Un retour bien amer [Yanosa sensei]

L'île. Les furyous. Je les hais, tous autant qu'ils sont. Ils m'ont tout prit. Tout ce que j'avais. D'abord Kiri. Puis ensuite mon frère. Par deux fois. D’abord en lui faisant un lavage de cerveau. Et ensuite en me le prenant carrément. Et même mon sensei, allongé dans son lit d’hôpital. Debout dans la pièce, je veille sur lui. Il est simplement inconscient, lui je vais le récupérer. Mais il a bien failli perdre son ouïe. Je serre les poings. J'ai été complètement inutile. J'ai même pas été capable de sauver mon propre frère.

Tout comme j'ai été complètement inutile lors de la destruction de Kiri. De toutes façons, je ne suis déjà pas capable de me sauver moi. Alors quelqu'un d'autre... Là, tout ce que je veux, c'est une bonne bouteille d'alcool. J'ai envie de boire jusqu'à oublier tout ça. Jusqu'à ne plus être consciente de rien. Jusqu'à oublier que le dernier geste qu'a eu mon frère envers moi, c'est de me faire un genjutsu. Qui n'avait rien d'un entraînement. Son regard était complètement différent.

On frappe à la porte. C'est une infirmière qui vient voir comment il va. Elle surveille ses constantes. Je lui explique qu'il n'a pas bougé depuis sa dernière visite. Elle me regarde mais ne dit rien. Je l'ai déjà envoyée balader tout à l'heure, alors elle ne s'y risque pas de nouveau. Non, je ne rentrerais pas me reposer. Pour aller où, de toutes façons ? Chez moi ? Chez mon frère ? La bonne blague ! Elle repart et nous laisse de nouveau seuls. Oui, seule. Je commence à en avoir l'habitude, après tout. Il me reste pourtant encore une personne.

Le guerrier rouge a de nombreux bandages. Mais à part ça, il devrait aller bien. Enfin, si un sensei peut se sentir bien après la perte d'un de ses élèves. Est-il vraiment perdu ? J'espère que non ! Je ne pense pas qu'il y aura d'équipe de récupération, cette fois ci. Vu que la première a perdu un membre... Je regarde par la fenêtre. Bordel ! Je ne veux pas me retrouver seule de nouveau ! Et je ne peux pas y retourner. Toute seule, c'est carrément du suicide...

Mais quoi faire, alors ? Rien ? Je ne peux pas rester ici les bras croisés pendant que mon frère est resté sur cette île de malheur ! Cette saleté de caillou flottant ! On aurait mieux fait de ne pas y aller. Non, je ne peux pas penser ça. Sinon, on aurait pas pu ramener les autres. Le reflet sur la vitre me montre mon visage fatigué. Ainsi que des larmes.

Et voilà que je chiale, maintenant. C'est pas vrai. Je sers vraiment à rien. Pas étonnant que je sois encore genin, après tout. Il aurait peut-être mieux valu que ce soit moi qui reste là bas, et que mon frère soit ici. Je m'essuie d'un revers de bras. Heureusement personne ne m'a vue. Je me retourne vers Yanosa. Ha, en fait si. Depuis quand il est réveillé ? Pourvu qu'il n'ait rien vu... Je me dirige vers lui.

- « Yanosa sensei ! »

Je tousse un peu pour faire passer cette voix brisée. Puis je reprends la parole.

- « Comment ça va ? »

Je prends place sur le siège présent à côté de lui, et attend sa réaction.

Douleur. Peine. Lâcheté, de ma part. Durant tout le trajet jusqu'au continent, puis même après lorsqu'il s'agit de rejoindre la capitale, je n'aurais trop su dire si ma semi-conscience était simplement due à l'effort intense auquel j'avais du consentir et aux douleurs extrêmes qui me parcouraient de part en part, ou plutôt si j'avais refusé de me réveiller de ce cauchemar. Un cauchemar qui était pourtant la dure réalité. Nous étions parti à trois et étions revenus à cinq... Une équation tout à fait satisfaisante sur le papier, pour une mission de sauvetage, si l'on exceptait le fait que l'un des trois premiers membre était en réalité resté sur le carreau. C'était encore plus difficile à accepter et laissait un goût d'autant plus amer qu'Arekushi, s'il ne s'était pas sacrifié, nous aurait tous condamné... Non, à la place, il nous avait tous sauvé, sauvé d'une île surnaturelle et complètement détraquée, sur laquelle les morts ne l'étaient plus et où aucune règle ne semblait avoir cours, sauf celle de la survie.

A peine avais-je donc rouvert les yeux sur le trajet, trop meurtri dans ma chair et dans ma tête, me laissant transporter par ceux qui étaient capables de me porter et ressassant dans mon inconscience ce que j'aurais pu, ce que j'aurais du faire... Mais impossible de trouver une solution, encore moins dans cet état. Une fois entre les mains des médecins, une étrange routine... Une succession d'onguents, de soins, d'opérations fines et d'injections que je ne fus même pas en pouvoir de refuser. Je tanguais, d'un côté puis d'un autre, dans une succession d'états transis et entre deux eaux. Et pourtant, rapidement, je me mis à sentir une aura familière à mes côtés, patrouillant sans cesse, tournant autours de moi et ne me lâchant pas d'une semelle. Il fallut des heures -des jours?- avant que je puisse identifier clairement de qui il s'agissait. Asuka...

Aurait-elle voulu me faire du mal que cela ne m'aurait pas étonné outre mesure... Je lui avais promis de ramener son frère, j'avais pris sur moi de ramener tout le monde, et j'avais échoué... lamentablement. Et pourtant, une telle violence, une telle volonté de revanche sanglante, je ne la voyais pas en elle... Ou, en tout cas, pas dirigée contre moi. J'en eus la confirmation lorsque, finalement, passant outre les calmants chargés d'atténuer la douleur, je parvins à me réveiller de façon nette. La petite était inquiète, soucieuse... et surtout chargée de chagrin.

« Asuka... Je.. vais bien... Asuka, ton frère... Je ne sais pas.. comment... »

Je détournai les yeux vers la fenêtre, où se profilait le crépuscule orangé et froid de l'automne, ne pouvant pas trouver des mots assez justes. J'en étais incapable.

« Il a... sacrifié sa vie. Sans lui, sans... ce qu'il a fait, nous serions tous morts là-bas, engloutis... Il tenait à toi, Asuka. Et, je me rends compte... que mes mots ne sont d'aucun réconfort... pour qui que ce soit... »

Qu'importait la douleur, qu'importait la ruine, mon corps appelait à la fuite, voulait partir loin de ce creuset de convalescence, s'exiler loin de cette peine. Je me levai donc péniblement et pourtant avec vivacité, laissant échapper un râle obscur de souffrance refoulée avant que mon manque de volonté ne me rattrape, faisant flancher mes jambes.

* Tu as ma force, et pourtant tu n'en fais rien de bien... Comment peut-on se montrer aussi incapable ? *

La première chose qui me frappe quand il prend la parole, c'est cette hésitation. Lui qui sait toujours quoi faire, qui est toujours sûr de lui. Là il est... Bizarre. C'est assez déroutant. C'est vrai que j'ai toujours vu comme mon sensei. Comme quelqu'un de sûr, sur qui je peux compter en cas de besoin. Un repère, quoi. Mais lui aussi est humain, tout guerrier rouge qu'il est. Et c'est évident qu'il a été affecté par ce qu'il s'est passé sur l'île. En fait, c'est plutôt l'inverse qui aurait été encore plus inquiétant. Il aborde tout de suite le sujet de mon frère. Et ne semble d'ailleurs pas quoi dire. Quoi dire, de toutes façons? Il est parti, nous laissant sur place comme des débiles... Nous laissant nous battre avec un Nnoitra des plus étranges...

Il tourne les yeux. Ne veut-il pas croiser mon regard? Peu importe. Je ne vais pas lui faire porter le chapeau, si c'est ce qu'il croit. Il n'y est pour rien. Même si Arekushi est son élève aussi. Comment aurait-il pu prévoir qu'il allait agir ainsi? Évidemment que s'il l'avait su, il aurait refusé qu'il retourne sur l'île. Il ne nous aurait pas trahis, comme ça. Trahis? Oui, je crois que c'est le mot. Ne nous a t'il pas dit clairement que tout ce qu'il recherchait, c'était la puissance? Peut-être qu'il nous a amenés sur l'île juste pour pouvoir y retourner, d'ailleurs. Même si nous avions des dangers à affronter. Je n'arrive pas à croire qu'il soit à ce point avide de pouvoir. Ces choses ont dû lui retourner la tête, c'est pas possible autrement. Cette marque a forcément dû jouer un rôle là dedans!

Yanosa reprend la parole, et ce qu'il dit me laisse bouche béé. Sacrifié sa vie? Sans quoi nous serions tous morts? Mais de quoi est-ce qu'il parle? Il ajoute aussi qu'il "tenait" à moi. C'est quoi cette formulation au passé?! Il serait vraiment mort?Non! C'est pas possible! Je regarde mon sensei se relever péniblement. Je ne bouge pas, et le laisse faire. Mais quand ses jambes flanchent, je me lève de ma chaise et vais l'aider. Je mets son bras par dessus mon épaule, pour le soutenir. Comme quand je l'ai ramené sur le bateau. Sauf que là, il es conscient. Et qu'il est beaucoup plus grand que moi. Alors je ne sais pas si je vais être d'un grand secours.

- "Qu'est-ce que vous entendez par "sacrifié"?! Est-ce que... Vous l'avez revu le temps que j'aille avertir le bateau?"

Je déglutis. Sait-il quelque chose que je ne sais pas? Quant au fait qu'il tienne à moi...

- "La dernière chose qu'il a faite a été de me lancer un genjutsu..."

Que s'est-il passé après? J'ai cru qu'il avait juste trouvé Setsuna et Kakeshuou. Mais il a croisé mon frère, alors? Je ne sais pas trop si je veux savoir la suite. Il est fuyant. Il y a quelque chose qu'il me cache. Son regard, puis sa sortie du lit à peine réveillé. Et surtout le fait qu'il parle de mon frère au passé! Surtout ça! Même si son esprit est devenu complètement dérangé, j'avais encore un espoir de le revoir en vie. Mais là, je m'attends au pire, du coup. Et j'attends avec anxiété une réponse de Yanosa.

J'ai cette voix dans ma tête... Cet échos qui ne m'appartient pas. J'ai l'impression de le penser, et pourtant aucun de ces mots ne viennent de moi. Il ressurgissent... des tréfonds... Comme cette fois à Yuki no Kuni. Trop transi de douleur pour arriver à analyser quoi que ce soit, je sens simplement les mains menues d'Asuka me soutenir autant qu'elles le peuvent. Mon regard est trouble et fixe le sol immaculé de l'aile médicale pendant ce qui me paraît une éternité. Mon dos tressaillit, comme s'il voulait repousser tout ce qu'il y avait autours de moi, et c'est presque comme un boulet de canon que je me redresse en reprenant appui d'un bras derrière moi, sur le lit surélevé.

« Oui je... je l'ai revu. Il était... il était à la tour, avec Kakeshuou... et Setsuna... »

Un souvenir fugace me revient. Kuchibashi, je l'ai scellé... en plus d'une ribambelle d'éclats éparses et de débris.

« Mon ceinturon... Asuka, où est-il... »

J'attends presque fébrilement que mon élève parvienne à retrouver ce que je cherche, sans doute dans l'un des placards de la chambre, et repense dans le même temps à ses questions. Oui, c'est vrai... Elle ne savait pas ce qui s'était passé, tout comme j'ignorais jusque là qu'Arekushi, avant son départ, avait lancé un Genjutsu à sa sœur. Une manœuvre... tranchée, mais peut-être nécessaire à ce moment là.

« Je.. je ne savais pas pour l'illusion, mais ça ne change rien... Il l'a fait sans doute... pour que tu ne le suives pas. Il avait déjà une idée... de ce qui allait se passer. Avant que je m'en aille, il m'a transmis comme... un flot de pensées. Des sentiments bruts et pourtant... très clairs. Le pouvoir était important pour lui, évidemment, mais... il aspirait à plus que ça. Il a voulu nous sauver... et il a réussi. »

Je me mis alors à manipuler le ceinturon que venait de m'apporter Asuka, cherchant le parchemin dans lequel j'avais entreposé la scène devant laquelle j'étais tombé dans la tour. Je le pris aussitôt, le déroulant sur le lit, à côté de moi, et en activait l'un des sceaux, le plus gros d'une série de petites runes plus modestes. Un petit jet de fumée, et voilà l'épée qui apparaissait à même le parchemin, accompagnée de son fourreau à côté d'elle. J'étais déjà triste, accablé par la perte d'Arekushi. La perte que suggérait la présence de cette épée entre mes mains venait donc s'ajouter à la sienne. En dedans, j'étais ébranlé. Je pensais pouvoir m'appuyer sur des acquis et venais de me rendre compte que certaines vies m'importaient beaucoup plus que de raison. Et à mon grand damne, c'était un bien amer et nécessaire.

« Oui... Arekushi est certainement... parti... Et il y a des chances pour que le propriétaire de cette épée... Le Yondaime Raikage Karasu Tsumei... en ait fait de même... »

(#) Sujet: Re: Un retour bien amer [Yanosa sensei] Ven 2 Jan 2015 - 15:54

J'ouvre grand les yeux en entendant sa réponse. Il l'a vu avant qu'il.. Qu'il ne... Disparaisse. Il était avec les deux que nous avons sauvés de l'île. Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu'il n'est pas revenu avec lui dans ce cas? Il a bien ramené les deux autres, pourquoi pas lui? J'attends la suite, un peu fébrile. Mais il me demande ensuite son ceinturon. Comme si c'était plus important de se rhabiller que de savoir ce qu'il est arrivé à mon frère. Je ne relève pourtant pas. Même si ça m'agace un peu. Il se tient tout seul, je le laisse donc le temps de chercher ce qu'il me demande. Qu'est ce que j'en sais moi où il est d'ailleurs? Je suis son élève, pas sa femme de chambre!

Je fouille d'abord dans les tiroirs, mais il n'y a rien ici. Puis j'ouvre le placard servant d'armoire. Il y a les vêtements de Yanosa. Ainsi que ce qu'il cherche: sa ceinture. Il a besoin de faire tenir son pantalon ou quoi? Enfin bref, je trouve ce qu'il veut et me rapproche à nouveau de lui pour lui donner. Il s'est apparemment servit de ce court laps de temps pour réfléchir à quoi me dire. Puisqu'il reprend la conversation. Me disant qu'il ne savait pas pour l'illusion. Puis il m'explique ensuite ce qu'il s'est passé. Arekushi lui aurait transmis un flot de pensées, lui disant qu'il voulait nous sauver. Apparemment, il cherchait le pouvoir. Mais nous sauver a été plus important à ce moment là.

- "Vraiment? Mais... Je ne comprends pas. Nous sauver de quoi? Il y avait un ennemi à la tour, et il est resté faire l’appât?"

Yanosa n'a pas l'air d'avoir beaucoup envie d'en parler. Mais je veux savoir! Il sort ensuite un parchemin de sa ceinture et le déroule sur le lit. Il est rempli de sceaux. Mon sensei en débloque un. Apparait alors une épée. Pas une épée classique ou comme la mienne. Non, celle ci est superbe et elle a l'air étrange. Mon regard passe de celle ci au guerrier rouge. Attendant une explication. Qui vient ensuite. D'après lui mon frère est "parti". Et Le raïkage aussi. Il était le propriétaire de cette épée. Reconnaitre quelqu'un à son arme... Elle n'est effectivement pas ordinaire. Je passe doucement mes doigts sur celle ci, en l'admirant.

- "Elle est magnifique."

Je suppose qu'il a dû la trouver à cette tour. Là où il a trouvé les autres.

- "Peut-être que Setsuna et Kakeshuou en savent d'avantage, sur ce qui est arrivé à son propriétaire?"

En fait, je m'en fiche un peu. Je dis ça histoire de causer. Histoire de changer de sujet... Je ne peux pas croire que mon frère soit mort. Non. Plantée debout à côté de mon sensei, je lui annonce d'une voix ferme.

- "Je refuse de croire en la mort de mon frère. Je n'y croirais que quand j'aurais vu son cadavre. J'y ai déjà cru une fois, et je me suis trompée. Pendant dix ans j'ai cru qu'il était mort alors qu'il n'y était pas. Je ne referais pas la même erreur."

Il est bien plus fort que ça. Yanosa semble... Ébranlé. Peut-être qu'il connait le raïkage.

- "Le propriétaire de cette épée l'a peut-être... Perdue, lors d'un combat."

Je me tourne vers lui, pour capter son regard.

- "Pas de cadavre, pas de mort."

Alors... J'ai juste à attendre que mon frère revienne. Et protéger le Shukai jusque là. Pour qu'il ait un endroit où revenir.

(#) Sujet: Re: Un retour bien amer [Yanosa sensei] Dim 4 Jan 2015 - 0:45

J'étais plongé dans mes pensées, un tumulte de sentiments contradictoires dans la tête. La perte d'Arekushi était tragique, bien sûr, et allait à l'encontre de toutes les convictions que j'avais voulu mettre en pratique pendant ma mission. Recueillir les rescapés, ne perdre personne, quoi qu'il en coûte... J'avais échoué, lamentablement. Les aboutissants de cet échec m'apparaissaient clairement à présent que j'étais vraiment réveillé, face à cette épée, auquel je savais son propriétaire suffisamment attaché pour ne jamais la laisser derrière lui.

« J'ai... retrouvé Arekushi, à la tour. Il était là, avec Kakeshuou et Setsuna, inconscients. Je suis rentré à l'intérieur, c'est là que j'ai.. trouvé cette épée, Kuchibashi, l'une des armes légendaires des épéistes... En revenant vers Arekushi, il était...déjà devenu évident qu'il devrait rester sur place pour empêcher l'île de se détériorer trop vite. Il a utilisé ce... ce pouvoir, pour y parvenir, et... »

Je m'arrêtai un instant, plongeant pour la première fois mes yeux au fond de ceux de la jeune Asuka. J'assumai, ne serait-ce qu'un peu et pour la première fois, la responsabilité de la disparition de son frère.

« Je suis désolé, Asuka. »

Mais la Jisetsu refusa d'entendre mes excuses -tout juste les entendit-elle, à mon avis- : pour elle, il était inconcevable que son frère soit mort avec cette île. Inconcevable. Et l'espace d'un moment, j'éprouvai le besoin presque irrépressible de la contredire, de l'obliger à accepter la dure réalité, mais... Je me ravisai vite. La vérité était que j'avais envie d'y croire aussi. J'avais envie de pouvoir confirmer ou infirmer la mort d'Arekushi, j'avais envie de pouvoir retenir ce jugement jusqu'au dernier moment, même si cela relevait d'une forme de lâcheté, au fond... Asuka formula la même hypothèse et appliqua la même logique pour Tsumei, qui selon elle pouvait avoir simplement perdu son arme. Une éventualité... qui pouvait se vérifier, mais qui restait toutefois très mince. Trop mince. Et comment expliquer que je n'ai pu percevoir aucune trace du chakra du Raikage, au moment de trouver son épée ? Je me trouve, malgré tout, l'envie d'y croire. Comme pour Arekushi.

« Oui, tu as... sans doute raison, au fond... Il faudra... attendre de voir, pour savoir exactement ce qu'il en est... Il faudra que je parle à Setsuna... et à Kakeshuou surtout. », dis-je en scellant à nouveau l'épée légendaire de l'Ombre de Kumo d'un mudra un peu las.

Je me rassis sur le lit, le regard voguant de part et d'autre. Je réalisai seulement maintenant que j'avais encore besoin de beaucoup de repos, et ce malgré les soins qui m'avaient déjà été prodigués. Je sentais mon corps encore meurtri et fatigué, incapable de fonctionner correctement. Ma main, presque machinalement, alla se poser l'épaule menue d'Asuka.

« J'ai... encore besoin de repos. Je m'entretiendrai avec le Capitaine Kakeshuou aussitôt que possible... pour savoir ce qu'il en est. Merci... d'être passé me voir. »

Mon buste chuta alors vers l'arrière, chutant lourdement sur le matelas à la perpendiculaire, laissant mon regard vagabonder vers le plafond pendant un instant. Mes mains se plaquèrent alors contre mon visage, m'isolant du monde, m'isolant de tout... Me laissant seul.

* Ne compte pas trop sur la solitude. Elle ne te sauvera pas. *

(#) Sujet: Re: Un retour bien amer [Yanosa sensei] Mar 13 Jan 2015 - 15:53

Mon sensei ne semble vraiment pas bien. Il n'est pas aussi sûr de lui-même, comme à son habitude. Non, là il est hésitant. Il a le regard fuyant. Il ose à peine me regarder. Est-ce qu'il a quelque chose à se reprocher? Il y a t-il autre chose que je devrais savoir? Ça n'en a pas l'air. Il répond à ma question et m'explique ce qu'il s'est passé. Il n'ajoute pas beaucoup de détails. D'après lui, mon frère a utilisé le pouvoir qu'il avait obtenu pour empêcher l'ile de se détruire trop vite, et nous permettre ainsi d'avoir le temps de nous échapper. Puis il s'excuse. Pourquoi? C'est de sa faute, peut-être? J'imagine qu'il a fait ce qu'il a pu. Et il lève enfin les yeux vers moi. Au moins, je sais qu'il est sincère. Et c'est moi qui baisse la tête pour y échapper cette fois ci. Tandis que ma vue se brouille de nouveau. Mais je réussis à reprendre le dessus pour exprimer ce que j'ai envie de dire.

Suite à quoi, Yanosa prend de nouveau la parole, à son tour. Oui, on en saura d'avantage quand on aura discuté avec les deux autres. Qu'ont-il vu? Qu'ont-il vécu? Il range de nouveau la magnifique lame. Il va falloir faire la lumière là dessus. Puis son contact me pousse à le regarder pour voir ce qu'il me veut. Du repos. Il me met à la porte, en quelque sorte. J'imagine qu'il va falloir lui laisser un peu de temps. Il vient juste de se réveiller et je l’assomme de questions, comme ça. Alors qu'il a besoin de se reposer, après tout ça. Et il me remercie "d'être passée le voir". En vérité, je n'ai quasiment pas bougé de cette pièce depuis qu'on est revenus de l'île. Mais ça, il ne le sait pas.

- "Oui, bien sûr. Pardon. Vous avez besoin de repos."

Je lui tourne alors le dos et me dirige vers la sortie. Là, ma main se pose sur la poignée. Je me tourne vers mon sensei. Allongé dans son lit, les mains sur le visage. Je dois le laisser dormir. Mais... Moi, je vais où? Je rentre à la maison? Seule? C'est même pas la peine, je vais craquer! Alors quoi? Je ne vais pas l'empêcher de dormir. Et puis il vient de perdre un de ses élèves. Pas la peine de rajouter ça en plus. Et puis, je vais lui dire quoi? "Pardon sensei puis-je rester à vos côtés? Parce que je ne vous l'ai jamais dit mais je suis alcoolique, et là si je rentre dans la maison où j'ai vécu avec mon frère je pense que je vais replonger! Alors que j'ai arrêté depuis mon arrivée au Shukai!" Non, je ne vais pas rajouter ça en plus. Je n'ai personne vers qui me tourner... Je n'ai pas vraiment créé de liens avec les autres. Yanosa et Arekushi sont les seuls proches que j'ai. Peut-être que je vais aller demander une mission en binôme, afin de m'occuper l'esprit. En parlant d'esprit, quelque chose me trotte dans la tête.

- "Yanosa sensei?"

Ma voix est peu assurée. J'ai peur de le déranger. Il m'a demandé de le laisser, après tout. Je me tourne de nouveau vers la porte.

- "Je... Je me demandais... Vous avez dit que mon frère vous a lancé une sorte de vague de pensées... Est-ce que... Est-ce que vous savez pourquoi il cherchait ce pouvoir?"

Je me tourne de nouveau vers lui, la main toujours sur la poignée.

- "Je veux dire... On ne cherche pas à devenir puissant juste pour être fort, n'est ce pas? Il y a forcément un but derrière! Non?"

Pour ma part, je m'entraine chaque jour pour que mes deux seuls proches soient fiers de moi. Mais lui? Je suis déjà fière de lui! Alors, pourquoi? Est-ce pour la vengeance? Ou autre chose?

(#) Sujet: Re: Un retour bien amer [Yanosa sensei] Ven 16 Jan 2015 - 23:38

Je me croyais déjà seul, pourtant je ne pouvais pas être plus loin de la vérité que cela. Asuka était en effet toujours dans la pièce, sur le départ mais toujours là pour autant, traînant le pas sous le poids des nouvelles que je venais de lui apporter. Et il y avait cette pulsion lancinante et gutturale, dans mon estomac, dans mes tripes, qui remontaient le long de ma colonne vertébrale pour se brouiller dans mon esprit et se mêler de façon indissociable. J'étais totalement embrumé, de part mon état d'un part, oui, mais il y avait autre chose... Cette... chose, qui semblait venir d'outre-tombe pour me « parler », m'inciter à penser d'une certaine manière, me pousser plus bas que terre. D'où venait-elle ? Ça, j'avais en réalité une peur de déjà le savoir... Mais je me refusais catégoriquement à l'accepter. C'était hors de question, tout à fait hors de question. Et pourtant...

Mais Asuka me tira de mes tourments silencieux, apparemment pas tout à fait prête à s'en aller, pas sans avoir pu obtenir plus de réponses en tout cas. Je me redressai péniblement, prenant appui sur ma jambe gauche, un peu moins endolorie, pour me caler dans mon lit d'hôpital. Mon élève, la seule qui me restait pour l'heure, n'arriva pas à me regarder à nouveau alors qu'elle posait une nouvelle question, tout à fait légitime encore une fois. Si j'avais eu un frère... Si je l'avais perdu de cette façon, alors oui j'aurais en effet voulu savoir le moindre détail, j'aurais voulu comprendre ce qui avait pu l'animer et le pousser à de telles extrémités. J'aurais voulu... Mais aurais-je pu ? Dans la position du répondant, je ne pouvais qu'essayer, tenter de formuler une idée, un vague croquis de ce qui avait pu passer par la tête d'Arekushi ces dernières semaines. La quête de pouvoir... quel qu'il soit, était un élément commun à bien des Hommes. Et il y avait au moins autant de raisons que d'individus pour les pousser à se lancer sur ce périlleux chemin.

« Asuka... Tout le monde recherche le pouvoir. Tout le monde... Que ce soit le pouvoir d'anéantir une ville, celui de redonner la vie aux morts, ou encore celui... de s'assumer tel que l'on est, tout simplement. Tout, absolument tout, est une histoire de pouvoir. Certains... sont juste plus dangereux que d'autres à détenir. Aurais-je pu sauver Kakeshuou et Setsuna sans le miens ? Ou devrais-je même dire... celui qui m'a été légué par... cet autre ? Et pourtant, ces facultés visent initialement à détruire... Vois-tu... où je veux en venir, Asuka ?

Il n'y a pas... de pouvoir malveillant, ni de force bienfaitrice pure et immaculée. Il n'y a que le pouvoir, brut, malléable... Et il n'appartient qu'à celui qui s'en sert de faire ce qui lui chante avec, que ce soit en bien.. ou en mal. Arekushi, ton frère... Était animé je le sais par des intentions bienveillantes, même s'il ne l'a pas montré. Peut-être n'a-t-il tout simplement pas pu... Pas avant qu'il ne soit trop tard, en tout cas. Mais c'est en tout cas grâce au pouvoir qu'il a gagné là-bas qu'il a pu nous sauver. Qu'il a pu te sauver. S'il y a bien une chose dont il ne faut jamais douter Asuka, même si c'est parfois dur de l'accepter ou d'y faire face, c'est de l'absolue nécessité... d'avoir le pouvoir avec soit. »

(#) Sujet: Re: Un retour bien amer [Yanosa sensei] Dim 18 Jan 2015 - 10:28

Mon sensei se redresse péniblement suite à ma question. Je suis désolée de le déranger. Mais j'ai besoin de savoir. Du moins, je crois... Et puis, c'est lui qui a vu mon frère pour la dernière fois. Il entreprend donc de me répondre. D'après lui, tout le monde était en quête de pouvoir. Il semblait insister sur ce point. Alors, lui aussi? Mais il est déjà bien assez fort comme ça! Mais je ne l'interrompt pas, et écoute sa réponse. Il parlait du pouvoir légué par "cet autre". Son ancien "lui"? Peut-on parler de soi-même de cette façon? Il n'a pas l'air de porter en très haute estime son passé. Je me demande bien comment il pouvait être, à ce moment là. A mon avis, on ne se serait pas trop entendus. Enfin plutôt, il m'aurait déjà laminé la tronche depuis longtemps. Car ses pouvoirs il les avait obtenus pour... Détruire.

Il me demande s'il voit où il veut en venir. Je ne sais pas trop. Je ne comprends pas vraiment. Enfin si, on cherche tous le pouvoir, en fait. D'une façon ou d'une autre. Pour une raison ou une autre. Sauf que pour certains, ça se voit d'avantage et c'est beaucoup plus dangereux. Donc, mon frère cherchait le pouvoir. Avec l'intention d'aider. Sauf que ses pouvoirs acquis, il ne les a pas obtenus de façon qui aurait pu faire croire qu'il soit du "bon" côté. C'est vrai que mon frère a toujours été très secret. Malgré son air ouvert et sa manie de rire tout le temps. Il parle rarement de lui. Et je ne sais pas vraiment ce qu'il pense, finalement.

- "En fait... S'il m'a lancé ce genjutsu, c'était pas pour me faire du mal. Mais pour me protéger. Que je ne le suive pas..."

Un léger sourire se forme sur mes lèvres. Cette pensée me remonte un peu le moral. Un peu. Car ça ne ramène pas mon frère. Perdu quelque part dans l'océan. Enfin, si jamais il est toujours en vie après que cette île se soit fait engloutir. Bordel... Bien sûr qu'il est toujours en vie! Il ne peut pas mourir, pas comme ça! Enfin, j'espère...

- "Merci, Yanosa sensei."

Puis j'appuie sur la poignée, et sort de la pièce. Je vais enfin le laisser se reposer. Je referme doucement la porte derrière moi. Puis je m'appuie sur celle ci et pousse un soupir. Bien. Et maintenant? Je me mets en marche. Je parcours le long couloir de l'hôpital. Et sort du bâtiment. Sentir l'air frais sur ma peau est agréable. Depuis quand étais-je enfermée là dedans? Depuis qu'on est revenus de cette île, en fait. Je ne suis même pas allée voir ceux que nous sommes allés chercher. Et que nous avons ramenés. Pour quoi faire, après tout? Je ne les connais pas personnellement. Et ils ont sûrement des proches qui vont venir les voir.

Mes pas m'ont machinalement menée à la porte de la maison où je vis, avec mon frère. Je pointe le doigt sur la serrure. Une clé de métal se forme au bout de celui ci, et épouse la forme du mécanisme. Je tourne le poignet et un déclic m'indique que la porte est ouverte. Je défais ensuite ma technique et rentre à la maison. Je referme la porte de la même façon. J'ai envie d’appeler, de prévenir que je suis rentrée. Mais je sais que c'est inutile, car personne ne me répondra. La grande maison est désespérément vide. Je me dirige alors vers ma chambre. Je jette mes vêtements à terre au fur et à mesure que je les enlève. On ne me demandera pas de les ramasser. Et me glisse sous la douche. Là, j'éclate alors en sanglots. Et mes larmes se mêlent à l'eau qui glisse sur ma peau. Mais je m'en fiche. Car personne ne peut me voir. Je suis toute seule. Encore...

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