Malgré la pénombre, les pas de Yoko trouvèrent leurs chemins. Elle l’avait fait tant de fois, que désormais, son corps s’y laissait conduire par une force surnaturelle. Ses jambes étaient guidées machinalement, attirées comme une abeille vers son miel. Un étrange pouvoir attractif, le comble pour une Kadoria. Une fois arrivée à destination, ses pieds cessèrent de vouloir s’échapper, et prenaient enfin racine. A quelques centimètres, se présentait Tsuku Yoshida, ou plutôt sa dalle funèbre. Yoko s’accroupissait pour tâter le marbre de ses genoux, et posait ses mains dessus. Elle regarda la pierre un instant, puis s’attarda sur le portrait qu’elle avait prit soins d’entreposer. Songeuse, elle pensait à celui qui fut son fiancé, et aux moments passés en sa si belle compagnie. Elle releva la tête, puis vit l’épitaphe, soudainement éclairée par l’éclat de la lune, jusqu’alors dissimulée derrière les nuages. L’inscription du tombeau, colorée par un rouge lunaire, marquait « Yoshida Tsuku. -25 — 6 », comme pour la faire revenir a la dure réalité. La teinte rougeâtre rappelait l’essence de la vie mais aussi de la mort du liquide aux effluves ferreux.

La veuve voulu terminer de se recueillir sur la tombe de son bien-aimé, mais un bruit saugrenu l’en extirpa. Un tir. Une autre lumière vint plonger la blonde dans cette atmosphère fantomatique. Une fusée de détresse. En tendant l’oreille, elle entendait le fer se croiser et résonner. Quittant rapidement le cimetière, elle pénétra dans un quartier de clan par les airs. Postée sur un toit, elle pouvait voir que dans l’enceinte de celui-ci, le combat faisait rage. Deux groupes bien distincts semblaient s’opposer. Des ninjas de Kumo, et de mystérieux hommes maquillés et arborant sur leur joues le symbole du F. Le même que celui des Furyou ! Des traîtres, assurément ! Prenant la précaution de faire terrain sien, elle éparpilla un peu partout des kunais. Elle sauta alors en plein milieu du conflit avant d’enchaîner plusieurs cibles au corps à corps, qui paraissait dépossédées de leurs mouvements. Des gouttes noires entachaient le visage de Yoko, avant qu’elle ne réalise par la chaleur du liquide que c’était du sang. L’affrontement était bien plus long à vivre qu’il ne l’était vraiment, mais il était intense de par ses fronts multidirectionnels.

Rapidement, il fallut a la kunoichi assurer ses arrières, et pour cela, rien de tel qu’un compagnon d’arme. Un homme au fond réussissait à déjouer les ennemis plus facilement que les autres. La Kadoria décida de former duo avec lui. Ensemble, ils firent des merveilles. Les ennemis apprirent à se méfier d’eux, et le champ de bataille se structura, ainsi que leurs offensives. De plus en plus dangereuses, l’un d’entre elle finit par être mortel au dénommé Mugetsu. Dans son agonie, il emporta avec lui la plupart des rebelles, déstructurant complètement leurs organisations. La blonde en profita pour porter un coup rapide et puissant qui mit hors combat tous ceux qui étaient encore debout. En reprenant son souffle, elle cherchait du regard le corps de Mugetsu parmi l’hécatombe. Tout le monde s’était entre-tué. Il ne restait pour survivants que Yoko et son compagnon qui respirait en mourant. S’approchant de lui, elle vit ses lèvres se mouvoir quelque peu. A ses côtés, elle se pencha au-dessus de lui, son oreille collée a sa bouche.

L-la salle des trésors... M.. M-ma.. So..e..

Plus aucun son ne sortait des lèvres de Mugetsu, et son souffle chaud s’était tué sur la joue de Yoko. Il ne respirait plus. La trentenaire se relevait et marchait vers les résidences, sondant tous les couloirs et les pièces pour retrouver cette fameuse salle des trésors, dont elle ignorait totalement sa position. A force d’investigation et de persévérance, elle tomba finalement dessus. Par terre, deux adolescents étaient mort au même endroit. La Kadoria, elle aussi utilisatrice de sceau, reconnu que le lieu se prêtait parfaitement a un piège. Elle observa les coins et finalement ceux et celles qui se trouvaient devant elle. Ils étaient tous apeurés.

C’est fini , Tenta-t-elle de les rassurer.

Les renforts sont arrivés trop tard… Suivez-les quand ils seront arrivés. Mes condoléances, soyez courageux.

Le couloir avait une ambiance macabre. Pendant un bref instant, les premières syllabes de Yoko avaient portées confusion parmi les enfants. Certains croyaient en leurs derniers instants. Rapidement, ils furent rassurés en s’apercevant qu’elle évoquait la bataille. L’atmosphère se détendit, ce fut presque imperceptible, mais leurs visages qui passaient au fur et à mesure de la peur aux déchirements, resteraient gravés dans la mémoire de Yoko pour encore de très longue année. Il n’y avait que la blonde a la balafre ; c’était justement ça le souci. Comment cela se fait que les autres n’étaient pas la. Pourquoi était-elle seule ? Voila ce que se disait la petite jeunesse. Chacun réalisait le cauchemar. Chacun affrontait la triste réalité. Chacun vivait ses tourments et ses peines. Puis, chacun s’écroulaient. Impuissante, la Kadoria serra les poings, en maudissant les coupables. Pestant contre ces insectes qui avaient eu la faiblesse de céder leurs âmes a ses plus puissants ennemis. Elle avait reconnu la marque : celle des Furyous.

Eux qui infligeaient a nouveau désolation et désespoir, elle les haïssait. Les petits Hommes flanchèrent, et extériorisaient la douleur par un chagrin qui prenait au cœur de la Kunoichi. Touchée, elle contemplait la force avec laquelle une jeune fille se redressait, tout en retenant ses sanglots en silence. La laissant se saisir d’une bribe de sa veste, elle l’écoutait avec attention entre ses spasmes émotionnels. La femme de trente ans restait silencieuse, elle voyait bien que la petite souhaitait encore parler. Alors elle lui prêtait oreille, avant que ça ne soit à son tour. Yoko n’était pas très forte dans ces désastres. Elle-même en avait subi un, et ne s’en était jamais entièrement remise. Elle n’était pas celle qui pouvait les conforter comme elle aurait aimée le faire. Mais elle était aussi dotée d’un fabuleux instinct : elle savait toujours comment agir. S’agenouillant à hauteur de l’orpheline, elle l’embrassa de ses bras avant de la hisser vers elle.

Vous êtes tous en sécurité maintenant. Il me reste une dernière chose à accomplir avant de vous emmener dehors.

Sur cette phrase, elle composa les mudras du Kage Bushin dans le dos de sa protégée. Lorsque le clone apparut, il hocha la tête avant de s’exécuter en disparaissant. Yoko désirait dégager les corps des défunts. Elle rejetait la simple idée que les enfants voient les cadavres de ceux qui chérissaient dans cet état. S’en débarrasser, les nettoyer, les sceller. La veuve se remémorait le corps froid de son amant, sans vie, salit par le sang et les cendres. Tous les matins en se levant, tous les soirs en se couchant, à chaque fois qu’elle se retrouvait seule ou dans un lieu imprégné de son amour, cette image revenait la hanter. Jamais elle ne ferait subir pareille atrocité à des gens si jeunes. Pour la première fois de la soirée, elle avait le pouvoir d’influencer sur les événements, d’atténuer le traumatisme, et elle l’utiliserait. Se sentant à nouveau forte, elle tendit les bras à tous les autres en déclarant :

Venez. Tous.

De cette invitation, naquit un câlin groupé. Le premier soutient leur était offert bras ouvert. Réconfort, soulagement, lamentation faisait vivre cette minute intensément, et la rythmait. Ils étaient désormais seuls entre eux. C’était tout ce qu’ils leurs restaient ; ils devaient rester unis. Du coin de l’œil, la trentenaire vit sa réplique revenir, escortée par des membres du Satoru. Ayant accomplit ses buts, le clone s’autodétruit dans un petit nuage blanc. L’unité spéciale de Kumo garda le silence, n’osant pas interrompre la scène qui se déroulait. De plus, son duplicata avait dû raconter tout ce qu’ils devaient savoir, et avait dû remettre les parchemins qui enfermaient la totalité de l’affaire. Il était temps.

Allons-y. Nous pouvons sortir désormais.

Le petit groupe traversa le couloir, sortit du bâtiment, puis atterrit dans ce qui était le champ de bataille. Tous les corps avaient disparus, mais le sang n’avait pas pu être nettoyé. Malgré la nuit, on pouvait voir des traces noires joncher le sol et les murs à tout endroit. Le silence était révélateur. Il suffisait à dévoiler la vérité. Les descendants du clan l’avaient déjà sûrement comprit, mais personne ne s’en était tiré vivant. Le simple comportement de Yoko à n’en jamais parler, à éviter le sujet, ainsi que sa seule présence avaient dû leurs mettre la puce a l’oreille. Plusieurs mètres se déroulaient, alors que la Kadoria laissait ses mains sur les épaules des deux jeunes filles qui se trouvaient à ses côtés. Le frère de l’une d’entre elle avait, en partie, permis a Yoko de ne pas avoir un combat trop difficile dans lequel elle aurait pu y rester elle aussi. Seulement, son rôle s’arrêtait là. La blonde fut forcée de prendre congé, les renforts prenaient le relai. Elle demanda à ce que l’on s’occupe bien d’eux, avant de les saluer et de leur dire d’être fort. La vérité, c’est qu’elle aussi avait également besoin de repos. Elle s’en alla donc. Au premier carrefour, elle s’éclipsa sur le côté.

Plus loin, appuyée contre le mur, yeux fermés, elle poussa un soupir troublé.