Ce soir-là, j'étais Karasu, membre de l'ANBU. Mais incognito, en civil.
Ma tignasse était teinte en noir, mes yeux camouflées derrière des lunettes de soleil. Je portais un costume relativement bien taillé, chose rarissime dans ma vie. Mon clan préfère les traditionnels kimonos. J'étais assis à une table, sirotant un café et lisant un roman d'espionnage. Ou du moins, c'était ma couverture. En vrai, j'essayais de porter toute mon attention à la conversation qui avait lieu deux tables devant moi. L'homme était suspecté d'être un contrebandier. A tord, en réalité, mais ça on l'a découvert que plus tard.
Malgré le bruit ambiant et les multiples conversation, j'arrivais à focaliser mon attention sur leur conversation - au prix d'un effort assez consistant. Mais la plupart des mots glissaient hors de ma compréhension. Ce fut à ce moment précis que je compris que mon don du Byakugan n'était pas aussi ultime que ce que je pensais. Que malgré toutes les idioties dont m'abreuvaient les anciens du clan, nous étions limités. Le contrôle et la vision du chakra ne m'aidaient nullement à comprendre ces mots que je n'arrivais pas à aggriper. J'assistais à un dialogue en étant dans une bulle en verre.
J'étais comme un sourd.
Et ce fut à ce moment-là qu'une idée émerga dans ma tête. A ce moment-là, je n'avais qu'une infime compréhension de quelques mots. Rien de concret. Je n'arrivais pas à percevoir plus d'information. La suite de mon investigation consisterait normalement à suivre cette personne et déterminer son identité pour essayer de voir si cela pouvait faire avancer l'enquête. Une filature, en somme. Mais... cette idée qui s'était insinuée dans ma tête était la suivante.
Comment les sourds font-ils pour communiquer ?
J'avais entendu parler de deux méthodes, de par mon parcours ANBU. La première, c'était le langage des signes. C'était utilisé dans les forces spéciales de Konoha avant un assaut pour ne pas révéler sa présence. Pour éviter de faire du bruit. Ou pour transmettre un message de manière discrète quand l'ANBU se savait espionné. Cette compétence était connue et maitrisée à des degrés divers. Je n'avais pas suivi le séminaire, en pensant que mes missions n'en auraient pas besoin. Et de fait, je n'avais pas fait d'assaut requérant cette forme de communication. La deuxième méthode, c'était la lecture labiale. Lire sur les lèvres. La plupart des personnes utilisent cette technique à un niveau inconscient et basique pour mieux interprêter les sons des interlocuteurs qui leur font face. On peut toutefois aller plus loin, et comprendre des phrases complètes en se basant sur la forme de la bouche, la durée de ces formes, le contexte, les vibrations de la gorge. C'est une entreprise complexe, il n'est pas rare de devoir zapper des mots au profil de garder le restant de la phrase.
Et ici, dans cette mission-ci j'aurais pu, à l'aide de cette compétence, retracer la moitié de la conversation à moi tout seul. J'aurais quand même suivit ce contact chez lui, par précaution, mais l'investigation aurait été nettement accéléré. Combiné avec mon don Byakugan qui permet de voir au-travers de surface, je pourrais potentiellement espionner à plusieurs kilomètres de là.
Bon, ça c'était un peu trop optimiste. Mais déjà, la conversation s'était arrêté. Les deux cibles se levèrent. Après quelques minutes, je laissa quelques billets sur ma table, je me levais à mon tour et je commença à filer le contact, pour avancer dans l'enquête. Je m'arrêta dans une ruelle pour enfiler ma tunique ANBU et mon masque noir de corbeau. Mais je m'étais promis une chose. J'allais trouver le temps d'apprendre ces deux compétences. Le langage des signes et la lecture labiale.
