Rien. Pas une auberge. Pas un tripot. Rien. Simplement. La rase campagne. Et ça m'ennuie. Et encore, le mot est faible. Ca m'emmerde même. Y'avait rien à part des mangroves. Arbres stupides. Je crachais au pied de l'un d'eux, sans vraiment me contrôler, larguant une petite boule de lave sur les racines du végétal. Je les regardais se consummer, brûlées, dévorées par la lave. Je grimaçais. Quelle odeur atroce. Et pourtant. Pourtant, elle me rappelait quelque chose. Il y avait quelque chose dans l'air qui m'était familier. Mais je ne pouvais guère mettre le doigt dessus. Je me laissais guider par l'odeur familière, avançant au milieu des arbres et des racines.

Et je ne me trompais pas. Ca sentait les emmerdes. Indirectement. Enfin, pas complètement. Au départ, je me disais bien que ça sentait le shit. En arrivant, c'est moi qui me trouvais dans la merde. C'aurait été un petit traffic, passe encore. J'aurais descendu les pauvres types et j'aurais pris la came pour me faire un peu d'argent. Mais là. Je pouvais rien tenter. Ca puait. Je voyais défiler des caisses de marchandises, passant d'un navire à un autre, pendant que quelques uns semblaient négocier dans un coin. En passant inaperçu, j'aurais eu une chance de monter à bord d'une de ces coques de noix. Seulement. La discrétion plus moi ? Ca fait pas deux, non. Ca fait plus. Beaucoup plus.

Holy shit. Quel merdier.

Et là. Un garde. Deux. Puis trois, quatre, une dizaine, le double, et j'étais, comment dire. Un peu. Non. Beaucoup. Quoique. J'étais vraiment dans les pires emmerdes possibles. Y'a rien ici. Et faut que je tombe sur une énorme transaction de came. Bordel. Ma très chère chance, je. Laisse moi te dire une chose. Je t'emmerde. J'avais pas beaucoup de choix. Me battre ou courir. Avec un assez gros risque de mort dans les deux cas. Ce qui aurait été un peu con. Mais vu que la logique a toujours été mon grand point fort, j'avais décidé... De leur faire face. Ouais. La surprise. Toujours tenter l'impensable. C'est une philosophie suicidaire. Une philosophie qui me va bien.

Quelque chose me dit que je suis paumée dans un endroit pourri. Je sais, je dis ça juste parce que je me balade dans la mangrove à la recherche d'un brin de civilisation. Enfin, civilisation ... Peut-on appeler les humains civilisés ? C'était une bonne question. Quoi qu'il en soit, qu'est-ce que je faisais là ? Heu ... Aucune idée ... Je cherchais un endroit sympathique à visiter, et à la place, j'me trouvais dans ces lieux où il n'y avait rien de très intéressant. Maudits petits humains, ça fait le malin, ça dit que ça colonise partout, mais là ! Là ! Bah ils sont pas venus. Je les comprends un peu, cela dit, même si ça me déplait pas mal.

Et le pire dans tout ça ? Vraiment, vraiment ... L'odeur. Qui envahit les narines délicates. Les offense. Vraiment envie de quitter cet endroit mais ... Qu'est-ce que j'vois ? Des gens ? Ooh, des gens. Ils vont peut-être pouvoir m'indiquer la route. Je me sens d'humeur assez pacifique, tellement je ferai tout ce qui est possible pour me barrer ! Hu ? Hu hu hu, pourquoi ils sont nombreux, et armés ? Je m'étais arrêtée derrière un arbre, observant les gens d'une mine méfiante. Pas clair tout ça ... Je regarde tout ça, je vois les caisses, les navires. Ce que j'en déduis ? Que les marchands sont vraiment parano ces derniers temps, mais limite je les comprends.

Les routes sont de moins en moins sûres. Une époque parfaite pour les gens comme moi.

Quoi qu'il en soit, si c'est des marchands, j'pense pas qu'ils verront le moindre problème à m'accueillir le temps de la traversée. Et si ils acceptent pas, bah, je les convaincrai ! A coups de poing dans leur gueule. Ce qui n'était pas conseillé va la garde rapprochée qu'il avait réuni, huu ... 'fait chier. Rien à foutre, j'vais aller voir ce qu'il en est, tiens ! J'ai aucune limite, moi ! J'sors de ma cachette, me dirige sans me cacher de ma démarche assurée, face à des gardes qui haussent un sourcil en me voyant. Je leur fais un signe de main, continue de m'approcher. J'attire toute la foule dis-donc, wha wha wha ! Que d'honneur pour la pauvre indigente que je suis !

Ils m'entourent, braquent leurs armes sur moi. Je lève les mains, avec un sourire en coin sur les lèvres.

- Hey, j'vais pas vous ... mordre ...

Je dévoilais mes crocs, dans une parodie de sourire mutin. Ça discute, finalement. Ça demande ce que ça doit faire de moi. J'attends dans le plus grand silence. M'emmerdant un peu. Pas mal. Ils débattent, et c'est à ce moment là que je l'aperçois. Par dessus l'épaule d'un des gardes, j'vois un rouquin. Un rouquin borgne, tellement naze qu'il a pas réussi à sauver ses deux mirettes. Je hausse un sourcil parfaitement droit, mes pupilles dorées dardées sur sa personne.

"L'Homme évite habituellement d'accorder de l'intelligence à autrui, sauf quand par hasard il s'agit d'un ennemi." Je sais plus d'où je tiens ça mais. Mais celui qui a dit ça avait raison. Oh bordel, oui, il avait totalement raison. J'aurais clairement pas du les prendre pour des cons. Oh non, clairement pas. Parce qu'il faut dire ce qui est : je morflais assez sévèrement. Un coup de poing dans la mâchoire provoquant un craquement sinistre, un bâton frappant mon sternum, un coup de pied dans l'estomac... J'avais été bien mal inspiré en me jetant sur un de ces mecs quelques secondes auparavant. Mais voilà, j'aime pas la simplicité. Et. Oui, il faut l'avouer, j'aime me retrouver dans les situations compliquées. Pour avoir ma dose d'adrénaline. Un peu comme avec l'alcool ou la drogue. Mais en plus violent.

Je reculais un peu, essuyant le sang qui coulait du coin de ma lèvre. J'avais cet affreux goût en bouche. Ce goût ignoble et ferreux. Pouah. Je crachais par terre, ma salive teintée de rouge, avant de relever la tête, repérant une zouze au milieu du groupe de mastards. Cette bande de chiens de garde. Non mais sérieusement, ils avaient tellement plus de fric à se faire en se révoltant contre les deux gros pleins de sous en train de négocier. Mais non, y'avait cette connerie millénaire nommée "Honneur". Pfeuh. J'aurais bien mis une raclée à ces types un par un. Mais. Mais y'avait eu cet ordre qui était tombé, émanant d'un des deux gros lards.

Pas de témoins ! Vous me zigouillez le type et la gonzesse ! Exécution !

Et merde. Ca sentait mauvais. Autant dire que ça puait la merde en fait. Je voyais des lames tirées des fourreaux. Des airs menaçants. Et je grimaçais. Sous l'effet de la douleur. Et du dégoût qu'ils m'inspiraient. Je me préparais, attendant que l'un d'eux se trouve à ma portée. Et je lui crachais une boule de lave au visage, lançant des couteaux sur ses camarades. Je l'entendais hurler alors que son visage se dissolvait, tandis que les autres chargeaient. Je lançais alors un fumigène qui commença à se répandre tout autour, enveloppant rapidement les alentours dans une épaisse fumée. Et j'en profitais pour me frayer un chemin jusqu'à la fille que j'avais vu.

Réfléchir ? Pas le temps. Je l'attrapais par la taille, la chargeant sur mon épaule comme un gros sac. Un sac lourd et pesant. Et je prenais la fuite, en direction d'un coin de forêt un peu plus épaisse.

Eh, je sais ce que tu vas me dire mais on a pas vraiment le choix là, si on se fait chopper on est... Morts.

Je terminais ma phrase difficilement. Oh le con ! Oh mais quel gros c*n j'étais ! J'avais embarqué un homme de main au lieu de la gamine ! Je le lâchais brusquement, lui envoyant mon pied au coin du nez, avant de le saigner d'un couteau dans la gorge. Et merde. On était mals. Et c'était que le début.

L'individu derrière moi se faisait violenter, tabasser, rouer de coups, tout autre verbe exprimant le fait d'utiliser un être humain comme punching-ball. Ah. Je ne savais pas ce qu'il avait fait. Mais quelque chose me disait qu'exister, c'était déjà un crime un peu trop gros pour les gens qui m'avaient entourés. Et quelque chose me disait que le sort qu'ils faisaient subir au pauvre hère, bah, j'allais un peu le partager, avec des trucs encore moins agréables si c'était possible. Le pire ? C'est qu'un mec gueule, et confirme mes suspicions mises à rude épreuve. J'sais pas, mais je tiens à le dire : C'est un peu pathétiquement prévisible. Ah, et aussi : J'suis un peu dans une sale situation.

Le genre de situation dans lesquelles on ne s'en sort pas, si on est quelqu'un de normal.
J'avais un peu la chance d'être une femme exceptionnelle, et je ne dis pas par orgueil, mais définitivement parce que je le suis.

On tire les lames des fourreaux, on sort les matraques et autres trucs contondant qui font pleurer les bébés. Je me sens obligée de dire.

- Si vous pouviez commencer par l'autre, ça m'arrangerait un peu hein !

Sauf que mon compagnon de fortune faisait preuve de résilience dans sa mort, et avait décidé de faire du grand spectacle avant d'y passer. En, genre, fondant le visage du premier mec à sa portée, et en plantant une demi-douzaine d'autres avec des trucs pointus. Tiens, et si j'en profitais pour me casser ? Ça m'a l'air d'un bon plan, et je dis pas ça parce que j'en ai aucun autre ! Un nuage de fumée habile ? Voilà ce qui envahissait la zone, merci monsieur l'étranger que je connais pas ! Et j'en profite pour écraser le pied du connard le plus proche de moi. Avant de lui enfoncer mon poing dans la gorge. Et la suite ? La suite, elle appartient à l'avenir.

Bon okay, je vous spoile : Je me suis barrée en courant.

La chance que j'ai eu ? C'est de me mettre à détaler aux cotés de l'étranger plein de ressources. Qui s'exprime à la personne qu'il porte par dessus son épaule. Attend un moment ... *Si on se fait chopper on est morts* ?! Attend, attend, attend ! Tu crois que le truc que tu portes c'est moi ?! Et c'est quoi d'ailleurs le truc que tu as ?! Un homme à la solde des marchands. Qu'il finit par abattre d'un rapide coup d'truc pointu. Et moi dans tout ça ? Je me sens obligée de lui mettre un high-kick, histoire de péter son nez. Parce que c'est quand même insultant ce qu'il vient de me faire.

- Connard.

Mes pupilles dorées brillaient d'une étincelle d'animosité, alors que je fixais le rouquin borgne. Et aveugle d'ici peu, si il ne trouvait pas quelque chose pour apaiser ma colère.

Se faire traiter de connard. Et se faire taper, évidemment. Si je m'y attendais ? Pas du tout. Mais cette gamine est hystérique. Ou plus ou moins. Enfin je crois. Et puis merde hein, j'avais pas que ça à faire, m'occuper de son état de santé mentale. Je grimaçais tout en me frottant le nez. Elle avait un sacré coup de pied, ouais. Mais aussi un sacré grain. Je faisais craquer les restes de cartilage qui me restait en tentant de les replacer, lui jetant un coup d'oeil. Quelle malade. Presque autant que... Que moi en fait. Ouais parce qu'en y regardant bien j'aurais du me rappeler de cette info. On me l'avait dit, bordel. J'ai passé toute ma vie à trainer dans les coins les plus mal famés de Kiri, et j'avais oublié ce petit détail. On empiète pas sur les territoires des gros dealers.

Putain de mer... T'es débile ou quoi espèce de... ?

Je m'efforçais de ne pas trop élever la voix. J'étais partagé entre le hurlement de rage et le chuchotement discret. Mais il semblait que la discrétion ne soit pas au programme. De toutes façons, ils finiraient par nous retrouver si on ne se barrait pas vite fait bien fait. C'est toujours le même cirque avec les trafics interrompus. Ils ne reprennent jamais que quand on a éliminé l'élément qui avait tout interrompu. Et là... L'élément perturbateur, c'était pas moi. Ou pas simplement moi. C'était nous. Alors il aurait fallu qu'on puisse se serrer les coudes. Mais il semblait bien que ce ne soit pas vraiment possible pour l'instant.

Si on trouve pas un moyen de se barrer vite et loin, ils nous choppent et on crève. C'est ce que tu veux ma belle ? Bah hésite pas, jette toi dans leurs bras, peut être que si tu les fais pas trop courir, ils te laisseront en vie quelques secondes, pour te laisser faire tes dernières volontés !

Je crachais par terre. De la salive comme du sang. J'avais été amoché. Et plus d'une fois. Ah, je déteste quand ce genre de situations arrive. Mais j'ai pas le choix, il faut bien faire face. Je m'apprêtais à partir lorsque j'entendais les cris des chiens de garde qu'on avait lancé à notre poursuite. Ils s'étaient déjà sortis de mon fumigène ces empotés ? Bah merde. J'avais pas beaucoup de choix. Je me retournais, attrapant un bras de l'invitée surprise, lui bloquant dans le dos, pour ensuite sortir un couteau de ma main libre et lui coller sur la gorge. Ils étaient déjà là. Et j'avais à peine le temps de lui adresser quelques mots.

Joue le jeu putain. J'compte pas crever ici à cause des sautes d'humeurs de madame.

Je lui avais grogné ces quelques mots à l'oreille, dents serrées. J'avançais d'un pas, la forçant à bouger en même temps, me présentant à nos poursuivants.

Je l'ai capturée. Alors laissez moi la livrer à votre boss. J'ai besoin d'un taff, je veux savoir s'il serait prêt à m'engager si je lui rapporte un petit cadeau.

Je priais intérieurement. Je priais pour qu'elle ne fasse pas de grosse connerie. Vu son caractère, elle en était tout à fait capable. Et si ça venait à arriver... Je serais mal. Non. En fait non. Pas juste moi. On serait très mal. Et ce, tous les deux.