La petite tête blonde, qui ne devait pas avoir dix ans, traversa la maison en sautillant avec l'énergie de la jeunesse.

« Papa ! »gazouilla-t-elle, à la recherche de ce dernier.

Elle le trouva sur la véranda de leur maison, légèrement penché, en appuie sur la barrière en bois poli. Une pipe aux lèvres, il observait la rue au bord de laquelle il vivait avec sa famille. Lorsqu'il entendit sa progéniture arriver, il se redressa de toute sa hauteur, et épousseta sa tunique d'érudit. Plutôt ample, les larges manches bleu clair recouvraient entièrement ses mains lorsqu'il gardait ses bras le long du corps. Un ceinture ocre en tissu nouée autour de sa taille maintenait sa toge fermée. Longue jusqu'à mi-cuisse, un pantalon assortie se chargeait de couvrir le reste de sa peau. Seul son visage était visible, doux et imberbe. Les cheveux plutôt longs, d'un noir geai malgré sa cinquantaine passée, encadrait son faciès de part en part avec deux mèches tombant sur ses épaules, le reste étant attaché dans son dos par une petit broche circulaire sertie d'un saphir.

« Qu'y a-t-il Kaede ? » demanda le père de la jeune fille avec une voix tendre.
« Dis papa, tu sais te battre à l'épée ? »

Le papa en question tira une dernière bouffée de sa pipe, puis la posa sur le rebord avant de s'assoir à même le sol, là où les escaliers commençaient.

« Bien sûr Kaede. Tout homme doit savoir manier l'art noble de la lame. C'est une marque de qualité dans notre société.
_ Et tu es fort ? » demanda-t-elle en s'asseyant à son tour près de lui.
«  Hum... pas vraiment. » avoua-t-il en se grattant la joue de l'index, avec un sourire embarrassé sur les lèvres. « Je suis un homme de lettres, pas un soldat.
_ C'est pour ça que tu as rangé ton épée dans la grosse boite dans la cave, avec le masque bizarre ? »

Son père cessa immédiatement de rire. Pour la première fois de sa vie, mais aussi la dernière, Kaede vit les traits de ce dernier se durcir, et la réprimander avec colère.

«  Je t'interdis de t'approcher de cette boite, Kaede ! Ne t'en approche plus jamais, tu m'entends ? »

Il n'avait pas crié, et c'est peut-être ce qui heurta le plus sa fille, dont les yeux commencèrent à ruisseler. Il posa alors une main chaleureuse sur la tête de son enfant, et caressa ses cheveux.

«  Va chercher tes chaussures Kaede. Nous allons un peu marcher, tu veux bien ? Je vais emmener ton frère avec nous et nous allons manger une glace. »

La jeune fille récupéra vite, comme si la voix douce de son père avait déjà effacé le chagrin.

*****************************

« Papa ?
_ Oui Kaede ?
_ Pourquoi est-ce qu'on vient tous les jours ici, à l'orée des bois depuis trois jours ?
_ Tu n'aimes pas te promener avec ton père ?
_ Non, ce n'est pas ça. C'est juste que... C'est la première fois que... »

C'était une expression nouvelle depuis ces trois jours qu'elle lisait dans les yeux de son père, mais elle ne trouvait pas les mots pour l'exprimer. Pourtant, il savait où elle voulait en venir.

« Un vieil ami de ton père va venir nous rendre visite bientôt, et je pense qu'il viendra par ce chemin-ci.
_ Il ne t'a pas dit quand ?
_ Non
_ Comment sais-tu qu'il va venir alors ? »

Il regarda la forêt quelques instant, en silence, comme perdu dans ses souvenirs.

« Ce genre de choses se sent. » annonça-t-il finalement.

************************

Bien que jeune, et très proche de son père, il suffisait qu'elle s'éloigne de lui pour révéler un autre aspect de sa personnalité : Kaede était un vrai garçon manqué, débordante d'énergie. Prit par l'esprit de l'aventure, elle quitta la maison pour gagner la forêt où son père l'a emmené, trois jours durant. Mais seule, cette fois-ci. Elle voulait faire la surprise à l'ami de son père, le rencontrer avant qu'il n'arrive dans son village. C'est pourquoi elle s'enfonça bien plus loin que ce qu'elle a déjà pu voir. Normalement, elle n'avait rien à craindre. Les rares animaux présents dans les bois fuient l'homme, et la zone n'était que très peu mal fréquentée. Alors, pourquoi le destin avait-il mit sur la route de cette jeune fleur en devenir un criminel mal intentionné ? C'était un petit village, il n'y avait rien de bien intéressant à y faire pour le commun des mortels. Peut-être l'homme n'était-il en chemin pour ailleurs. Néanmoins, à cette époque, un peu de chair fraîche de se refusait jamais, surtout lorsque l'on était en fuite... Lorsque Kaede aperçu le sourire de l'homme encapuchonné, son sang se glaça. Ce ne pouvait pas être l'ami de son père, jamais il ne fréquenterai des individus à l'aura si mauvaise. Si la peur la paralysa dans un premier temps, la plantant sur place comme un piquet, elle se changea très vite en énergie pour alimenter la fuite. La jeune fille prit ses jambes à son cou, courant aussi vite qu'elle le pouvait vers l'entrée des habitations, mais ses efforts furent pourtant vain, car elle n'avait pas fait dix mètres que l'homme bondit dans son dos, et la plaqua alors au sol de toute son poids. Elle gesticula, hurla, et parvint finalement à le repousser en le frappant au visage de la grosse pierre sur laquelle s'étaient refermés par hasard ses doigts. L'homme saignait, et elle ajouta un deuxième hématome à son visage criminel en lançant le caillou avant de reprendre la fuite. Mais c'était peine perdue, elle savait qu'il la rattrapera encore, et que ce sera bien pire, peu importe ce qu'il comptait lui faire. Elle avait du mal à respirer, alors qu'elle entendait les jurons et les pas se rapprocher à vive allure dans son dos. Et alors qu'elle sentit presque le souffle de son poursuivant dans sa nuque, les mains quasiment resserrées sur sa gorge,  elle décolla soudainement du sol, emporté par elle ne savait quoi. Le poursuivant qui s'était jeté sur elle ne rencontra que la terre et la mousse de la forêt. Il leva les yeux, sans comprendre lui non plus, et vit alors un autre homme porter la fille d'une main. Un autre homme, qui lui afficha un sourire dépourvu de pitié avant de lui abattre sa chaussure sur le crâne. Une unique fois.

« Qu'est-ce que tu fais seule dans les bois toi ? » demanda-t-il à la concernée maintenant que la menace gisait inconsciente, alors qu'il la tenait toujours à une main par le milieu du dos, une prise ferme sur son vêtement.
« Papa ? »

Non, ce n'était pas lui. L'homme avait l'air un peu plus jeune, la quarantaine peut-être, et ne lui ressemblait pas du tout.

« Vous êtes l'ami de papa qui venez nous voir ? »

Les pièces de puzzle se mettait doucement en place.

« Je vois que je suis attendu. » mentit-il avec un sourire en reposant Kaede.
« Oui ! Papa m'a dit qu'il sentait qu'un ami viendra pas la forêt ! » gazouilla-t-elle avec enthousiasme.
« Est-ce qu'il sait que tu es ici ?
_ Euh... pas vraiment... » avoua-t-elle avec un air coupable.
« Hahaha. Viens, allons le voir, il doit s'inquiéter. »

Il venait effectivement pour voir quelqu'un, mais il n'était pas sûr qu'il s'agissait là de la même personne dont parlait la jeune fille. Néanmoins, il n'allait pas la laisser seule ici, il avait déjà vu ce qui pouvait encore lui arriver. Il marcha d'abord lentement avec elle, le temps qu'elle recouvre sa respiration, puis normalement, et ce jusqu'à l'orée de la forêt. Jusqu'à ce qu'un homme arrive à leur rencontre.

« Papa ! »

L'autre resta en retrait, et se contenta d'observer la scène. Le père, qui portait déjà un enfant plus jeune dans ses bras, prit sa fille contre lui, frottant son visage tout en la grondant sans force. Puis il leva les yeux vers l'autre. Et s'illumina en se redressant de toute sa hauteur.

« Eh bien Natsuki, tu comptes attendre encore longtemps avant de venir saluer ton vieil ami Kôtaro ? »

Les deux hommes se serrèrent avec force dans les bras l'un de l'autre après que Kôtaro ait confié le cadet à Kaede.

« Bonjour Amon. » murmura l'assassin tatoué

Les mains sur les épaules de l'autre, ils s'écartèrent.

« Je t'attendais bien plus tôt, Natsuki.
_ Les bon invités savent se faire désirer. »

***************************

«  Et c'est comme ça que j'ai empêché les bandits de voler la cargaison de minerai. »

Assit autour de la table familiale du salon, les deux enfants de Kotaro écoutaient le récit de Natsuki avec des étoiles dans les yeux. Le père, lui, souriait simplement devant l'admiration de son fils et sa fille, en buvant son thé.

« Whoahou, vous êtes fort Natsuki. Plus que papa ! » s'extasia Kaede, en lançant un regard en biais vers son paternel.

« Haha... Je suis un ninja, c'est normal. Mais je ne suis pas aussi fort que Kôtaro pour autant. Jamais je n'aurai eu la force et le talent d'élever deux enfants pour en faire la belle jeunes femme que je vois aujourd'hui. »

Kaede sentit ses joues rosir, et enchaina alors rapidement.

«  Mais ils sont bizarres vos vêtements pour un ninja. »

Le regard de l'ainée se posa sur le chapeau et la cape brune à la coupe particulière de Natsuki.

« Hum ? Ce n'est pas ma tenue de shinobi ça. Celle-ci est juste plus pratique pour voyager.
_ Et, et, si vous êtes fort, vous voulez bien m'apprendre à me battre aussi ? Moi aussi je veux être forte et savoir me défendre.
_ Kaede, voyons. Natsuki vient de loin. » l'interrompit son père. « Il a sûrement envie de se reposer.
_ Oui. Pardon papa.
_ Natsuki, tu restes pour le dîner bien sûr ?
_ Cela dépend. C'est toi qui cuisine ?
_ Tu serais surpris, figure-toi.
_ Tiens donc ? Etonne-moi ! »

Les assiettes étaient blanches à la fin du repas. Kôtaro n'avait pas mentit à son invité.

«  Eh bien, je retire mes sarcasmes. Tu es devenu un cuisinier hors paire.» complimenta l'assassin.
« Il faut bien. Leur mère – ma femme – est morte en mettant Tanaka au monde. » confia Kôtaro lorsque Kaede se rendit dans la cuisine pour y déposer la vaisselle. « J'ai dû apprendre beaucoup pendant ces quatre dernières années. Plus que toutes les autres. C'est compliqué d'être père. Mais pour autant, je gage que c'est la plus belle expérience qu'il m'est été donné de vivre. Où en es-tu toi d'ailleurs ?
_ Tu sais bien que je suis stérile. » répondit Natsuki d'un ton naturel.
« Ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu fréquentes quelqu'un ?
_ Quelque chose comme cela, oui. Une boule d'énergie et de spontanéité inépuisable. Une charmante kunoichi de Suna, qui plus est. »

Kôtaro tiqua si fort du bras qu'il renversa une partie de la bouteille de saké qu'il versait. Natsuki ne su réprimer son sourire, il espérait provoquer un effet de ce genre. Compte tenu des tensions entre Konoha et Suna, c'était compréhensible.

« Ah ! Kaede, apporte-moi une serviette s'il te plait ! Et toi, une femme de Suna, ninja aussi en plus  ? Rien que cela ? »

Natsuki secoua sa main devant lui, comme pour chasser une idée.

« C'est un plus compliqué qu'en apparence. »

Il raconta alors à son vieil ami la cocasserie de la situation. Qui était réellement sa compagne, et l'étrange relation qu'il entretenait avec elle.

«  Eh bien, Je ne m'attendais pas une histoire pareille, je l'avoue. Pas plus que j'aurai vu quelqu'un comme toi dans une situation semblable.
_ La vie est pleine de surprises, c'est ce qui la rend intéressante. Tu ne penses pas ? »

************************

La nuit était bien avancée lorsque les deux amis se levèrent de table. Tanaka et Kaede dormaient depuis bien longtemps à même le sol, sur la mélodie des récits des deux orateurs.

«  Si nous allions marcher un peu, Natsuki ? Donne moi juste le temps de coucher mes enfants. Ah oui, et prend un manteau, les nuits sont fraîches. »

L'assassin acquiesça, et enfile sa cape avec son chapeau. Il attendit peut-être, un quart d'heure sur la véranda, à observer le ciel. Les bras découvert par son haut à manches très courtes, la nuit était à son goût plutôt agréable. Une légère brise caressait sa peau comme un voile de soie. La lumière s'éteignit dans son dos, et Kôtaro apparut dans le cadre de la porte qu'il verrouilla. Entièrement enveloppé dans un large manteau vert terne, il se mêlait presque dans l'obscurité.

« Désolé de t'avoir fait attendre.
_ Ne t'inquiète pas pour cela. J'admirais la vue. C'est un beau quartier dans lequel tu t'es installé.
_ Je te le concède. Sakurako vivait déjà ici quand je l'ai rencontré. .... … Natsuki ?
_ Hum ?
_ Tu te souviens de la dernière fois que l'on s'est parlé ? »

*********************

10 ans plus tôt.

Assit dans l'herbe, Natsuki contemplait le ciel étoilé. Un acte qu'il s'était surpris à pratiquer régulièrement. Le calme nocturne, voilà ce qu'il appréciait.

« Comment tu te sens, Natsuki ? » demanda Amon.

Le membre du clan Nara, malgré son expérience, ne l'avait même pas sentit arriver.

« Je ne sais pas, à dire vrai Maître. »

Natsuki parlait avec beaucoup de respect à son supérieur de la Racine, bien que ce dernier n'était plus âgé que lui que d'une dizaine d'années seulement.

« C'est la première fois que tu fais échouer une mission ? » demanda Amon en appuiyant sur le verbe '' Fais ''.
_ Oui.
_ Et sais-tu pourquoi tu as échoué ?
_ Parce que je n'ai pas suivit les ordres. Vos ordres.
_ En effet. Tu n'as pas suivit mes consignes, et tu es même allé à leur encontre. »

Amon se tenait droit, les bras croisés sur la poitrine, derrière Natsuki. Impossible de lire sur son visage, il portait comme toujours son masque.

« Est-ce que tu le regrettes ? »

Natsuki prit un moment avant de répondre :

« Non. »

Un nouveau silence s'installa comme une chape de plomb.

« Non. » reprit-il finalement. « Si nous avions continué, nous serions tous morts, ou presque. Et le succès n'était pas garanti. La cible ne vivra pas éternellement, nous pourrons toujours l'avoir une prochaine fois, sans avoir à sacrifier inutilement l'escadron entier.
_ Alors même que l'on t'a apprit à te sacrifier pour la cause sans hésitation ? Qu'un allié en difficulté n'est rien d'autre qu'une ouverture dans la garde de ton ennemi distrait ?
_ Vous m'avez enseigné beaucoup, Maître. Perfectionné mon art de tuer, de m'infiltrer, de me battre, mais au sein de mon clan, j'ai aussi apprit à réfléchir, et assumer mes actes. J'en ai conclu que les règles sont une chose, qu'elles guident notre pratique pour le bien de Konoha. C'est pourquoi j'accepte l'entière responsabilité de vous avoir tenu tête, et désobéit. J'accepte les conséquences pour avoir préféré ne pas affaiblir l'armée de notre Village en le privant de six hommes pour un objectif que l'on pouvait différer. Non, je ne regrette pas d'avoir désobéit et sauvé mes camarades dans cette situations précise.
_ Même si cela implique ta condamnation ?
_ Mon père m'a dit un jour que nous autres ninjas avions le droit de regretter la nécessité de notre devoir, mais pas celle de nos actes. Hier n'était pas une nécessité. Je ne dis pas que ce que j'ai fait est juste. Mais au moins...
_ Le Village de Konoha est une organisation militaire dont nous assurons l'ordre. Tu as été et sera encore amené à faire des actes dont tu ne seras pas fier. Le sacrifice ou l'abandon de ses camarades pour le bien d'une mission en fait partie. Mais oui, hier tu as fait le meilleur des choix possibles, non pas pour le bien de notre Village, mais pour tes alliés. C'est quelque chose qui doit s'évaluer au cas par cas. C'est ce qui marque la différence entre un bon leader et une machine de guerre efficace. Ne te méprend pas cela dit : Konoha attend de toi une machine, tes hommes aussi. … … Sais-tu pourquoi je t'ai choisi ? »

L'assassin tatoué resta silencieux. La réponse '' parce que je suis fort '' lui vint à l'esprit, mais ce n'était pas cela. Des ninjas puissants, il y en avait des centaines.

« J'ai vu en toi la capacité de réussir là où j'ai échoué. Cela fait dix ans que tu sers dans la Racine, neuf que je te connais et sept que je t'entraine personnellement. Et bien avant que tu n'arrives, j'étais déjà ce que je suis. Je n'ai pas su concilier leader et machine comme je l'aurai souhaité. Petit à petit, je suis devenu le second. Les résultats sont là, mais ils ont eu un prix. Tu l'as vu hier. Et c'est aussi hier qui m'a rappelé ce à quoi j'aspirai vraiment avant. »

Nouveau silence. Natsuki ne décrochait pas son regard des étoiles.

« J'aimerai te laisser un héritage, Natsuki. Que tu portes à ton tour le rêve que je n'ai pas su atteindre. Sers le Konoha fidèlement, le Village et le Pays du Feu tout entier a besoin de nous. Mais ne le laisse pas te changer, reste qui tu es, loyal envers tes principes et ton armée.
_ … C'est impossible, n'est-ce pas ? »

Il n'eut jamais sa réponse, Amon était déjà partit sans un bruit.

************************

« J'ai appris le lendemain que tu avais déserté la Racine.
_ Oui. Plus tard, j'ai rencontré Sakurako et je me suis installé avec elle sous le nom de Kôtaro. »

Ils n'avaient pas marché longtemps, avant d'arriver sur une grande place, centre névralgique du Quartier.

« Natsuki, tu es venu pour me tuer, n'est-ce pas ? »

L'assassin s'assombrit, en adoptant une expression navrée.

« Tu savais que le Konoha avait retrouvé ta trace. Pourquoi ne pas être partit Amon ?
_ Ma vie est ici Natsuki, pas ailleurs. Et j'espérais que ce soit toi qui vienne.
_ Je me suis porté volontaire. »

Les deux rirent, mais était-ce vraiment sincère ?

« Merci d'être venu Natsuki. Cela m'a fait plaisir de te revoir après cette décennie. Maintenant, il est temps de me montrer si tu as acquit la force de porter ce que je t'ai légué, si tu ne l'as pas déjà perdu.
_ Cela aurait pu se passer autrement.
_ Non. Je savais que cela arrivera le jour où j'ai déserté la Racine. Et je l'ai accepté.
_ Tu n'es pas un danger Amon.
_ Comme beaucoup des fugitifs que nous avons tué. Mais c'est la règle, pour protéger le savoir de Konoha. Si ce n'est pas toi, ce sera un autre qui le fera. Et c'est à toi de me prouver que tu es digne de ce que j'ai su déceler en toi, de ce que je t'ai confié.
_ Il m'arrive de penser parfois que je ne suis pas à la hauteur...
_ Alors je le reprendrai sur ton cadavre. » coupa Amon.

Sa voix ne souffrait d'aucune contestation. Il s'éloigna de quelques pas, et quand il se retourna en jetant son manteau, il portait son vieux masque, son sabre court et sa tunique de combat. S'il ne le connaissait pas, Natsuki ne se serait douté à aucun moment qu'Amon avait dissimulé son équipement sous sa veste longue, car il n'avait rien vu, pas même le moindre relief. Vêtu comme un assassin de la Racine, son wakizashi était porté à son bras d'une étrange façon : un système d'attache au poignet et avant-bras tenait la lame plaquée contre, qui se prolongeait d'une vingtaine de centimètres au-delà de son poing fermé. Dans ses yeux, seule partie visible de son visage, brillait la volonté de se battre, de défendre tout ce qu'il avait construit et chérit ces dix dernières années, même en sachant qu'il ne sortira pas vivant de cet affrontement. Natsuki était venu ici pour mettre fin à la vie de son formateur, car c'était à lui de le faire, de lui rendre le dernier hommage et les honneurs qu'il méritait, traitre ou non. Il était venu, pour lui montrer ce que l'homme qu'Amon avait entrainé était devenu.

« Quoi qu'il advienne ce soir, mes enfants ne doivent pas rester seuls. »

La lumière dans le regard de l'assassin s'éteignit, gravant sur ses traits un masque de néant, suite à quoi il s'élança dans la bataille. Tous s'accordait à dire que le premier contact révélait souvent aux deux adversaires qui l'emportera. Celui-ci ne fit pas d'exception, mais aucun des deux ne relâcha son effort pour autant. Poings, pieds, lame et tonfas s'entrechoquaient, fendaient le vide ou esquintaient la chair dans le silence de la nuit, avec les étoiles pour uniques témoins. L'assassin de Konoha était vif, mais ne pouvait pas lire sur le visage d'Amon. Le fugitif lui, avait plus d'années d'expérience de combat que Natsuki, mais était rouillé. Ses coups étaient moins précis, mais n'avaient rien perdu de la force légendaire qui les caractérisaient. La puissance cependant n'avait pas d'intérêt, lorsqu'elle n'avait que l'air sur qui se déchainer. Les deux adversaires étaient souples, mais c'était Natsuki qui menait la danse. Si bien que Kôtaro ne tarda pas à rompre le contact. Son bond en arrière l'amena au bord d'un toit, sur lequel le Natsuki ne le suivit pas. L'un comme l'autre, ils utilisèrent leur affinité naturelle pour accroitre leur vitesse. Puis Amon sauta à nouveau, et tomba droit sur son assassin. Natsuki esquiva l'attaque de front, et riposta d'une frappe circulaire du pied droit dans la hanche qui le repoussa. La réactivité de sa cible avait très sensiblement baissé par rapport à ses souvenirs. Ou alors était-ce lui qui l'avait surpassé à force d'assignations et d'entrainements ? Le fugitif n'en demeurait pas moins un guerrier prodigieux, imprévisible, vif de pensée comme d'acte. Impossible de dresser un plan sur plus de quelques secondes, car son ami aussi le connaissait, ou plutôt, connaissait l'ancien lui. Il lui faudra improviser à chaque pas, chaque esquive, contrer, parer, calculer sur l'instant chacune de ses bottes et de ses feintes.

Il y eu un instant de flottement, durant lequel ils s'observèrent tous deux en chien de faïence, si parfaitement silencieux qu'il était presque possible d'entendre le petit filet de sang ruisseler sur le bras blessé dAmon par les lames de vent des tonfas de Natsuki. L'on pouvait lire de l'estime dans les yeux de Kôtaro, qui était satisfait de voir après quelques échanges seulement que son disciple était devenu un assassin accompli. Il ne lui cèdera cependant rien pour autant.

Ils rompirent ensemble leur immobilité, chacun se ruant sur l'autre. Mais au dernière moment, juste avant le contact, Amon plongea sur le côté, roulant la tête la première pour se mettre hors de porté des poings rapide de Natsuki. Manœuvre défensive, il porta néanmoins un coup de sa lame, qui manqua de taillader l'assassin à la cuisse. Agilement, le Céruléen l'esquiva, mais lorsqu'il se prépara à contrer, le fugitif s'était déjà redressé sur ses jambes, et l'attendait en position de garde. Une nouvel instant de flottement, et les hostilités reprirent de plus belle. Natsuki porta un direct de la gauche. Le bras d'Amon, pourvu de la lame, se glissa en parade parfaite, et intercepta le métal du Tonfa par l'intérieur, ce qui écarta le tout. Dans un même souffle, il pivota légèrement, et épaule en avant, se laissa entrainer par son deuxième poing. L'assassin avait déjà entamé la parade avant même que le coup ne s'amorce. Son autre tonfa effectua un cercle en l'air, puis remonta vers l'intérieur de cette botte, et dévia la lame de d'Amon, laquelle passa par-dessus son épaule. Aussitôt il enchaina avec une vitesse surnaturelle d'une frappe du genou dans l'estomac, puis attrapa le bras avant qu'il ne soit replié pour une projection en force vers le sol. Ripostant d'une pirouette, Amon se réceptionna à l'envers d'une main, et imposa une mise à distance en effectuant un mouvement circulaire de ses jambes.

Activant encore une fois ensemble leur stade de vitesse supérieure, ils entrèrent alors pleinement dans leur danse macabre. Natsuki frappait, tournoyait d'un pas vif et léger, à la recherche d'une ouverture qu'il voulait ouvrir à force de coups et de feintes éclairs. Mais son mentor semblait avoir retrouvé tous les acquit et les réflexes de sa vie passé à servir la cause de Konoha. Il paraît chacun de ses mouvements destinés à lui nuire, par des gestes beaucoup plus direct que son opposant, usant un peu plus de sa puissance que de sa vitesse. Il opposait poings, pieds et lame à Natsuki, le forçait à contrer les assauts à son tour. Les échos du combat se répercutait dans la ville endormie sans discontinuité, choc après choc.

Une nouvelle feinte, Amon plongea d'un coup sous une attaque, et sa main pourvue de sa lame dressée ouvrit le chemin à sa remontée au sortir de l'acrobatie. Elle fila droit vers le cœur de l'assassin, qui n'avait plus le temps de bloquer. Il imita alors son ancien mentor, et fit un plongeon prodigieux vers sa gauche. Sa roulade le releva en un instant, mais dos à son adversaire, il lui avait offert un avantage. Il continua alors sa course, Kôtaro à sa poursuite. Le temps d'un battement de paupière, Natsuki avait sauté vers un mur, et rebondit sur ce nouvel appuie en sens inverse. Sa jambe fit alors front à une violente attaque du poing, l'impact le repoussa Amon. Remise à zéro des avantages. Dans la nuit, les assauts devenaient flous sous l'effet de la vitesse, voire invisibles pour un spectateur non averti, mais tous s'accordaient à dire que le duel tenait du surnaturel.

Le tonfa renforcé d'une lame de vent de Natsuki siffla à hauteur de gorge. Amon passa en-dessous en s'accroupissant soudain, animé d'une énergie retrouvée, et se relevant en portant un double uppercut joint. Improvisant, l'assassin n'arrêta pas son mouvement en le voyant rater. Bien au contraire, il le paracheva en lançant ses jambes par-dessus lui, en roue aérienne, qui lui permit d'éviter l'éventration. Emporté dans son élan soudain, il ne pu se réceptionner assez proche pour contre attaquer, mais au moins il était sauf.

Un nouveau contact, une nouvelle parade, les deux opposants se retrouvèrent bras écartés, à tomber l'un vers l'autre. Amon n'hésita pas, et baissa le front. Son masque encaissa le choc frontal, contrairement au visage de Natsuki, dont le nez se brisa. Il ne pu réduire que légèrement l'impact en repoussant Kôtaro d'une frappe du genou dans l'abdomen. Le fugitif ignora la douleur, et repartit à l'assaut d'une attaque basse. L'autre l'esquiva en levant les jambes pour atterrir sur le dos, mais comme un ressort, il se détendit à nouveau en poussant de ses bras, et asséna un coup de talent en se redressant. L'attaqua rata, mais elle avait remplit son rôle, éloigner son ancien formateur. Acharnés, ils s'affrontèrent à nouveau face à face. Leurs frappes allaient désormais trop vite pour pouvoir suivre en détail ce combat. Il n'y avait qu'un flot belliqueux continu. Un entaille apparaissait sur l'un des deux protagonistes, mais aucun ne parvenait à porter de coups décisif. Il ne s'agissait que d'égratignures, de fines déchirures des vêtements ou de la peau. Natsuki aurait pu en être le premier surprit, si son cerveau n'avait pas bloqué tout ce qui ne lui servait pas à tuer. Comment Amon pouvait-il lui tenir tête, alors que sur le papier Natsuki le surclassait sur tout ? Était-ce là la force de ceux qui ont une valeur à défendre ? L'assassin avait ses rêves pourtant aussi. Sauf qu'aucun d'entre eux ne filtrait pour le moment. Ou inconsciemment voulait-il préserver son ancien maître ? Quiconque connaissant l'assassin et la partie de lui qu'il avait développé pour le terrain en douterait. Et pourtant... Le combat se prolongeait, la sueur mêlée au sang venait irriter les plaies. Mais en dépit des écorchures et des meurtrissures, il n'y avait qu'une seule blessure significative : le nez ruisselant de Natsuki. Kôtaro fonça sur lui une fois encore, et la fin du combat s'amorça. Trois feintes, une estoc à la tête. Amon lui entailla la tempe de l'assassin à travers son chapeau. Le concerné senti le fil de fer dans la doublure interne casser, celui-là même qui maintenait le couvre-chef sur sa tête en cas de mouvements rapides. L'héritier Nara se baissa alors vivement, et en perdit son chapeau dans la manœuvre. En un éclair, le plan se mit en place. Il profita du bouclier visuel de sa coiffe restée une demi-seconde en l'air, et projeta d'une torsion du poignet un tonfa acéré par son chakra de vent, lame la première droit sur Amon. Conscient de la ruse, ce dernier écarta l'accessoire d'un revers du bras avant d'esquiver l''arme jaillissante. Mais Natsuki n'était plus là. Il avait plongé sous la main de Kôtaro lorsqu'il avait balayé sa ruse, profitant alors d'un deuxième bouclier visuel pour '' réapparaitre '' hors de sa vue, dans son dos. Il projeta Amon d'un bras, écrasa avec force son torse d'un pied, et abattit son autre main armée. Sa lame de vent se planta sans résistance dans le masque, et dévora la chair dissimulée derrière. Le masque se fendit en deux, et révéla le visage meurtrie du cadavre. Amon était mort, c'était terminé.

Pas de discours, pas de promesse entre les deux amis alors que le vaincu sent son heure arriver à cause de sa blessure, pas de pluie pour souligner l'aspect dramatique. Rien d'autre qu'une froide mise à mort résultant d'un duel implacable pour la survie de deux êtres ayant accepté leur destin.

L'assassin retira son tonfa ensanglanté redevenu normal, et posa un genou à terre. Prière silencieuse à son ami et mentor, et ferma ses yeux vides d'un geste. Il ramassa l'un des deux fragments du masque, dont il regarda l'intérieur, avant de lever la tête, et se redresser de toute sa hauteur. Ses yeux croisèrent alors Kaede, totalement mystifiée, cinq mètres plus loin. La bouchée bée et l'esprit égaré, elle semblait pétrifiée, seules les larmes coulant sur ses joues attestaient d'une trace de vie en elle. Natsuki, impénétrable, ne cilla pas, et après quelques secondes, disparut d'un sunshui.

***********************

D'un sursaut, Natsuki se réveilla en sueur dans son lit. Dans sa chambre éclairée seulement de la lueur de la lune filtrant de sa fenêtre, il mit plusieurs instant à retrouver où il était. La respiration du jeune adulte de dix-spet ans revint rapidement au calme, alors qu'il gagna la salle de bain pour passer de l'eau fraîche sur son visage, s'efforçant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller ses parents, si rarement tous les deux ensembles avec lui à domicile.

« Bon sang. Qu'est-ce que c'était que ce rêve étrange ? »

Perdu dans ses pensées, il tiqua tout d'un coup en voyant son reflet dans le miroir.

« Non, pas moyen que je me laisse pousser la moustache comme ça quand j'aurai cet âge là. » sourit-il finalement, avant de retourner dans son lit terminer sa nuit.

Il avait rendez-vous avec son formateur le lendemain, mieux valait pour l'héritier Nara qu'il soit en forme.