Assis sur un banc, le bonhomme réfléchissait. Il laissait son esprit divaguer au gré de ses trop nombreuses pensées. Les unes étaient intimement liées au village : sa vie, sa progression, ses démêlés politico-sociaux ; les autres liées à sa propre personne, ses objectifs de vie, son clan et bien d’autres affaires ou projets secrets qu’il avait à cœur de mettre en œuvre tôt ou tard. Il y avait là un grand tri à faire en vérité. Bien des choses devaient être réglées, des solutions devaient être apportées aux problèmes ponctuels ou à venir se présentant sur son chemin. C’est pour cette raison que l’Hakushi se trouvait à ce moment précis, à cet endroit histoire de s’accorder une pause réflexion avant de se lancer dans la résolution pratique des obstacles se présentant sur sa route.

Il était donc là depuis une bonne trentaine de minutes lorsqu’un jeune homme vint s’asseoir à ses côtés. L’individu en question ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Visiblement perdu dans ses pensées le jeune homme semblait captivé par l’immeuble lumineux leur faisant face. Ce n’est qu’au bout de quelques instants que ce dernier se rendit compte qu’il n’était guère seul. Pendant ce temps, l’Hakushi, lui, ne s’était pas gêné pour détailler le physique de cet homme venu s’asseoir près de lui. Au premier coup d’œil, il lui sembla reconnaître un Monjara. A en juger par ses cicatrices parcourues de fils noirs.

_ Hum… Cet immeuble ? Non. A mon avis il y a plus intéressant. Comme par exemple ce petit pot de fleur de cactus sur le balcon du troisième étage, là sur ta gauche… Ou encore ce chat qui joue les équilibristes sur le poteau électrique là sur ta droite.

L’observant après lui avoir indiqué ses propres sujets d’observation, ces sujets lui permettant de s’évader, il posa un regard presque affectueux sur le jeune homme avant de lui poser une question :

_ Mais dis-moi. Tu n’es pas réellement venu voir un immeuble s’illuminer je me trompe ? Une affaire de cœur ? Une femme dans ta vie ?

L’Hakushi sortit une petite bouteille de son veston. Il en déverrouilla le bouchon et but une gorgée. Il en proposa au jeune homme comme pour le réconforter. Si c’était une affaire de cœur, probablement qu’il aurait du mal à la surmonter. Enfin si tenté est qu’il se soit pris un sacré râteau et qu’il aime la femme en question plus qu’elle ne l’aime.

L’Hakushi remarqua le changement subit dans la façon de réagir de son interlocuteur. Ce dernier venait de sortir de ses pensées on aurait dit et visiblement pour la première fois depuis qu’ils se trouvaient ensemble, le bonhomme venait de porter un regard plutôt franc vers Shadis. C’est peut-être ce coup d’œil qui expliquait ce changement plutôt radical. A présent, le Monjara bégayait et il était visiblement gêné de se retrouver à la place où il se trouvait. Constatant que le jeune homme n’était visiblement pas atteint par une quelconque affaire de cœur, l’Hakushi reprit sa petite bouteille, celle qu’il avait si gracieusement offerte à son interlocuteur. Il en but une gorgée et la rangea tranquillement dans son veston.

_ Tu semblais bien pensif tout à l’heure. J’aurais parié que c’était une affaire de cœur ! Mais bon, je me suis visiblement trompé.

Une courte pause, l’Hakushi poursuivit :

_ Moi ? Disons que je suis ici pour réfléchir… Prendre l’air… Essayer de m’aérer l’esprit un peu comme on dit.

Sourire aimable, Shadis laissa le jeune homme s’imaginer sur quels sujets épineux l’Hakushi pouvait bien être actuellement. Des sujets importants à traiter, il y en avait à la pelle. Il y en a toujours pour un village de cet acabit. Que ce soit des questions liées à la politique interne du village ou celles liées à la politique extérieure. Comment mieux impliquer les clans dans la gestion et la vie de tous les jours du village ? Le Conseil d’Etat, qui en soi était déjà une excellente initiative, était-il suffisant ? Prenait-il assez en compte les aspirations claniques ? Fallait-il d’ailleurs faire grand cas de ces aspirations ? Ne devait-on pas plutôt essayer d’uniformiser tout ça et essayer de tout faire pour que les membres de ces clans divers se voient comme des frères d’armes et qu’ils regardent tous vers un seul et même objectif : celui fixé par les dirigeants ? Bien des questions auxquelles il fallait apporter une réponse adéquate. A ce petit jeu, les différents Kage en place avaient tenté d’apporter leur réponse, lequel d’entre eux avait su trouver la bonne voie ? Difficile à dire, au regard des nombreux remous ayant émaillé la vie politique et militaire de la Foudre.

_ Dis-moi ? Quel est ton nom jeune Monjara ? Moi c’est Hakushi Shadis...

Il venait de donner son nom par simple politesse. En théorie, le jeune homme à qui il avait affaire savait très bien qui il était. Depuis quelques années maintenant, il avait troqué sa propre vision de ninja de l’ombre pour la scène et les projecteurs. Telle n’était pas sa préférence cependant. A bien choisir, il serait resté dans l’ombre. Mais pour l’intérêt du village, il avait dû se retrousser les manches et essayer d’aider en apportant son expérience et son savoir-faire. A la première occasion, il retrouverait sa vie d’antan. C’était certain.

_ Tu sembles supporter plutôt bien le regard des gens. Habituellement les Monjara masquent tant bien que mal certaines de leurs spécificités...

Ce Monjara ci, lui préférait visiblement afficher ce qu'il était.