Encore une nuit, encore une lune marquée par l’insomnie récurrente de mes songes. Je n’en pouvais plus. Mes paupières étaient aussi lourdes que le poids de la guerre sur mes épaules, aussi lourdes qu’un fardeau me ruinant l’échine. Le dos contre l’écorce d’un arme lambda, je laissais mes insectes vagabonder en contemplant les étoiles. Sans aucune émotion, je laissais volontiers mes yeux contempler la sphère qui brillait de mille éclats, semblable à une constellation que tout le monde voulait suivre. Elle semblait comme une évidence, comme une poignée de poudre éclatante. Mon être semblait si troublé par la présence de cette reine que je ne pouvais même plus m’exprimer. Comme le démon qui empêchait mon corps de dormir, comme une bête en cage ne me laissant aucun repos. Lassé par les événements, je décidais de rentrer chez au petit matin, avant de me plonger dans mon lit pour trouver le sommeil, sans succès. La vie continuait mais j’avais beaucoup de mal à suivre le chemin, alors je décidais de suivre dans son ombre, les bras longeant ma carcasse courbée.

Le mot était arrivé entre mes mains après un court voyage, cette infirmière voulait me rencontrer pour discuter, comme elle me l’avait confié il y a de cela deux semaines. Je n’aimais pas l’idée qu’on puisse lire en moi comme dans un livre ouvert, mais cette entrevue semblait nécessaire autant pour ma carrière de shinobi que pour mon âme. J’avais besoin de cette ouverture, ou pas. En vérité, j’ai juste besoin de laisser cette phobie délaisser mon corps, rien de plus. Parler ou non n’était pas une chose nécessaire en soit, sauf peut-être en mission ou dans ce genre de communauté. Je laissais ma silhouette déambuler dans les rues de la ville, un haut ample sur mes épaules style tee-shirt à manche longue, ainsi qu’un jean couvrant mes jambes. Le dos courbé, je marchais en direction du rendez-vous, la crinière ébouriffée comme tous les jours et l’air nonchalant recouvrant la totalité de mon visage.

Le soleil brûlait mes yeux, mais je pouvais voir la jeune femme se dessiner loin devant moi. Les mains dans la poche, j’avançais dans sa direction avec cette allure qui semblait normale chez moi. Je contemplais le ciel avant d’arriver à sa hauteur, fuyant son regard parce qu’elle m’intimidait au plus haut point. « Salut.» sifflais-je avant de m’accroupir à sa hauteur. Oui je ne m’assoie jamais, je laisse mes genoux faire le reste. Je posais finalement mon regard sur elle, plongeant ses yeux dans les miens. Je semblais presque vouloir l’intimider mais ce n’était pas le cas. Cependant, l’attitude n’y était pas. J’étais effrayant, comme si je fixais le ciel lorsque je souffrais d’insomnie.

Lorsqu’elle me saluait, je penchais la tête vers la gauche, contemplant son visage comme si je regardais une toile venant de toucher à sa fin. Je basculais le regard au-dessus d’elle afin de contempler l’action merveilleuse de la nature. Le vent semblait se lever sans trop en faire, bousculant ma chevelure comme une vulgaire feuille morte présente au sol depuis quelques temps. Cette jeune femme semblait étrange, loin de moi l’idée de penser du mal de cette dernière, mais c’était la première fois qu’une entité humaine s’intéressait à mon cas, je me sentais soudainement très heureux sans vraiment réussir à l’exprimer. Rien que le fait qu’elle me demande mon état de santé pouvait me faire sourire, mais ce n’était pas le cas parce que l’expression ce n’est pas mon truc du tout. Hochant la tête positivement à sa demande, avant de basculer dans mes pensées, comme un gosse incapable de se concentrer plus de cinq minutes.

« Et ... vous, toi ?» hésitais-je avant de poser mon index sur mes lèvres en regardant la jeune femme. Les genoux pliés, toujours dans cette posture infâme que j’arborais sans arrêt, je contemplais son visage en écoutant le reste de ses interrogations. Dix heures. C’était le temps que Morphée avait eu pour me convaincre de le rejoindre. J’étais un homme terriblement sensible aux pensées néfastes. Je repensais à la guerre, une plaie béante incapable de cicatriser. Un vortex infernal qui aspirait la moindre parcelle de bonheur que mon enfance possédait. Hésitant, je poursuivais. « Ce n’est rien. Le manque de sommeil n’empêche pas un Shinobi d’opérer.» sifflais-je d’un ton neutre, flirtant avec la froideur du visage que j’arborais. La guerre qui venait de se terminer contre le village de Suna semblait avoir un impact sur mon être, comme un ouragan bousculant mes sens faisant ainsi naître le sentiment d’être inutile pour les miens.

« C’est ... Merci mais...» lâchais-je, gêné par le présent qu’elle venait de m’offrir. En vérité, je ne voulais pas la froisser mais je n’aimais guère l’infusion. Par respect pour sa récolte, j’allais forcer mon organisme à ingérer cette substance pour mon propre bien. Je ne voulais pas m’ouvrir davantage, mais cette jeune femme sans trop forcer semblait presque crocheter la serrure. Je finissais par retomber dans mes pensées, regardant les branches s’accoupler selon l’envie du vent, sentir l’odeur de la nourriture du village venir jusqu’à mes nasaux. J’avais une immense faim mais elle pouvait tenir jusqu’à ce soir.

Avais-je réfléchis ? Non parce que ça n’en valait pas la peine. La jeune femme n’avait toujours pas cernée le problème véritable de ma phobie étrange. Je n’avais pas peur de devenir ninja, ni même de mourir pour que mon village soit fort. J’avais peur des autres, du côté sauvage de l’homme et de sa capacité à tout détruire sur son passage lorsqu’il avait emprunté un mauvais chemin. « Non parce que tu n’as rien compris à mon problème. Je n’ai pas peur d’être un shinobi, j’ai peur de l’humain en général.» laissais-je entendre avant de baisser les yeux de honte.

J’étais totalement perdu à cause d’une simple question. J’avais l’impression de lutter pour ne pas succomber à une violence intérieure, que j’aimais ça plus que je ne le pensais. J’avais cette douloureuse sensation d’être un lion en cage et que je possédais moi-même la clef de ma prison. Je ne voulais pas lâcher la bête pour ne pas prendre plaisir à blesser, ni même à tuer. J’ai peur de devenir fou, que lorsque je ferme les yeux le monde devienne poussière. Une tragédie utopique empêchant mon être d’obtenir le repos dont j’avais grand besoin, comme une épine immortelle dans le pieds. Mais ça, c’était un secret. Jamais il ne sera divulgé. Comme une vulgaire feuille de papier torturée par le vent, je laissais cette histoire s’envolée pour d’autres cieux sans jamais y faire attention. Je n’avais jamais eu de vie entre mes mains et je ne savais pas comment j’allais pouvoir réagir lorsque le moment serait venu.

Je regardais la jeune femme sans le moindre sentiment, comme à mon habitude. Je ne voulais pas trop parler de moi parce que je ne voulais pas être un livre ouvert pour la populace. Je tenais à cette facade mystérieuse qui faisait fuir la plupart des gens. J’avais cette sensation d’être au moins tranquille le temps d’un instant et de ne pas subir un véritable interrogatoire comme j’étais en train d’en vivre un. Mais je me devais d’être pôli parce que le nom des Aburame pouvait être baoufé à cause de mon mauvais choix. Je me cachais pas derrière mes problèmes. J’avais l’air absent et mon allure donnait l’impression que je me négligeais, que j’étais un enfant prisonnié dans le corps d’un adulte. La question m’insupportait et j’en avais assez dit pour le moment. Alors je me contentais de baisser les yeux et de garder le silence avant de siffler comme si de rien n’était. Un manque de respect peut-être, mais de part mon caractère instable, elle ne prenait pas la bonne direction avec moi. Je n’avais pas besoin d’une personne à qui confier mes maux, mais bien d’une personne capable de me faire avancer avec des reprises de volées cinglantes.

« C’est obligé ? Parce que c’est non.» sifflais-je avant de retrouver ma position fétiche, genoux contre mon torse, regardant la jeune femme d’un regard très curieux. Je saluais intérieurement l’effort qu’elle faisait et prenait en compte le fait qu’elle était actuellement la seule personne capable de me supporter plus d’une fois après une première entrevue vraiment très odieuse de ma part. Je mettais mon visage dans mes bras, ne laissant dépasser que mon regard ténébreux avant d’esquisser un sourire masqué par la présence de mes membres. Je ne pouvais pas cacher cette sensation de bonheur qui m’envahissait. J’étais entre le feu et la glace, comme au milieu de deux entités contraires se déchirant une partie de mon âme. Je ne pouvais pas prendre décision sous peine d’en décevoir une autre. Alors je restais de marbre face aux situations, préférant rester neutre malgré mes envies dévorantes. Je me relevais avant de saisir une cigarette dans mon paquet, allumant cette dernière avec un briquet offert par mon père après une remise des diplômes. « Tu aimes bien les cas dans mon genre ? Comme une bête de foire qu’on aime observer dans une cage n’est-ce pas ?» sortais-je sans même réfléchir. Je n’avais donné aucune intonation à ma phrase, une simple question comme une autre se présentait à la jeune femme.

L’Aburame venait d’oublier tout ce que la jeune femme venait de lui envoyer dans la gueule. Il ne pouvait s’empêcher de plonger son regard dans le sien. En faite, il était en train de plonger dans l’eau sans même pouvoir remonter. Il n’avait pas l’habitude d’être bousculé ainsi, d’être au coeur d’un conflit verbal. Il regardait la jeune femme d’une manière étrange, regard troublé entre la peur et la haine. L’Aburame donnait l’impression d’observer un spectre mais en vérité son crâne était au bord de l’implosion. Caractère sauvage bien trop difficile à cerné pour être dompté, l’homme insecte n’aimait guère ressentir une boule au ventre comme celle qui lui tiraillait l’estomac, le poing serré il ne lâchait pas le regard de la jeune femme.Il pouvait peut-être paraître fou, mais il ressentait un profond manque de respect de cette personne et il ne supportait pas qu’on en fasse preuve à son égard. Alors il entrait dans un mutisme inquiétant à la limite de se parler à lui même.

« Ta vie ne m’intéresse pas.» lâchait-il avant de quitter le regard de la jeune femme. La bataille que se livrait les deux idées dans son cerveau lui provoquait une migraine intense. La main sur la tête, il gardait le silence en laissant son visage ne plus rien dissimuler, comme si il avait retiré le masque de son quotidien. Il ne savait pas quoi faire, tiraillé entre partir comme un voleur ou faire face à cette morue lui pompant l’existence avec toutes ses questions. Était-elle de la justice ? Dans le journalisme ? Peu importe. Elle lui bouffait son énergie et il n’aimait guère ce genre de chose. Par respect pour elle, pour la femme en général, il préférait ne pas en rajouter.

L’Aburame ne se préoccupait même plus de la jeune femme, jouant avec un insecte tout en reniflant le parfum d’une fleur. Tirant d’une manière frénétique sur sa clope qu’il avait allumé dans il y a de cela quelques minutes. « Je pensais à un truc. Perdre son sang-froid comme ça d’un coup .. c’est rigolo.» disait-il sans le moindre filtre avant de se rendre compte qu’il avait parlé trop vite, pensé à voix haute. Il sentait le regard meurtrier de la jeune femme dans son dos, comme un sixième sens. Il ressentait déjà ses mains autour de son cou, le manque d’air envahir ses poumons et les coups tomber sur son visage d’ange. Comme un enfant venant de faire une connerie il masquait sa tronche pour en rire. En vérité, il se moquait réellement de son interlocutrice parce qu’au fond, les menaces ne prenaient pas avec lui. Il savait très bien se débrouiller seul et si ce n’était pas elle qui signait son dossier, ce serait une autre personne.

Aburame Maï n’est pas un mauvais garçon, une puissance sauve dormait à l’intérieur de ses entrailles. Comme un démon ne voulant pas faire parler de lui. Le silence semblait être le mot d’ordre. Il était très rare qu’il ouvre la bouche pour simplement gaspiller sa salive. Non. Le jeune shinobi prenait n’était pas un homme très loquace et pour être très franc, il avait honte de lui-même. Il venait d’avoir vingt-six ans et il n’était même pas haut-gradé, un simple aspirant ninja qui n’a pas de faits glorieux à sa charge. En fait il souffrait. Il ressentait une souffrance atroce, il appelait à l’aide sans vraiment le vouloir. Peur de l’humain, peur de la confiance. Peur de perdre un être cher. Alors il donnait l’impression d’être insupportable, créant une barrière avec les autres pour ne pas chercher à se faire aborder, rester avec cette solitude qui lui rendait la vie meilleure.

L’Aburame réagissait comme un enfant, laissant le caprice prendre le dessus. Une jeune femme s’intéressait à lui et à ce moment-là il ne pouvait s’empêcher de faire le gamin, laissant son caractère reprendre la main. Elle pouvait le frapper, l’entailler, le torturer, rien ne pourrait y faire. Frôler la mort rendrait son esprit totalement incontrôlable. En effet, il ne réagit pas comme tout le monde. Au delà du fait que Maï à une peur bleue de l’autre, la mort semblait le terrifier horriblement. En vérité, c’était un traumatisme immense qui lui prenait aux tripes. Comme une mauvaise adrénaline faisant de lui un fléau pour les autres. La notion du temps n’existe plus et le coeur est amputé. La force n’est pas plus incroyable, mais il rentre dans une folie presque morbide. A la vue de son propre sang, il perd pied. Les yeux ouverts, à la limite de l’implosion. Un sourire inquiétant ainsi qu’un rire très effrayant. En effet, Maï restait inoffensif, du moment qu’il n’était pas poussé dans ses retranchements.

En compagnie de la femme médecin, il faisait l’homme. Voyant que cette dernière ne lui prêtait aucune attention, il lança la fleur derrière son épaule avant de se relever timidement sur la pointe des pieds. La gorge nouée, raclant cette dernière difficilement avant de regarder une dernière fois en direction de la jeune femme, il tournait les talons avant de s’arrêter net, le dos face à cette inconnue. « Commence par te présenter la dernière fois, tu auras sans doute plus de chance.» sifflait-il d’un ton narquois avant de glisser ses mains dans les poches et d’arborer fièrement la courbure de son dos. Le regard blasé, il fixait l’horizon avant d’en prendre le chemin, laissant la jeune femme faire l’inventaire de sa vie et de ses songes. Ce n’était plus son problème désormais. Elle ne voulait pas signer son papier, aucune importance.