L'homme devant moi posa un énième verre devant moi et m'adressa un sourire emplie de compassion. A moins que ce ne soit de l'amusement ? J'éprouvais du mal à décrypter les émotions sur son visage mais, à vrai dire, je me souciais peu de ce qu'il pouvait penser. Saisissant avec difficulté l'argent dans ma poche je lui tendis négligemment un ou deux billets en lui marmonnant d'une bouche pâteuse de garder la monnaie. Vu le sourire qui éclaira son visage je pu supposer que je venais de lui offrir l'un des plus gros pourboires de la soirée. Une petite voix au fond de mon crâne endolorie me souffla d’arrêter et de retourner à la maison avec insistance. Elle m'agaçait sérieusement, d'autant plus qu'elle avait totalement raison. Pour la faire taire je du lui promettre que ce verre serait le dernier. J'attrapai la boisson d'une main maladroite et la porta jusqu'à ma bouche en prenant soin de bien viser. Pas facile du tout... Et le hoquet qui me secouait de temps en temps n'arrangeais rien à l'affaire. Finalement au bout d'une longue lutte acharnée je pu porter la mixture à mes lèvres. L'alcool se fraya un chemin dans ma gorge, me décapant le palais au passage, et rejoint ses amis dans mon estomac. Un soubresaut agita le haut de mon torse en guise de protestation et des larmes apparurent au coin de mes yeux. Décidément ils vendaient bel et bien le meilleur saké dans cette région. Enfin bref je devais m'en aller sinon la petite voix me persécuterait encore et encore. Je posai les deux mains sur la table pour m'aider à me relever de ma chaise. Mes jambes ne démarrèrent pas au quart de tour comme prévu et cette première tentative se solda par un échec. Un rire sonore éclata au fond de la pièce. J'hésitais à me retourner pour chercher le moqueur mais je craignais de tomber par terre en tentant cette manœuvre périlleuse. Une fois au sol je serais comme une tortue sur le dos: incapable de bouger. La troisième tentative pour me lever fut finalement la bonne. Mes jambes tremblaient frénétiquement sous mon petit corps et éprouvaient du mal à supporter mon poids. Enfin ça passerait en marchant non ? Me dirigeant d'un pas titubant vers la sortie je saluai l'assemblée et leur adressa un grand sourire. Ma tête pesait des tonnes et souhaitait de toute évidence se décrocher de mes épaules. Imaginant la scène de mon corps courant après mon visage me déclencha une crise de fou rire irrépressible que je mis plusieurs minutes à calmer. Enfin je pris la direction de mon appartement d'un pas mal assuré.

Bloquée devant ma porte j'introduis avec peine la clé dans la serrure. Tout s'embrouillait dans mon esprit et déjà j'éprouvais l'envie de vomir. Croyant être victime d'un genjutsu j'exécutai à de multiples reprises un signe incantatoire en beuglant bêtement "rupture" mais rien ne changeait. Je devais avoir attraper un mauvais microbe lors de ma dernière mission. Ce devait être sa... Je me dirigeai lentement vers mon lit où je m’effondrai comme une masse. Les quelques bribes de consciences qui me restaient s'effacèrent progressivement et me laissèrent dans un état de béatitude. Enfin un trou noir similaire au sommeil me happa. Un dernier murmure s'échappa cependant de ma bouche.

- Il faudra que je passe plus souvent dans cette taverne elle est bien sympathique.


Le soleil me brûlait horriblement les yeux et le battement de mon cœur résonnait sourdement dans ma boite crânienne. Mon ventre quant à lui s'agitait au moindre de mes mouvements et menaçait de régurgiter mon maigre déjeuner. Ma bouche pâteuse réclamait de l'eau pour me réhydrater. Bref j'étais au top pour cette nouvelle mission. Le regard dans le vide j'attendais patiemment l'arrivée de mon coéquipier. J'avais franchement la flemme de le chercher dans cette foule opaque. J’espérais juste qu'il ne s'était pas lui aussi posé dans un coin du marché. Au bout d'un petit moment un jeune homme souriant m’accosta et me demanda mon nom. Mais il n'était pas borgne. Mon esprit de déduction embrumé me souffla tant bien que mal que ce n'était donc pas mon contact. Je le chassai donc d'un regard amorphe qui se voulait être méchant et fit miroiter des monstres aux contours fantomatiques à mes côtés. L'impudent prit ses jambes à son cou et se réfugia dans le premier marché à sa disposition.

- Sale civil ! J'suis sérieuse moi quand je vais en mission . Enfin presque...

Finalement un jeune borgne se pointa et se présenta comme étant le chūnin chargé de bosser avec moi. Blond avec une silhouette agréable à regarder. Ses pommettes saillante lui offrait un visage agréable malgré son œil en moins. C'était bien l'homme qu'on m'avait décrit. Il était mignon mais pas de quoi casser trois pattes à un canard. Il me demanda l'ordre de la mission. Je lui tendit la feuille contenant toute les consignes. J'aurais pu lui faire un résumé mais j'avais trop soif pour ça. J'attendis patiemment qu'il ai fini de lire avant d'établir un plan d'action.

- Je te propose qu'on se sépare pour les retrouver. Le premier qui les trouve appelle l'autre et on regarde leur mode d'action pour savoir si ce sont des manipulateurs d'esprits ou de simples farceurs. Sa te va ?

J’espérais sincèrement qu'il n'allait pas être trop pénible et accepter gentiment. Je ne rêvait que de mon lit en ce moment et cette mission promettait de durer un petit moment, ce qui me rendait plutôt irritable.

Yoru me laissait une première impression plutôt agréable. Contrairement à certains Kirijins il ne se prenait pas la tête et ne me dévisageait pas bêtement en s'enquérant de mon état de santé. Oui j'avais trop bu, oui ma tête semblait vouloir se détacher de mes épaules et oui mes yeux me brûlaient lorsque la lumière était trop intense mais oui j'étais parfaitement capable d’exécuter ma mission. Gab' l'ex chef du Misuto y arrivait bien complètement soule elle alors pourquoi pas moi un lendemain de fête ? Enfin bref. Je ne savais pas pourquoi je m'emballais toute seule. Il ne m'avait fait aucune remarque donc tout allait bien non ? Nous allions agir rapidement, efficacement et d'ici quelques heures nous pourrions rejoindre nos demeures respectives pour dormir. Oui vivement le soir qu'on se couche... Yoru parcourut rapidement l'ordre de mission et prit un air plutôt déconfis. De toute évidence quelque chose le chagrinait. Surement le fait que la force était complètement prohibée pour cette mission. Il faut dire que je partageais son point de vue. Ramener ces mouflets à la raison sans les frapper signifiait qu'il faudrait les convaincre en discutant uniquement. La mort... Rien ne valait un bon coup par le museau pour convaincre le plus réticent des enfants. Alalala. Le Mizukage ne savait plus quoi inventer pour se distraire.

Un bâillement à m'en décrocher la mâchoire me fit tressauter et fit office de signal de départ. Nous nous dirigèrent tout naturellement vers le port de Kiri afin d'embarquer pour l'île de la baleine verte. L'odeur de poisson imprégnait ce lieu grouillant de monde. Les hommes et les femmes s'agitaient dans tout les sens et se relayaient pour transporter les vivres juste pêchée. Chacun occupait un poste bien précis et ne le quittait avant la fin de la journée. Sans toutes ces personnes le village ne pourrait pas vivre, il fallait en être conscient. Nous primes le premier navire à notre disposition. Plein de rouille et avec des voiles de piètres qualité il ne payait pas de mine. Enfin Bref. Il ne reluisait pas mais flottait et avait une cabine pour Yoru et moi. Que demander de plus à un bateau ?
Nous nous installèrent dans notre magnifique loge et attendirent patiemment que le bateau arrive à destination en parlotant de notre chef favori. De toute évidence mon acolyte partageait le même point de vue que moi quant à ses idées pour le moins farfelues. Encore un bon point pour lui. Il ne lui manquait plus qu'une passion pour la fête le jeudi soir et il formerait un bon compagnon.

- Je suis totalement d'accord avec toi. Le chef doit s'ennuyer alors il rajoute des difficultés à nos missions histoire de nous voir galérer. Foiré ! Sinon tu aimes sortir ?


Le bateau accosta une heure plus tard sur l'île de la baleine. Le trajet s'était déroulé rapidement. Discuter avec Yoru se révélait plutôt agréable pour passer le temps. L'envie de dormir et le mal s'étaient en plus dissipés au fil du voyage. Mon compagnon me confia un émetteur-récepteur à notre arrivée afin que nous puissions nous disperser et ainsi augmenter la superficie de nos recherches. Pas idiot mais à vrai dire pour fouiller l'île il me suffisait de disperser mes esprits dans toute la zone. Si les gamins possédaient vraiment le Jukuren' tamachii ils apercevraient l'âme des défunts et chercheraient à les soumettre, m'avertissant par la même occasion de leurs positions. Le seul soucis de mon plan: si on avait affaire à des imposteurs mes fantômes tourneraient en long pendant un bon moment. Je décidais donc d'adopter les deux plans pour optimiser nos recherches. C'est ainsi que nous nous séparâmes. Yoru me lança un encouragement auquel je répondis par un petit sourire et un signe de main. J’espérais franchement que l'un de nous trouve rapidement ces petits gêneurs.
C'est ainsi que je pris la direction de l'Est de l'île, tandis que mes fantômes se dispersaient dans tout le périmètre, invisibles et silencieux.

Il me suffit de quelques minutes de marche pour atteindre le village le plus proche et de quelques secondes pour le fouiller. Ridiculement petit il n'abritait qu'une petite centaines d'habitants et aucun ne possédait le don de voir les âmes. Il était aisé de le savoir car aucun ne fixa la petite armée de mort restants qui m'accompagnaient. Je m’apprêtais à prévenir Yoru de mon échec lorsqu'un tiraillement me saisit au niveau du ventre. De toute évidence une personne cherchait à prendre le contrôle d'un de mes esprits et cela venait... De l'ouest. Il y avait bien des gamins avec des pouvoirs similaires aux miens sur ce trou perdu ! Et apparemment ils étaient du côté de mon coéquipier. Celui-ci risquait d'avoir une mauvaise surprise d'une seconde à une autre.

- Yoru tu me reçois ? Yoru !

Mon émetteur grésillait et sifflait de manière sinistre. La loupiote de marche clignotait régulièrement et fini par s'éteindre. Quelle camelote ce matos ! Il fallait quand même que je tente de lui parler.

- Yoru ! Il y a bien des Jukuren Tamachii sur cette île ! Et ils sont de ton côté ! YORU !

Je ne savais pas s'il avait reçu mon message mais une chose était sûre je devais faire marche arrière pour le rejoindre avant qu'il ne tombe sur les mouflets. Les esprits pouvaient s'avérer dangereux s'ils étaient mal manipulés.

J'ésperais que Yoru ne s'était pas aventuré trop profondément dans l'île. Dans le cas contraire le temps pour le rejoindre serait doublé voire facilement triplé, m'obligeant à courir sans interruption jusqu'à ce que je le retrouve. Cette pensée pouvait paraitre égoïste à première vue mais en réalité je songeais uniquement à la mission. Parcourir une longue distance après la nuit que je venais de passer risquais de saper mes maigres forces et pouvait contre promettre sérieusement mon efficacité. Oui il fallait que je m'économise. Bon d'accord... J'avais la flemme de bouger et je me sentais encore un peu barbouillée. Gab' devait vraiment être géniale pour exécuter ses quêtes saoule. Bref trêve de glandage il faut que je me mette en route.
C'est donc la mort dans l'âme que j'adoptais un pas de course soutenu. Si j'avais été seule j'aurais surement marché jusqu'au point où mon esprit s'était fait "convertir" mais il y avait cet autre ninja qui pouvait se trouver dans une position difficile d'une minute à une autre. Vivement le soir que je puisse me coucher... Soudain l’émetteur grésilla soudainement et cracha quelques mots indistincts avec difficulté.

- Je ... transmission ... rétablir... situation...

Je prit la pose et cessa soudainement de bouger en espérant capter ses paroles mais rien ne vient. J'attendis encore un instant au cas où je recevrais de nouveau un message mais seul un grésillement sourd résonna dans mes oreilles. Que voulait-il dire par là ? Devait-il rétablir la situation ou était-elle déjà stable ? Raaah je détestais franchement ce matériel. Et puis pourquoi cette mission ne pouvait-elle pas être enfantine ? Une simple bande de gamins farceurs qui s’octroyaient des pouvoirs de Jukuren tamashii', on les engueulait un petit coup et puis voilà on rentrait à la maison tranquillement. Au lieu de quoi on se tapait de vrais dangers potentiels capables de lever une armée de mort. Je repartie au pas de course avec une ardeur renouvelée. Les âmes qui m'accompagnaient me guidaient sur mon chemin et m'indiquaient le chemin de leurs voies d'outre-tombe. N'importe quel mortel aurait pris ses jambes à son cou devant un tel spectacle mais pas moi. La présence des morts ne m'incommodaient pas le moins du monde, bien au contraire elle me rassurait. Les esprits étaient mes protections et mes armes en même temps. Au bout d'un bon temps de marche je finis par arriver à l'orée d'une foret où se tenait deux silhouettes. Yoru et ... Un enfant. Ce dernier piochait joyeusement dans un paquet de bonbon et enfournait les sucreries dans sa bouche à une vitesse effarante. La scène aurait pu être comique si un petit rassemblement d'esprit ne commençait pas à se former tout autour du ninja sans que celui ci ne se doute de rien.

- Yoru attention !

Mon cri du surprendre le jeune car les âmes se figèrent et se dispersèrent aussitôt. Comment pouvait-il manier les esprits avec une telle dextérité à cet âge ? Et il était sensé il y avoir une pleine ribambelle de surdoués comme lui ? Le rang de la mission ne correspondait pas au réel niveau de dangerosité. A moins que... Il se pouvait aussi que ce soit le seul à posséder ce don et qu'il se camoufle parmi une bande de mioches normaux. Mais pour cela il fallait l'interroger. L'enfant du sentir que la situation venait de changer radicalement car il se retourna et prit les jambes à son cou.

- Il faut le rattraper ! Fait attention à ne pas lui faire de mal ou le lut.. Le Mizukage nous fera la peau !

Il ne restait plus qu'à prier pour qu'il ne nous mène pas vers une bande de mini-combattants.

Spoiler:

Le tandem de ninjas était en pleine traque. Yoru, portant Kyuusei, était dans les airs, couplant ses deux meilleurs jutsus Futton. La locomotive céleste de vapeur l'exonérait de la gravité terrestre. Cela lui permettait d'avoir une meilleur vue d'ensemble sur la zone, couverte d'un tapis de feuillages smaragdin, afin de localiser avec plus de précision la cible. Une cible lente, mais qui pouvait tirer profit de sa taille de poulpiquet pour se dissimuler à travers branches et troncs. Pour remédier à ce problème, le borgne avait procédé à l'utilisation d'une tierce technique: la fusée de vapeur. Yoru considérait cette technique comme une arcane, tant son utilité et son efficacité étaient des plus redoutées. De miniatures geysers vaporeux éclataient çà et là sur le corps du cyclope. Sa vitesse s'en voyait améliorée, au point d'être quintuplée. Avec une telle vivacité, inutile de dire que le bambin ne risquait pas de fuir les deux Kirijins à sa poursuite. En outre, le fuyard ignorait totalement qu'il était suivi par Kyuusei et son acolyte: le shinobi à la chevelure ambrée avait fait en sorte à donner l'illusion idéale de laisser tranquille l'enfant en n'agissant que très tard suite à son départ. A présent, la manieuse de fantômes pistait les émanations ectoplasmiques du fugitif pour le trouver avec plus d'aisance. Elle retournait au final le pouvoir de l'enfant contre lui-même, exploitant ses dons avec les mêmes pouvoirs que lui. Yoru se voyait ravi d'être aux côtés d'une détentrice du Jukuren Tamachii, appellation de l'habilité consistant à exploiter les spectres. Sa mission n'en serait que plus rapide à conclure.

Pour autant le travail n'était pas fini, et il ne fallait pas se précipiter sur la fin de ce dernier. Grâce aux facultés combinées des deux assassins de la Brume, le duo parvint à accéder à un vieil entrepôt désaffecté, en périphérie d'une ville portuaire de l'île. L'enfant était rentré à l'intérieur, avec une risette de confiance sur son faciès. Il pensait avoir semé pour de bon les shinobis. En réalité, les deux comparses guettaient les alentours sur le toit de l'entrepôt, troué par endroits. Par discrétion, Kyuusei tâcha de masquer la présence de ses démons brumeux, pour éviter de se faire repérer d'emblée. A priori, elle avait détecté d'autres manieurs de lémures, et tâcha de faire circuler cette information avec une discrète réticence. L'éborgné composa dès lors un plan d'action, pour infiltrer le dock sans manquer de faire partir son contenu enfantin. Il pria dans un premier temps la kunoïchi de rester sur place, histoire de surveiller les alentours, et surtout de couvrir ses arrières. Tel un félin, le blondin évolua à foulées silencieuses. Ses pieds se posaient sur le squelette de fer ocre de l'entrepôt, exposé à l'air libre depuis son abandon. Sa vitesse s'était considérablement réduite, pour éviter tout faux pas dans sa démarche. Allant à droite, à gauche, derrière, devant, le shinobi explora les hauteurs de la structure, afin d'épier sous un maximum d'angles ses proies. Au centre, le groupe de bambins recherchés par Kiri. Ils grignotaient autour d'un feu nitescent, seule lueur dans ce monde de poutres et autres matériaux de chantier entreposés dans ce dock. L'ambiance était stoïque, et seul cette flamme vigoureuse alimentait en dynamisme le tableau qu'observa le ninja.

Soudain, un regard hasardeux de Yoru put percer à jour les compétences globales du groupe de gamins. Si le premier manieur de spectres rencontré auparavant avait fait ses preuves devant le tandem en matière de Ninjutsu, les autres eux, non. Autour des vivres accumulés dans la ferraille se côtoyaient des enfants plus que triviaux, possédant des tatouages sur les bras. D'une simple pression énergétique à base de chakra, ils pouvaient libérer leurs anges gardiens d'outre tombe. Certains étaient d'un point de vue morphologique à la hauteur de l'imagination débordante des enfants: il s'agissait parfois d'âmes d'animaux décédés, revêtant lors de l'invocation des couleurs chatoyantes. L'amok continua d'observer en silence le spectacle des plus intéressants: le chef de la bande, qui n'était autre que le bambin de la dernière fois, alimentait en spectres les sceaux de ses camarades. Son chakra, d'une couleur plus qu'originale, l'indigo, se déversait dans les tatouages, restaurant le pouvoir de ses alliés. Dans la foulée, le bambin s'essouffla considérablement. Il perdait beaucoup de chakra dans sa manœuvre. A la fin de ce transfert, le chef fut approvisionné à son loisir en vivres: des sucreries, des boissons sucrées et fruitées. Yoru avait ainsi compris l'organisation de ce groupe de mioches. Un chef distribuant son pouvoir à quelques rares élus, afin de faciliter des razzias dans les quartiers du village d'à côté. Le plan d'action que concocta en conséquence le cyclope fut adapté aux activités de la bande : intercepter le groupe en sortie d'une razzia. Épuisés par le larcin, enlever le chef du groupe - le reste n'avait aucun intérêt aux yeux de Kiri au final - ne serait qu'une tâche plus aisée.

Le tandem de Kiri patienta alors encore une fois, tâchant de rester sur le qui-vive à n'importe quel moment. Bien entendu, Kyuusei et Yoru s'étaient cachés pour attendre avec plus de sûreté le retour des gamins. Ils étaient embusqués dans des arbres, analysant la zone dans une couverture de branchages avantageuses. A force de patience, le doublet de Kirijins assista au retour mutin des enfants. Les plus lents trainaient derrière, portant dans leur sillage de nouveaux vivres, et des jouets de toute sorte. Les plus légers, ceux qui menaient le groupe devant, fanfaronnaient et exhibaient leur réussite par quelques chants et gesticules puériles. Yoru dans l'ombre hésitait quant à la technique à employer pour déstabiliser le groupe d'enfants. Après tout, la difficulté résidait essentiellement - pour ne pas dire exclusivement - dans le recours à la non-violence. Consigne plutôt difficile à respecter pour deux Kirijins, stéréotypes mêmes du ninja barbare. De fait l'éborgné s'attarda à recourir au Kirigakure no jutsu, histoire de plonger la zone dans un épais frimas. Désorienté, les bambins seraient à la merci du tandem de Kirijins, qui n'auraient plus qu'à venir piocher le chef de la bande, épuisé de son assaut de malandrin sur la ville. Kyuusei approuva son idée, et alors que le quidam composa les sceaux manuels nécessaires à la réalisation de son jutsu, il fut pris d'une violente migraine. Ses pensées étaient perturbées, et sa céphalée révéla une crise de démence inattendue. Son bras initialement destiné à se synchroniser à son autre pour accomplir les préparatifs de la technique fut sujet à de véhéments spasmes.

* Et merde… fallait que ça arrive au moment le plus capital de la mission… va falloir que je trouve une autre occasion, et de quoi fuir suffisamment loin pour m'occuper de… moi-même. *

Tant bien que mal le cyclope avorta son assaut spécial avec Kyuusei, et se retira plus loin dans le bois pour tenter d'apaiser son mal psychotique. Au final, contre toute attente, Yoru employa la force, mais à son propre égard. La lame de son kunaï se retourna contre sa chair, le purgea au mieux de sa tare mentale. Le sang chargée de folie fuit le corps du malade, tandis que ce dernier se retint de hurler sa souffrance. Le psychasthénique se sentait trahi par lui-même. Le plan du borgne tomba dès lors à l'eau. Il fallait attendre qu'une autre occasion se profile à l'horizon. Au vu de la quantité de biens volés par cette rafle, la bande ne risquait pas de recommencer de si tôt la série de crimes mineurs. Or, les Kirijins n'étaient pas réputé pour leur patience… Le Lutin Pourpre, dans le fond du bois adjacent au quartier général des enfants manieurs de spectres, se sentait faible. Incapable de retenir sa Folie correctement. Non pas qu'il veuille la maintenir comme un chien en laisse, mais savoir la contenir. L'isoler dans un coin abyssal de sa pensée.

La nuit tombe. Des bruits de pas éclatent dans la sylve. Ils éclatent et percent le silence avec fracas. La fréquence des pas s'intensifient. On court vers le littoral. Avec un peu plus d'attention, on peut entendre le souffle des coureurs. A travers le bruit des feuilles craquant sous la pression du pied, on s'intéresse davantage à la respiration haletante des fuyants. Ils sont au nombre de deux. L'un est bien plus lourd que l'autre: il traine quelque chose. Ou plutôt quelqu'un, avec une forte odeur de substance soporative. Difficile de déterminer la nature du porté, dans la sorgue. Entre deux éclats séléniens, on distingue une chevelure d'or, et une autre plus claire. Au loin, une myriade de petites ombres, qui courent avec maladresse. Autour des marmots une valse de spectres guident leurs maîtres vers les fuyants.

« Chais pas ce qui est le plus débile. Est-ce que c'est le fait que ma patience a atteint ses limites, au point d'enlever le chef des gosses pendant son sommeil, ou le fait que ses larbins essaient de me courser avec leurs p'tites jambes ? »

Mine de rien, les enfants avaient de l'énergie à revendre, malgré le borgnon tombé. La fatigue semblait ne leur avoir drainé qu'une infime part de leur énergie. Ils étaient animés de plusieurs pêchés, de gourmandise, d'orgueil, d'envie. Ils ne voulaient pas être séparés de cet enfant prodigieux, capable de commander les spectres, et de pouvoir dérober avec aisance quelques biens précieux dans le village à proximité. La petite bande ne pouvait pas arrêter sa série de grivèleries: c'était leur mode de vie, ou plutôt, de survie. A vivre dans une pléthore de biens, de vivres, la bande s'était accoutumée ainsi, et ne pouvait plus faire autrement. Mais Yoru n'était pas de cet avis là. Kiri avait besoin de recrues avec un bon potentiel. Via son Jukuren Tamashii, le marmot, qui répondait au nom de Shogo, faisait partie de cette élite juvénile. Une fois au village caché de la Brume, il serait facile de convaincre l'enfant de rejoindre les rangs de la nation de l'élément aqueux.

La poursuite se prolongea encore un bon moment dans les bois de l'île de Midorikujira. Yoru ainsi que Kyuusei avaient pris une avance considérable sur les nemrods en mousse. Malgré ce net avantage sur les bambins, Yoru avait quelques dommages sur les jambes. Un spectre, plus véloce que le reste de la bande, avait surgi dans son dos. Le démon lui avait asséné un violent coup de griffes qui lui arracha la peau et lui procura un gain d'accélération. Par la suite, d'autres raids fantomatiques eurent raison de la chair et du sang des Kirijins. Kyuusei eut droit au même tarif que son acolyte. De multiples lacérations spirituelles dans le dos et les jambes, avec la douleur qui allait avec. Malgré la souffrance procurée par ces assauts spectraux, les Kirijins ne cédèrent pas à la pression. Au contraire, ils redoublaient d'efforts pour disperser les fantômes, lançant de temps à autre des projectiles. Avec le temps, les fantômes rebroussèrent chemins, se désagrégeant par manque de chakra pour les alimenter. Le manieur de spectres dormait toujours profondément sur l'épaule gauche de son ravisseur. Qu'il était plus facile de ramener un enfant au village en l’assommant pendant son sommeil et en lui donnant un produit narcotique, plutôt que de le convaincre de rejoindre une cité de fous sanguinaires ! La fuite prit définitivement fin lorsque le tandem de shinobis empruntèrent directement la voie des mers via le Suimen Hokou no Waza. Les deux Kirijins allaient devoir trouver refuge dans une petite île à proximité de celle de la Baleine Verte, afin d'emprunter un navire de nuit qui les ramènerait à Kiri.

Suite à cette escapade mouvementée, Yoru amena le gamin endormi aux autorités, suggérant de faire "visiter" les locaux du Misuto au bambin. Par la suite il se dirigea à l'hôpital aux côtés de Kyuusei. Son rapport de mission attendra. La santé avant tout ! Des marques importantes de griffures jonchaient ça et là sur ses jambes et son dos. Le sang avait un peu séché, le temps du trajet. Les deux guerriers avaient exécuté quelques premiers soins de secours, sans grande influence sur leurs blessures. Ils avaient simplement stoppé l'hémorragie. Yoru avait hésité à se passer de la douleur en absorbant la substance narcotique utilisée sur le gamin aux spectres. Le sommeil l'emporterait dans un monde autre, à l'abri de la souffrance. Une fois arrivé à la clinique de Kiri, nul besoin d’essayer de dormir. De sympathiques infirmières allaient se charger du reste. A ce moment-là, Kyuusei fut séparée de Yoru. Seul, l'éborgné se sentait surtout frustré: il n'avait même pas eu l'occasion d'en découdre face à ses assaillants ! Pour une mission de rang B, il pensait en affronter du ninja. Que nenni : il fut confronté à une ribambelle de bambins, et du jouer l'espace de quelques instants le gentil lutin. Tant pis, se disait-il, dans son lit d'hôpital: il se rattraperait la prochaine fois ! On ne lui reprendrait plus à jouer la carte de l'amabilité !