[Mission Rang B] Faire ses preuves [Oterashi Yanosa & Kaguya Shikyo]

A peine était-il sorti de sa prison sinistre et glacée, Yanosa avait quitté le Palais de Gyamada aussi sec, n'attendant même pas de pouvoir « fanfaronner » devant la Samui qui avait redoublé d'efforts pour le mettre derrière les barreaux. Une telle attitude ne lui était de toute façon guère familière et le Nukenin préférait revoir sa petite protégée en des temps plus utiles, lorsque leurs retrouvailles pourraient avoir du sens. Le guerrier rouge s'en était donc rentré dans sa montagne plus à l'ouest, aiguisant sur place son épée pour la garder aussi tranchante que possible et refaisant ses stocks de matériaux divers et variés, qui se révélaient tous utiles en temps voulu. Puis lorsque l'envie lui reprit, Yanosa redescendit des vastes collines enneigées, après que son corps ait pu totalement récupérer de ses blessures et traumatismes divers. La solitude lui seyait à merveille, mais en l'occurrence, s'il voulait retirer quoi que ce soit de ce pacte qu'il avait conclu avec le Gouverneur, il allait bien falloir qu'il accepte de côtoyer un minimum de populace en retournant fissa au Palais, ce qu'il fit.

Il pénétra cette fois-ci dans la cour comme s'il s'agissait pour lui d'un territoire conquis, mettant pour ainsi dire à l'épreuve le degré d'hospitalité qu'était prêt à lui accorder Kakeshuou dans sa demeure. Yanosa toisa les gardes à l'entrée, emmitouflé dans de vastes drapés gris qu'il était et chaussé comme il se devait en territoire gelé. Aucun ne soutint son regard, se détournant de lui comme si un simple contact visuel pouvait signer leur perte immédiate. Amusant... Toutefois, la partie amusante de cette entrée osée et suffisante prit fin lorsque le jashiniste eut atteint le centre de la cour. Personne dans les parages, pas un signe d'activité quel qu'il soit... Pour un peu, on aurait pu croire que l'endroit avait été abandonné si les gardes à l'entrée n'avaient pas été là. Puis, la déconvenue, prévisible mais ô combien irritante. Un petit gringalet, blond de son état, ses longues boucles émergeant de son bonnet de tout côté, sortit de la porte centrale et posa ses yeux sur le Nukenin. Le petiot, qui s'empressa de courir à petites foulées vers Yanosa, avait un papier à la main, papier qu'il s'empressa de déposer dans la paume mollement avancée du guerrier rouge avant de repartir aussi sec se mettre au chaud à l'intérieur.

Le concept même d'ordre et de directive donnait de l'urticaire à Yanosa, et ce petit bout de papier qu'il tenait dans sa main lui assurait certainement une crise d'eczéma en règle. Bon gré mal gré, il déroula le parchemin, sur lequel il pouvait lire ceci :

Citation :: « Les mines du nord du Pays sont régulièrement frappées par des attaques de maraudeurs des montagnes. La colère monte dans les mines. Réglez le problème à la source : trouvez les responsables, et localisez leur planque. Si possible, capturez-en un pour le faire parler. Pas d'intervention solo ! »

Régler un problème de maraudeur pour assurer l'approvisionnement en minerai du pays... Se foutait-il ouvertement de sa gueule ? Les intérêts économiques de Yukigakure avaient-ils semblé importants aux yeux du Nukenin lors de la première et dernière entrevue qu'il avait eu avec le Samui ? Non, certainement pas... Et cette dernière phrase, au demeurant innocente... pas d'intervention en solitaire... Allait-il en plus de l'infamie constitué par l'intitulé de ce simulacre de mission ajouter à cela le poids d'un coéquipier dont il n'avait nullement besoin ? Le guerrier rouge crissa des dents, froissant et carbonisant le papier entre ses doigts devenus aussi brûlants qu'un fer chauffé à blanc. Alors comme ça, Kakeshuou avait été sérieux lorsqu'il avait mentionné la possibilité de mettre le Nukenin à l'essai... Le vieux loup des neiges avait un certain sens de l'humour, finalement. Et tandis que Yanosa mûrissait une idée pour se débarrasser de celui qui serait à priori chargé de le surveiller et de « l'évaluer », des bruits de pas se firent entendre, faisant crisser la neige sous le poids d'un individu qui se dirigeait vers le jashiniste. Ce dernier releva alors les yeux, se préparant à dévisager l'homme qui arrivait.

Le froid m'avait littéralement épuisé. Assis à l'extérieur de l'une des auberges de Yuki no Kuni, j'attendais avec hâte le début de ma mission, ne sachant pas comment réagir. La nuit était tombée sur mon corps comme une nuée de cadavres dépérissant, s'effondrant les uns après les autres en s'empilant dans une masse visqueuse de sang et de chair putréfiée. L'odeur de la mort que j'arrivais à percevoir à travers mon imagination me cinglait les narines tant elle était forte, et capiteuse. La tête me tournait alors que ce parfum de pourriture parcourait ma voie nasale, afin de terminer dans ma gorge. Je ne pouvais m'empêcher d'avaler précipitamment ma salive, qui avait un goût horrible.

La mort était devenue insistante, troublant et obscurcissant mes pensées, depuis dix ans. Kihaya était la seule source de lumière qui pouvait résider dans ma tête, mais depuis son décès, la vie me semblait grise. Plus que grise, ma vie était noire. Toutefois, ma mission était simple : Me débarrasser de maraudeurs, qui rendaient épouvantables la vie de mineurs, tout en faisant équipe avec un dénommé Yanosa. J'avais déjà entendu ce nom. J'avais entendu parler de mon partenaire présumé quelques heures plus tôt, par le biais de l'aubergiste qui était venu discuter avec moi à l'extérieur de l'auberge. D'après lui, il s'agit d'un homme "sombre", se dévouant corps et âme à sa religion. C'était terrifiant.

Je m'approchais calmement du palais, où se trouvait un homme à la chevelure rouge. Impossible de me tromper, il s'agissait de mon partenaire. Un partenaire qui, bien que plus fort que moi, devait être sous mes ordres. Je n'étais pas d'accord pour être le dirigeant de cette mission, mais bien un équipier. Toutefois, si les dires de l'aubergiste étaient justes, je ne devais pas non plus me soumettre à un Nukenin.

À peine arrivais-je aux côtés de mon camarade, j'interrompis son mouvement de la totalité de ma paume pour l'empêcher de me regarder. Je ne souhaitais pas qu'il regarde mon visage pour le moment, mon objectif étant bel et bien de m'imposer au cours de cette mission. Il m'apprécierait ou non, dans tous les cas, l'ordre commun que nous possédons sera réalisé avec brio. Tout en avançant, afin de n'afficher à Yanosa que mon dos, je m'adressais à lui.

"En quelques mots. Je suis Kaguya Shikyo. On se rend à la mine la plus proche. Si tu as besoin de prier, tu le fais, je connais rien à ta religion. En route."

Les ordres étaient clairs, nets, et précis. J'espérais toutefois que cette tentative d'intimidation "brutale" suffirait à ne pas me faire dépasser par les événements et la charge d'un Nukenin mis à l'essai par le gouverneur du pays des glaces.

Les bruits de pas provenaient de derrière Yanosa, aussi, entraîné qu'il était à ne jamais se laisser prendre en traître, le Nukenin arqua sa nuque sur la droite pour tourner son buste vers celui qui serait très certainement ce qui s'appelait communément un « partenaire ». Une main vint alors se poser sur sa joue, fermement, assez pour immédiatement l'agacer et lui arracher une moue colérique alors que la personne tentait vraisemblablement d'affirmer une forme de contrôle sur le jashiniste. Une tentative aussi vaine que dangereuse... Décrivant un arc de cercle avec sa jambe droite, Yanosa fit pivoter tout son corps vers cet hurluberlue qui pensait pouvoir venir titiller impunément l'orgueil d'un guerrier à la morale loin d'être universelle, balayant la main et le bras incriminé d'un revers du sien aussi sèchement que lorsque l'on flanquait une rouste à un enfant malpoli. Il se retrouva alors nez à nez avec le yukijin, un triste inconnu aux cheveux blonds ébouriffés qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam et qui entamait très mal sa relation, aussi brève qu'elle pouvait se révéler, avec le guerrier rouge.

Étonnamment, le shinobi de la neige fit preuve d'une étrange politesse et d'un franc parler en quasi totale contradiction avec la gestuelle qu'il avait adopté, se présentant et allant droit au but... Mais que cherchait-il, ce freluquet ? L'observant lui tourner le dos malgré le contact physique peu amical qui venait d'être instauré entre les deux hommes, Yanosa se demanda si ce Kaguya avait mené une mission semblable ne serait-ce qu'une fois dans sa courte vie. Qu'il ait beaucoup étudié les tactiques militaires de son pays natal ? Aucune importance. Qu'il descende d'un clan réputé, voire craint dans bien des nations au point que Yanosa lui-même connaissait par avance la nature de ses capacités ? Inintéressant. Non, ce qui intéressait vraiment le jashiniste, contraint de se charger d'une basse besogne qu'aurait rechigné à faire le plus loyal des shinobis assermenté, c'était comprendre... Comprendre ce qui avait amené ce petiot aux boucles blondes rattaché à Kiri à se joindre au Gouverneur de Yukigakure, et plus immédiatement encore, comprendre pourquoi c'était lui qu'on avait chargé de l'accompagner, et pas un autre.

Après avoir suivi le Kaguya de quelques pas, les yeux froncés et soucieux, le Nukenin créa une brève décharge de Raiton dans son corps pour passer en un éclair devant le kirijin exilé, alors que les deux hommes n'avaient pas encore quitté l'enceinte de la cour du Palais. Yanosa lui barrait la route de tout son corps, s'interposant entre son « partenaire » et la sortie tout en le regardant droit dans les yeux.

« Que ce soit clair, Osselet, tu n'as rien besoin de savoir sur moi... si ce n'est peut-être que ton numéro de petit chef me donne une furieuse envie de t'étriper. Moi en revanche, je dois savoir qui on m'a mis dans les pattes. Hors de question que ma vie repose entre les mains d'un illustre freluquet au cœur du combat, à aucun moment.

On prendra donc le temps qu'il faudra pour arriver à cette fameuse mine... Et sur le chemin... tu me prouveras que tu n'es pas qu'un tas d'os inutile. »

Sur ces mots durs et froids, engagé dans un processus qui le nui plaisait guère, Yanosa tourna le dos à Shikyo et reprit la marche d'un rythme soutenu, faisant voleter le drapé gris qui lui recouvrait le buste dans son dos. Les mines dont il était question, il voyait très bien où elles se trouvaient, s'étant déjà servi là bas une ou deux fois pour pouvoir confectionner quelques menus accessoires forts utiles. Le Nukenin se raccrocha donc à l'idée, pour trouver une forme de motivation, qu'il agissait également pour ses intérêts en enquêtant et en annihilant les maraudeurs incriminés... Une maigre justification pour devoir se charger d'un tel travail.

Spoiler:

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