Kaguya Milly – dont le nom était écrit en complet pour faciliter ses recherches – pouvait se vanter d'avoir fait couler beaucoup d'encre à Konoha. Que ce soit par passion, par haine, par amitié, par jugement ou par distraction, elle a été à un moment ou à un autre le sujet présent sur les lèvres. Et sur l'essentiel de ces derniers mois, c'était surtout sur celles de Natsuki. Ce dernier, parce qu'il était un peu dans un point mort de sa vie, s'était lancé dans l'amusante quête suite à sa rencontre avec la jeune cheffe de clan de découvrir l'obscure histoire de la Kaguya qui a résulté à son bannissement des terres jumelées avec la Nation du Feu. Et pour le moment, il n'y avait eu d'obscure que le perpétuel refus de Miko de répondre à quelques questions – mais n'hésitant à aucun moment à pousser sous le bus d'autres collaborateurs pour se débarrasser de l'encombrant Nara tatoué.

Du coup, plutôt que de s'acharner sur une impasse, il se résigna devant ce refus manifeste de collaboration de ne jamais parvenir à réunir toutes les pièces de l'histoire, et passa à la suite. La suite, c'était Kihran, le premier nom que Miko lui avait donné. Le Directeur de l'Académie était l'un des deux membres envoyés par l'ancienne Hokage à l'époque pour remettre en main propre la lettre d'avertissement à la Kaguya, qui se retrouvait ainsi informée que suite aux nombreuses scènes, menaces et dangers dans lesquels elle était impliquée, elle n'était plus la bienvenue sur les territoires de la Nation du Feu. L'autre membre était Senwashi, avec lequel Natsuki aurait dû aussi prendre contact pour un échange de bons procédés, mais devant le silence radio du Gekei qui avait dit '' Ne me rappelle pas, je te rappellerai. '', le Nara tatoué préféra consacrer toute son attention à l'Hayashi. Surtout qu'en plus, cela offrait sa participation au bonus points d'influences du mois pour l'organisation de Konoha - il fallait bien payer ses factures, et vu qu'avec son équipe cela commençait à devenir compliqué, il prenait les primes là où il pouvait.

C'est ainsi qu'il avait profité de la lettre de compte rendu de la journée de Yohru au sein du restaurant du Septième Ciel pour contacter Kihran, et lui faire part de son désir de le rencontrer. Et pour éviter que le concerné n'ai la laborieuse tâche de faire une lettre de remplissage pour justifier son affranchissement alors que l'information principale à communiquer se résumait à '' Je suis d'accord, rencontrons-nous. '', l'accord et les modalités furent définit ailleurs et autrement.

C'est ainsi qu'ils avaient convenu d'un jour pour se retrouver autour d'un repas dans le restaurant de Natsuki. Une pratique qu'il répétait beaucoup ces derniers temps, mais il fallait bien l'admettre, c'était plus agréable pour tout le monde de discuter avec quelqu'un autour d'une assiette que dans un bureau cloisonné et austère.

Et en plus, cela permettait de joindre l'utile au pratique pour deux hommes à l'emploi du temps de ministre.

Natsuki quittait enfin son bureau situé au deuxième étage. Il avait donné rendez-vous aujourd'hui au Directeur de l'Académie shinobi pour le repas de midi dans le restaurant du Septième Ciel. Tout se faisait comme d'habitude, maintenant qu'il était bien rôdé pour ce genre de rencontre : il avait déjà prévu la table dans le fond, avertit son service qu'il attendait Kihran, et libéré son emploi du temps pour être lui-même disponible – ce qui le cas échéant aurait été franchement bête de sa part. En conséquence de quoi, il ne lui restait plus qu'à rejoindre le restaurant, et patienter à sa place jusqu'à ce que son invité arrive.

Et c'est environ vers cet instant là, alors qu'il avait franchit les portes et salué le serveur d'accueil, qu'il sentit un appel dans son dos : Kihran était déjà là.

« Oh, vous êtes en avance. » constata-t-il en consultant sa montre à gousset. « Ce n'est pas plus mal. Bonjour à vous Kihran. Je suis heureux de voir que vous avez pu vous libérer. »

Il tourna ensuite son regard vers son responsable de service.

« Cela va aller du coup Keiji. Je m'occupe du reste »

Il embarqua deux cartes des boissons sous son bras, puis accompagna Kihran jusqu'à leur table. Le restaurant comptait globalement une très grande salle, mais celle-ci était inégalement divisée en deux par d'élégants murets décorés de barrières et parfaitement intégrés au style de l'établissement. Cela offrait aux clients désireux d'un peu de tranquillité pour manger une dizaine de tables légèrement à l'écart. Et c'était à l'une d'entre elles qu'il prirent place.

Et si Natsuki devait s'en référer au texte de Kihran, alors ils se regarderaient tous les deux dans le blanc des yeux en attendant que le plat soit servit. Hors de question.

« C'est avec honneur et plaisir que je partage votre table aujourd'hui. » annonça Natsuki en lui tendant la carte des boissons. « La dernière fois que nous nous sommes réellement vu, c'était il y près d'un an il me semble. Le restaurant était beaucoup moins rempli en ce temps là, vu qu'il n'était même pas ouvert. Comment le trouvez-vous maintenant, en pleine activité ? »

Derrière leur muret, c'était assez difficile de juger vu qu'il cachait l'essentiel de l'étage, mais Kihran ayant des yeux, il avait bien dû voir tout ce qu'ils avaient traversé.

« Comme je vous l'avais dit, la pagode que vous m'avez crée siège fièrement au centre. Je ne sais pas si vous êtes déjà venu ici par le passé, mais elle a plutôt du succès auprès des clients. Cela n'a pas été facile de trouver un peintre à la hauteur du talent que vous avez investit dans la maquette. Car l'air de rien, j'ai dépensé plus d'effort et de temps pour l'obtenir que pour rénover tout le reste. Enfin, quand je dis tout le reste, il n'y a que le rez-de-chaussé et le premier étage qui sont ouverts au public. Je préfère attendre avant de me lancer dans la suite, pour m'assurer que tout fonctionne, et récupérer sur mes investissements plutôt que de dilapider dans un trou sans fond. »

Un serveur anonyme s'avança vers eux, et nota la commande des boissons avant de leur déposer les menus. Natsuki, qui le connaissait par cœur, ne songea même pas à l'ouvrir pour la forme.

« Si jamais vous êtes pressé Kihran, n'hésitez pas à me le faire savoir, et je me débrouillerai pour faire accélérer la narration, mais je ne vous cacherai pas que j'en serai assez peiné. Je suis plutôt du genre à prendre le temps de faire les choses, surtout si je peux joindre l'utile à l'agréable. Après, je sais aussi ce que c'est que d'avoir un emploi du temps de ministre, et de devoir donner de sa personne partout à la fois, aussi je comprendrai. »

Au point qu'il lui conseille, s'il était hésitant sur le plat à choisir ou qu'il voulait sélectionner avant le retour du serveur, de prendre le plat du jour : Natsuki n'avait jamais été déçu avec. Et aujourd'hui, c'était daurade royale en papillote servie avec une fondue d'haricots verts.

« Si cela ne vous dérange pas, je vais garder le sujet de notre rendez-vous sous le coude pour le plat principal, sans quoi notre discussion risque d'être bien courte si elle se limite à cela. »

Sauf si, il se répétait, Kihran était débordé et avait besoin que l'on aille immédiatement dans le vif du sujet pour le clore, au détriment du plaisir autour. Mais Natsuki n'étant pas pressé, il pouvait attendre, surtout quand il y avait deux ou trois informations qu'il pouvait glaner autrement que par le sain pouvoir de sa position hiérarchique.

« Il y a quelques mois, Satochi m'avait parlé du projet qu'il nourrissait pour lier l'ANBU à l'Académie. J'en avais déjà lu les prémices – je pense -, et ce qu'il m'avait expliqué de vive voix m'avait tout l'air d'être prometteur. Puis-je savoir où cela en est ? Car je ne vous le cache pas, je suis très enthousiaste à l'égard de ceci. Aussi je vais vous tenir le même discours qu'à lui, à savoir que s'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous faciliter légalement les choses, n'hésitez pas à me le faire savoir. »

La main secourable de Natsuki s'expliquait essentiellement par son histoire de vie. Cela faisait des années que des jeunes diplômés de l'Académie entraient dans son équipe Matsudaï, et après s'être rendu compte qu'en réalité, le métier de Shinobi est éprouvant et dangereux, ils décrochaient, et se lançaient dans autre chose. Non pas que c'était dommage pour eux, mais Natsuki en avait plus qu'assez d'investir du temps dans des gosses fraîchement promus qui se sont lancés dans une carrière militaire seulement parce qu'ils fantasment le métier de ninja. '' Je veux être ninja parce que c'est cool, et que je vais devenir fort. '' Combien de fois l'avait-il entendu de leur bouche celle-là, alors qu'ils ne comprenaient même pas le véritable sens des mots qu'ils prononçaient. Il avait bien conscience que c'était quelque chose que chaque chef d'équipe connaissait occasionnellement, mais il avait vraiment l'impression de ramasser tous les spécimens de l'espèce...

Cela expliquait aussi pourquoi il avait changé de méthode depuis deux ans. Maintenant, il rompait les nouveaux dès le début, en les confrontant avec la réalité dans sa version la plus crue. Fini les filtres, fini la guimauve. Ainsi, il faisait gagner du temps à tout le monde : ceux qui ne se brisaient pas était ceux avec qui il savait qu'il pouvait arriver quelque part, les autres – la majorité – retournaient chez eux la queue entre les jambes et allaient se chercher un vrai travail de suite au lieu de se faire perdre – ainsi qu'au Nara tatoué – quatre mois à chaque fois.

« Si votre projet vise effectivement à virer les aspirants crédules de la pataugeoire pour les jeter dans le grand bain, tant qu'ils gardent leur bouée, cela ne peut que leur faire les pieds, à défaut du bien. Je regrette même que cela ne se soit jamais fait avant. Vous avez une bonne vue d'ensemble sur les choses Kihran. Vous êtes encore jeune – et donc, moi aussi - , mais je suis sûr que vous irez très loin avec une tête remarquablement construite comme la vôtre. Le talent n'attend pas les années pour se manifester. »

Le serveur revint à eux, déposa les boissons, et prit les commandes.

Les coudes sur les accoudoirs de sa chaise, et les mains formant un triangle parfait devant lui, Natsuki se fendit d'un sourire.

« En un sens, je vous comprends, même s'il est difficile d'être objectif dans cette discussion. En tant que Directeur de l'Académie, votre travail consiste à fournir la meilleure éducation possible aux aspirants qui y sont inscrit, qu'elle soit militaire ou sociale. Pour moi, qui suit à la suite de cette chaîne en tant que formateur d'équipe, mon devoir est de m'assurer qu'ils puissent continuer de grandir sur le terrain, avec un minimum de risque. Autrement dit, je leur sers de bouclier jusqu'à ce qu'ils deviennent capable de se défendre par eux-même. »

C'était la devise qui ornait son équipe Matsudaï depuis sa version 1.0.

« Toutefois, bien que je suis entièrement d'accord avec vous sur l'importance d'une difficulté progressive pour ne pas briser les ailes de nos jeunes oisillons, je suis personnellement d'avis de botter hors du nid les pingouins qui se prennent pour des phénix. Gentiment, bien entendu. Et en un sens, votre partenariat entre l'Académie et l'ANBU permettrait de tester la qualité la plus essentielle d'un jeune shinobi : sa motivation. »

Qu'il soit compétant ou non n'entrait presque pas en ligne de compte. Enfin, pas en ligne de compte, disons plutôt que c'était secondaire, car la motivation induisait le désir de se dépasser, et donc de progresser.

« C'est là je pense que nous divergeons le plus, car même si vous tentez de mettre en place le service après-vente, tout ce qui sort de l'Académie n'est plus vraiment de votre ressort, mais du mien. »

'' Le sien '' désignant tous les shinobi formateurs sur le terrain.

« Plus il y a d'aspirants faisant leur cursus scolaire à l'Académie, mieux votre établissement se porte, ce qui est normal. Les étudiants sont une source de commerce comme une autre après tout. »

Il allait dire '' les enfants sont une source de commerce '', mais prise hors contexte, la phrase sonnait très mal.

« Ce qu'ils deviennent après ne vous concerne plus spécialement, et ce sont les formateurs qui doivent investir de leur temps et de leurs efforts pour poursuivre la formation de jeunes gens généralement très vite démotivés en réalisant ce qu'est la réalité de notre métier. »

Soit du temps et des efforts perdu - sauf quand la narration de recrutement permettait de sauver le bonus d'équipe du mois.

« Alors que nous nous entendions bien sur ce que je dis, je parle au sens large du terme, dans la version la plus statistique qui soit. Bien sûr que chaque aspirant/genin est un être unique dont vous vous souciez, et non un simple numéro ou un visage interchangeable. Je ne dis pas non plus que n'importe qui sort de l'Académie avec son grade en poche, vous assurez à la perfection la première sélection. Et tout aussi bien, c'est juste moi qui n'ai pas de chance. Sur cent oisillons gradués, il y a dix pingouins, et je m'en ramasse successivement sept d'entre eux, c'est tout à fait possible aussi : il ne reste pas moins de quatre-vingt dix genin avec un bel avenir de carrière devant eux. »

Autant qu'il le savait, les autres chefs d'équipe n'avaient pas les problèmes que lui éprouvait au quotidien...

« Bien, tout cela pour dire que même si en toute objectivité, il est difficile que nous ayons le même avis sur la question, nous nous entendons sur la finalité de nos objectifs de formateurs : assurer la prochaine génération qui portera avec elle la Volonté du Feu, et qui la transmettra à son tour, le moment venu. »

Et à ce beau projet, il trinqua.

« Ha ha, vous n'êtes pas son étudiant pour rien. Eh bien écoutez, cela se passe plutôt bien. Notre Hokage a été bien formée par son prédécesseur alors qu'elle était son assistante, du coup elle connait déjà bien son métier, contrairement à Miko qui s'est retrouvée propulsée à cette place suite au départ d'Onpu. »

Non pas que Miko avait fait un mauvais travail, bien au contraire. En seulement deux ans, elle était parvenu à effacer la réputation de Bisounours qui entachait le Village depuis bien trop longtemps.

« Cela lui a permit de très vite cerner ce qui était à faire, même si j'avouerai qu'elle a encore beaucoup de mal à déléguer. Je travaille d'arrache-pied à ses côtés – tout en m'organisant du temps pour le reste, puisqu'au final dans un cas comme dans l'autre, Mizuki continue de dormir dans le bureau -, mais je sais qu'elle continue de garder l'essentiel pour elle. Et comme je suis du genre à diviser le travail que j'ai à faire dans un temps donné plutôt que de tout faire le plus rapidement possible, forcément, cela ne marche pas de façon optimale pour elle. »

Mais en contrepartie, il restait en bonne santé, et avait du temps pour faire autre chose de sa vie, comme se maintenir à niveau. Car rester fort sans quitter son fauteuil de bureau, c'était un privilège de Kage, pas d'assistant.

« Et en projet, disons que j'en ai essentiellement deux. Le premier, c'est la rénovation totale du Septième Ciel, anciennement appelé l'Arrêt au Porc. Là où lui n'avait qu'une seule fonction à tous les étages, celle de faire de la restauration, moi je vise de faire de chaque niveau une entreprise à part. En un sens, c'est bête, vu que les gens se contentent de la partie restaurant, mais cela m'occupe. Comme vous le savez, le premier étage est une boite nocturne, et le second est actuellement en plein travaux. C'est là que je vais installer le bureau pour traiter toutes les affaires en lien avec le Septième Ciel. Je cherche un ou une secrétaire d'ailleurs, si vous connaissez quelqu'un qui serait intéressé. Vous pouvez même préciser que le port de la mini-jupe n'est pas obligatoire. »

Celui des lunettes par contre, si, même si elles étaient fictives : il y a tout de même des codes à respecter.

« Ensuite viendra le premier puis le deuxième sous-sol. Mais en attendant que je me penche dessus, je vais rester secret sur leur contenu. »

Leur serveur vint prendre les commandes des repas. Nasuki, comme à son habitude, prit le menu du jour. Il aimait tout ce qu'il y avait à la carte, alors autant prendre ce que le chef se sentait le plus d'humeur à préparer, qu'il s'agisse de Sakurako ou d'un anonyme aux fourneaux.

« En second projet, et celui-ci tient vraiment du divertissement, il y a Kaguya Milly. »

Il resta silencieux quelques secondes pour apprécier l'effet que produira l'évocation de ce nom : ceux qui la connaissaient y restaient rarement indifférent, quel que soit le sentiment qu'elle génère.

« Je pense que vous la connaissez, ou au moins, que vous l'avez rencontré une fois. En ce qui me concerne, je l'ai croisé il y a quelques mois, sur l'Île de la Cendre. Cela a été l'occasion de découvrir quel personnage... singulier elle est. Je vous fais grâce des ennuies dans lesquels elle était enfoncée jusqu'au cou et de toute la situation qui s'en est ensuivit, mais dans la finalité, quand elle a apprit que j'étais Konohajin, le sujet de son interdiction de séjour dans le territoire du Feu est tombé. Et à sa manière, elle m'a clamé son innocence, et que son bannissement n'était que le résultat d'un malentendu à Suna avec Satochi. »

Tout coupable se prétendait en général innocent, voilà ce que l'on pouvait se dire en entendant cela. Toutefois, quiconque connaissait Milly savait que c'était différent, déjà parce que la jeune femme vivait en décalage complet avec la réalité. Elle n'était pas bien méchante dans le fond, simplement elle pensait avec son cœur plutôt qu'avec sa tête, ce qui la conduisait à être directe et simple dans un monde où le gris n'existait pas. Autrement dit, elle avait tous les prérequis pour se plonger dans des situations chaotiques, dont elle y était souvent pour quelque chose.

« Bref, elle m'a tellement fait rire avec sa manière d'être et de penser que j'ai été prit de curiosité, et cela m'a donné envie de savoir ce qui avait bien pu se passer. Je mêne depuis ma petite enquête, en interrogeant les shinobi qui ont été en contact avec elle entre Suna et son bannissement. Et justement, j'en suis à ce dernier point. Milly m'avait mentionné une lettre qu'elle avait reçu – son avertissement -, et une qu'elle avait envoyé en réponse à Miko. Notre Daimyo n'étant pas en mesure de se rappeler de ce qu'elle avait écrit – puisqu'elle n'a pas lu la lettre retour – je me tourne maintenant vers vous. En effet, j'ai cru comprendre que c'est vous qui aviez disposé en dernier de ce courrier. J'aimerai donc savoir si à tout hasard, vous l'aviez lu vous, ou encore mieux, si vous l'avez encore pour que je puisse la lire moi-même, car je suis sûr que l'original vaut le coups d'oeil. Une histoire rocambolesque comme celle-ci, j'aurai des regrets dans mes vieux jours si je n'en vois pas le bout. »

D'aucun dirait qu'il pourrait directement aller voir dans la rubrique '' Lettres '' du forum, mais ce ne serait pas très honnête. Et puis, où serait le fun dans ce cas ?

« Le gouffre qui sépare '' être un shinobi '' et '' être une machine de guerre '' ne semble pas plus large qu'un nid de poule à vos yeux. » releva Natsuki. « Personnellement, la seule chose que j'ai à reprocher aux jeunes, c'est de ne pas avoir envie de sortir de leur cocon. La plupart n'ont pas ce qu'il faut pour devenir shinobi. Ce n'est pas tout d'avoir de bonnes notes et de savoir lancer deux techniques : c'est dans la tête que cela se passe avant tout. Et quelque part, ceux de cette espèce qui abandonnent dans les mois/semaines qui suivent leur diplôme sont les plus malins. Les autres, la seule reconnaissance à laquelle ils ont droit, c'est '' Hey, ce n'est pas lui ce cadavre sur le bord de la route ? »

Natsuki était un peu froid dans ses paroles, mais dans la finalité, il pensait autant au bien de chacun des jeunes bourgeons que Kihran. C'est entre autre pourquoi les missions à l'extérieur du Village ne venaient pas tout de suite pour les jeunes diplômés, pour que les formateurs aient le temps de repérer ceux qui n'ont fait les études de shinobi que par fantasme du métier. Ceux qui ne veulent devenir forts que parce que cela leur semble '' cool '', et qui le veulent sans faire d'effort.

« Contrairement à ce que pourrait le laisser entendre mon discours, j'ai parfaitement conscience - et je l'affirme haut et fort – que tout ninja n'est pas destiné à devenir un guerrier. Certains ont d'autres talents, capacités ou même une mentalité qui les destinent à faire autre chose que la guerre. Mon étudiante Leika par exemple ne sera jamais une soldat : elle n'a pas ce qu'il faut pour infliger la mort au nom d'une idée, ni pour supporter la souffrance afin de protéger autrui. Elle a d'autres cordes à son arc toutefois, et trouvera sa place un jour dans Konoha, quand elle cessera d'avoir peur de sa propre ombre. »

Elle était plus une angoissée qu'une peureuse, cela dit.

« Enfin. A l'image d'une pièce de monnaie, nos idées n'ont peut-être pas le même aspect, mais notre objectif à terme lui est le même. »

Fut ensuite abordée la question de la lettre de Milly Kaguya. Et devant la réponse de Kihran, Natsuki dû réprimer la déception.

« Oh. » lâcha-t-il.

S'en suivit un court silence.

« C'est... fort dommage, j'aurai vraiment souhaité connaître le contenu de cette lettre dans sa forme d'origine. Milly a bien été en mesure de m'en donner les grandes lignes, mais juste les grandes lignes. Et comme elle ne fait pas que dire des inepties, elle en écrit aussi... »

Ç’aurait pu être un moment très distrayant. Bon sang, c'était quoi ces gens incapable de se souvenir en détails de ce qu'ils écrivaient ? Cela ne faisait même pas un an, en plus...

« C'est toujours un mépris avec Milly. Elle vit tellement en décalage avec la réalité qu'elle ne réalise même pas que les trois quart du temps, c'est elle l'étincelle qui met le feu à la poudrière. Et le quart restant, c'est les mauvaises fréquentations dont elle s'entoure. Après, je sais bien qu'il ne faut pas juger quelqu'un à ses amis. Judas avait un entourage irréprochable par exemple. Mais bon, avec la Kaguya, l'on se fait très vite un avis de où la ranger. »

Pour le Nara tatoué, c'était dans la rubrique '' divertissement ''.

« Bon, devant ce que vous m'annoncez, cela conclu plus ou moins mon enquête. Je ne suis pas beaucoup plus avancé, mais au moins j'ai pu m'occuper l'esprit un peu, beaucoup rire, et cela m'a donné un prétexte pour rencontrer à nouveau. Cela faisait bien longtemps, et je dois avouer que c'est un plaisir de discuter et d'échanger des idées avec vous. Une activité qui me manque parfois. »

Les plats furent servit.

« Comment se passe la vie de famille ? J'ai ouïe dire avec beaucoup de retard, que vous allez être Papa dans quelques mois. Cela doit être fantastique j'imagine. » dit-il avec un sourire sincère, presque rêveur. « D'avoir quelqu'un et de donner forme au fruit de votre amour. Pour avoir grandit dans une communauté d'enfants, je vous souhaite beaucoup de bonheur Kihran, à vous et à Yell, mais aussi beaucoup de courage. » précisa-t-il avec un haussement de sourcils complice.

La tête que fit Kihran, ou plutôt, la tête qu'il essaya de ne pas faire, lorsque Natsuki évoqua Leika aurait bien pu faire sourire ce dernier, mais il eu la décence de s'en garder. A la place, il préféra faire preuve d'honnêteté et de respect.

« Inutile de faire preuve de politesses de façade, mon cher Kihran. Je sais que la situation de Leika est compliquée vis à vis de son clan, qu'elle n'y est pas très appréciée, et qu'à l'instar de Milly dans ses ennuies, elle n'est pas étrangère à la situation dans laquelle elle se retrouve aujourd'hui, même si elle n'est pas la seule raison. Une affaire qui est loin d'être simple, mais dans laquelle je ne me mêlerai pas. Nous avons beau être une grande Famille au sein de Konoha, même en temps que Second du Hokage, je n'ai pas à intervenir dans vos histoires de clan, pas plus que je n'oserai me le permettre. »

En tant que Nara, il savait lui-même combien il était essentiel de laisser à un clan le soin de gérer les affaires des siens.

« J'ai rarement eu d'étudiants faciles depuis que j'enseigne... » poursuivit Natsuki avec un sourire complice. « … mais entre nous, je crois que cela me plait quelque part. C'est plus intéressant de travailler avec des individus compliqués, et de tenter de les remettre sur un droit chemin. Une notion de droit chemin qui est d'autant plus intéressante qu'elle est subjective. Car elle a un sens très large, celui que la société veut que nous ayons, mais elle est propre à chaque société, et elle regroupe pour chacune d'entre elles des centaines de divergences allant toutes plus ou moins dans la même direction. Et c'est ce plus ou moins que j'aime travailler avec autrui. »

Cela dit...

« Cela dit, c'est plus simple que de devoir inculquer ce droit chemin à un petit être semblable à une page blanche, que notre enseignement va directement conditionner sa manière d'aborder et de vivre dans le monde. »

Être parent dans leur métier était assurément une chance, si ce n'était un miracle, mais c'était aussi une immense responsabilité. Natsuki ne doutait cependant pas que Kihran saura s'en montrer à la hauteur. Et c'est ainsi qu'il poursuivirent leur repas en mangeant, en buvant, et en discutant de choses et d'autres. Le dessert fini, Natsuki s'occupa de régler la note, et reporta son attention sur son invité.

« Que le temps file vite. Il va déjà être l'heure pour moi de me remettre au travail. Kihran, ce fut un véritable plaisir de partager ce repas avec vous. J'espère que notre prochaine occasion d'échanger des idées ne sera pas aussi éloignée de la précédente, car j'ai passé un agréable moment en votre compagnie. Merci encore d'avoir accepter mon invitation. »

Natsuki lui offrit une main à serrer, puis il prit congé, chacun ayant encore toute une après-midi et une soirée bien prises sur leur agenda respectif.