Ce fut sous un ciel froid et grisâtre qu'arrivèrent les deux femmes dans une toute petite ville de ce tout petit pays. A peine eurent elles mis les pieds sur les pavés mal entretenus de la voie principale que les premiers flocons de neige tombèrent. Une semaine auparavant, elles avaient rencontré un jeune homme qui failli perdre la vie. Fort heureusement pour ce dernier, la Tsukimi n'était du genre sanguine. La neige donc... La Samouraï s'immobilisa pour regarder le spectacle. Cela lui rappelait ses années passées au pays du fer au sein de sa maison familiale. Cette période était assez douloureuse pour elle, mais avec le temps elle avait apprit à faire avec, comme pour sa condition, et le reste...

Numiko sembla perplexe un instant, mais comprit rapidement. Elle toussota, et sa disciple, l'air gêné, se renfrogna et reprit sa marche. Le sol blanchit rapidement, et les imperfections de cette rue disparurent sous un manteau blanc. La terre et la pierre devait déjà être gelée depuis le matin. Yaeko avait l'habitude de marcher dans la neige, et sans glisser qui plus est, un exploit pour beaucoup. Ils arrivèrent devant une taverne, banale mais semblant chaleureuse. Elle posa son regard difforme sur l'ex du daimyo. Les deux femmes semblaient se comprendre juste comme ça, sans mot, sans geste. D'un pas décidé, elles entrèrent, ravies certainement de se mettre au chaud.

"Avec l'aide que nous avons apporté à ces marchands, on a de quoi rester ici une semaine."
"Mais nous resterons pas autant de temps, juste le temps de nous reposer."
"Trois jours ?"
"Oui."

Elles s'étaient mises d'accord. Numiko sorti alors une bourse et demanda une chambre pour trois jours, simplement. Elle obtint la clé ainsi qu'un sourire de la patronne qui ne devait pas voir grand monde s'arrêter dans son auberge, surtout par ces temps. Yaeko s'était délestée de ses Katana qu'elle posa au bas d'un escalier qui devait probablement mener aux chambres. Le pot à parapluie faisait office de râtelier. Puis elles s'essayèrent à une table, à côté de celle-ci un homme était assit. Yaeko le fixa un millième de seconde et reporta son attention sur sa partenaire de voyage. Elles commandèrent à manger, et discutèrent.

"Pourquoi avoir quitté le territoire du Shûkai ?"
"Ces gens ne sont ceux à quoi je m'attendais."
"Pour ce... Kakeshuou, il me semblait pourtant parfaitement... Honorable."
"Oui, oui. Mais, comment dire... Je ne me vois pas travailler pour un shinobi, si tu vois ce que je veux dire."
"Haha.. ô oui, je vois. Bien, et ce garçon dans la forêt ?"
"Rien à dire, un pauvre gamin qui s'était trompé de chemin... Que veux tu, nous sommes chez les shinobi... Ils ne sauraient même pas... hum."

Numiko rigola. Elles terminèrent leur repas, et Numiko fit savoir à son élève qu'elle rejoignait la chambre pour prendre un repos bien mérité, selon elle. Quant à Yaeko...

"Je pense que je vais rester là, et profiter du feu... Et de l'endroit."

Sur quoi elle demanda, avec toute la politesse que l'on connait à un Samouraï, un thé.

"Il va neiger toute la nuit..."

Se dit elle, à voix basse.

Yu no Kuni était un proche voisin de Tetsu no Kuni. Visiter ce pays était un projet que l’ancien Kiezan avait eu en tête il y a plusieurs semaines déjà. Le temps et les rencontres avaient simplement retardé la procédure, mais il avait enfin réussi à s’accorder un peu de temps pour profiter de ce voyage. Une nation à deux facettes, c’était une chose qu’il vérifia rapidement. En effet, les marécages de la moitié nord étaient très différents de ce qu’on pouvait trouver dans l’autre moitié de terrain : reliefs, thermes et habitations en tout genre.

Les indications du voyage avaient été naturellement transmises à l’ensemble des membres de son organisation, ainsi que ce soit Rien, Abeille ou Second : tous avaient pris la route vers le même pays. Mais il n’y avait que Daini qui comme à l’accoutumée accompagna réellement le chef de la Ruche. La jeune femme s’était habillée chaudement pour l’occasion avec un pull en laine cachée par un large habit noir, contrastant avec la couleur blanche et pure de celui du moine. A deux, ils avaient marché longuement et visité certaines sources d’eau chaude et marché sur certains monts difficilement praticables.

Deux jours plus tard, ils s’arrêtèrent dans une auberge de bonne apparence, conscients qu’il fallait à un moment se reposer. Howaito ne se lassait jamais de découvrir de nouvelles choses, y compris des paysages, mais Daini n’était pas comme ça : elle avait du mal à être satisfaite d’un voyage sans réelle pause ni réel calme de plusieurs jours. La chambre réservée dans cette auberge allait lui faire le plus grand bien et ça, le Gekei le savait bien. A vrai dire, il savait presque tout de la jeune femme qui l’accompagnait depuis longtemps maintenant.

D dormant là-haut et Howaito profitant d’un bon café au comptoir de l’établissement était un tableau typique des journées chargées mais douces du duo. D’ailleurs, un autre couple ne tarda pas à faire son entrée dans l’établissement. Deux femmes dont une possédant tant d’armes qu’il était difficile d’imaginer qu’elle eut pu un jour se battre avec toutes ces dernières en même temps. Pourtant son comportement semblait proche de celui du Gekei : elle préférait profiter du lieu, de la journée qui se tournait vers son terme et de la chaleur du feu. L’autre femme semblait être partie se reposer, tout comme D. Tant de similitudes qui s’ajoutèrent à la beauté naturelle de la jeune femme assise à côté d’un homme qui n’eut pas besoin de plus d’arguments pour engager la conversation.

« J’ai rencontré beaucoup de samouraïs dans ma vie, et l’un d’eux a failli me trancher en deux, dit-il avant de porter un regard chaleureux vers sa nouvelle interlocutrice. Mais je n’en ai jamais rencontré d’aussi charmantes que vous. »

Tout le naturel et l’habilité d’un homme réunis dans quelques mots. Le pari d’imaginer la femme comme une samouraï n’était pas si osé que cela. Après tout, il n’y avait que des samouraïs pour transporter facilement autant d’épées. Et surtout, rares étaient ceux qui malgré leur possession d’armes n’étaient pas des shinobis. Et la jeune demoiselle ne pouvait pas être une kunoïchi car « elle se voyait mal travailler pour un shinobi ».

« Howaito, enchanté, avait-il ajouté en tendant doucement sa main droite à l’inconnue. »

La jeune femme put profiter du calme et de la chaleur qu'offrait l'endroit l'espace de trois minutes. Peu de temps après que sa senseï l'ai quittée, l'homme qu'elle avait jaugé du coin de l'œil en s'asseyant à cette table lui adressa la parole. Quelques compliments qui ne l'atteignaient pas vraiment. Yaeko se méfiait des hommes. Elle s'était dit en entrant que ce client n'avait pas l'air d'un simple badaud de passage dans la petite auberge du clan. En fait, son court discours avait parlé pour lui. Qui d'autre qu'un guerrier aurait pu rencontrer une multitude de samouraï, avoir failli périr sous la lame de l'un d'entre eux et reconnaître en sa jeune interlocutrice un combattant de Tetsu ? Enfin, ce n'était pas dérangeant tant qu'il ne montrait pas d'animosité à son égard.

Yaeko posa son regard vairon sur l'homme immaculé. Elle l'observa l'espace de quelques secondes, le temps de le se le décrire plus précisément. Il s'agissait là d'un homme assez jeune dont les traits du visage n'étaient pas encore suffisamment marqué pour laisser transparaitre une expérience d'une vie très longue, entre la vingtaine et la trentaine probablement. S'il avait des soupçons sur ce qu'elle était, elle en revanche n'avait qu'une très vague idée sur la condition de cet homme. Beaucoup de personne était guerrière dans ce monde, aussi bien des marchands que des ninjas. Alors qui était-il, à part Howaito ? Elle tendit sa main pour empoigner celle de cet illustre étranger.

"Yaeko. Froidement. Charmante, dites vous ?" Sourit elle.

Les compliments quels qu'ils soient ne l'effleuraient pas, pas quand ils provenaient de la bouche d'un inconnu tout au moins, et encore moins de celle d'un homme. Elle souriait donc certainement plus pour se jouer de son interlocuteur que pour montrer un quelconque intérêt à ses paroles. Pour autant elle ne rompait pas la discussion, ce qu'elle aurait pu faire sans difficulté et sans avoir à s'en excuser. Non, quelque chose semblait l'intéresser chez ce personnage, quelque chose émanait de lui. Pourtant, il n'avait presque rien dit, rien de vraiment intéressant. La Tsukimi reprit aussitôt.

"Si vous aviez rencontré de vrais Samouraï, vous ne seriez pas assis à cette table, entrain de parler à une vraie Samouraï."

Sur ce point elle était assez médisante, tous les hommes se disant être samouraï l'étaient probablement, et donc était de vrais adepte du bushido. Néanmoins, la jeune femme ne reconnaissait que la valeur de certains d'entre eux : ceux qui étaient avec elle au château ces dernières années. Ceux-ci étaient, d'après son propre jugement, les plus doués. Elle comme eux avaient enduré des entrainements inhumains, avaient subit toutes sortes de punition; et elle plus que les autres. Elle avait affronté un samouraï du Shogun lors d'un grand tournoi, elle aurait pu le battre s'il ne s'était agit de Kögan Mugen. Tous les autres ne leur arrivaient pas à la cheville, que ce soit la sienne, celle de Mugen ou de ces hommes.

La nonchalance dont elle faisait preuve était réservée à ce genre d'homme, les étrangers, ceux tentant de l'approcher. Peut être Hawaito prendrait il peur face à la réaction de la rônin ?

"Hum... Il se fait tard. Je vous souhaite une bonne soirée. Enfin, ravie de vous avoir rencontré... Howaito. Peut-être nous recroiserons nous un jour, qui sait.

Acheva-t-elle en se levant. Elle laissa le compte sur la table et prit la direction de l'étage.