans le signe du tigre, la mudra du feu. Il enroula ses parchemins autour de kunais qu’il lança sur ses côtés, avant d’effectuer à nouveau un sort Katon qu’il expulsa en direction de Tsubaki, dont les deux esprits assemblés avait anticipé le mouvement et s’étaient sortis de torpeur afin d’éviter de justesse la boule de feu qui fonçait vers elle en y faisant exploser un de ses propres parchemins, l’explosion coupant toute réserve d’oxygène à l’embrasement. Sachant pertinemment que ce coup de chance serait son seul et unique, elle se précipita vers le tunnel, dans lequel elle plongea, sous les projectiles ennemis qui pleuvaient sur sa tête.

Au-dessus d’elle, les sorts étaient invoqués à tout bout de champ, cherchant l’extermination de l’adversaire, la victoire de son équipe. Les explosifs venaient à manquer, et, à la place du concert tonitruant des explosions, on entendait les gémissements des blessés, qui appelaient à l’aide dans leur agonie, ayant perdu un membre quelconque. Mais elle ne pouvait rien faire pour eux si le shinobi d’élite restait à lui barrer le passage. Elle s’enfonça dans les galeries, alors que nombre de ninjas alliés comme opposants y débarquait, provoquant quelques éboulements et combats incessants, couvrant son retrait dans l’obscurité protectrice.

Tsubaki avait quelque peu honte de fuir devant un ennemi, mais il fallait dire que celui-ci était de taille, et elle ne saurait le battre seule, elle était à des années-lumière d’un niveau pareil. Elle devait battre en retraite. Elle explora le réseau qui s’étendait devant ses yeux aveugles, recherchant quelque faille, quelque cavité pour se réfugier un moment de cet affrontement. Elle palpa la surface rocheuse de la caverne, découvrant des filons de ce qu’elle réussit, par l’odeur, à identifier comme du magnésium. Cette substance pouvait détonner si elle était enflammée au bon endroit au niveau de sa veine. Cela pourrait provoquer un bon éboulement qui fermerait le passage dans les galeries. Mais l’esprit de la Terre avait une autre idée derrière la tête.

Les esprits des deux êtres se faisaient face dans le cerveau de la kunoichi, exposant des arguments que l’autre déroutait aussitôt, recherchant la raison infaillible qui ferait pencher l’autre en sa faveur. Aucune ne semblait vouloir ployer sous le discours de son opposante. Les combats physiques, pour elles, avaient cessé, et venait l’heure du duel mental. Celui-ci dura quelques minutes pendant lesquelles nombre de ninjas tombaient à la surface, tués dans chaque camp en grands effectifs, alors que le redoutable guerrier tenait encore debout, prêt à massacrer quiconque venait le défier par audace, courage, ou simple stupidité. Le soleil commençait déjà à atteindre les limites de ses heures de fiers services, et le ciel se teintait de couleurs qui, contrairement à l’ordinaire, n’appartenaient pas aux nuances d’or, mais bien à l’écarlate palette du rouge sanguin, comme pour symboliser l’ambiance des lieux. C’est alors que la Serei prit un ton doux et désolé :

La fleur ne pouvait qu’entendre raison, à présent. Elle savait que rien d’autre n’était envisageable, rien ne pouvait être fait autrement. Elle laissa les rênes de son corps, encore une fois, et celui-ci, sous les ordres de l’esprit, se mit à attaquer la roche, cherchant le cœur du filon de magnésium. Elle tailla longtemps, peut-être un quart d’heure, passé sous les sons des explosions et des cris apeurés des hommes qui se battaient plus haut. Elle creusait, fendait, taillait, perçait, jusqu’à arriver à une cavité d’environ sept mètres cube. Une odeur la surprit immédiatement. C’était un gaz explosif, extrêmement inflammable : du méthane. Elle sut tout de suite ce qu’elle avait à faire, soulagée de finalement avoir les ressources disponibles pour nettoyer ce chantier, contrairement à ce qu’elle avait pensé plus tôt. Avec ça, l’explosion n’en serait que plus retentissante. A une vitesse stupéfiante dans ces circonstances, elle attrapa une grosse gemme qui se trouvait dans son sac, et lui colla trois parchemins explosifs. Elle lança le tout dans la cavité et détala dans les boyaux en direction de la résidence, ne se souciant plus des bruits incessants de combats et de morts. Elle provoqua un léger éboulement pour boucher le conduit, et, une fois suffisamment loin, elle joignit les mains et provoqua la détonation de ses notes. Le cristal céda devant la puissance de celle-ci, libérant son énergie thermique, qui, couplée à l’embrasement des parchemins, mit feu au gaz, ce qui provoqua une explosion stupéfiante qui ébranla les terres sur plus d’un kilomètre de distance. Vue de la surface, ladite explosion était spectaculaire, provoquant des montées de flammes blanches et rouges qui dégageaient une épaisse fumée noire. Le campement avait entièrement été vaporisé, et l’on observa que pas un ninja ne survécut. Aussi, lorsque Tsubaki se présenta à l’entrée de la maison, on fut très surpris et lui demanda des détails sur les faits qui venaient de se produire. La kunoichi resta discrète, déclarant simplement que tout était terminé et qu’elle souhaitait prendre congé en recevant sa récompense. Sa part fut bien plus grande qu’elle n’aurait dû l’être, compte tenu de tous les gens qui s’étaient pressés antérieurement dans le domaine, mais qui n’étaient à présent plus là pour demander la leur. La fleur ne prit pas la peine de compter l’argent et s’en alla dans les montagnes en direction de la base. L’esprit de la jeune femme reprit alors le contrôle de son corps, et, à peine ceci fait, de nombreuse larmes coulèrent sur ses joues, formant un torrent argenté qui traînait derrière elle sous la nuit qu’éclairait l’astre lunaire.