Quatre était le nombre de navires remplis de soldats du Kyomu que Red avait envoyé s'écraser contre les fronts Yukijin. Deux étaient parti prendre d'assaut l'avant poste en pleine mer tandis que les deux autres devaient décharger leurs troupes sur la capitale. Seul un navire commandé par ses soins et un autre par Natsu était revenu. En rassemblant et comptant les effectifs la Saibogu s'était également rendue compte que Milly et Azuko manquaient à l'appel. Pourtant elle était parvenue à atteindre son objectif. Les Triumvira avait été éradiqué dans son ensemble, les pertes du côté Shukai étaient tout aussi importante. Fondamentalement et vis-à-vis des ambitions qu'elle s'était fixé, la mission était une réussite totale. Alors pourquoi avait-elle ce goût amer dans la gorge ? Sans doute était-ce en reposant son attention sur ses hommes. La cheftaine avait perdu de très bons soldats durant l'opération. Deux des principales Kunoichi du Kyomu était tombée et même si l'inéluctabilité de leur trépas la laissait de marbre elle ne pouvait chasser l'étrange impression de confusion qui embrumait son esprit. Là haut dans les montagnes, elle-même était passé à deux doigts de mourir. Elle avait surévalué ses capacités ou bien sous-estimé celle de l'empire. Après s'être enfuie du palais elle avait du encore combattre pour se frayer un chemin jusqu'aux bordures de la ville. La fatigue jouant en sa défaveur elle s'était vue affublée de nombreuses blessures mineurs.

Si ces dernières avaient été en partie traitées après l’embarcation, la Nukenin demeurait plus affaiblit que jamais. Le trajet de retour jusqu'à Haï dura une dizaine de jour durant lesquelles elle ne put réellement se reposer. Quelques blessés graves perdirent la vie durant le voyage et ce malgré les bons soins des médecins présent à bord. La petite flotte finit par arriver au port du Shinkaï alors que le soleil déclinait sur les montagnes de Haï. Les soldats furent automatiquement prit en charge. Les blessés furent soigné, ceux en état purent prendre du repos tandis les quelques responsables encore en vie effectuaient leurs rapports. Enveloppée et encapuchonnée dans une longue cape la Saibogu ne s'attarda pas un instant sur les quais. Après avoir donné quelque directive elle prit la direction de l'Ootoke dans les montagnes, escortée par un groupe de soldat, dont un lieutenant Saibogu qui s'acquérait de prendre des nouvelles sur la situation. Red se contenta d'énoncer le résultat de la mission en mentionnant les pertes et la réussite comme s'il n'était question que de vulgaires chiffres. Tout durant, elle ne laissa trahir aucun signe de faiblesse ou de fatigue. Une voir rendue dans le repère elle ordonna d'un simple geste de la main qu'on la laisse seule en compagnie de Yami. Cette dernière venait de la rejoindre et toutes deux marchaient dans le couloir en discutant.

-Donne-moi ton rapport. Est-ce que Kaminari est parvenu à s'emparer de Shimo ? Elle rejeta son capuchon en arrière, révélant une épaisse chevelure durci par le sel marin et un visage aux yeux parés de cernes. Nous n'avons perdu le contact avec Milly et Azuko, nous ignorons ce qu'elles sont devenus. Je voudrais que tu fasses dépêcher des espions qui enquêterons à Yuki no Kuni afin de savoir ce qu'elles sont devenues.

La cheftaine ne se souciait pas de ce qu'elles pouvaient révéler. Depuis ses débuts la Nukenin s'évertuait à garder ses manigances dans le plus grand des secrets. Toutes deux n'avaient aucune information compromettante à son sujet. Naturellement après cette attaque l'Empire finirait indubitablement par savoir où se situait le repère du Kyomu et c'était précisément ce qu'elle voulait : que l'armée ennemie se jette droit dans son piège. Autant le dire malgré ces quelques prévisibles complications tout se passait exactement comme prévu. Pourtant là encore la démone avait l'impression que quelque chose n'allait pas en elle. Yami finit par la conduire jusqu'à l'infirmerie. Red n'acceptait d'être soignée que par elle étant la seule au courant de ses prédispositions démoniaque. La Nukenin s'installa sur une chaise dans une salle close à l'infirmerie, retira sa tenue pour ne garder que ses sous-vêtements et les nombreux bandages faient à l'improviste pour penser ses blessures. La plupart n'avaient pas encore eux la possibilité de cicatriser en raison du long et pénible trajet de retour, certaine avaient même finit par s'infecter. En soit il n'y avait rien de grave, rien qui ne puisse mettre en déroute l'impitoyable Nukenin que tout le monde connaissait. Hors ce fut ainsi que Yami put découvrir une Red voûtée sur sa chaise, esseulée par les derniers conflits et les épaules affaissées par le poids de ses innombrables responsabilités. N'éprouvant ni tristesse, ni remords elle ne pouvait cependant détacher d'elle cette impression que la situation lui échappait comme si elle en perdait le contrôle. Le tout murissant en un intense et profond sentiment de frustration qui, peu à peu, se muait en colère.

Les jours défilaient mais l'attente demeurait interminable.
Il y avait bien des choses à faire pour m'occuper et l'absence de Red me rajoutait de nombreuses tâches. Toutefois mon esprit s'échappait à de nombreuses reprises pour se focaliser sur la bataille que menait les Kyomujin à Yuki no Kuni pour occuper les troupes de l'Empire et permettre à Kumo de lancer sa conquête de Shimo. Mais de tout cela je n'en avais que faire. Ma seule préoccupation, ma seule obnubilation, était de voir Oniri revenir saine et sauve.

L'idée de sa capture, ou pire, me nouait les tripes depuis son départ alors que j'avais été laissée à l'écart pour m'occuper d'autres affaires. C'est pourquoi, lorsque j'eus finalement de ses nouvelles via notre système de communication je fus soulagée. Le temps d'attente pour son retour sur l'île n'était alors plus si terrible et après une dizaine de jours elle fut finalement de retour.

Je l'accueillis dans notre quartier général, escortée de plusieurs combattants qu'elle congédia et dont une majeure partie finiraient dans l'infirmerie que je dirigeais. C'était d'ailleurs là bas que nous nous rendions toutes les deux, nous retrouvant dans la plus grande neutralité, sans aucune effusion d'émotions comme cela aurait pu être le cas auparavant.
Marchant à ses côtés, j'avisai déjà les dégâts de ses blessures du coin de l’œil tout en lui fournissant mon rapport :

« Ils ont bel et bien lancé leur conquête. Je n'ai pas reçu plus de détails quant à la situation sur place. Pour les espions cela serait fait. »

Ainsi donc Milly et Azuko manquaient à l'appel. Je notais l'information sans y prêter guère plus d'intérêt : ce n'était pas comme si je me souciais le moins du monde de leur personne.

Finalement arrivées à l'infirmerie, Oniri retira ses habits pour se dévoiler en sous vêtements et dans un piteux état. Nombreux de ses bandages étaient sanguinolents et certaines plaies encore ouvertes suintais. Les nombreux sceaux en tatouage qui recouvraient son corps étaient pour la plupart abîmés et mériteraient des retouches après cicatrisation.
Sans un bruit, je préparai un mélange de différentes plantes médicinales pour en faire des baumes et cataplasmes pour remédier à tout cela. Ce ne fut que lorsque je ramenai tout cela vers elle que je remarquai sa posture et tout le poids qu'elle semblait littéralement porter sur ses épaules. Arquant un sourcil, je pris une chaise pour m'asseoir à ses côtés et commençai a retirer les divers bandages pour panser ses blessures tout en engageant la conversation :

« Qu'est-ce qui te frustre de la sorte ? »

Red n'était pas Oniri et celle qui se trouvait face à moi n'était autre que la première : une personnalité que je cernais bien moins que la seconde surtout par ses réactions. Pour autant j'avais appris à la connaître a force de la côtoyer et au fond, quelque part, elle restait Oniri.

« Tu sembles bien pensive et je doute que cela concerne tes performances sur cette bataille. »

Elle ne parlerait sans doute pas ou si peu. Néanmoins elle écoutait.

« Tu n'es pas seule pour porter ce fardeau. »

Avait-elle oublié cela aussi ?
Mon regard chercha le sien un instant avant de se reporter sur ses plaies que je soignais une a une, usant des préparations comme de mon chakra.

« Tu ne l'as jamais été. »

Elle se sentait faible... Elle n'avait pas été capable. Dépassée face aux événements, elle n'avait eu d'autres choix que de fuir. Pourtant sur le plan stratégique et militaire on pouvait considérer cette attaque comme une victoire éclatante. Tous ses objectifs avaient été atteint. Alors pourquoi ? Pourquoi était-elle si en colère ? Elle revoyait tour à tour les Shukajin et s'imaginait démembrer ceux qu'elle n'était pas parvenue à atteindre. Chose qui ne se produirait sans doute jamais, parce qu'elle avait été trop faible, elle la chasseuse obligée de fuir ses proies. A ce moment la démone ressenti le besoin d'exprimer sa frustration, mais ses muscles, sous le poids fatigue et de ses nombreuses blessures, refusèrent de lui obéir. Elle était bien trop épuisée et n'avait plus la force de combattre ; plus pour le moment en tout cas.

Ainsi restât-elle inerte voûtée sur sa chaise, les doigts croisés entre ses mains jointes, le regard perdu dans le vide à ressasser ses nombreux projets distillés en d'innombrables tâches et informations tous imprimées au fer rouge dans son esprit. Ses pensées, aussi hasardeuse que complexe, ne firent que lui embrouiller davantage l'esprit. Confuse, la démone écouta d'une oreille distraite les propos se voulant réconfortant de la Ketsueki. Cela fut malgré tout suffisant pour lui arracher un petit rire satirique qui révéla ses crocs au clair des lueurs pâles que projetaient les deux néons dans la pièce.

-Pas seule dis-tu... ? Elle fit prit d'un nouveau rire cette fois-ci plus grave, moins humain. A qui est-ce que tu espère faire croire cela... ? Tu n'es ici que pour toi-même ! Pour servir tes intérêts. Tu te moques bien de ce que peux devenir Kaze. Ce que tu veux c'est obtenir du pouvoir et être avec moi. Qu'importent les moyens pour y parvenir. Tu ne partages pas mes idéaux. Tu as toujours été égoïste et tu le seras toujours... Alors fait moi le plaisir de ravaler tes belles paroles ! Siffla-t-elle entre ses petites dents pointues.

Elle ne sut pas vraiment si ce fut volontaire, ou pure coïncidence, mais à l'instant ou elle prononça ces paroles le baume que la Ketsueki étala sur ses plaies la brûla atrocement. Fidèle à elle-même la chasseresse ne laissa rien paraître. Seul les muscles de son dos se contractèrent pour exprimer son mécontentent face à cette énième agression. Le goût du sang s'imprima sur sa langue. Elle venait de se mordre par inadvertance l'intérieur de la lèvre. L'arôme ferreux ne fit qu’accroître sa nervosité.

-J'ai toujours combattu seule...

Ces mots avaient été prononcé sur un ton fataliste rapidement contredis par le sourire carnassier et gorgée d'ironie noire qui s'en suivit. Son regard s'était égaré sur un point fixe dans le vide. Au-delà de sa cécité dont résultait ce regard vide, il était possible d'y entrevoir tous les troubles émotionnelles dont elle était elle-même la proie. La fatigue, tant physique que psychologique levait les barrières mentales la séparant de la bête ; Et ce n'était certainement les cornes naissantes, visible lorsqu'elle passa une main dans son cuire chevelue, qui allaient dire le contraire. Elle ressentit à nouveau le besoin d'exprimer toute l'étendue de sa sauvagerie, de pouvoir donner « la » conclusion qu'elle voulait au carnage qu'elle n'avait pu terminer à Yuki. Elle avait la possibilité de reprendre le contrôle ici et maintenant.

Sa respiration s'alourdit à l'instant où elle prit conscience de cela alors que ses griffes, elles, s’enfonçaient un peu plus profondément dans ses cuisses.

Cet air. Ce sourire satyrique. Il ne lui appartenait pas.
Ce n'était pas la Oniri que je connaissais autrefois qui se tenait devant moi mais presque une étrangère.
Etais-je en train de me regarder dans un miroir ? Pourquoi avais-je l'impression d'observer mon reflet ? Son attitude à la fois désinvolte et carnassière, sa soif de sang, son envie de puissance... Tout cela était presque comme si je m'adressais à mon double et alors que cela aurait pu me convenir, j'en ressentais au contraire un profond dégoût et une certaine amertume. Je n'aimais pas ce que je voyais. Ce n'était pas elle. Où était celle que je connaissais ?!

Ses paroles se voulurent incisives et pourtant un sourire semblable au sien naquit sur mes lèvres.

« Mes intérêts oui... En quoi consistent-ils à ton avis ? »

La liste était assez longue si bien que je lui en épargnais le détail, ce n'était qu'une question rhétorique.

« Kaze est mon pays natal, contrairement à toi. Et pourtant il est vrai que tu te bats plus ardemment pour lui que moi... Du moins c'était le cas auparavant. Reviens-tu d'une bataille contre l'Empire dans l'intérêt de Kaze aujourd'hui ? Laisse moi rire. »

Ce que je ne fis pas vraiment mais afficha un large sourire mesquin pour appuyer ma déclaration.

« Penses-tu réellement que je suis encore à tes côtés simplement pour obtenir du pouvoir ? Que je te tournerais le dos une fois que je l'aurais acquis ? Mes intérêts dont tu parles, tu en fais parti. Oniri en fait parti. »

J'accentuais plus que de raison son prénom comme pour lui rappeler sa propre identité.

« A force de changer d'apparence et de porter un nom imaginaire, voir plusieurs, tu finis par oublier celle que tu es réellement. »

Mon ton était désormais acerbe tout comme mon expression. J'avisai du coin de l’œil ses griffes se planter dans sa chair et perçus nettement l'odeur de son sang en provenance de sa bouche, différent de celui vicié et partiellement asséché de ses blessures. La voir ainsi se mutiler et finalement perdre le contrôle d'elle même peu à peu ne me laissa pas d'autre choix. Il me suffit de porter mes doigts à ma bouche, recouvert de son hémoglobine récupérée pendant les soins que je lui avais prodigué pour prendre le contrôle de son sang à travers ses veines et artères que je tordais en usant de mon chakra pour qu'elle se focalise sur cette douleur et non sur sa part démoniaque.

« Oniri ne perdait pas le contrôle. »

Commentais-je tout en maintenant fermement mon étau sur elle, cherchant à la forcer a utiliser sa main pour en dégager les griffes de ses cuisses.

« Tu combats seule pour tes convictions mais en aucun cas tu ne l'es. Ne te laisse pas influencer par la bête tapie dans ton ombre. Cesse de ne te fier qu'à elle ou à toi même. Cette soif de sang ne t'appartiens pas, Oniri. »

Mon regard était ferme, les sourcils froncés.

La tension était devenue palpable dans la salle. Les griffes enfoncées dans ses cuisses, prêtes à ajouter quelques lambeaux de chairs arrachés à la longue liste de blessures et cicatrices qui parsemaient son corps, la démone resta immobile, écoutant toujours aussi distraitement les propos de la Ketsueki. Ils lui arrachèrent un ricanement noir.

-Et tu t'imagines que je vais te croire peut-être ? Regarde la vérité en face... Tu n'as jamais pensé qu'à toi même. C'est bien en partie de ta faute si j'en suis rendue-là aujourd'hui !

Elle bouillonnait de l'intérieur et les propos acerbes de Yami ne faisaient qu'attiser son désir ardent de lui infliger moult maux et souffrances. Ce fut cependant cette dernière qui prit l'initiative. La démone sentie soudainement ses entrailles se tordre de l'intérieur. Une douleur effroyable l'irradia la faisant tomber de sa chaise pour se plier en deux sur le sol. Sa colère atteint son paroxysme à cet instant tandis que la Ketsueki continuait de proférer vainement des paroles rédemptrices qui ne trouvèrent aucun écho en la personne de la Saibogu.

-Arrêtes-ça... Parvint-elle tout juste à balbutier.

Quelques gerbes de sang jaillirent hors de sa bouche. Les plaies récemment traitées se rouvrirent. La Nukenin acculée ne tarda pas à baigner dans un petite mare de son propre sang.

-Arrête-ça !! Dit-elle après un instant. Le ton de sa voix s'était fait beaucoup plus incisif et audible.

Son corps tremblait. Elle souffrait terriblement ce qui ne faisait qu’accroître sa rage. Dans le même temps sa transformation continuait de s'amorcer. Ses cornes avaient davantage poussée au niveau de ses tempes. Ses griffes étaient désormais totalement formées. Quant à ses yeux, ils n'étaient plus que deux orbites brumeux.

-ARRETE-ÇA !! Finit-elle par laisser échapper dans un ultime grognement.

La démone sentit alors que la pression sanguine dans son cerveau commençait à changer. La réaction fut prompt. Le chakra raiton inonda les muscles de son corps pour la propulser vers l'avant et ce en dépit de la douleur. Elle arriva sur Yami en une fraction de seconde. Ses griffes se resserrèrent autour de son cou pour la plaquer contre le mur après quoi elles s'enfoncèrent dans ses poignets, perçant la chair en profondeur, pour l'immobiliser. Sans mains et donc sans mudra il lui était impossible de faire usage de sa maîtrise clanique.. A présent leur visage n'était plus qu'à quelque centimètres l'un de l'autre et Yami avait désormais face à elle un faciès démoniaques à la peau grisé arborant une rangée de petits crocs pointus. En ouvrant la bouche la démone émit un léger sifflement similaire à un râle. Son cœur tambourinait avec insistance dans sa poitrine si bien qu'elle pouvait entendre les pulsations de ses tempes résonner dans sa tête.

Elle n'était plus qu'une boule de nerf sur pâte, une machine à tuer qui n'aspirait qu'à déchiqueter la chair et broyer les os. Pourtant il ne se passa rien durant un court instant au cours duquel la démone se contenta de la toiser sauvagement.. Difficile de dire si cela dura une seconde ou bien une dizaine. Tout en continuant de l'immobiliser fermement elle finit par planter ses crocs dans le cou de la Ketsueki, laissant le sang gicler et se déverser avec abondance sur les deux Kunoichi ; Elle en bu de longues rasades avec appétence puis lécha longuement la plaie sanguinolente pour finir par s'immobiliser, hésitante. Sa respiration était lourde et sifflante. Alors les coups de langue se transformèrent en baiser qu'elle commence à déverser avec un mélange d'appétence et d'ardeur dans le cou de la Ketsueki le tout en enfonçant occasionnellement ses crocs dans sa chair pour se repaître du liquide écarlate.

La démone, toujours forte de ses capacités physique obligea sa captive à placer ses bras au-dessus de sa tête de sorte à ce qu'elle puisse toujours la maintenir immobile et plaquée contre le mur d'une seule main. Celle désormais libre planta ses griffes dans le flanc du bustier de Yami, déchira ses lanière tout en traçant de long sillons écarlates dans leur sillage.

Elle eut beau m'ordonner d'arrêter je poursuivis ma manœuvre, maintenant une torsion toujours plus ferme sur ses veines et artères. Cela ne suffit pas à l'assagir, bien au contraire ses cornes se déployèrent, trônant au dessus de son crâne et pointant vers l'arrière. Soupirant intérieurement, je commençai à modifier la trajectoire de son flux sanguin pour le faire peu à peu quitter son cerveau et la plonger dans l'inconscience afin que je puisse m'occuper de ses blessures en toute quiétude.

Cependant, les choses ne se passèrent pas comme prévu et il lui suffit d'une impulsion raiton pour fondre sur moi malgré la douleur que je continuais sur l'instant à lui infliger. Ses griffes enserrèrent mon cou alors qu'elle me plaqua contre le mur me faisant arborer une réelle expression de mécontentement. En d'autres circonstances cette rixe m'aurait probablement amusée et étirée un sourire mais c'était le changement d'Oniri qui se manifestait devant moi : ce que je tentais de lui faire réaliser depuis un bon moment qui ne faisait que confirmer mes propos précédents.

Mes poignets finirent transpercés par ses griffes pour m'empêcher tout mouvement me faisant lâcher un semblant de grognement désapprobateur sans lâcher son regard aveugle du mien désormais noir. Le démon était sorti de sa tanière et m'avisa tout crocs pointus dehors sans pour autant m'effrayer. Ce qui me faisait peur n'était autre que de voir Oniri dans cette état, sous cette forme. Un être n'aspirant plus qu'à la destruction et à son lot de sang versé mais tout cela sans la moindre noblesse, dans un pur instinct animal : une bête sauvage.

Je devais l'affronter. Elle me faisait face et je ne comptais pas courber l'échine ni jouer patte de velours. Cette satiété par l'anéantissement de toute vie devait disparaître. Elle ne pouvait pas maintenir ses efforts pour n'être qu'une ombre, un fantôme accomplissant ses objectifs, en suivant cette pulsion : l'instinct finirait pas primer sur sa raison et la mettre en échec. Le seul chemin de cette configuration n'était autre que la mort. Elle était là, au tournant, prête à saisir la moindre erreur causée par le manque de réflexion pour faucher. Je ne pouvais laisser cela arriver.

Nous nous toisions depuis quelques instants, sans mot dire et je me demandais d'ailleurs s'il lui était toujours possible de s'exprimer par des paroles. Son expression reflétait la sauvagerie qu'elle ressentait si bien que ce silence me laissait penser qu'elle hésitait à succomber à ce que son instinct lui dictait : elle en était donc encore capable.
Finalement, elle finit par planter ses crocs dans mon cou sans que la douleur ne me fasse broncher. J'y avais été habituée et me l'infligeais moi même de temps à autre pour la retourner contre mes ennemis.

Un étrange sentiment venait alors poindre. J'étais confuse entre la colère que je ressentais à l'encontre de celle qui s'abreuvait de mon sang noble alors même que j'arrivais par moment à la comparer à moi même et donc à une Ketsueki : son acte était comme une manifestation de dominance à mon égard, quelque chose que je ne pouvais supporter. Toutefois, cela se mêlait à une certaine excitation. Cette situation était dangereuse et parvenait à me plaire d'une certaine manière...

Mon sang nous imprégnait et se mélangeait au sien répandu sur le sol et s'écoulant de ses plaies. Sa langue s'en délectait, le récoltant avec appétence et un certain désir qui se confirmait après un instant alors que ses lèvres se posaient en baiser dans mon cou mutilé.
Ma colère laissa place à la surprise. A quoi jouait-elle ? Cela faisait-il parti de ses instincts ? En y réfléchissant un instant je compris plus clairement ses intentions. Cette confrontation, cette dominance qu'elle cherchait à garantir, tout cela était pour épancher sa frustration. Pour faire face à ce poids si lourd qui pesait sur ses épaules et dont elle ne parvenait pas à se libérer. Pour se défouler de ne pas avoir pu agir comme elle l'aurait voulu à Yuki no kuni. Je lui servais de défouloir.
Ce constat aurait pu m'offusquer mais me faisait au contraire esquisser un sourire car j'étais son exutoire. Elle n'aurait pas pu exprimer tout ces ressentiments à l'encontre de quelqu'un d'autre. Si tout cela pouvait l'aider d'une certaine manière et apaiser son esprit comme ses nerfs, alors il en serait ainsi.

Sa main griffue alla déchirer les lanières de mon bustier, traçant au passage des sillons écarlates sur ma peau diaphane désormais à nue. Le désir embrasait mon regard à l'idée de se laisser tenter par la folie de l'instant. Qu'importait la forme sous laquelle se trouvait Oniri cela conservait son élan de nostalgie, me renvoyant à une époque oubliée dans un passé qui me paraissait bien lointain. La présence de tout ce sang ainsi que de cette bestialité dans ce jeu de dominance ne faisait que décupler mon excitation. La douleur en devenait quant à elle mirifique.

Malgré le maintient de mes poignets j'exprimais à mon tour mon appétence en me penchant en avant pour planter mes crocs dans son épaule et me délecter de l'arôme de son fluide écarlate que je n'avais pas goûté depuis longtemps. Ma langue tâchée de son sang remonta le long de son cou jusqu'à sa bouche pour se mêler à la sienne malgré la rangée de crocs carnassiers qu'il me fallait oser affronter. Un baiser empreint de sauvagerie fut alors échangé : le désir n'étant lié qu'à la pulsion et non à une quelconque forme d'affection ou d'attachement.

Le sang coulait, les crocs claquaient et se refermaient sur la chair. Tout n'était que sensation tant par le plaisir que la douleur, les deux se rejoignant finalement.
Je savais que ses sens devaient être éveillés à leur paroxysme si bien que lorsqu'elle relâcha mes poignets, après avoir usé de mon chakra pour refermer les trous béants laissé par ses griffes un minima, mes doigts ensanglantés vinrent effleurer sa peau avec délicatesse, contrastant un instant avec la rudesse et brutalité infligée depuis le commencement.
La chasseresse voulait s'amuser avec sa proie ? Cela tombait bien, j'étais plutôt joueuse.

Spoiler:

Les grésillements continuels qu'émettaient les néons dans la salle la tirèrent brutalement de son sommeil. Ses paupières s’ouvrir par réflexe et, sitôt, son champ de perception s’élargit afin d'englober tout son environnement. La forte odeur de sang qui imprégnait l'atmosphère lui agressa les narines. Confuse, elle voulut se relever mais fut interrompue dans son élan par un poids mort allongée contre-elle. Sa main libre rabattue sur sa tête lui fit comprendre, par ce simple geste, que le reste de son corps était dans un salle état. Ses membres lui élançaient encore douloureusement. Une longue gymnastique mental lui fut nécessaire pour se remettre les idées en place en même temps qu'elle recomposait les pièces du puzzle relatant les événements de la veille. Tout lui paraissait si lointain comme si elle l'avait vécu en rêve. Pourtant cette salle d’auscultation transformée en théâtre macabre laissait présumer l'authenticité de ses échanges bestiaux avec Yami. Cette dernière s'était montrée étonnement coopérative, transformant alors ce qui aurait du être un viol subit en étreinte fougueuse sous couvert de bestialité. Le rideau censé servir de séparation à la salle avait même été arraché afin de servir à la fois de matelas et de couverture.

Mal à l'aise, elle se releva sans prêter le moindre intérêt à ce corps chaud lové contre-elle. Cela ne manqua pas de réveiller la Ketsueki. La Saibogu de son côté fut prise de vertige et du prendre appuie contre la table de soin pour ne pas trébucher. Elle voulu se masser les tempes, mais fut interrompue dans sa manœuvre par de violentes douleur là où la pousse subit de ses cornes avait percé sa chair encore à vif. A dire vrai il en était de-même pour le reste de son corps. Les traces de morsures qu'avait laissé Yami était encore loin d'avoir guérit quand bien-même elles ne saignaient plus. La concernée quant à elle se portait beaucoup mieux. Au-là de l'odeur de sang dont elle était couverte, la démone ne senti l'odeur d'aucune plaie ouverte venant d'elle. Ses capacités de régénération étaient toujours aussi étonnante. Une personne normale n'aurait certainement pas survécu aux nombreuses mutilations dont Yami avait été « victime » durant leur ébat.

Il suffisait de constater la quantité de sang séché répandue sur le sol pour le comprendre. On aurait facilement pu croire à une scène de crime perpétrée par un tueur fou et profondément sadique. Red de son côté avisait la situation avec un parfait détachement, comme si tout ceci était naturelle et que cette scène de pseudo boucherie ne tarderait pas être succédé par une scène de petit déjeuné à base céréale et de jus de fruit. Mais il n'en fut rien. Au contraire, la démone resta immobile, perdue.

-Est-ce que tu sais quelle heure il est ? Questionna-t-elle d'un ton neutre après de longues minutes d'un silence pesant.

Ce n'était certainement pas le genre de question auquel on pouvait s'attendre. Le cliquetis cyclique de l'horloge mural résonnait dans la salle, mais la démone 'était naturellement incapable de la voir. De plus, étant en intérieur, il lui était impossible de mesurer la température de l’atmosphère pour connaître l'état d'avancement de la nuit. Car c'était bel et bien la nuit, elle en était certaine, n'ayant l'impression d'avoir que très peu dormi. Elle laissa échapper un léger soupir de fatigue avant de partir à la recherche de son pantalon, de-là elle tira son paquet de cigarette et s'en alluma une sans aucune cérémonie ni même prendre la peine de se rhabiller.

-Est-ce que tu voudrais bien soigner mes blessures s'il te plaît...

Les derniers mots semblaient de trop lorsqu'on connaissait suffisamment Red d'autant plus lorsque cela était couplé au ton lourd de sa voix qui marqua une certaine forme de désespoir mêlée à de résignation. Elle se pencha alors pour saisir le dossier sa chaise et se réinstalla, dans la même configuration qu'avant les derniers et brutaux événements. L'essentielle différence étant qu'il n’émanait d'elle plus aucune once d'agressivité ce qui laissait ressortir toute la lassitude et la fatigue dans sa manière d'agir. Yami finit par s'exécuter et Red senti une douce chaleur, accompagnée de picotement, irradier son épiderme aux endroits où elle apposait ses paumes.

-Je compte également retourner à la Mégalopole d'ici deux jours et j'envisage aussi de reprendre mon traitement. Pourras-tu me préparer des doses suffisantes avant notre départ ?

Là assise, prostrée, les coudes posés sur les cuisses, la cigarette coincée entre les lèvres, c'était comme s'il ne fallait surtout pas parler de ce qui s'était produit.

Un mouvement à mes côtés suffit à me réveiller, me faisant battre des des cils avec difficulté, les yeux quelque peu embrumés par le sommeil. Les effluves de sang parvinrent toutefois a éveiller mes sens, le regard subitement plus animé, tandis que je me remémorais les souvenirs de la veille.

Malgré la quantité de sang séché au sol je me sentais plutôt bien, mon corps s'était déjà remis des blessures parfois profondes que m'avait causé la démone : on ne pouvait pas en dire autant pour la concernée... En effet, elle était appuyée contre la table d'auscultation visiblement perdue et grandement affaiblie.

Lorsqu'elle me demanda l'heure qu'elle ne pouvait voir de ses yeux voilés, je me redressai dans notre couchage de fortune et tourna ma tête vers l'horloge murale avant de reporter mon attention sur elle :

« Quatre heures vingt. »

Du matin donc.
Est-ce que sa question sortie du contexte me surprenait ? Absolument pas. Il était évident qu'elle ne reviendrait pas sur les événements. La Oniri du moment n'était pas celle d'hier soir et je le savais pertinemment depuis le départ. Peut-être que cela me gênait dans ce cas ? Non plus. Nous avions passé des heures plutôt enivrantes... Le regret qu'elle éprouvait sans doute n'était aucunement réciproque.

Sa voix morose et fatiguée témoignant de son état d'esprit en revanche était agaçante. N'étais-je donc pas parvenue à lui occulter le poids qu'elle portait comme fardeau ? Et ce ton suppliant... Ou était la Oniri triomphante et conquérante que je connaissais ? Peut-être que j'avais justement a faire enfin à elle plutôt qu'à Red...

« Installe toi. »

Lui répondis-je en guise d'approbation quant à sa requête de soin.
Sans prendre le temps de me rhabiller, je m'asseyais sur la chaise à côté d'elle, dans la même configuration qu'hier, et apposai mes paumes sur son corps dans un halo verdâtre pour panser ses blessures dans un silence de plomb.
Les plaies se refermèrent peu à peu et les marques disparaissaient avec elle, me laissant presque en ressentir une pointe d'amertume. En effacer toutes les traces comme s'il s'agissait d'une honte alors que tu en avais simplement besoin pour exulter ta frustration et ton désespoir ? Je serrai la mâchoire à cette pensée sans pour autant m'interrompre, écoutant finalement avec intérêt ses propos concernant son traitement qu'elle voulait reprendre.

« Je le pourrais oui. Toutefois je ne te fournirais pas tes derniers dosages. Cela fait longtemps que tu as interrompu le traitement, tu auras donc un dosage progressif. Mais rassure toi, cela restera assez proche de ce que tu avais et les effets fonctionneront de la même manière. Combien de temps penses-tu partir ? »

Je m'étais levée entre temps pour aller humidifier un linge que j'appliquai sur ses plaies pour en essuyer le sang coagulé avant d'y laisser courir ma langue pour terminer le travail. Elle ne me repoussa pas forcément mais cela ne lui étira pas même un sourire si bien que je me reculai légèrement et déplaçai ma chaise pour me retrouver face à elle, mes mains venant se poser sur ses bras dans un fin sourire chaleureux.

« Tu le sais que je n'aime pas te voir ainsi, mmh ? »

Mon regard cherchait le sien.

« Tu as besoin de prendre du repos et de t'aérer l'esprit. Délègue moi quelques tâches pour te soulager. »

Cette proximité pleine de complicité sans une once d'agressivité... cela faisait bien longtemps que nous n'en avions pas connu. C'était presque comme si je retrouvais l'ancienne Oniri, celle qui n'était pas que destruction et puissance mais qui savait aussi avoir ses moments de faiblesses.
Les actes valant plus que tous les mots, je me penchai légèrement en avant pour venir l'enlacer avec affection et lui murmurai :

« La chaleur n'a pas encore disparu de ce monde. Même nos cœurs de glace en ont parfois besoin. N'oublies jamais celle que tu es... »