Retour de dette ? [Genzouille. 8)]

Elle regarda le cadran, avant de lâcher un soupir. Encore une journée barbante, sans aucun événement. Encore une de ces longues journées à marcher sans rien faire, à déambuler sans savoir, à rester une simple coquille vide, baladée entre deux univers. Ne rien faire, voilà bien ce qu’elle détestait le plus. Mais, ces derniers temps, chaque jour se résumait à ça. Attendre que le temps passe, qu’un détail, aussi infime soit-il, finisse par sortir de l’ordinaire. Attendre, encore et encore. Rester statique, devant cette aiguille qui tourne et redessine, continuellement, l’horloge.

Aucune activité. Rien. Et ce village ne semblait pas aider les choses, bien au contraire. Étrangement, le vide, habituellement plaisant, lui donnait une sensation de s’ennuyer, d’être lassée de tout, de rien. Ne rien faire, mais quelle plaie !
Sa tête s’abaissa doucement, alors que ses yeux revenaient nager dans cette étrange soupe. Le serveur, habillé comme un pied, avec une démarche de plouc, la lui avait tendue, le plus simplement du monde. Sauf que l’allure de ce potage lui faisait penser à une mélasse immonde. Engloutir ce … truc ? Jamais. Elle soupira et son manège reprit de plus belle.

L’ennui, l’ennui, l’ennui … Jusqu’à ce que le déclic se fasse. Un être. Juste un type, connu ou inconnu, qui venait d’illuminer sa journée.
Il y avait des cris, dehors. Des femmes qui se plaignaient et des hommes qui semblaient faire les malins. Tous ces gens s’étaient attroupés en une masse particulièrement dense, formant un cercle autour d’une seule personne. Chapeau l’artiste. Pour rameuter tout un marché, il avait fait fort.
Sauf que. Nezumi ne laisserait pas cette situation dégénérer. Elle était, certes, solitaire, dans son petit coin, cela ne devait pas s’aggraver. D’un geste las et habitué, la kunoichi lâcha quelques pièces qui vinrent rebondir sur la table. Le serveur accourut, comme un rat, prenant directement l’argent. Une véritable rapiat. Nezu’ ne lui adressa même pas un regard et finit par sortir, lentement.

Aucun des habitants ne lui adressa ne serait-ce qu’un regard, tant la « victime » de cette ronde attirait leur attention. Vraiment doué, pour créer un tel événement. La jeune femme finit par sourire. Cela lui rappelait le temps où elle faisait pareil. Gambader dans les rues, voler ce qui lui passait sous la patte, garder le butin, courir à toutes jambes … Cette vie, mine de rien, lui avait plu, un certain temps. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que chaparder n’était qu’un simple passe-temps, que des choses plus sérieuses devaient être envisagées. Aaaah, le monde devenait de plus en plus compliqué.

Ses yeux se posèrent sur le troupeau, constatant avec regrets que certains ne changeaient pas. Personne ne s’écoutait, tout le monde hurlait, si fort que leurs propos finissaient par être inintelligibles. Où se trouvait l’utilité de cette ronde, au final ? Si celle-ci servait à faire des reproches, pourquoi jouer à celui qui hurlera le plus fort ? N’était-ce pas totalement inutile ? Nezumi soupira et, d’une voix stridente, finit par entrer dans la danse.

« — HEY ! C’est pas bientôt fini, tout ce cinéma ?! Vous pensez pas qu’y a des gens qui aimeraient se reposer ?! On croirait un troupeau de buffles ! Si c’est pas malheureux ! »

Le silence. La paix. Quel bonheur. Rares étaient les fois où l’absence de bruit lui faisait du bien. Pourtant, quand cela arrivait, Nezumi nageait dans une euphorie des plus agréables. Un sourire naquit sur ses lèvres, alors qu’elle reprenait la parole, d’une voix plus douce et posée.

« — Alors, si vous me racontiez ce qui ne va pas ? »

Une bonne femme, un peu bourrue, finit par s’approcher et, d’un accent paysan, commença à raconter sa petite histoire.

« — C’est l’môme, ma donzelle ! C’est l’môme ! Y est passé, de j’sais pas d’quel train, pis a renversé tous mes étalages, d’un coup ! Plus de pomme, plus de poire, mes tomates s’sont écrasées violemment … J’ai rien compris, ma donzelle, j’t’assure ! »

Nezumi arqua simplement un sourcil. Pour … ça ? Non, c’était … Impossible. Un tel vacarme ne naitrait pas sur une raison aussi « petite ». Elle pencha la tête, tandis qu’un autre, plus grand mais plus fin que la précédente dame, vint se présenter.

« — Il a brisé mes vases, ma belle ! MES VASES ! Ceux qui me prennent tant de temps, qui m’obligent à m’appliquer ! Tu imagines !! J’ai plus qu’à tout refaire ! »

Bon … Nezumi haussa les épaules avec lenteur et se déplaça jusqu’au centre de la ronde, pour voir qui causait tous ces petits problèmes.

Et là, elle tomba des nues.
Qui était au centre ? Un type qu’elle avait déjà croisé. Qui l’avait aidée. Quelqu’un d’utile, qu’elle connaissait vaguement. Le destructeur de rubans. Le blond. Lui !
Un grand sourire naquit sur ses lèvres, tandis qu’elle se retenait, au maximum, de rire. Il lui fallait rester sérieuse, ne rien dire, ne rien dire … Oh puis merde.

« — Tout ce vacarme … Pour ça ? M’enfin, le blond, tu fais des choses étranges ! Regarde dans quel état tu mets ces pauvres gens. »

En fait … Genzö n’avait jamais eu la tignasse blonde. Nezumi s’amusait simplement à le taquiner sur la couleur de ses cheveux. Quelque chose de con, mais qui resterait certainement toujours dans sa tête. Elle se retourna doucement vers les villageois.

« — Bon, écoutez … Je m’occupe des frais de vos problèmes, ça ira. Pour le reste, je récupère cet énergumène et on n’en parle plus. Cela vous convient ? »

Tous acquiescèrent. C’était si simple. Encore mieux qu’un jeu d’enfants.
Nezumi balança une petite bourse et se dirigea vers « Le Blond ». Rapidement, elle choppa sa main et l’aida à se relever. Silencieuse, la jeune femme se contentait d’un sourire plein de malice pour patienter. Sans même lui demander son avis, elle tira et l’entraîna un peu plus loin, là où les villageois ne l’attaqueraient plus. Une fois assez loin, son emprise se relâcha doucement.

« — Bein alors, le blond ?! Tu foutais quoi ? Raaaah, incapable de te débrouiller sans moi, hein ? »

Elle lui tira la langue.
Revoir quelqu’un, dans une ambiance aussi sympathique, pourquoi pas ? Peut-être que cette journée n’était pas perdue, au final.

Quelques mois s’étaient écoulés depuis cette fameuse bataille. Cette bataille, plutôt cette guerre qui s’est déroulée à Hai no Kuni. Dans tous recoins de ce pays, tout le monde se battait sans relâche, et moi, comme un gros connard, je n’connaissais pas les raisons de tout ce bordel. Pire, j’étais sous l’emprise d’un Genjutsu à cause de cette Makka. Et ouais, c’était une fille qui m’avait bernée, connasse. Et heureusement pour moi, j’étais tombé sur une gamine à la chevelure rose, qui m’a sauvé la vie à vrai dire. Si seulement j’étais mort dans ce foutu pays de merde, je m’en serai voulu. Mais bon, j’suis toujours là et c’est pas plus mal. Cette fille me devait pas mal de choses car j’avais presque tout encaissé pour elle. Pour se rattraper, elle m’a évité la mort. Pas bête la gamine ! Cet événement je ne l’oublierai évidemment jamais, tout comme la cicatrice que ce mec glace m’avait laissée sur le thorax. Maintenant, j’continuais ma p’tite vie d’errant tranquillement, sans trop me prendre la tête pour des conneries.

La flemme. Voilà ce qui résumait ma journée d’aujourd’hui. J’avais que ce mot là en bouche et en tête. Déjà que j’suis un gros flemmard à la base mais cette journée, c’est pire que tout. J’ai tout simplement envie de rien faire, pays de merde, ville de merde, rue de merde. Tout est naze, tout est ennuyeux ici. J’ai rien à faire, on s’amuse pas, y a pas d’ambiance, y a pas d’action. Après avoir mis plus d’une heure à sortir de mon lit, à déjeuner, à m’habiller et à me décider quoi faire pour passer le temps, je mis enfin mon nez dehors. Ouais, c’était la seule solution pour faire passer une journée aussi chiante que celle-ci. Je marchais tel un flegmatique né, dans les rues de cette ville dont j’ignorais le nom, tout en trainant les pieds. Limite, je marchais comme les bossus. Et pire, j’devais surement donner l’impression d’avoir la tête dans le cul. Mais je m’en fous, qu’ils aillent se faire foutre s’ils sont pas contents ces enflures !

Comment est-ce que j’comptais faire passer le temps ? Aucune idée. C’juste que, en me promenant en pleine journée, j’devrai trouver quelque chose d’intéressant à faire non ? Effectivement, y avait pas mal de choses à faire. Faire les magasins et voler des vêtements, pas mal. Rentrer dans un bar, manger et boire à sa faim puis s’casser sans payer. C’est cool mais tellement crevant quand tu es pas discret pour un balle et que tu t’fais courser par quinze personnes dans les rues. C’est contraignant dans ce genre de situation, mais bon, comme j’suis un Shinobi de malade, impossible de m’attraper. Haha. Tout cela ne m’avait pas assez amusé, non non, j’avais encore envie de m’amuser un peu. De plus, j’avais faim mais plus d’argent. Je demandai donc gentiment à une vendeuse de fruits de me donner une pomme gratuitement. Chose qu’elle refusa bien évidemment. Je fis le mendiant, la suppliant sans arrêt pour avoir quelque chose à manger. Rien à faire, elle ne cédait pas.

Et là, une idée brillante illumina ma journée chiante. Pour y remédier, je DEVAIS foutre la merde dans cette rue. M’attirer la haine de toutes les personnes peuplant cette ville ennuyeuse, faire rager tous ces paysans qui sont radins et bien d’autre encore. Et pour ce faire, cette dame allait être ma première « victime ». Cette envie de foutre le bordel se transforma en jeu, je devais faire le plus de bruit et de carnage possible. Facile, j’commençai à taper dans tout. Tout ce qui passait sous mes yeux était détruit, jeté à terre, martelé de coups de poings et coups de pieds pour mon plus grand bonheur. Son magasin de fruits ne ressemblait plus à rien, j’ai tout écrasé, tout foutu au sol, tout retourné. Et pas de chance pour ce vendeur de vases ! J’voulais quelque chose qui fasse du bruit et bien j’ai été servi ! Un par un, je pris les vases et les lançai un peu partout dans les airs, directement au sol. Putain que j’étais content, ça faisait longtemps.

Bien sûr, tout ce que j’venais de faire n’est pas passé inaperçu. Tous les gens présents dans la rue et aux alentours se sont précipités sur les lieux du carnage. Et là, ils ont commencé à m’insulter, me traiter, me regarder d’un drôle d’air, me lancer plein de trucs qu’ils avaient sous la main. Ils s’étaient mis en rond autour de moi, comme si chacun allait venir se battre avec moi en un contre un. A vrai dire, tout cela m’importait peu, en temps normal, j’aurais déjà réagi à toutes ces insultes et aurai corrigé la personne en question. Mais là, c’est moi qui avais provoqué tout ce bordel donc il était normal que j’assume ce que j’venais de faire. Au fond de moi, j’souriais, j’étais heureux, content. Seulement, j’avais tellement la flemme de rester debout que j’me suis assis en plein milieu. Et tout leur cinéma continua. Moi, ça me passait par-dessus la tête, c’limite si j’entendais rien de c’qu’ils pouvaient me dire.

Quand soudain, une fille est arrivée et a commencé à gueuler. Tous se turent et l’écoutèrent. Et bien, elle en avait de l’influence c’te fille ! S’en est suivi tout une scène où chacun voulait expliquer ce qu’il s’est passé à cette perturbatrice. Un moment de silence et quelqu’un pénétra dans le cercle où j’étais assis depuis une bonne dizaine de minutes maintenant. Elle vint près de moi et là, qui est-ce que j’vois ? La gamine aux cheveux roses qui m’avait sauvé la vie pour se racheter ! Si j’me souviens bien, elle s’appelait Nezumi. Détail qui m’interpella, elle avait grandi comparé à la dernière fois, elle avait mûri. Elle me fit une petite remarque à laquelle je n’pris même pas la peine de répondre car j’sais que ça servirait à rien d’expliquer pourquoi j’ai fait ça.

Elle décida d’rembourser les gens auxquels j’avais causé du tort. J’ignorais encore d’où elle avait chopé tout cet argent mais bon, elle régla mon problème même si j’pouvais très bien m’en sortir tout seul. Mais à ma façon quoi … Bref, elle me prit par la main pour me relever et m’entraina dans un endroit plus calme, là où les villageois ne m’attaqueraient plus. Peu importe qu’ils m’attaquent ou non, ça aurait rien changé j’trouve. Ensuite, elle se sentit obligée d’me surnommer « le blond » comme la dernière fois. Elle me demanda ce que j’faisais là et que j’étais rien sans elle. Toujours aussi culotée la p’tite à ce que j’vois !

Tssss ! Arrête un peu d’me surnommer l’blond tu veux ? T’as oublié comment j’m’appelais ou quoi ? Avec ce que j’ai fait pour toi la dernière fois, tu me devais bien ça ! C’est limite si j’ai pas donné ma vie pour toi, j’espère que t’as pas oublié ma p’tite !

J’disais ça d’un ton joyeux. C’était rare de me voir comme ça. Mais bon, j’venais d’occuper ma journée comme j’le pouvais et ça s’était merveilleusement passé. J’ai foutu la merde et j’revois une personne que j’connaissais vaguement, mais voilà quoi. Espérons que ça continue sur cette lancée !

Elle le regarda, sans rien dire, se contentant de le toiser. Un sourire naquit sur ses lèvres quant au peu de changements qui l’avaient altéré. Il restait le même, alors qu’elle avait doucement poussé, devenant un peu plus femme, quoique toujours enfant.
Le blond … Chamaillerie, petite pique envoyée à l’autre, comme deux gamins qui jouent à se titiller, juste pour le plaisir du divertissement. Un simple sourire, pendant qu’elle l’écoutait se plaindre, encore une fois. Il n’avait vraiment pas changé.

Sa main, frêle, se hissa jusqu’à sa tête avant de la tapoter, simplement. Quitte à être une enfant … Ses yeux, doucement, plongèrent en ceux du « blond », jusqu’à ce qu’elle finisse par soupirer et se mettre dos à lui.

« — Genzö. C’est pas comme si ton nom pouvait m’échapper. Nous étions partenaires, quand même. Puis, tu es un peu … Mon héros, n’est-ce pas ? »

Elle se tourna, pour lui faire face, avant de lui tirer la langue, narquoise. D’une part, cette réalité était leur, ou plutôt sienne, puisqu’il l’avait réellement sauver, au péril de sa vie. Ces rôles, généralement, se voyaient endossés par les véritables héros, comme l’on en trouvait dans les contes. Mais lui … Non. Nezumi n’arrivait pas à le voir comme un vrai chevalier, au vu de sa mentalité. Ses lèvres s’arquèrent en un nouveau sourire, plus joueur, alors qu’elle reprenait la parole.

« — Sache que j’n’ai pas fait ça par redevance, que c’était juste assez drôle de te sortir d’un pétrin aussi ridicule. Non mais sérieusement … T’aurais pu faire gaffe, ou éviter de tout niquer, hein ! Puis bon, t’es ninja. Je sais très bien que c’est pas une maladresse, mais autre chose. Alors deux choix s’offrent à moi : Soit t’es un connard et tu te fais chier, soit tu es raide mort. Mais tu pues pas de la gueule et tu sembles pas sous l’emprise d’une merde. Donc j’en déduis que tu es un connard ! Et ça ne m’étonne pas le moins du monde ! »

CQFD ! Ou comment niquer Genzö en quelques phrases avec quelques bonnes déductions. C’était dingue, tout de même, ce que ces humains étaient capables de faire lorsqu’ils se faisaient chier. Nezumi pouvait vadrouiller un peu partout, dormir, parler avec des gens, boire. D’autres, bizarrement, préféraient foutre le bordel dans des cités totalement pacifiques. Bon, d’accord, un peu trop paumées pour être ne serait-ce qu’un peu intéressantes, mais tout de même, cela n’en faisait pas une raison pour troubler l’ordre ! Non mais, ces ninjas qui se croient tout permis.
Nezumi soupira, puis, un grand sourire sur les lèvres, se jeta sur le « blond », dans un élan d’immaturité.

« — Nyaaaaaaaaaaaaaaaaa ! Je n’ai pas oublié ! Tu as détruit MON RUBAN ! Méchant !! »

Ah, le ruban. Encore cette histoire ridicule. Encore cette histoire qui datait d’il y a tellement de temps, mais qui l’avait traumatisée à vie. Il avait réduit le fameux ruban en bouillie ! Ce ruban très particulier qui permettait d’échauffer un esprit, de traîner une personne vers une autre, comme avec des aimants. Ses mains se hissèrent sur ses cheveux, à la conquête de cette blondeur refoulée qu’il n’assumait pas. Oui, oui, à ses yeux, au départ, tout se déroulait ainsi. Les cheveux gris pouvaient cacher des cheveux blonds, c’était une certitude. Alors, avec ses deux mains, elle mit la totalité de sa chevelure en bataille et, après avoir accompli sa connerie, se redressa, comme si rien ne s’était passé.

Reprenant son sérieux, Nezumi épousseta ses vêtements et changea totalement de sujet.

« — Sinon, le blond. Tu fous quoi ici ? Des intentions particulières, ou tu vadrouilles encore, sans savoir où tu vas vraiment ? »

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