Un jeune et un vieux au pays du feu. [Pv Kokochiyoi]

J’avais beau essayer de le toucher avec mon bâton, c’était encore impossible, je ne comprenais pas pourquoi ces dernières semaines il me demandait de l’atteindre avec le bout de bois qu’il m’avait refilé. Il n’était pas symétrique, et même plutôt lourd à porter rendant mes coups lent et impuissant. Il faut dire qu’il faisait presque deux fois ma taille et pesait aussi lourd qu’un homme. Certes un entrainement fastidieux, et pour l’instant dénué de sens à mon égard, mais je connais l’homme qui m’entraine : mon père. Un homme puissant, le plus puissant que je connaisse m’apprenant à devenir un gardien. C’est plus qu’une vocation, c’est un art, apprendre à protéger au péril de sa vie, savoir se sortir de situations hasardeuses et mortelles, pouvoir survivre dans la nature emportant avec soi le secret gardé.

Mon entrainement terminé je me devais de retourner chez moi, profiter d’un bon repas et d’une tasse de thé réconfortante. Il faut avouer que mon père ni va pas de main morte, mais ce dans un but bien précis car c’est à moi que reviens la tâche de devenir le grand gardien de la famille, je dois donc devenir le plus fort d’entre eux. Je me retrouvais donc sur le chemin du retour, la nuit s’annonçant très fortement, je devais en plus me trimbaler ce gros machin que j’avais utilisé lors de mon entrainement. Je le trainais donc derrière moi, solidement calé sous mon bras droit laissant sur mon passage un sillon dans le sol terreux qu’était le chemin qui m’emmènerai vers la source de mon repos. Mon père, non pas peu persévérant était resté sur l’aire d’entrainement pour s’exercer encore un peu seul, refusant toute possibilités futur que je puisse prendre sa place. Sa peur de ne plus être à la hauteur un jour face à moi doit surement le ronger, tellement le ronger qu’il espère être de manière indéfinie supérieur à ma personne. A quoi bon lutter contre l’inévitable, la vieillesse n’épargne personne et la seul chose commune à chacun des êtres vivants est de périr. Bien que ceci soit ma plus grande peur, elle me tétanise d’ailleurs la meilleur solution est de ne pas y penser.

Je marchais donc vers le lac ou se trouvait notre demeure, j’entendais les bruits nocturne de cet endroit, une ambiance légèrement macabre. Cette atmosphère ne me plait guère mais mon corps n’est pas empli de peur pour autant car la première des qualités d’un gardien est sa force à combattre ses phobies. Bien les connaitre permet de prendre le dessus sur celles-ci, allumant dans le cœur une flamme éclairant toutes nuances d’obscurité. Cependant il existe quelque chose qui est pire que la peur, et ceci est la faim… D’ailleurs j’avais une faim de loup, je serais prêt à m’enfiler n’importe quoi de comestible… Entendre le grondement de mon ventre me hurlant son envie est surement le pire des supplices qu’il puisse exister, privant mon corps d’énergie. Je devais puiser au plus profond de mon âme pour réussir à calmer les sentiments qui grandissaient en moi, n’ayant plus le contrôle sur ma raison. Je suis quelqu’un de bon envers les autres, cependant je rentrais dans un état second une fois que mon estomac réclame. À quiconque m’adresserait la parole sans m’offrir de quoi me soulager ne serait pas épargner par mon humeur.

J’apercevais au loin un individu, apparemment accompagné d’un animal mais je n’en avais que faire, ma seule pensée était tournée vers le repas qui pouvait m’attendre. Mon pas était lent, le regard vide visant l’horizon, la tête balançant de droite à gauche au rythme de mes pas. Arrivé à niveau de l’homme étant sur mon chemin, celui-ci m’adressait la parole, et me prononçait des mots ayant pour but de m’effrayer, mais le rire qui suivait sa parole avait juste réussis à me sortir des idées de nourriture. Je m’étais arrêtais, tournant lentement le visage dans sa direction plongeant mon regard dans ses yeux dorés, il était laid et l’expression sur mon visage faisait ressentir mon dégout.

« Mh, tu as dit quelque chose vieux schnock ? »

Je continuais de le fixer dans les yeux, ayant comme seule et unique musique de fond le bruit mon ventre gargouillant.

C’est un homme bien étrange qui se trouvait devant moi, en effet après être réellement revenu à la réalité, ne voyant plus aucune image de nourriture dans mes pensées je regardais un peu mieux son accoutrement. Pas banale du tout, que dis-je, c’est même totalement farfelu comme tenue, et puis son maquillage lui donne un drôle d’air, et puis c’est quoi c’est trucs qu’il porte sur la tête, voilà bien un visage que je n’oublierai pas. De plus, l’homme avait l’air de mauvaise humeur, vu la manière dont il parlait des habitant du pays du feu. Que lui ont-il fait, et d’ailleurs que fait-il ici. Il n’avait d’ailleurs pas l’air de m’apprécier beaucoup, pourtant je ne l’ai pas insulté, enfin je n’ai rien dit de méchant envers sa lui. Peut-être avait-il prit la mouche car je l’ai surnommé « vieux schnock ». Bon d’accord c’est un peu hardi de ma part, surtout envers un inconnu rencontré en pleine nuit sur un chemin tel que le nôtre. Je me suis encore laissé emporter par mes émotions, il faut dire que quand la faim m’envahi… Mais bon.

La nuit fraiche sans vent me faisait le plus grand bien après tous les efforts que j’avais fourni pendant la journée. Et c’est alors que l’homme en face de moi, ayant certainement ouïe mon ventre en pleine démonstration avait sorti un bon gros morceau de viande. Ouvrant grand la bouche, il en avait saisi une bouchée sous mes yeux, son regard ne voulait dire qu’une seule chose : me faire languir en me montrant bien qu’il ne m’en donnerait même pas une miette. Son gestes devait surement avoir pour but de me provoquer, voir se venger de mon comportement précédent mais ce n’était pas le cas. Une personne voyageant avec un tel morceau appétissant sur soi en tant que casse-croute, le garder en aussi bon état et le déguster d’une manière si intensive ne pouvait qu’inspirer le respect. Finalement cet homme à l’apparence si particulière, je ne pouvais que m’excuser pour mon affront. Je m’accroupissais afin de me lancer en arrière, le gros morceau de bois toujours sous mon bras droit, je me retrouvais assis sur celui-ci posé à la verticale grâce à mon mouvement. Je me retrouvais donc plus haut que lui, les coudes appuyés sur les genoux je le regardais manger sa bidoche.

« Vous êtes quelqu’un d’honorable, pardonnez mon comportement précédent. Excusez mon indiscrétion mais que faites-vous ici. Disais-je en jetant un coup d’œil rapide dans son chariot. Et qu’avez-vous envers le gens de ce pays ? »

Je ne vis rien du tout dans son chariot, la nuit étant trop présente pour cela. Je me retrouvais donc face à lui, tout en le regardant directement dans les yeux.

Il m’avait lancé son morceau de viande, était-ce de la pitié où bien de l’empathie, je ne le sais guère mais en tout cas j’avais de la nourriture. Je le regardais et il faut dire qu’il avait vraiment l’air appétissant, pour un scientifique il maitrise plutôt bien l’art de la cuisine. Et les rumeurs disent que les hommes de sciences ne sont bons que dans la réalisation d’expérience, où tout du moins s’il a cuit lui-même sa bidoche, peut-être a-t-il fait appel à un assistant. Mais quel assistant serait prêt à bosser avec un homme tel que lui, mais mis à part son apparence douteuse il à l’esprit fort tout comme devrais l’avoir un homme qui veut se faire respecter, où alors tout simplement de faire tuer. Seul une personne ayant un esprit assez fourbe et des intentions particulières peut avoir ne serait-ce que l’envie de travailler avec lui. Ce n’est pas mon cas, ou du moins pour l’instant car j’ai un entrainement à terminer et un objectif en tête. Mais revenons à ce restant de morceau juteux, pouvais-je lui faire confiance ? Enduit de ce fameux « conservateur » dont je ne connais ni la composition, ni les effets secondaire sur le goût et après ingestion. Il est vrai qu’il en a mangé avant moi et qu’il n’a, apparemment, aucun symptôme de douleur ou d’empoisonnement, mais après tout il a produit lui-même son produit chimique et pourrait être immunisé contre celui-ci. Peut-être voulait-il m’utiliser comme cobaye. Cependant, je ne sais pas pourquoi, que ce soit ma faim ou la curiosité mais je pris tout de même une bouchée. Le gout était comment dire… particulier, certes ce n’était pas mauvais, la viande était parfaitement cuite et bien conservée je l’avoue mais le goût était unique. Un bon goût de viande à travers lequel l’on pouvait sentir les épices, mais en plus de ça vient s’ajouter une saveur loin d’être dérangeante, mais c’est un parfum que je n’oublierais pas. J’avais quand même évité de mordre là où le scientifique, comme se force de le dire, avait pu poser ses dents car ça tête ma paraissait toujours aussi bizarre et que je ne veux pas lui ressembler. L’état de son visage était peut-être dû à une maladie contagieuse et je n’ai nullement l’envie de lui ressembler.

Il était face à moi chipotant des morceaux de bois, les superposant machinalement sur le sol. Il s’apprêtait à me faire une démonstration de ses talents d’alchimiste, son air venait de changer, il passait du scientifique arrogant et vantard à un homme de sciences professionnel et très sérieux faisant étalage de ses inventions et je ne sais quelles autres découvertes. Il sortit une fiole contenant un liquide rouge, et lorsqu’il versa une goutte sur la petite structure de bois qu’il avait préparé, celle-ci s’enflamma de manière instantanée. Voilà quelque chose de stupéfiant, il arrive à produire des flammes avec une petite quantité de produit, voilà des facultés capables d’égaler celle d’un ninja. Et j’imagine qu’il possède des centaines de fioles différentes aux effets des plus variés, des plus impressionnantes aux plus inutiles. Transporter de telles ressources dans un chariot comme le sien pourrait se montrer dangereux, rien que cette éprouvette dont il vient de me faire démonstration pourrait enflammer complètement sa charrette. Bref, quoi qu’il en soit, cet homme est surement plein de ressources.

Après m’avoir expliqué le principe de son « allume-feu » j’étais plutôt intéressé par le sujet car, malgré mon entrainement physique quotidien, j’entraine mon esprit à l’aide des nombreux livres que nous possédons. Mes connaissances dans de telles matières sont très surement médiocres mais je pouvais en saisir le principe de base. Je restais perché sur mon bout de bois, l’observant lui et ses manipulation. Après qu’il m’avais expliqué le pourquoi de sa rancune envers le peuple du pays du feu, je me posais une question. Pourquoi ces gens auraient-ils refusé la solution utile pour terminer toutes ces tueries. C’est vrai, il n’y a pas de problème mais uniquement des solutions, si cet homme avait trouvé un moyen simple et rapide alors pourquoi le refuser. Je dois avouer que les gens prennent souvent de mauvais choix, se confortant dans leurs douleurs et leurs prisons. Peut-être auraient-ils estimé cette méthode contre nature et contre éthique, mais est-ce ceux qui trouvent les réponses ou ceux qui créent les problèmes qui sont contre éthique ?

« Les gens sont stupides je te l’accorde, je suis peut-être jeune mais je trouve tes intentions louables. Sache également je suis très intéressé par tes expériences, et que je suis tout ouïe envers tes paroles. »

Je ne le vouvoyai plus, me sentant peut-être plus proche de ses idées que de celles des autres, et donc plus semblable à lui que je ne l’étais il y a quelque minutes.