Des cris, du sang, la douleur... Et puis plus rien. La sensation d'errer parmi les morts m’étreignait. Étais-ce donc ça de se réincarner ? Un court moment de flottement entre deux mondes avant de rejoindre la planète des vivants ? Non... Je n'avais jamais cru au renouveau des âmes. Alors qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Serais-ce donc cela le paradis tant attendu, lieu de tout les désirs ? Une arnaque de plus dans le monde de l'hypocrisie et du mensonge. Un simple champs où nous vagabondions pour l'éternité en nous assommant de questions afin de ne pas ressentir le sentiment de disparaître, dissolu dans une vague ouate blanche et duveteuse. Pourquoi cette fin me laissait un goût aussi amer dans la bouche ? Je désirais que la lumière du soleil me caresse de nouveau, que le vent fouette mon visage et que la pluie me fasse frissonner de plaisir. Oui … je voulais vivre. Mais comment me débattre et m'échapper de ma cage dorée ? Comment rompre les chaîne qui m'encraient dans une réalité que je ne désirais pas ? Crier, m'agiter jusqu'à ce que le ou les dieux comprennent leur erreur et me laissent une nouvelle chance. Mon âme émettait des soubresauts infimes qui me semblaient des ouragans dans la tranquillité de cette prison et enfin...

Une complainte rauque traversa difficilement la barrière que formaient mes lèvres, avant de s'évanouir parmi les bruits de la nature. J'entendais le va-et-vient incessant de la mer toute proche de moi et les oiseaux qui chantaient leurs louanges aux cieux. Ensuite la perception des membres de mon corps afflua péniblement. Le plus souvent une douleur sourde m'enserrait au point de me faire presque perdre conscience. Pourtant je n'avais jamais été aussi heureuse de souffrir le martyre. Tant que la douleur m'accompagnait cela signifiait que j'étais en vie, et donc que j'avais une chance de me sortir de ce cauchemar semi-éveillé. Partisan ce n'était pas franchement une partie de plaisir certains jours.
Rassemblant mes maigres forces je m'efforçais d'ouvrir un œil. Les paupières me donnaient l'impression d'être soudées entre elle mais je me refusais d'abandonner. Une vision de mon environnement m'aiderait sûrement à faire le point. Enfin, après une lutte acharnée, une maigre lueur du monde traversa ma pupille. La lumière traversa mon crâne et le vrilla avec une telle virulence que je ne pu retenir un pathétique gémissement et ferma l’œil de manière quasi-instinctive. Bien évidement je n'avais rien eu le temps de voir. Après avoir quitté la prison des dieux je me retrouvais bloquée dans mon propre corps. Triste châtiment pour mon impudence et ma stupide bravoure. Un soupir quitta mes poumons et s'éteignit a la fleur de mes lèvres. Et le noir de l'inconscience m'emporta de nouveau dans un ballet funèbre, me rapprochant progressivement d'un sommeil cette fois éternel.


La douleur me tira de mon coma aussi soudainement qu'elle m'y avait plongé. Combien de temps avais-je passé la, effleurant tantôt la vie, tantôt la mort ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je pris mon courage a deux mains et ouvrit de nouveau cet œil qui m'avait causé tant de malheur. La lumière me brûla de l'intérieur une fois de plus mais cette fois je tins bon et, au bout de quelques minutes, finit par distinguer un ciel bleu qui virait au rouge pâle. Aube ou aurore ? D'après l'humidité dans laquelle je baignait j'aurais dit l'aube mais... je craignais que la transpiration qui dégoulinait le long de mon corps n'influe sur mes sens maltraités et m'induise en erreur. Et puis surtout ce ciel ne ravivait en moi pas le moindre souvenir ou émotion. Il ne me restait donc plus qu'à me lever...
Je pris appuie sur mes coudes et força sur mes abdominaux. En ce moment j'aurais pu faire un croquis parfaitement précis de tout les muscles de mon corps tellement ils me faisaient souffrir. Une fois en position assise je me mis à observer le monde. Ma tête tournait affreusement et me donnait l'impression d'être sur un bateau pris dans un ouragan. Soudain une forme hirsute emplie la totalité de mon champs de vision et manqua de me faire tomber à la renverse. Je ne distinguais que vaguement la forme d'un visage. Un garçon brun aux yeux... étonnamment rouge. Comment jutsifier mon état de santé ? "Coucou je me suis fait roué de coup par une bande de ninjas parce que je suis une super méchante qui veut détruire le monde ?". Mauvaise idée. Je fis donc ce qui me semblait la meilleure solution à ce moment : feindre l'innocence.

- Qui suis-je ?

Ma voix avait une intonation grave et triste à la fois. Je scrutais avidement ses yeux, recherchant la moindre lueur de suspicion qui pourrais me faire penser qu'il m'avait percé à jour. Mais... En y repensant ma question étais idiote. S'il ne me connaissait pas comment pouvait-il répondre ? Rien. Au pire il me prendrait pour une folle et m'abandonnerait avec un peu de chance.

Le jeune homme se pencha doucement vers moi et passa un bras au niveau de mon dos. Mon instinct me dicta de le repousser rapidement et de prendre les jambes à mon cou mais les forces me manquèrent. Je me contentais donc de lui jeter un regard empli d'incompréhension et de surprise. Ce n'étais pas franchement ce que j'attendais mais après tout pourquoi pas un dernier câlin ? Mieux valait mourir comme ça que seule dans son coin nan ? Le fait qu'il se rapproche de moi me permit de détailler son visage. Ses traits étaient plutôt agréables à regarder et lui donnaient un air vaguement angélique. Qui plus est sa peau plutôt blanche tendait à confirmer cette impression. Oui il était vraiment pas mal dans son genre. J'aurais pu tomber sur bien pire pour me sauver. Avec des mouvements emprunts de délicatesse il glissa son autre bras en dessous de mes cuisses et me souleva sans le moindre effort apparent, tout en douceur. Une note pour le sauvetage ? 9/10. Il lui manquait juste l'auréole et les musiques mélo-dramatiques en arrière plan pour atteindre l'excellence. Enfin bon parfois il faut savoir se contenter de ce que l'on a.


Alors que je quittais le sol et qu'il me collait contre son torse musclé son parfum arriva jusqu'à mes narines. Une fragrance douce et puissante qui révélait des touches nettement masculines. Tout chez lui frisait la perfection. Oui, quitte à me répéter, il me plaisait bien. Il prit la parole d'une voix douce et déclara m'emmener aux sources chaudes non loin de là. J'avais plutôt espéré un hôpital ou une clinique mais il fallait reconnaître qu'un bon bain ne me ferait pas le plus grand mal. Ensuite il me nomma Luka, en référence à la chance que j'avais de tomber sur lui. Mmh... Vantard. Mais cela ne pouvait signer qu'une chose : il ne connaissait pas mon véritable nom. En y repensant ma question n'étais pas forcement la plus cohérente ni la plus logique. J'aurais pu commencer par demander qui était ce garçon déjà pour commencer. Ce n'est pas tout les jours qu'une personne jaillit devant vous alors vous vous reposez sur votre lit de mort pour vous sauver la vie. Et puis des yeux rouges... Il aurait pu être un démon ou je ne sais quelle bestiole maléfique venu me manger tout cru. Quoi que... Vu l'état dans lequel je me trouvais je ne devais pas être spécialement appétissante : jeune fille cuite au soleil trempant dans son jus. Eurk. Étonnant que les charognards n'ai pas déjà tenté de me grignoter un orteil ou deux. D'ailleurs j'admirais son courage. Me prendre dans ses bras n'avait pas du être la chose la plus simple vu mon look de zombi fraîchement déterré. Enfin trêve de rêvasserie, je fis un effort monumental pour souffler quelques mots à peines audibles.


- Comment t'appelles-tu ? Et ou sommes-nous ?


J'attendis quelques secondes dans l'espoir d'avoir une réponse mais rien ne vint. Je doutais qu'il m'ait entendu. En tout cas mon sauveteur se mit en marche d'un pas vif, mais sans pour autant me secouer dans tout les sens tel un sac encombrant. Qui qu'il soit il avait l'habitude de traîner des gens de cette façon. De nombreuses questions se bousculaient dans mon esprits et j'aurais aimé l'interroger un peu plus mais la fatigue et la douleur mêlée revinrent à la charge et me poussèrent à fermer les yeux quelques secondes. Du moins c'est l'impression que j'avais. Lorsque je les rouvris le paysage tout autour de moi avait radicalement changé, ce qui me laissait à penser que je venais de sombrer dans le sommeil pendant un bon bout de temps. L'inconnu me déposa au sol sur un lit d'herbe verte non loin d'un bassin d'eau chaude. Soit il hésitait à me balancer à l'eau soit il se demandait s'il ne valait pas mieux me déshabiller avant, ce qui était bien évidemment hors de question. S'il tentait de m'enlever le moindre habit je lui cassais les deux bras une fois rétablie.


- Pas .. touche... Habit !


J'agrémentais mon soupir d'un regard lourd de sous-entendu afin qu'il comprenne bien le sens de mon murmure. Me sauver oui, me déshabiller à la première occasion venue non. On est un sauveur gentleman ou on ne l'est pas. That's all folks.

Le jeune homme se penchait délicatement au dessus de moi, ses lèvres à quelques dizaines de centimètres des miennes. Son visage laissait entre-paraître tour à tour inquiétude, dépit et moment de réflexion. Soit il hésitait à m'embrasser soit il songeait à la meilleure attitude à adopter dans cette situation. C'est donc tout naturellement que je lui adressais mon regard contrit. A défaut de pouvoir parler j’espérais communiquer via des mimiques toutes simples. En tout cas il ne me laissait pas l'impression d'être un gamin lubrique qui lui m'arracherait ses vêtements à la première occasion. Un bon point pour lui et un grand soulagement pour moi. M'enfin en y repensant nous étions dans une impasse. Il ne pouvait pas me déshabiller et me lancer avec mes fringues dans l'eau brûlante n'apporterais rien de bon. En effet je me sentais épuisée, nager ou même me tenir à la surface me replongerais à coup sûr dans le monde des rêves. Me sauver pour me noyer quelques minutes plus tard... Bof quoi. J'étais en droit d'exiger une mort un tantinet plus digne. Genre un combat serré contre un Kage ou même un démon. Ouais un démon ça claquait grave... Bref, je m'égarais dans mes pensées. Je me mis à scruter à nouveau les moindres faits et gestes de mon héros du jour. Qu'allait-il faire ? Franchement je n'en avais pas la moindre idée. Mais une chose était sûre, il y a des jours comme ça où l'on est content de ne pas être à la place d'un autre, et là en l’occurrence à la place de mon sauveur. Trop brave pour m'abandonner et trop digne pour me blesser dans ma dignité. Haha. A sa place je me poserais nettement moins de questions, je me casserais en déposant un drap blanc sur le corps de la personne à terre. On m'avait toujours dit de cacher la misère dans la mesure du possible. Enfin bon, à moins de se découvrir soudainement des talents pour la médecine il était bloqué.

L'homme aux yeux de braise se redressa soudainement et m'adressa un petit sourire. Il avait résolu le problème de toute évidence. Tant mieux je commençais à m'impatienter. S'il voulait m'admirer il pourrait le faire une fois morte que je m'ennuie pas trop, non ? Il me fit un petit signe de la main et disparut dans un coup de vent. Que... ? Ses derniers mots prononcés sur un ton ironique flottaient dans le vent, presque irréelles. « Aller salut ». Je devais reconnaître que pour le coup il m'avait pris au dépourvu. Je m'attendais plutôt à un discours émouvant sur la vie et la mort, le sens profond de la dignité et qu'il reviendrait bientôt entouré par une armée de soignants rien que pour moi. Bah rien de tout ça. Juste quelques paroles pour me faire comprendre à quel point il s'en tamponnait de moi. Et bien en toute honnêteté... Je l'avais bien profond. Je pris une note pour moi-même au cas où une situation identique m'arriverait : toujours laisser le héros me mettre nue si cela l'enchantait. Parfois je regrettais de ne pas être un vil mâle. M'enfin je doutais qu'il prenne la peine de se décarcasser pour une personne de la gent masculine, sauf s'il avait des penchants homosexuels.
Je secouais légèrement la tête pour chasser toutes les pensées parasites qui assaillaient mon esprit et le ralentissaient encore plus. Il fallait que je m'active si je ne voulais mourir seule sur une dalle de pierre. J'entrepris donc de faire bouger un par un chacun de mes membres afin d'évaluer leur état général. Tous se mouvèrent difficilement et craquèrent comme des brindilles de bois piétinées. Je ne pouvais nier qu'il y avait de l'amélioration. Je me mis alors à ramper tant bien que mal jusqu'à ce que mon bras droit puisse tremper dans l'eau, puis j'arrosais mon corps avec de grandes giclées. J'avais décidé de retirer sommairement la crasse et le sang collé pour ne pas me coltiner une infection. En plus, m'humidifier de la sorte me revigora un peu et finit de me réveiller. Je devais partir avant qu'une personne de plus ne me repère. Je me sentais tout juste capable d'utiliser mon don pour m'éloigner de là et je savais que je n'avais pas intérêt à me louper sur ce coup. Je n'aurais le droit qu'à un seul et unique essai. Je pris une profonde inspiration, observant le paysage autour de moi pour vérifier que personne ne puisse me voir, et m'assimila à une bourrasque de vent. Mon corps se décomposa en fragments d'énergie pure et les douleurs qui me harcelaient cessèrent tout bonnement. Seul la saleté au sol pouvait témoigner de ma présence passée. Ne pas avoir de corps pouvait présenter des avantages autres que de se faire chasser par tout les villages et tout les ninjas. Je ne pouvais cependant pas maintenir cette forme très longtemps, tout au plus une minute ou deux. Je franchis donc la barrière qui entourait les thermes d'un saut gracile et me réfugia sur la branche épaisse d'un arbre non loin de là. L'endroit parfait pour observer sans être vu. Je rompis donc le jutsu et la souffrance revint aussitôt, manquant de me faire défaillir. D'ici quelques heures je me sentirais sûrement un peu mieux et je fuirai en direction de la clinique clandestine la plus proche. Ils me soigneraient sans poser de question et surtout je pourrais massacrer tout le personnel en toute discrétion. Je ne voulais laisser aucune trace de mon passage. Les minutes passèrent et un sommeil insidieux me saisit, m'obligeant à fermer les yeux.


Dans un rêve je cru apercevoir de nouveau mon héros aux yeux rouges. Il se trouvait près du bassin, immobile. Non... Je ne dormais pas. L'homme était vraiment de retour, les bras chargés de pansements et un compagnon à ses côtés. Un sourire fleurit alors sur mes lèvres: il était vraiment bien ce superman.

- Si c'est moi que tu cherches j'ai décidé de faire un tour, baka ! Maintenant aide moi à descendre sinon je vais m'aplatir comme une gaufre en tombant.

En même temps que je prononçais ces mots je lui fit un signe de main. J'aurais pu rester silencieuse et faire croire à une disparition mais ce garçon me plaisait bien. Et puis qui sait, il aurait sûrement à manger avec lui ; mon estomac criait franchement famine. Seul petit détail je me voyais mal lui expliquer comment j'avais réussi à grimper là-haut dans cet état.