« La Gourde, va remplir les gourdes ! ». Ce sont exactement les paroles que m’eut adressées l’espèce de bouffonne qui nous sert d’aubergiste. Gourde toi-même, j’eus envie de dire, néanmoins si je répliquais quoique ce soit de un on se passait de toit pour la nuit et de deux on mourrait de soif. J’ai donc finis par opter pour l’option de la ménagère, euh, aubergiste, et me suis rendue à l’Oasis le plus près de la bourgade. Évidemment, aucun de mes deux associés ne s’est proposé pour y aller à ma place… MAIS OÙ VA LE MONDE ?! Finalement j’y suis allée, sans les deux tarlouzes, sans la poufiasse vêtue de bleu, totalement seule. Même pas un chameau pour m’aider à tout transporter… Dans quel monde vivons-nous ? Les femmes bossent et les hommes foutent que dalle. J’vais leur apprendre à ces nigauds quand je rentrerai.

L’Oasis en vue, je soupire de soulagement. Je me rapproche d’un pas rapide, presqu’en courant en fait, afin de me débarrasser de ces encombrantes gourdes d’eau. Retirant mes tongues, je glisse mes pieds dans l’eau tiède et m’assois au bord de la source afin de me rafraîchir. Dénouant ma longue chevelure brune, je récupère le premier contenant, le plongeant dans le liquide aqueux et patiente tranquillement afin d’assurer son remplissage.

C’est à ce moment-là qu’une masse importante me propulse, tête première, dans le bassin. Celle-ci me pousse au fond du marais, pour une raison que j’ignore et je suppose qu’il s’agit d’une mauvaise blague de la part d’un des deux tocards. Rageuse, j’appuie mes pieds nus sur le fond visqueux de la marre et m’expulse jusqu’à la surface.

« BON SANG, QUI EST L’IMBÉCILE QUI A OSÉ ME FAIRE ÇA ? »

Levant le menton, j’aperçois alors de mon regard marron l’individu en question. Un blondinet apparemment impoli et n’ayant aucun sens de l’étiquette. Jeune ignorant. L’impulsivité qui me caractérise me pousse à foncer vers lui. Sortant des eaux à une vitesse impressionnante, une épaisse couche de glace se forme sur le dessus de mon poing et j’abats ce dernier directement sur le visage de l’inconnu, espérant y laisser un souvenir inoubliable. Je croise les bras, un sourire colérique tracé sur mes lèvres rosées.

Mon One Piece rouge pétant n’a jamais été aussi ajusté auparavant, bien que ce dernier s’avérait déjà très serré au départ. Ma chevelure repose sur mes épaules, dégoulinante d’eau, cascadant jusqu’au niveau de mes hanches. Trempée à lavette, il ne s’agissait que d’une question de temps avant que j’explose littéralement la gueule du Blond qui s’était invité à la fête.

Trébuché ? Cette projection dans cette eau crasseuse n’était autre qu’un vilain malentendu ? Ainsi, ça changeait les choses. Néanmoins, étant trop orgueilleuse pour avouer mes tords, je laissai tout simplement la poussière retomber, envisageant me retirer afin de le laisser respirer un peu. Toutefois, alors que je m’apprêtais à reculer de quelques mètres, l’individu happa mes jambes à l’aide des siennes, me faisant tomber à la renverse puisque je n’avais absolument pas prévu le coup. Un culbutage désagréable s’en suivit, où le jeune homme me faisait rouler et rouler encore dans le sable. Lorsque le cirque fut terminé, non seulement plusieurs égratignures apparurent sur ma peau pâle dues au frottement avec le sable, mais en plus ma tenue et ma chevelure mouillées étaient désormais couvertes de ces particules sablonneuses. Les circonstances ne faisaient qu’empirer de secondes en secondes et j’en vins à la conclusion que ce mec ne m’apportait que de malheurs. Mais qui était ce malade mental ?

Alors que je ne rêvais que d’être oubliée là, dans le désert, et mourir, le jeune homme agrippa fermement ma main et me releva d’une traite. Pourquooooooi ?! Du revers de la main, je vins balayer le Sable resté collé à ma tenue rougeoyante puis, la tête en bas, frottai ma tignasse dans tous les sens afin d’y retirer l’excédent de minéraux. Peut-être aurai-je l’air d’une certaine Mafalda, je m’en moquais. Certes, les deux tarlouzes qui m’attendent encore à l’auberge se fouteraient bien de ma gueule et rien que le fait d’y penser m’énervait.

« Naturellement maladroit… M’ouais, j’espère simplement que ce n’est pas une raison bidon pour te faire excuser. D’abord, mes vêtements n’ont pas rétrécit, c’est à cause de l’eau. Ensuite, Kenji, je te trouve bien stupide d’avoir oublié d’emporter des gourdes. T’es pas du désert, je me trompe ? »

Avec une chevelure et une peau aussi pâle, cela ne pouvait qu’être ça. Les villageois de Kaze no Kuni sont réputés pour avoir une chevelure sombre et un teint basané, afin de se protéger plus adéquatement du Soleil cuisant qui surplombe le Pays. Se serait-il perdu ? Ou encore peut-être que ce dernier venait trainer dans le coin pour une mission quelconque. Bref, si tel était le cas, ce Shinobi ne m’impressionnait absolument pas. J’aurais certainement pu le laisser pourrir dans le désert, sans nourriture… Surtout qu’il venait de casser mon look d’enfer avec ses conneries.

« Parce que tu t’es présenté, ce qui est pour moi un signe de politesse, je ferai de même. Je me nomme Nishimura Kusanagi, de Kaze no Kuni. Et pour ce qui est de ta question, non, ces gourdes ne sont pas à vendre, toutefois je sais où tu peux t’en procurer à prix modique. »

Je perçu son regard bleu gris se poser sur moi, un regard profond et froid. Ce garçon ne m’apparaissait pas dangereux, sinon il m’aurait tout simplement noyé dans les profondeurs de l’Oasis.

« Qu’est-ce que tu fais ici, d’ailleurs ? Le Désert n’est pas fait pour les civils dans ton genre. »

En fait, je ne connaissais en aucun point son état, s’il était civil ou pas. Cependant, la preuve en est que sa recherche d’eau ainsi que son manque d’adresse faisait de lui une personne inexpérimentée dans le domaine.

Les plus jolies fleurs, et puis quoi encore… Espérait-il qu’avec ses phrases miteuses de dragueur il allait parvenir par m’acheter mes deux grosses gourdes celui-là ? Sérieusement… Roulant les yeux, je récupérai quelques récipients et me mis à les remplir, parce que oui, ils étaient encore vides. Une… Puis deux… Puis finalement cinq. A quelques reprises, je balayai la surface des eaux afin d’empêcher des déchets en tout genre de pénétrer à l’intérieur des contenants, me rafraichissant également au même moment et à maintes reprises le visage. La température caniculaire m’étouffait, me donnait envie de mourir. Les grandes chaleurs, lorsque l’astre Solaire atteint son Zénith, sont pour la plus part du temps insupportable, davantage lorsqu’il n’y a aucun point d’ombre à proximité. Heureusement que j’avais mon truc à moi, ce pouvoir qui me permettait de garder la tête et le corps refroidis tout au long de mon passage dans le Désert. Néanmoins, avec sa présence à lui… Je préférais me tenir sur mes gardes et n’en dévoiler le moins possible.

Le voilà qui commenta alors mon One Piece, encore. Problem ? Ce mec ne lâchait apparemment pas l’affaire, et ça avait le don de me taper sur les nerfs. Tu cherches le Beef ? Heiiiiiin ? Moi j’critique pas ta coupe de cheveux de nul, alors hein, tu la fermes s’te plait ? Heureusement pour lui, je m’abstins de prononcer cette phrase et conservai le tout pour moi. Vilaine mais pas tant que ça en même temps.

« T’l’aimes pas ma tenue ? Pourtant c’est méga adéquat à cette température écrasante. Après bon, si tu préfères te promener dans le désert avec ton blouson vraiment trop chaud et beige là, pas de soucis ! »

Un Manteau dans le désert, la blague. Bref. Je préférai ne pas répondre à ses avances, ignorant tout simplement ses paroles afin d’éviter que mon impulsivité gagne le dessus, encore une fois. J’avais tapé cet homme dans la gueule, j’avais eu ce que je voulais finalement et je dois avouer que se défouler une fois de temps en temps est plutôt agréable, surtout quand on a l’habitude de trainer avec deux imbéciles de grandes gueules.

« Paysanne ? Me fait pas rire s’il te plait. Si je suis prise dans le désert aujourd’hui avec toi c’est parce que si je ne ramasse pas d’eau pour c’te bouffonne d’aubergiste elle nous héberge pas. Tu m’diras que c’est débile, mais si t’as passé ne serai-ce qu’une seule nuit dans le coin tu comprendras que la température est un facteur plutôt emmerdant, Jour comme Nuit »

Paysanne, m’humpf. Le coup de poing glacé qu’il a mangé dans la gueule ne lui aurait donc pas sonné une cloche ? Ce type est vraiment une perle rare. Cependant, ce dernier se proposa pour emporter le tout et c’est avec un large sourire que j’accueillis la proposition.

« Trop tard pour toi de changer d’avis, je te préviens. Et puis de toute façon, ça ne fera pas de mal à tes bras flasques, croit moi ! Glissant le tout dans un sac de tissus beige, je le tendis au jeune homme. Cela pesait une tonne et j’étais, tout compte fait, bien heureuse de ne pas avoir à le trainer. Puis ouais, moi tu vois, Konoha et Kumo ça m’intéresse pas. Kaze no Kuni a toujours été mon coin de paradis, même si je n’y suis pas originaire. Et ne t’inquiètes pas pour mon avenir, je suis une grande fille maintenant et mes idéaux sont grands. »

Une fois débarrassée des gourdes, je ramassai mes babouches et les glissai entre mes orteils. Le cas contraire, le sable brulant me calcinerait littéralement la plante des pieds. En route, je me risquai à interroger l’individu qui marchait à mes côtés ;

« T’viens d’un peu partout… Ou alors tu préfères mettre une croix sur ton passé et recommencer à neuf ?

Intuition féminine, me demandez pas pourquoi…

C’est lorsque le jeune homme m’eut rattrapé que j’aperçu La Chose. Cette espèce de machin qui restait là, immobile, mais très certainement présent. Au premier coup d’œil, je n’avais absolument rien remarqué, probablement trop submergée par la colère impulsive dont j’avais précédemment été atteinte. Néanmoins, plus j’observais la chose, plus je me rendais compte qu’elle existait vraiment et que je n’avais apparemment pas hallucinée ou encore inventé de toute pièce cette horrible chose. Ses paroles ne m’atteignait pas, ou du moins presque pas, tout ce que je voyais était ce monstre sortit de nulle part qui lui pendait au visage. Lentement, je m’approchai, penchant légèrement la tête sur le côté afin d’observer l’objet de tous les sens. Mes mains glacées virent se poser de chaque côté du visage du jeune homme, mon regard toujours fixé sur son nez. C’est à ce moment que je vins l’écraser entre mes ongles de pouce, mettant fin à sa vie. ADIEU SALOPERIE DE BOUTON !

« Me remercie pas, ça ira. Il fallait que je le fasse ! »

Une bonne tape sur l’épaule du blondinet puis je me retirai, reprenant la marche machinalement, enfin soulagée d’avoir réduit à néant cette Chose immonde, la balayant désormais de mes pensées. Les précédentes paroles du garçon me revinrent en tête, celles que j’avais ignorées auparavant afin de me concentrer sur la pustule. Mon regard croisa le sien, ne serai-ce que quelques secondes, puis je détournai la tête vers l’horizon afin d’y admirer les dunes sablonneuses qui s’étendaient à perte de vue. Trou à rat…

« Ce Pays n’est pas un trou à rat. Regarde autour de toi, cette beauté discrète qui s’y retrouve. Certes, il ne s’agit pas d’un territoire regorgeant de végétation, de bêtes en tout genre et où la température est agréable. Le Désert, c’est un ensemble. Un ensemble immaculé de cette beauté sauvage et modeste. Le Sable est l’essence de sa vie. »

À travers mes yeux, Kaze no Kuni m’apparaissait comme étant le plus beau Pays de notre univers. Chaleureux, doux, enchanteur… Pour un rien au monde je ne quitterais cette terre, mon chez soi.

« Avec les récentes guerres, l’agglomération n’a malheureusement pas eut l’occasion d’évoluer et y vivent ensemble la racaille comme les rejets de notre société. Mais qui sommes-nous pour décider de l’avenir des gens ? Nous sommes égaux, tous. Et tous méritent une vie prospère et dépourvue de vengeance et agonie. Ainsi est mon Nindô, donner aux sédentaires du désert un village caché où il fera bon vivre. »

Un mince trait anima mes lèvres, un sourire inspirant confiance et sérénité.

« Juste du sable et des fous… Les plus grands inventeurs étaient dits fous, pourtant, l’étaient-ils vraiment ? Avec toutes les connaissances, découvertes et inventions qu’ils ont apportées à l’humanité, oui, peut-être l’étaient-ils. Néanmoins, sans eux nous n’en serions probablement pas où nous en sommes aujourd’hui. Notre monde a besoin d’évoluer, de changer. »

L’évolution de notre univers était inévitable et je n’avais aucune difficulté à croire que le dénommé Kenji le comprenait. Si ce n’était pas le cas, il était tout simplement arriéré ou encore débile. Le temps avance, les gens changent et les villages cachés gagnent en puissance. Le Pays de la Foudre, de l’Eau ainsi que du Feu s’étaient affrontés durant tant d’années, pourquoi, pour des conneries. Sans ça par contre, nous n’aurions pas la mentalité que nous possédons aujourd’hui. La guerre aurait probablement pu être évitable, jusqu’à un certain degré, mais ce qui est fait est fait. Il s’avère encore impossible pour nous de faire marche arrière, du moins jusqu’à ce qu’un fou, comme dirait l’autre, trouve une solution, ce qui n’est pas pour bientôt. Toutes ces vies volées, ces familles déchirées et peuples détruits méritent au moins le respect et une chance de renaitre.

« Pourquoi les villageois qui vivent dans la misère et la pauvreté ne voudraient pas d’un village ? Je ne sais pas, hein. Crois-moi, quand nous aurons gagné en puissance et en nombre, que le projet sera mis sur la table, ces gens se rallieront à nous. J’ai vécu toute mon enfance dans ce Trou à Rat, comme tu le dis si bien et je connais ce que c’est de voir tous ces gens souffrir par manque de nourriture et de soins. »

Ce jeune homme ne connaissait apparemment rien à la douleur, la misère. Il ne pouvait pas être originaire de Kaze no Kuni, il ne pouvait pas y avoir vécu c’était tout simplement impossible. Toute cette ignorance… Cela me donnait envie de vomir. Comment pouvait-il se permettre de juger à la première impression une civilisation toute entière ?

« L’avantage, Kenji, c’est la Rédemption. Ces gens ont connu la guerre, ont connu la misère… Ils méritent un monde meilleur, un univers mieux que ce qu’ils ont aujourd’hui. ¬–Laisser ce trou à sa place, comme tu le proposes, s’avère être égoïste. Nous avons la possibilité de redresser ce territoire, utilisons nos forces afin de donner un peu de richesse à ce monde sauvage et démuni. »

Nous étions fous, tous, mais sans fous il n’y a pas d’évolution possible.

Le blond s’était enfin ouvert les yeux et reconnaissait finalement que mon idée n’était pas aussi folle qu’elle n’en avait l’air. Peut-être n’était-il pas aussi con que je ne l’aurais cru, tout compte fait, bien que cet abruti m’ait poussé dans cette eau de merde. Celle-là, je la retiendrais. Bref, le jeune homme m’avait démontré qu’ailleurs la misère et la douleur régnaient également, que ce n’était pas simplement pour Kaze no Kuni que s’en était le cas. Peut-être qu’on pourrait faire quelque chose pour les autres aussi, mais évidemment valait mieux commencer par le commencement. Je respectais le fait que ce dernier se soit ouvert à moi comme il venait précédemment de le faire, après tout je n’étais qu’une vulgaire inconnue à ses yeux. Lui aussi vagabondait sur les terres, recherchant la liberté et se foutait apparemment de la façon de s’y prendre pour l’obtenir.

Je sentais toutefois que son passé avait laissé en lui une profonde entaille, cicatrice qui ne disparaitrait jamais complètement. Mine de rien, nos vies chevauchaient le même train-train, divergeant cependant en certaines parts. Son non-verbal parlait également énormément, je ne manquais aucun de ses mouvements, respire, geste.

« Je ne te connais pas, tu as raison. Je n’ai pas conscience de ce que tu as pu endurer pendant la guerre, ou tout simplement ce qui te dérange dans ton quotidien, mais saches que ta liberté t’appartiendras toujours. Les personnes avec qui je travaille sur ce projet, et ceux qui nous rejoindrons dans l’avenir, conserveront à jamais la possibilité de se désister. »

Suivre notre voie est assurément ce qui nous a mené jusqu’à la préparation de cet objectif, néanmoins je ne doutais aucunement du fait que certains pouvaient changer d’avis en cours de route, ou alors ne pas adhérer à certaines de nos pratiques. Le meurtre serait inutile et à mes yeux est à éviter si nous désirons prôner la paix. Mais ironiquement, c’est avec la force de nos hommes que nous parviendrons à nous faire entendre en ce bas monde.

« Ma cause à de l’importance pour moi, et c’est assurément pour elle que je serais prête à tout. Je sais ce qui m’attend, je ne suis pas effrayée. Le sang coulera inévitablement à nouveau sur les dunes de sable, il coulera au nom des habitants de Kaze no Kuni. »

Mes mains glissèrent à présent le long de son torse, mes doigts traçant sensuellement un chemin vers son visage, beau. Hésitantes, mes lèvres se posèrent délicatement sur les siennes, douces, et je sentis ses mains se frayer un chemin jusqu’à mes hanches. Mes yeux se fermèrent.