Alors que toutes les régions du monde s’apprêtaient à accueillir le froid de l’hiver, le Pays du Vent serait bientôt bercé par les averses de la saison de pluie. C’était le seul moment de l’année où l’on pouvait espérer voir la pluie tomber. D’ailleurs, cette saison était à la base de la vie dans ce milieu hostile, car chaque organisme vivant dans le désert était calqué sur ces rares moments de pluies. Pour le marionnettiste, c’était l’unique période de l’année où il pouvait espérer renflouer ses réserves de bois. En cette période, le prix à l’unité était plus abordable et les plus courageux allaient même directement le chercher sur place. De son côté, Hayato n’avait pas perdu de temps, il avait commandé plusieurs pièces déjà traitées pour lui faciliter le travail alors que la saison débutait à peine.

Le soir, la village était beaucoup plus animée car la température baissait fortement. Ainsi le désert vivait en décalage avec le reste du monde, dormant à midi pour sortir une fois la nuit tombée. Au milieu du chemin, tirant derrière lui un petit chariot, le marionnettiste progressait à son aise parmi la foule. Il se dirigeait tranquillement vers son atelier, en réfléchissant à son parcours au sein du village. Pour l’instant, il n’avait pas réellement de souvenir heureux et regrettait toujours sa vie de nomade. Il fallait qu’il remédie à cette situation, mais comment s’y prendre ? Comme son attention était ailleurs, il ne remarqua pas le passant qui venait en face et ne put éviter la collision. Il perdit l’équilibre, malgré son don de funambule et se rattrapa au sol avec son genou, tandis que son tas de bois s’étala au sol.

- Sérieux ! Faites attention où vous marchez !

Il fallait maintenant tout ramasser. Hayato lâcha un soupir en voyant la tache qui l’attendait. Ce nouveau bois était primordial pour les évènements à venir, il ne devait pas s’abîmer avant que le marionnettiste ne l’utilise. Le Kugutsu no Jutsu était un art nécessitant beaucoup de précision et durant la conception d’un nouveau pantin, il fallait que tout soit parfait, depuis la sélection des matériaux de constructions, jusqu’à l’installation des pièges. Comment diable le Genin avait-il pu être si peu vigilant ? C’était de sa faute, il s’en voulait de ne pas avoir vu ce type arriver et s’était trop rapidement emporté. Ce n’était d’ailleurs pas du tout de son genre de s’énerver pour une broutille pareille et il fut rapidement prit de remords.

- Euh, ... excusez-moi, c’est de ma faute, j’aurais du regarder devant moi.

Hayato avait cessé de croire au Destin, au Karma et à ce genre de choses depuis la mort de son frère, pourtant ce soir là, il ne put trouver d’autre explication à sa malchance. Alors qu’il s’était retourné pour s’excuser, voilà qu’une bande de chiens errants s’était approchée du précieux bois pour le mordiller et s’amuser. Lorsque le jeune homme se retourna subitement et constata la scène avec effroi, les canidés s’éloignèrent en courant, emportant au passage quelques pièces en bois comme trophée.

- Foutus chiens ! Et dire que ça m’a coûté une fortune …

Décidément, le hasard était de bonne humeur ce soir, car depuis qu’il se trouvait dans cette rue, une série d’évènements plus improbable les uns que les autres s’étaient enchainés dans une suite peu naturelle… D’abord, il y avait eu cette bousculade, comme dans les histoires à l’eau de rose, à la jeune fille timide bousculait un grand et beau garçon. Elle laissait alors tomber ses cours et se penchait – en même temps que l’autre beau gosse – pour ramasser ses affaires, confuses… Et tout le monde connait la suite. Bref, après ça, il y avait eu cette bande de chiens sortie d’on ne sait où et dont la priorité était de s’accaparer le bois. Niveau crédibilité, on avait déjà vu mieux, mais le pire restait encore à venir.

En effet, alors qu’il ramassait péniblement son matériel, Hayato subit une puissante étreinte de l’homme qu’il avait bousculé quelques minutes plus tôt. Le marionnettiste crut d’abord à une tentative d’étranglement et tenta de s’y soustraire. Puis, il entendit parler d’une histoire de petit frère. Ce type semblait vraiment s’en vouloir d’avoir percuté notre Genin de la sorte et c’était généreux de sa part de vouloir ainsi le prendre sous son aile, le protéger des dangers de la vie,… N’importe quoi !! Hayato prit une grande inspiration avant d’exprimer son mécontentement, lorsqu’il remarqua cette femme qui se tenait devant eux, l’air aguicheuse. Il comprit alors le pourquoi de la situation, mais que devait-il dire ? Quels mots employer pour les sortir de cette conjoncture embarrassante ? Il avait la pression !

- Euh… ouais évidemment ! Je suis son frère ! Hé hé… , répondit-il d’une voix hésitante, en dévisageant cet inconnu avec intérogation.

Le bluff n’avait pas l’air de faire effet. La femme scrutait les deux garçons d’un regard intense, comme si elle voulait percer le plus profond de leur âme. Les mains sur les hanches, elle s’était légèrement inclinée en avant, offrant une vue agréable vue sur son balcon. Hayato était loin d’être une marionnette froide et sans émotions, au contraire, son rythme cardiaque venait d’accélérer. Le problème n’était pas vraiment la femme, mais plutôt le contexte. En effet, à quelques mètres de là se trouvait l’entrée du Heaven’s Night. Cette « madame » était certainement du genre à les attirer à l’intérieur, où elle les forcerait à payer, puis seulement ils pourraient espérer… Enfin Bref ! Hayato se disait que toute façon, son cœur battait déjà pour quelqu’un d’autre : Yamada Mitsune, jeune femme d’une vingtaine d’année, qui dirigeait le clan Yamada à Suna. Après une terrible hésitation, la raison finit par l’emporter sur la pulsion, et Hayato se décida à faire partir cette « nuisible »…

- D’ailleurs le restaurant où on devait aller se trouve juste là ! Quel heureux hasard ! Aller, viens…euh…mon frère, on a déjà perdu assez de temps ! ,ajouta-t-il d’un air théâtral, pas du tout naturel.

Tout en gardant la dame en visuel, il tira l’inconnu vers le resto le plus proche. Une fois à l’intérieur, il put respirer tranquillement. Il n’y avait pas grand monde à l’intérieur, aussi Hayato en profita pour se commander des Soba avant de revenir vers l’inconnu. Il avait un peu craqué pour le coup du restaurant, mais c’était ça ou …

- C’était qui ? Une ex qui ne veut pas te lâcher ? , interrogea-t-il, la bouche pleine.

Le duo était enfin débarrassé de cette femme louche. Ils avaient été sauvés par l’estomac d’Hayato. A présent, ils allaient pouvoir profiter du calme de l’établissement pour faire le point sur ce qu’il venait de se passer. Tout était arrivé tellement vite, l’un comme l’autre n’avait pas eut le temps de réaliser ce qu’il était vraiment arrivé. En tout cas, ils se tenaient maintenant à l’une des tables de ce petit restaurant. Hayato avait commandé dès son entrée dans l’établissement, il s’en voulait un peu de ne pas avoir pris quelque chose pour l’inconnu, mais de toute façon, il ne connaissait pas ces goûts. D’ailleurs, il avait bien fait, car lorsque la serveuse vint prendre les commandes, il demanda du Misô, plat qu’Hayato n’appréciait pas trop. Il enchaîna alors en répondant aux questions posées par le marionnettiste.

- Le Heaven’s Night ? Ouais... je connais… . Répondit-il entre deux bouchées, l’air le plus neutre possible.

Dans sa tête, Hayato revivait en même temps cette grande fête qui avait justement eut lieu au Heaven’s pour célébrer la création du village. Evènement lointain, mais pourtant si proche… Il revint à la réalité lorsque l’inconnu lui demanda ce qu’il faisait avec son bois.

- A vrai dire, je suis un marionnettiste. Ce bois je l’utilise pour fabriquer les membres de mes pantins. C’est tout un art et ça demande pas mal de technique ! Ajouta-t-il en souriant. Et toi, tu as un talent particulier ?

Et la conversation continua. Parfois il y avait des blancs, mais les deux jeunes hommes étaient déjà complices. Soudain, Hayato remarqua que malgré tout ce temps passer à discuter, il ne s’était toujours pas présenté à l’autre qui devait probablement le voir comme un « inconnu ». Il comptait donc ouvrir la bouche pour remédier au problème, mais l’autre l’avait devancé et tendit une main accueillante devant lui, avant de se présenter comme Ikuei. Enfin, un nom à mettre sur ce visage, la communication serait beaucoup plus facile de la sorte.

- Moi c’est Hayato, enchanté !

Une bonne chose de faite. Ces derniers temps, Hayato avait vraiment l’impression de se présenter tout le temps. Il avait cité son prénom plus de fois en quelques mois que tout au long de sa vie. Mais c’était un signe positif, cela voulait dire qu’il rencontrait des gens, qu’il s’ouvrait au monde. Comme l’aurait d’avantage souhaité sa sœur, de son vivant. Suna avait su faire du garçon enfermé, solitaire et fataliste, un jeune homme sociable, ouvert et déterminé ! Cette flamme intense brûlait dans ses yeux à chaque fois qu’il était question de marionnette. Et sa prochaine représentation se passerait dans un lieu impressionnant : le Grand Tournoi de Konoha, au Pays du Feu ! Hayato aurait bien voulu en discuter avec Ikuei, mais subitement, il s’aperçut qu’il avait oublié son chariot à l’extérieur ! Sortant précipitamment de l’établissement, il déboucha sur la rue de tout à l’heure, sauf qu’il n’y avait plus aucun signe ni du chariot, ni du précieux bois. Le jeune homme poussa un soupir de mécontentement.

- Ah, tant pis... Il va falloir que je remette la construction de ma prochaine oeuvre à une autre fois… souffla-t-il, résigné.

Pour une marionnette, la qualité du matériaux employé est directement liée à son efficacité et cette fois-ci, notre Genin avait vu plus grand. La perte de ces matériaux rares dans le désert mettait donc Hayato dans une situation délicate. Il aurait bien voulu passer plus de temps dans ce resto, mais ses sentiments vis-à-vis du Kugutsu étaient trop importants. Se lever et quitter les lieux subitement comme il l’avait fait manquaient peut-être de politesse ou de tact, mais le jeune homme agissait toujours de la sorte lorsqu’il s’agissait de marionnette.

Quant à Ikuei, il ne semblait pas avoir réalisé l’importance que ce bois pouvait avoir, mais avait compris que le marionnettiste y tenait. Il l’avait donc rejoint dans la rue quelque secondes après avoir terminé son bol et avait même déjà repéré un peu de bois par terre, devant l’entrée du Heaven’s Night. Et tout portait à croire que le reste du chariot s’y trouvait. Hayato soupira, il n’avait pas vraiment l’envie d’aller là-dedans. Non pas que cela le gênait, mais plutôt par principe. Il était déjà rentré une fois et ça lui avait amplement suffit pour se forger une opinion : le monde de la nuit n’était pas pour lui !

- Effectivement… Et j’imagine que le reste se trouve à l’intérieur… Commença-t-il en soupirant

La suite des évènements n’était pas un mystère, Hayato entrerait pour chercher son bien. On pouvait cependant s’interroger sur la situation, pourquoi quelqu’un aurait volé ce chariot pour l’emmener à l’intérieur ? C’était absurde, ça ne lui servirait à rien et l’encombrerait plus qu’autre chose…
De son côté, Ikuei ne paraissait pas très enclin à entrer dans l’établissement, mais son sens du devoir surpassa son envie de quitter les lieux et Hayato fut touché par son geste. Il se demandait si lui aurait fait pareil dans un autre contexte. Les gens d’une telle générosité ne courraient vraiment pas les rues dans l’impitoyable Pays du Vent.

- C’est cool que tu puisses m’aider ! Et ne t’en fais pas, on ne trainera pas à l’intérieur, juste le temps de trouver ce qu’on veut et de filer. Répondit-il en souriant, amusé par la petite blague de son partenaire.

Et c’est ainsi qu’ils franchirent le premier portail qui menait à une petite pièce intérieure. C’était là que se situait réellement l’entrée des lieux. Hayato inspira un grand coup avant de pousser la porte et une seconde plus tard, il se retrouvait face à une piste de danse déchainée ! L’horloge affichait presque minuit et beaucoup de personnes continuaient d’entrer. La musique allait tellement fort qu’il était presque impossible de s’entendre parler, il fallait hurler à l’oreille de son voisin pour communiquer à présent. Mais le pire, c’était l’odeur. Le cocktail olfactif à base d’alcool de transpiration et de tabac était un véritable supplice pour les narines. C’était encore plus vrai pour un non-fumeur, non-buveur comme Hayato. En général, il estimait ne pas avoir besoin de tous ces artifices pour s’amuser et si il pouvait lui arriver de tremper ses lèvres dans l’alcool, c’était pour de grandes occasions et jamais en excès.

Il fallait à présent se mettre à la recherche du bois. Un rapide coup d’œil leur avait déjà confirmé qu’il n’y avait rien de la sorte dans les parages. Tout ce cadre festif faisait revenir au Genin les souvenirs de la première soirée au village, où une énorme fête avait été organisée pour accueillir les nouveaux Genins. Il se souvint également de la désagréable mission qui avait suivi et visiblement, le mec du bar se souvenait également de lui. Car au moment où Hayato était monté sur une table pour obtenir une vue d’ensemble de l’immense salle, ce dernier avait quitté son comptoir pour s’approcher à grands pas.

- Hep toi ! Descend de là ! Entama-t-il avec une voix puissante qui surplomba les décibels de la musique. Mais attends voir, cette dégaine, ces vêtements bleus et ce corps chétif… J’te reconnais, t’es la ballerine de l’autre soir !! Rembourse moi la table que tu m’as brisée !

Hayato n’avait pas prévu ça. Il avait en effet brisé une table lors de son premier passage ici, et ce type s’en souvenait bien… Naturellement, le village n’allait pas payer pour ce genre de bêtise, mais avec son achat récent, le marionnettiste était un peu à court. Il afficha alors un regard plein de malices, avant de brusquement sauter de la table et s’enfuit. L’homme semblait toutefois le poursuivre, alors sans vraiment réfléchir, Hayato se faufila entre les gens et entra sur la piste de danse. Soudain, tout le monde se mit à crier, car la musique qui venait de commencer était très appréciée à Suna. Une chose était sûre, le bois n’était pas ici. Hayato envisagea de quitter la piste pour se rendre au dernier endroit où il souhaitait aller : la love room. Il y avait en effet, en retrait sur la gauche, près de l’entrée, une femme habillée de manière assez provocante et sur maquillée, qui conduisait les couples le long d’un couloir tapissé de rouge au bout duquel se trouvait un coin plus… intime… Et cette femme ressemblait à s’y méprendre avec…

- Regarde par-là Ikuei, c’est encore elle… Je sais que ça ne t’enchanteras pas, mais elle a sûrement du voir quelque chose par rapport à mon chariot.

La situation était peu commune, mais elle avait occupé Hayato pour la soirée. S’il ne s’était pas retrouvé ici, il serait probablement seul dans son atelier à dessiner les plans de sa prochaine œuvre. Mais voilà que cette mésaventure allait prendre un nouveau tournant décisif… En effet, la dénommée Ayane semblait savoir où le fameux bois avait disparu. Elle avait alors indiqué au couple le couloir tapissé de rouge derrière elle, leur conseillant même de fouiller les chambres… Le duo passa ainsi à côté d’elle pour s’engouffrer dans le couloir et tomba rapidement sur le chariot du marionnettiste, renversé sur le côté et complètement vide. Autour d’eux se trouvaient plusieurs portes rouges.

- Je propose qu’on se sépare pour être plus efficace ! Je prends les portes de droite…

A ces mots, Hayato s’engoufra dans la première porte de droite, yeux mi-clos dans la crainte de surprendre un couple en plein acte. Heureusement pour lui, le Hasard était de son côté se soir ! Cette chambre était vide ! Le jeune homme soupira en imaginant la honte qu’il aurait à débouler au milieu de l’affaire. Ses roues s’empourprèrent vivement et il se donna des claques aux joues pour se focaliser sur son objectif. Comment avait-il pu mener cette personne qu’il ne connaissait seulement depuis quelques heures, dans un tel endroit ? D’ailleurs cette situation était fortement semblable à un jeu de hasard, à un mauvais pile-ou-face dans lequel le perdant aurait une bonne surprise.
Mais Hayato connaissait sa malchance habituelle, plutôt que de tenter le diable, il développa une technique plus pratique pour une première recherche : avant d’entrer, il collait son oreille à la porte et s’il y avait du bruit, il marquait le numéro et y repassait plus tard. Ce procédé lui permet un parcours quasi sans-fautes – Il ne put entendre un couple de personnes âgées qui, dans un respect mutuel, le faisait silencieusement – et atteint finalement cette chambre un peu particulière. En effet, une forte chaleur s’en dégageait. Soudain, une femme jeune et vraiment charmante fit son apparition. Instinctivement, Hayato s’était déplacé loin de là et observait la scène.

- Normalement, le Sauna n’était pas opérationnel aujourd’hui. Mais vous avez une chance incroyable messieurs, j’ai trouvé ce bois devant l’établissement il y a quelque minutes…

Soudain, les yeux du marionnettistes s’étaient illuminé, voilà ou était son bien et il allait bientôt servir de combustible pour ce Sauna ! Il fallait agir vite et alors que la femme s’éloignait d’un pas chaloupé, Hayato fonça vers la porte chaude et pénétra dans la pièce. Il faisait sombre à l’intérieur et il ne pouvait pas évaluer la taille du lieu mais pire que tout, une forte vapeur d’eau faisait continuellement monter la température de la pièce, à tel point que le marionnettiste crut sentir ses poumons bruler lorsqu’il respira. Cette intense chaleur lui rappela ce combat contre la plus belle des créatures : Yamada Mitsune. Qui dirigeait ce célèbre clan capable de manipuler la chaleur. Ce combat avait été pour le moins torride et y penser ne faisait qu’augmenter l’impression de chaleur. Le jeune homme eut à peine le temps de voir le four à charbon de bois d’où émanait la fumée, avant d’être précipité dehors par une main couverte de sueur. Il n’était resté dans cette fournaise que pendant une poignée de seconde, mais cela avait été suffisant pour le faire transpirer…

- Hey, Ikuei ! J’ai trouvé mon bois. Ils l’utilisent comme combustible dans ce Sauna. Une petite quantité à déjà été utilisée, mais il en reste encore ! Par contre, c’est une véritable fournaise la dedans…