Le temps est à son beau fixe au village. Maintenant que je suis de retour au village, j’apprenais à le connaître. C’est une situation contradictoire, je sais. Il n’y a que moi pour faire ça. Enfin bref, passons les détails. En complément de ce que m’avait dit la vieille, Ryûji m’avait expliqué plus en détail le fonctionnement d’un village de ninja, et en particulier celui de Kumo. Je l’avais écouté avec attention, et j’avais mémorisé le moindre de ses propos. Tout était bon à savoir. Que ce soit au sujet des rangs, des missions, de la hiérarchie, de l’administration, de la politique… Tout ça quoi. C’était barbant, il faut se l’avouer, mais cela restait tout de même important. La connaissance n’était pas à négliger au sein d’une constitution comme celle-ci. Plus j’en savais plus, et mieux c’était. À défaut de pouvoir en apprendre sur moi-même, je vais apprendre ce qui m’entoure. Que ce soit des personnes, des lieux, des notions… Tout.

En attendant, aujourd’hui allait marquer mon renouveau au sein de ce village, dont il ne me restait plus rien. Une mission particulière, comme pour me mettre à l’épreuve, me tester. En attendant, la mission n’avait pas l’air compliquée en soi. Il fallait que je me rende au pays de la neige, Yuki no Kuni. Je ne savais pas encore où c’était, mais il y avait des cartes à ma disposition. J’aviserai. Là-bas, dans un village civil, les habitants se plaignent d’être dans l’impossibilité de trouver le sommeil durant la nuit. Il y aurait comme un cri d’animal, qui se répétait fréquemment. Ce n’était pas que durant la nuit, cela pouvait être à n’importe quel moment de la journée. Hmm… Je me demande bien la cause de tout ça. Je verrai bien sur place.

Me dirigeant vers l’entrée du village, je vis Ryûji me rejoindre. Il veut venir ? On ne peut jamais être tranquille ici… ? Je l’apprécie, mais j’apprécie d’autant plus ma solitude. C’est agréable et reposant. Bien plus qu’avoir un mec avec sa musique à fond dans les pattes.

- J’ai entendu dire que t’es de mission. On y…

- Je vais me débrouiller. Seul. C’est ma mission.

Sur ces quelques mots, je partis, tranquillement. Ce n’était pas contre lui, mais il fallait que je me débrouille un peu tout seul. Il ne sera pas toujours là pour me guider, et j’étais bien loin d’être un gamin. Le Kyoku ne me répondit pas, je ne sais pas ce qu’il faisait, pensait. Je lui avais tourné le dos en l’espace d’une seconde, et m’en était éloigné. Quittant l’enceinte du village, j’accélérai la cadence, carte à portée de main, pour ne pas me perdre. Sans ça, je ne saurais pas rejoindre le pays de la neige, à moins d’un coup de chance. Arrivé à un moment, il me faudra traverser la mer. C’est un bon exercice pour m’habituer de nouveau à la maîtrise de mon chakra. Marcher sur l’eau, je savais le faire. Mais je n’avais jamais essayé sur une grande surface, sur une mer qui séparait deux parcelles de terre. Nous verrons bien, cela ne devait pas être impossible. Je m’en sentais capable, c’est le principal. Avec le mental, on pouvait faire bon nombre de chose. Et ce n’est pas le mien qui allait se plier. M’étant découvert un talent pour ce qu’on appelle communément le Genjutsu, je peux affirmer que je suis plus apte à maîtriser le mental que d’autres. Si le mien est défaillant, la situation s’en trouverait ironique.

Le chemin se fit sans aucune encombre. Que ce soit sur terre, ou sur mer. Au bout d’un assez long voyage, mes pieds se posèrent sur le territoire blanchi par la neige peu épaisse. Ce n’était pas encore l’hiver, apparemment. Néanmoins, il y avait quand même une fine couche de neige sur le sol de ce pays. Maintenant, il fallait que je trouve ce village. Pendant que j’observais la carte, un vent frais soufflait sur ma peau visible. Non, je n’étais pas spécialement couvert. Mais le froid ne me gênait pas plus que ça. Pour l’instant en tout cas. La carte dans les mains, je me guidais comme je le pouvais. Le village ne semblait pas spécialement loin de ma position actuelle. Bien.

Le trajet se fit dans le silence le plus total. En même temps, je n’allais pas me mettre à parler seul. Un village civil était à portée de vue. Nous y voilà. J’allais enfin en savoir plus au sujet de cette histoire.

- GRRAAAOUH !

Ca. C’est ce hurlement en question. Ma tête s’était retournée en direction de la provenance de ce cri. J’étais loin d’en avoir peur. Le cri ne m’avait pas spécialement surpris. Je ne m’y attendais pas, c’est sûr. Mais ce n’est pas une raison. J’étais plus intrigué qu’autre chose. Mais avant tout, il fallait que je me rende au cœur de ce village pour en apprendre plus. D’ailleurs… Les rues étaient désertes. Vides. Inanimées. Il n’y avait rien qui semblait y vivre. Les volets et portes de chaque maison étaient fermés. Non, ils sont bien là. Je peux le ressentir. Mes capacités sensorielles n’étaient rien comparées à celles de Ryûji, mais n’importe qui ayant un minimum d’expérience aurait pu arriver à ce constat également. Il n’y avait réellement personne d’apte à m’accueillir.

- Je peux vous aider ?

Une voix féminine venait de derrière moi. Me retournant, je vis une fille aux longs cheveux blonds, toute souriante. Au moins une qui n’avait pas peur de la bête.

- Mon nom est Aria. Et vous, vous êtes ?

- Yukio. Je suis ici pour cette histoire de hurlement. Vous savez quelque chose ?

La jeune femme baissa les yeux vers le sol, et regarda autour d’elle, machinalement. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Elle avait quelque chose à cacher, ou craignait-elle la bête elle aussi ?

- À vrai dire, c’est moi qui ai fait appel à vos services. Depuis quelques jours, un rugissement animal ébranle le village. Ils ne sont pas loin… Une vieille légende raconte que des créatures particulières rôdent dans ses contrées. Elle dit aussi que lorsqu’une personne se retrouve face à l’un de ces animaux, son destin se retrouve scellé. Il devient l’esclave de ces créatures, et finit par mourir.

La jeune femme trembla ensuite… Ce n’était pas le froid. Mais bien de la peur. Une profonde terreur l’envahissait elle aussi, mais elle faisait face.

- Des sources incertaines parlent de Léopards. Ou à quelque chose qui s’y apparente. Seulement, ils semblent être dotés de capacités extraordinaires… Depuis, tout le monde vit enfermé. Ce village a perdu toute son activité au premier hurlement, qui a suffit pour glacer le sang de tous les villageois… S’il vous plaît, faîtes quelque chose…

La jeune femme s’effondra ensuite en larmes, dans mes bras. Cette histoire était étrange, mais je comptais bien venir en aide à ces personnes démunies. Ce n’était que des légendes. Je n’y croyais pas. Du moins, pas entièrement. Comme je le dis si bien : nous verrons bien.

La mission était donc bien claire : mettre fin à cette histoire de hurlements, de légende… Etrange légende d’ailleurs. J’en ignorais l’origine. Tout ce que je savais, c’est que c’était une légende propre à ce village civil. Peut-être à d’autres, mais en particulier celui-ci. On ne m’a pas parlé de problèmes similaires, tout était concentré ici. Me dirigeant dans la fine neige qui recouvrait le sol, j’avançais à une allure correcte, dans les montagnes. Les cris qui terrorisent les villageois proviennent de là. J’étais déterminé à en savoir plus, et mettre fin à ces agissements. Aucun échec ne me sera permis. C’était ma toute première mission, pour mon renouveau au village. Il n’était pas question que j’échoue. Ce serait impensable. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai tenu à écarter Ryûji de cette affaire. C’est plus une épreuve qu’une mission. C’est surtout pour moi que je fais ça.

Plus je m’enfonçais dans les montagnes, plus il faisait froid. C’était toujours supportable, mais je commençais à regretter de ne pas être venu plus couvert que ça. Ma tenue était banale, quotidienne. Et elle n’était pas tellement adaptée à une balade dans la neige. Non vraiment pas. Mais bon, il y avait bien plus important que les habits que je portais. Il fallait que je trouve ces supposés léopards des neiges. Tant, ce n’en est pas. Je ne pouvais pas m’avancer sur ce sujet. La légende, je n’y croyais pas trop. Ce n’était pas celle-ci en particulier, mais c’est surtout les légendes, en règle générale. Comme par exemple, là, des félins qui font de l’esclavage d’hommes, avant de les tuer. Comment un homme pourrait, à l’encontre de sa volonté, se soumettre à une bande de félins ? On peut en avoir peur, les fuir… Mais pas les servir. C’était totalement insensé. À moins que ces animaux ne soient pas aussi sauvages, et étaient dotés d’une intelligence et pratique considérable. Même perdu dans mes pensées, je continuais d’avancer.

- GRRAAAOUH !

Le cri se faisait bien plus fort que la première fois. Pas seulement plus fort, mais aussi plus près. Oui, je n’étais plus très loin, c’en était une certitude. Ils n’étaient plus loin. Ces supposés léopards des neiges.

Quelques minutes passèrent. Des créatures se tenaient devant moi. Des léopards. Les Léopards des neiges. Ils étaient là. Enfin, il n’y en avait que trois. Deux qui semblaient être assez jeunes, dont un en particulier. Ils partirent se réfugier plus loin. Face à moi, une de ces créatures, bien plus imposante. Il y avait donc réellement ces animaux ici. Mais étaient-ils ceux dont la légende parle ?

- Aucun intrus n’empiètera notre territoire, restreint par l’homme.

Il… Il parle ? Est-ce que cette légende est-elle vraie ? Des félins qui parlent… Je n’ai jamais vu ça. Tout concordait. Il y avait, à ma plus grande surprise, des chances à ce que je fasse face à la légende d’un village, des Léopards étant dotés de pouvoirs spéciaux, permettant de soumettre l’Homme.

Un long silence s’installa ensuite. Mes yeux rubis le fixèrent, de manière neutre. Je ne savais pas quoi dire. J’attendais de voir. D’en savoir plus. De voir cette légende à l’œuvre. Le vent frais, limite glacial, fouettait mon village, au point d’en faire virevolter mes mèches argentées. Sortant l’une de mes mains de mes poches, je la tendis à l’animal. Un animal, ayant des caractéristiques humaines, comme le langage, et les supposées capacité.

- Mon nom est Yukio. Et toi ? Quel est ton nom ?

- Kogarashi.

Sec, instantané. Il n’avait pas perdu une seconde pour me répondre, d’un ton froid et sec. Acquiesçant d’un mouvement de tête, je fis un pas vers lui, ne laissant transparaître aucune intention, ou pensée négative. Juste de la bienveillance envers la créature, et une certaine sérénité. Il ne me faisait pas peur. Je ne le voulais pas de mal. Sauf qu’un détail vient changer la donne. Le vent souffla une nouvelle fois, un vent plus froid. Plus présent, sans pour autant être plus fort. Je le ressentais sur ma peau, ce souffle était gorgé de chakra. À cet instant, je la ressentis : la peur. L’angoisse. Mes membres s’en trouvèrent paralysés. Rien de physique ne m’avait touché. C’est cette peur grandissante qui me bloquait tout mouvement. Des tremblements se firent voir. Ce n’est pas physique… Genjutsu. Je reconnaissais ce pouvoir. Tout s’explique.

Depuis le début, je connaissais la réponse. Genjutsu. Cette créature n’est pas une légende. Elle est juste dotée de capacités humaines, en plus d’une maîtrise du chakra et des illusions. Il n’y avait pas de légende, de mythe dans cette histoire. Juste du chakra, et un animal. J’ignorais que des félins comme lui pouvaient être en mesure de maîtriser le chakra. La vraie version de cette histoire, c’est que le Léopard des neiges, nommé Kogarashi, emprisonnait les gêneurs dans son Genjutsu, pour une raison que j’ignorais encore. Il avait parlé de territoire… Je crois que je commence à comprendre. Mais avant tout, il fallait que je me sorte de là. Il était impensable que je me fasse avoir par une illusion, par un animal…

Concentrant mon chakra, je me défis sans aucun problème de l’illusion du félin. Et pour couronner le tout, je pris le contrôle de son illusion pour lui renvoyer. Le retour à l’expéditeur. Suite à ça, c’est le félin qui fut pris d’une peur soudaine, et de tremblements. Il ne pouvait plus bouger.

- T-Toi…

- Je ne compte pas me laisser faire. Pourquoi as-tu fait ça ? À moi comme à tant d’autres ?

Le regard de Kogarashi se raffermit d’un trait. Il montrait ses crocs, mais ne pouvait pas bouger. Dommage, brave bête. C’est moi qui commande ici.

- Pourquoi ? Tu oses me demander ça ? Les humains nous redoutent, on est chassés où qu’on aille. On ne peut pas vivre quelque part, sans être menacé à chaque instant. C’est tout simple. On nous attaque, on se défend.

Évidemment, c’était une histoire comme ça. C’est bien ce qu’il me semblait. La peur. Le village civil a peur de ses créatures, d’autant plus lorsqu’elles se sont défendues, avec leur pouvoir hypnotique. C’était évident. Quant à Kogarashi et les autres, ils se sentent encore plus exclu. Tout reposait sur le territoire qu’ils avaient.

- Les civils de ce village te craignent, justement parce que tu te défends. Ils sont même persuadés que tu es un animal légendaire, capable de soumettre les hommes à ta volonté. J’ai moi-même été envoyé pour mettre fin à cette histoire. Mais les circonstances ne sont plus les mêmes… Suis-moi.

D’un mudra, j’interrompis l’illusion que je venais de lui renvoyer. Le voilà de nouveau libre de ses mouvements. S’il m’attaque en traître, on pourra dire que l’histoire sera réglée. Mais il ne le fit pas. Il resta stoïque, hésitant à un moment. Mais il finit par me suivre. Après plusieurs minutes de marche, je lui fis voir le village, de loin. Et lui indiqua qu’on allait s’y rendre.

Les minutes passèrent.

Nous étions à l’enceinte de ce village de Yuki no Kuni. Je revis la même femme, qui prit peur. Mais je réussis à la convaincre de rameuter tout le village. Une fois fait, les gens étaient partagés entre la terreur et l’incompréhension. Koga’ expliqua la situation. Il nia la légende, et expliqua l’origine de celle-ci : ses dons en illusion. Il leur expliqua les raisons de tout cela, et arrivèrent à un arrangement commun : leur laisser leur territoire comme refuge. Tout est bien qui finit bien. Alors que je m’apprêtais à partir, l'animal me fit signe de retourner dans les montagnes. Hmm… Ok.

Arrivé là-bas, il me montra un parchemin. Qu’est-ce que c’était… ?

- Pour te remercier de nous avoir aidé, et avoir arrangé la situation… Nous sommes prêts à te servir. Signe ceci, et avec un peu d’entraînement tu pourras nous invoquer quand bon te semble.

Ce n’était pas ça, que l’on appelle le Kuchiyose ? Intéressant. Je signai donc, avec mon sang comme il le faut. Regardant le Léopard ensuite, l’heure était venue pour moi de repartir.

- Merci à toi, Koga’.

Suite à ça, je repartis. Moi, Yukio, était maintenant en possession du pacte des Léopards des neiges. Un soutien de taille, d’autant plus qu’ils semblent être des adeptes en Genjutsu. Parfait, on va bien s’entendre.