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« Alors comme ça on me demande pour une mission avec mon équipe ? Chouette... »

Et c'est dans un marmonnement peu enthousiaste que Yoru vint finir sa lecture. Adossé contre le bord de son balcon, il venait de lire une lettre qui lui était adressé pour l'informer de sa participation obligatoire pour une mission de rang B. Ce fut la cigarette à la main qu'il apprit que ses équipiers pour cette mission d'un grade peu commun à ses yeux n'étaient autres que les membres de l'équipe ninja à laquelle il appartenait. Et oui, Yoru fumait désormais. C'était une nouvelle et peut-être une mauvaise habitude qu'il avait pris. Avant, lorsqu'il partageait son appartement avec Yūna, et même bien avant, il avait juré ne jamais toucher au tabac. C'était pour lui le quatrième interdit ninja, parmi les femmes, l'alcool et l'argent. Mais depuis la mort de sa bien-aimée, les choses avaient changé, tout comme le comportement de Yoru. Dorénavant, il fumait pour oublier, pour se reposer, pour changer, contrairement à ce qu'il avait autrefois promis, devant sa femme qui elle aussi ne voulait pas voir son amoureux fumer. D'un mouvement de doigt, le fumeur retira avec vivacité les cendres inutiles de sa cigarette et soupira quant à la mission à laquelle il allait devoir s'engager. Au début, il sembla vouloir réfléchir au moyen d'éviter de participer à cette mission. Néanmoins, forcé de poursuivre sa réflexion, il comprit que ce n'était pas la peine. Tôt ou tard, son geste aurait des conséquences fâcheuses. Il souffla alors une nouvelle fois, se rendant dans sa chambre pour préparer ses affaires. Il devait désormais se préparer au départ de sa mission.

Ainsi, la team Tooitsu serait au complet pour accomplir une mission. Ce serait la première par ailleurs, bien que Yoru avait fait auparavant la rencontre de Dosan au cours d'une modeste mission de rang C. Pour le Genin borgne, ce serait l'occasion de voir les compétences de son supérieur, ainsi que les pupilles jaunes de sa camarade d'équipe en action. Bien qu'il cachait cette motivation sous un masque d'indifférence, mais aussi par la flemme presque maladive de rejoindre ses équipiers au lieu indiqué sur le document, il se sentait obligé de devoir voir ça. Attrapant un sac qui trainait dans le coin, le jeune homme remplit petit à petit son sac de voyage. En premier lieu il y déposa ses affaires, puis son matériel de combat. Pour une mission de rang B, Yoru ne voulait pas faire dans la dentelle. Il rangea par conséquent plusieurs bombes aveuglantes, une bobine de fil ninja, ainsi qu'une boîte de makibishis, qu'ils pourraient par la suite déplacer dans sa sacoche prévue au combat.

Après avoir fait son sac, le jeune homme prit une petite douche et fila dans son lit pour dormir. Il avait mangé peu, et dorénavant devait dormir pour être prêt le lendemain. Il ferma alors avec difficulté son unique œil et retint la douleur qui l'empoignait encore à la tête. Cette souffrance revenait tel un fantôme hantant un château. Elle revenait à chaque fois que Yoru ressentait cette impression de vide qui régnait dans son lit. Lui qui avait été habitué à s'endormir aux côtés de son amoureuse... désormais il devait apprendre à dormir en solitaire, et à voyager seul dans le monde de Morphée.

Le lendemain, Yoru se leva aux aurores et tâcha de s'activer. Après une tasse de café et une séance lavage - habillage à la vitesse de l'éclair, le Genin quitta son domicile. Désormais, avec ce temps plutôt agréable, plus d'écharpe à resserrer: simplement quelques bandages à ajuster autour de la tête pour favoriser la cicatrisation de la plaie oculaire. Yoru songeait après sa mission B à acheter un cache œil assez stylé une fois ses bandages retirés. Avec sa tignasse blonde qui avait poussé récemment, il devait renouveler son style. Mais pour l'heure, il devait renouveler ses engagements, en rejoignant au plus vite son équipe au lieu précisé sur sa lettre. Il fallait se rejoindre sur les quais du port de Kiri. En conséquence, l'aspirant ninja emprunta les voies aériennes, sautillant de toit en toit pour éviter de perdre du temps. Se mêler à la foule ne ferait que le ralentir, et par extension, augmenter le temps d'attente de ses camarades. Et faire mauvaise impression dès le premier rendez-vous en équipe, cela ne pourrait qu'être néfaste pour la réputation du manieur de vapeur. Par chance, quelques minutes de course effrénée plus tard, le Ryūzoji arriva à destination. D'une part, Kiru était habillé en blanc, équipé d'une imposante épée qui suscita l'attention de son élève masculin. D'autre part, Dosan était elle aussi présente, vêtue de son habituelle tenue.

« Bonjour. »

C'est ce que se contenta de prononcer Yoru, qui n'était pas d'humeur bavarde ces derniers temps. Tâchant tout de même de donner bonne mine, outre ces bandages l'infirmant légèrement, il laissa son senseï prendre la parole. De toute façon, il n'y avait pas de temps à perdre, au vu de la situation. Il fallait faire vite, et ne pas perdre de temps. Inutile par conséquent pour Yoru de parler, si ce n'est pour exposer quelque chose d'important. Et des choses importantes, Yoru n'en avait plus tellement à ses yeux...

Une fois que la team fut réunie au complet sur le bateau menant au lieu de la mission, Kiru exposa rapidemment l'objectif de la mission. La cible à neutraliser et à remettre derrière les barreaux se faisait appeler le détenu 246, du fait du nombre de victimes dont il s'était occupé. D'après les indications du sabreur de l'équipe, le prisonnier était redoutable, malgré le fait qu'il ne puisse pas utiliser de chakra. Un bon point en apparence, néanmoins, pour qu'un criminel puisse opposer de résistance sans pouvoir faire usage de chakra, cela signifiait qu'il devait être un redoutable adversaire au Taïjutsu. Un ennemi particulièrement coriace en somme. Yoru et Dosan avaient par la suite une vingtaine de minutes pour concevoir un plan d'action, avant de l'exposer à leur senseï. Kiru avait l'air de joindre l'utile à l'agréable, dans le sens où il trouvait avec facilité le moyen de tester ses élèves tout en effectuant un ordre pour le compte du village. Piégés par l'embargo, les bateaux présents à proximité de l'île de Yuka laissèrent passer celui contenant l'équipe Tooitsu, tel un commandant passant à l'avant de son armée pour lancer l'offensive sur le champ de bataille.

Yoru s'isola donc provisoirement sur un côté du quai, le temps d'élaborer sa stratégie. Le jeune borgne rassembla dans sa tête toutes les informations nécessaires à la création de son plan. Il se représenta ainsi dans ses méandres une carte virtuelle et schématisée en trois dimensions de l'île. Quelques points légendaient la position de structures importantes, comme le port, le village principal, ainsi que la prison de Yuka. Par la suite, il se mit dans la peau du criminel en évasion et anticipa ses éventuelles actions. De là, le jeune homme développa plusieurs plans d'attaque, et sélectionna par élimination le plus adéquat à la situation. Après quoi, le temps fut imparti et les deux Genins durent dévoiler leurs plans. Ce fut la Jisetsu qui dut commencer, galanterie oblige. Les femmes d'abord, Yoru profita de l'attente pour jeter un coup d’œil autour et remarquer que le village sur lequel ils avaient accosté était bien calme. Mais soudain, alors que Dosan allait exposé son plan d'action, un navire accosta en vitesse à proximité du bateau de la team Tooitsu. Les marins du bateau laissèrent alors passer quelques envoyés du clan Jisetsu, venus récupérer la kunoïchi de l'équipe de Kiru. Apparemment, elle avait à régler des affaires au sein de sa propre famille, des affaires privées auxquelles son équipier et son maître n'avaient rien à faire en somme. Dosan tira alors sa révérence et s'en alla aux côtés des siens. Yoru soupira discrètement: sa coéquipière aurait pu lui être utile pour son plan, d'autant plus qu'il avait des projets en tête avec elle.

« Bon, et bien on dirait qu'il ne reste plus que nous deux, senseï. »

Le duo de garçons allait donc agir sans la Jisetsu. Laissant le temps à Kiru pour répondre à sa phrase, Yoru profita de ce temps d'attente pour restructurer son plan d'action. Une fois fait, le jeune homme fit signe à son supérieur, et s'abaissa au niveau du sol, terreux. Saisissant ensuite un kunaï dans sa sacoche, le jeune homme fit à main levé un petit plan de l'île, avec comme dans sa tête, les lieux-clés de Yuka, représentés par des petits cercles. Puis, quelques croix furent dessinées à l'intérieur du cercle représentant le pénitencier insulaire. Au même moment, le Genin prit la parole, exposant ainsi son plan au Sabreur de Kiri:

« Voilà donc mon plan. En sachant que le fugitif va essayer de quitter l'île au plus vite, il suffira d'anticiper les lieux vers lequel il devra se diriger pour fuir l'île de Yuka. Et si on réfléchit bien et rapidemment, on remarque qu'il n'y a qu'une seule possibilité de fuite: ici. *Il désigna avec son kunaï l'emplacement du port.* Si on se base sur cette information assez simple à conjecturer, il suffit ensuite d'étendre un périmètre de sécurité circulaire autour de la zone portuaire, et de l’agrandir progressivement, jusqu'à ce qu'on tombe sur lui, l'affronte et le capture mort, ou vif. Bien entendu, il serait trop facile de compter sur le seul soutien des gardes de l'île. Notre intervention servira à renforcer les parties sensibles ou fragiles de la ligne de sécurité installée autour du port, de cette façon, nous pourrons retenir de façon efficace le détenu 246. »

Voici grosso modo les grandes lignes de son plan. Yoru avait bien réfléchi maintes fois aux imprévus, au nombre de gardes nécessaire pour la réalisation de son opération. Sa stratégie était assez importante, et nécessitait un peu de temps pour être mise en place néanmoins, il était certain de son coup avec cette tactique. Mais malgré ce plan ingénieux, le Ryūzoji avait encore quelques zones d'ombres dans sa stratégie. Le borgne questionna donc son senseï:

« Je ne sais pas ce que vous pensez de mon plan Kiru-senseï, mais avant que l'on fasse quoique ce soit, avec mon plan ou un autre, j'aimerais savoir quels sont vos capacités, vos pouvoirs, etc. histoire de savoir comment réagir à vos côtés en présence de la cible. Ah oui, et aussi, pourrions-nous disposer de dispositifs émetteurs-récepteurs ? Ce serait très utile sur le terrain, histoire de faciliter la communication à distance. »

Le borgne vint conclure ses questions avec un mince sourire, afin de détendre l'atmosphère bien trop pesante dans ce lieu désert.

Le tandem de Kiri était encore sur le port de l'île de Yuka. Yoru et Kiru réfléchissaient encore à un plan d'action pour neutraliser le détenu 246. Le temps était idéal pour une sortie dans les alentours de l'île, avec un soleil particulièrement chaud aujourd'hui, et un ciel clément. Mais l'heure n'était pas à la détente pour le moment du côté des deux Kirijins. Il fallait se dépêcher et pour faire, Kiru exposa son point de vue à son élève. Développant ainsi son opinion sur la stratégie de Yoru, qu'il considéra comme bonne, il fit remarquer également les quelques zones d'ombre du plan de son disciple. Le jeune borgne s'attendait à ce genre de sous-entendu; après tout, il n'était que Genin encore, et n'avait pas le niveau d'un Jōnin comme son senseï.

« Le problème, et il faut le comprendre, c'est que pour faire un périmètre, il faut des hommes. On en a, tant mieux, oui mais... Le détenu est réputé pour sa maîtrise des techniques d'assassinats et personnellement j'en connais peu si on définit ce terme par: meurtre discret. Cela veut dire que l'ennemi sait attaquer en silence et d'une distance raisonnable, il pourra se débarrasser de gardes peu attentifs et ce serait mauvais pour la mission puisque cela créerait la panique chez les geôliers, chose à éviter. Pour mes capacités, dis-toi que je ne serais pas une gêne pour toi. Que peux-tu faire pour une sécurité optimale de tous les intervenants ? »

C'était des questions assez pertinentes, digne d'un stratège de haut niveau. L'élève concerné par toutes ses interrogations fut sur le coup un peu embêté. Ce n'était pas comme s'il risquait de répondre spontanément. Il n'en avait pas les capacités, du moins pas pour le moment. A la place, il laissa son supérieur lui confier un dispositif émetteur-récepteur, et l'installa convenablement. Accordant correctement la fréquence de l'appareil à celle de son maître, il repassa en tête toutes les informations dont il disposait pour pouvoir élaborer une réponse claire et précise, qui répondrait aux attentes du Sabreur. Il leva alors la tête, et observa les alentours, remarquant que la forêt n'était pas l'élément le plus dominant dans la région. Il y avait essentiellement des vallées et des collines, traversées par quelques rivières. La végétation majoritaire dans les lieux était des hautes herbes. Quelques monts surplombaient l'île, avec en guise de sommet la prison de Yuka.

« Pour assurer la sécurité la plus optimale des gardes, je pense que le mieux à faire, c'est de renforcer les zones les plus sensibles. On sait quel endroit le fugitif va essayer d'atteindre. Désormais, il va falloir cibler dans notre périmètre des zones où il y aura de fortes chances de le retrouver. Comme vous avez pu le suggérer, il s'agit d'un homme qui travaille avec discrétion et efficacité. Tous les lieux favorisant ses techniques d'assassinat seront donc les plus dangereuses: bois, zones escarpées et montagneuses. C'est dans ces espaces là que les troupes seront renforcés, et à contrario, dans les zones les plus sûres, comme les espaces plats, les terrains vagues etc. nous pourrons nous permettre de réduire les effectifs. De toute manière, vu le temps qu'il s'est écoulé entre l'évasion du prisonnier et notre arrivée, nous n'aurons pas besoin d'étendre le périmètre bien trop loin. Quoiqu'il en soit, une chose est sûre: notre place sera dans les premières lignes, sur les zones sensibles. »

Il baissa ensuite la tête, prêt à attendre les ordres. Le borgne se conditionna mentalement, se vidant la tête de toutes pensées inutiles. Aujourd'hui, comme chaque jour où il opérait en mission, il n'avait qu'un objectif: la réussite de sa mission. Pour faire, il était déterminé à montrer ses capacités, tant intellectuelles que physiques, à son senseï. Néanmoins, bien qu'il était confiant quant à la victoire face à son combat quasi-certain contre le détenu 246, Yoru avait des doutes sur un point. Est-ce que son état mental resterait stable tout le long de sa mission ? Dans le cas contraire, parviendrait-il à contenir sa Folie avant qu'elle ne puisse compromettre le bon déroulement de son objectif ? C'était bien là la grande question qui planait dans l'esprit du jeune homme. Il tourna alors son visage en direction de son senseï, exprimant dans son demi-regard toute la confiance qu'il pouvait porter envers son supérieur. C'était là la transmission d'un lourd fardeau, par voie visuelle, visant à espérer que le Sensoo serait capable de contenir par la force - et uniquement par la force, car la raison ne pouvait rien faire face à la Folie déformant l'environnement du Fou - la démence de son élève...

Après que Yoru exposa une alternative au problème de son plan, Kiru exposa une seconde fois son point de vue sur l'idée de son élève. Le plan était correct, et allait être utilisé pour cette mission. Un semblant de satisfaction naquit dans l'esprit du jeune borgne: savoir que ses idées étaient approuvées par un personnage puissant et important de son village le rassurait quant à l'étendue de ses compétences en matière de conception de stratégies. Qui plus est, cette phrase de Kiru quant à la confiance donné aux uns et aux autres donnaient plus d'énergie au Genin. Se savoir épauler par son supérieur le tranquillisait. Il pouvait donc négliger légèrement sa tare psychique et se concentrer davantage sur sa mission. L'envie de traquer et de retrouver ce détenu était des plus fortes dans l'âme du jeune homme. Attentif, le Lutin se fia alors au discours de son senseï, qui s'adressait autant à lui qu'aux gardes qui allaient participer à la mission:

« Bien... Nous allons organiser une battue. Je dois le répéter, le criminel en fuite est dangereux et connaît de multiples façons de tuer silencieusement sans se faire voir. Le mot d'ordre: prudence. Si vous le repérez, tentez d'abord de nous contacter moi ou mon coéquipier, si ce n'est pas possible, gardez à l'esprit de le maintenir en visuel. Tuez-le si vous en avez l'occasion. Messieurs... La chasse à l'homme est ouverte. »

Même si Yoru était déjà fixé quant à la mission et au type d'ennemi auquel il allait devoir faire face, ce dernier écouta précautionneusement les paroles de son maître. Le borgne avait besoin du maximum d'indications susceptibles de faciliter la réussite de la capture de ce criminel. Suite à l'annonce de Kiru, le Sabreur en question regroupa les unités et les répartit en fonction du seuil de dangerosité dans lequel ils risquaient de se retrouver, selon la zone vers laquelle ils allaient se diriger. En bon ninja, Yoru fut attribué à un groupe qui, d'après sa brève entrevue avec le Sensoo, allait devoir évoluer dans un territoire forestier particulièrement dense. La zone boisée était l'une des plus dangereuses de l'île, et donc la plus susceptible de contenir le détenu 246. Cette information alarma le borgne, qui jeta un bref coup d’œil en direction de la poignée d'hommes qui allait être sous son commandement. Son maître comptait sur lui pour que ces gardes aient une sécurité des plus optimales. Il tenta donc en premier lieu d'aller discuter avec eux, ne serait-ce que pour tisser des rapports de confiance nécessaires à la cohésion du groupe. Malgré son état mental qui faisait de lui un homme peu gai et abordable, il essaya au mieux de les écouter, mais surtout de se faire écouter.

Suite à cela, l’Épéiste au sabre imposant se posta sur un des toits encerclant la horde et attira l'attention de la petite foule armée. Le signal allait bientôt être donné. Raison pour laquelle Yoru et ses hommes se mirent aux aguets, prêts à partir. Lorsque le Kirijin abaissa son bras en guise de départ, les troupes avancèrent à cadence régulière. Le bruit des pas résonnèrent dans les ruelles désertes de la ville portuaire, tandis que Yoru avança en tête de file. Les rangs s'écartèrent, lentement, se dispersant le long d'une courbe. Chacun se dirigea dans une direction, dans une zone bien précise. Yoru et son équipe avaient de quoi patienter dans les bois. Le détenu ne risquait pas d'être à une telle distance du port de l'île. Il y avait encore de la marge. Raison pour laquelle le Lutin Pourpre composa quelques sceaux incantatoires et forma à ses côtés deux clones de vapeur. Les deux sosies conçus à partir du gaz aqueux prirent alors l'apparence de simples gardes parmi ceux du groupe, et se fondirent dans la masse. Le but de cette manœuvre était évident. Yoru souhaitait avoir d'une quelconque façon un oeil sur ses hommes. Si l'unité venait à être dispersée dans les bois, alors il fallait assurer qu'une force ninja protégeait facilement les gardes. Répartissant équitablement ses doubles de vapeur, Yoru fit en sorte à ce que ses clones et lui-même puissent assurer la sécurité d'un nombre équivalent d'hommes. La traque pouvait commencer en toute sureté. Réglant son microphone sur la bonne fréquence, le ninja aspirant contacta rapidemment son senseï.

« Senseï, mon groupe est en place. Nous avançons comme prévu. Pour le moment, la zone est calme, aucune trace du détenu 246. Au vu de la distance nous séparant du port, je dirais que c'est normal. Nous ne nous sommes pas encore assez enfoncés dans la forêt. Je vous recontacterai lorsqu'il y aura du nouveau. Terminé. »

Le shinobi au regard mutilé poursuivit alors sa progression dans les bois, vigilant à chaque zone d'ombre, attentif au moindre son. Une erreur non-anticipée pouvait vite être fatale... Le Genin redoubla par conséquent d'efforts pour assurer à la fois la sécurité de son équipe, mais aussi pour être prêt à lutter contre l'ennemi pour la réussite de la mission. Son maître comptait sur lui, tout comme les hommes sous son commandement comptaient sur lui pour qu'il puisse préserver leur vie de la menace silencieuse...

L'escouade chargé de surveiller la zone sylvestre évoluait à un rythme soutenu. Dans les bois, il fallait être méfiant: le moindre bruit, la plus petite zone d'ombre, un seul arbre, suffisait à causer votre perte. Il était impératif de vérifier systématiquement les alentours avant d'effectuer le moindre pas. L'arme à leur main, proche du corps, les gardes jouaient de leur vigilance en resserrant les liens. Bien qu'ils eussent un peu d'anxiété à l'égard d'une probable arrivée ennemie, ils désiraient surtout assurer leur visibilité. Chacun des soldats faisaient confiance à l'autre pour couvrir ses arrières. Yoru, en bon chef d'équipe, tâcha d'assurer en pseudo-éclairer les devants de son groupe. L'original à l'avant, et ses clones sur le côtés, il observa chaque mètre carré de verdure ou de terre avec un oeil inquisiteur, veillant à ce que tout soit normal à chaque avancée. Quelques gardes parlaient d'une maîtrise d'un art martial dangereux de la part du détenu en cavale. Il s'agissait du Muon Satsujin Jutsu, ou technique du meurtre silencieux. Un art proche du Taïjutsu, mais dont la discrétion et la dangerosité étaient poussés à leurs extrêmes. Cette donnée assez inquiétante intrigua le Kirijin, qui redoubla d'efforts pour éviter que ses hommes ne soient pris au piège dans la toile du silence de cet homme. Il suffisait d'une unique seconde d'inattention, et tout pouvait se jouer. Une seule seconde, et la vie de ses hommes était condamné en quelques instants. Il n'aurait pas le temps de tourner la tête que ses oreilles entendraient déjà le son du métal forant à travers la chair pour transpercer un organe vital dans une effusion violente de sang.

En somme, le Ryūzoji allait devoir être confronté à une sorte de super-homme: malgré son absence de techniques à base de chakra, il avait le don de savoir se débrouiller seul, dans un environnement hostile et de savoir l'exploiter à sa guise pour assassiner en toute efficacité une proie. Couteau, dague, sabre, lance... il semblait être doué dans le maniement de nombreuses armes. Malgré le fait qu'il ne puisse pas se servir de son énergie mystique, le chakra, il n'apparaissait pas comme un homme avec un véritable point faible. Un désavantage certain pour Yoru. Même s'il disposait de la supériorité numérique, de la connaissance du terrain ainsi que du Ninjutsu, il était encore impuissant face à son avantage du terrain et ses capacités d'assassinat silencieux. Alors que le groupe de gardes sécurisé par le Genin avançait lentement dans la forêt, Yoru fut contacté par son senseï. Kiru avait semblait-il localisé la cible. Mieux encore, il l'avait combattu, l'espace de quelques échanges de bons procédés. Lorsque le Sensoo appela son élève via son dispositif radio, le shinobi descendait toujours d'une branche depuis laquelle il épiait discrètement les environs. Le silence était tel dans la forêt que lorsque la voix du Sabreur traversa le micro de Yoru, ce dernier manqua de trébucher, quasi-apeuré par le bruit inédit.

« Yoru-kun ! Ici Kiru, l'ennemi vient très rapidement dans ta zone interceptes-le et essaies de me signaler où tu te trouves exactement, je tâche de me dépêcher. »

La situation semblait critique. C'était désormais au tour Lutin Pourpre de jouer, et d'agir surtout. Le détenu 246 allait à grande allure vers sa direction, et il fallait que le jeune homme prenne au plus vite une décision. Il regarda alors brièvement son équipe.

« Bien reçu, se contenta de répondre Yoru au micro, qui devait se dépêcher désormais. »

Immédiatement, le jeune homme sauta de sa branche et expliqua la situation aux gardes. Il développa le tout dans un ton neutre, calme et posé, afin d'éviter d'instaurer dans le groupe un sentiment de panique. Il fallait que les troupes soient opérationnelles à tout moment, et de préférence au moment où l'individu arriverait devant eux. Kiru était placé à proximité de la position de Yoru; il était à peu près au Nord-Est de sa position lors du contact radio. La troupe d'hommes armés se dirigea ainsi en conséquence. Dorénavant, tous avançaient comme un seul homme, partageant le bruit d'un même pas. La concentration des gardes, aussi bien que leur anxiété, atteignait leur paroxysme: ils ne savaient ni quand le détenu arriverait, ni par où exactement. Suite à l'appel du Sabreur, Yoru plaça donc ses troupes dans la bonne direction. Au même moment, il contacta les autres équipes afin d'encercler leur périmètre: en aucun cas le détenu 246, s'il venait à échapper aux mains de l'équipe du borgne, ne devait filer entre les mains du reste de l'attroupement de gardes réquisitionnés pour la battue.

Lorsque tout le monde fut en place, tout se passa très vite. Yoru, ainsi que ses clones, encerclant le groupe, put entendre un bruit caractéristique. Le bruit du fer, croisant l'armure d'un des gardes. Le plastron, par chance, épargna le dos du malheureux, qui fut repoussé en avant par la violence du choc. C'était un simple projectile, une pierre. C'était surtout une diversion. Le prochain coup serait fatal. Encore fallait-il savoir par où il arriverait. N'ayant aucune technique de localisation digne d'un senseur, Yoru était en mauvaise posture une nouvelle fois. Resserrant au plus vite les rangs, il fut cependant trop tard pour le shinobi. Le prisonnier surgit de nul part, au beau milieu de la cime des arbres. Une poignée de trois kunaïs en main, et voilà qu'il bondit sur une branche inférieure, lâchant dans son bond les trois flèches de fer. Chacune d'entre elles visaient la jonction du cou et de l'épaule, afin de créer un effet optimal. Hémorragie importante, protection amoindrie. Le détenu avait bien calculé son coup. Yoru aussi. Prenant appui sur le tronc d'un arbre, il se propulsa à l'horizontale, kunaï en évidence dans sa main droite. Éjecté comme un boulet de canon, il arriva à temps pour dévier la trajectoire d'un, puis de deux, avant de laisser le troisième kunaï se loger dans la cuisse d'un malheureux qui n'eut pas le temps de fuir. Sans pour autant avoir localisé précisément l'individu en fuite, les clones de vapeur de Yoru montèrent, avant de sonder les alentours à la recherche du détenu.

A travers les feuillages, les deux clones parvinrent à observer une ombre, puis une silhouette, avant de se faire repérer par le criminel en personne. Poignard en main, il s'élança à toute allure sur les deux faux gardes en vue de les éliminer au plus vite. Sans chercher de complication, les deux clones se concertèrent pour élaborer une rapide stratégie d'attaque et d'approche. Un premier clone se laissa donc aborder par le détenu, qui s'empressa de tenter de le poignarder. Malheureusement pour l'assaillant, le clone avait dégainé à son tour une arme. Dans sa main droite, un kunaï, enrobé d'une aura jaunâtre se présentait face au poignard adverse. La dague ninja dont disposait le sosie de Yoru était entouré d'un halo de foudre et de chakra: le Rakurai no Eiri. Cette technique vint faciliter l'issue de la joute entre le poignard et le kunaï. Chargé en chakra Raïton, le choc entre le kunaï et l'arme du criminel fut bref: la force de pénétration du projectile shinobi fut telle que le poignard fut presque immédiatement coupé, comme une vulgaire branche cédant sous la pression du puissant vent. Au passage, la vitesse du coup donné par Yoru fut suffisante pour en profiter afin de toucher le criminel. Fuyant donc l'affrontement, puisque désarmé, le taulard fut tout de même touché à l'épaule par l'attaque électrique du Genin. Un mince filet de sang s'échappa de sa blessure, tandis que le blessé se fondit dans l'ombre. Immédiatement après, suite à l'usage d'une agilité et d'une vélocité hors-pairs, le détenu se faufila dans l'ombre du second clone. Ignorant tout des propriétés de la copie vaporeuse, il effectua un rapide brisement de nuque, d'un mouvement rotatif et rapide autour du cou. Au lieu de s'écrouler au sol, comme tout bon mort qui se respecte, le faux garde s'évapora dans un nuage ardent et acide. Le détenu était touché par cette attaque. Le clone restant esquissa alors un léger sourire de satisfaction. Il profita ainsi du cours laps de temps offert par la diversion provoquée par la disparition de son collègue Futton pour foncer soudainement sur le criminel. Un grand instant de soulagement s'offra au clone lorsque son pied percuta de plein fouet le criminel, et que ce dernier vint s'écraser contre le tronc d'un arbre, avant que sa chute ne l'emporte plus bas, à même hauteur que Yoru et les gardes. Un Yoru qui soignait les quelques blessés à cause des projectiles, ayant atterri aux mauvais endroits, aux mauvais moments. Un Yoru qui espérait plus que tout que son senseï arrive à temps, avant que le déserteur qui se remettait du choc ne tente de fuir à nouveau.

Le criminel était neutralisé. Du moins, provisoirement. Yoru ne savait pas quand, ni comment il allait réagir après avoir repris ses esprits. Les gardes approchaient si vite de lui, et son armement était tellement dangereux, que la situation allait très prochainement devenir critique. Les choses s'envenimaient, alors que pourtant, le détenu avait subi un lourd assaut de la part du borgne. Mais ce même faux cyclope savait ce qu'il en retournait de l'état de son adversaire. Un simple coup de pied l'ayant envoyé contre un tronc d'arbre avant de le faire descendre de quelques étages ne suffirait pas à l'éliminer. Du moins, pas aussi facilement. Ayant perdu dans la bataille un clone, le Genin observa la position de son feu sosie de vapeur, avant de tourner la tête en direction de l'antagoniste, ayant fait signe à son Kitai Bunshin de rejoindre le sol. Après un léger bond pour atterrir sur le sol humide, parcouru de hautes herbes, la sosie de Yoru et lui-même purent s'apercevoir que cette fois-ci, c'était la bonne. Le détenu 246 commençait à mettre les voiles. Certainement espérait il fuir afin de revenir de plus belle, histoire d'achever pour de vrai ses cibles, ses victimes. Victimes au nombre de quatre: un clone, et trois blessés mineurs. Le Kirijin avait bien fait son boulot de chef d'équipe, en assurant avec efficacité la sécurité des hommes sous sa tutelle.

De toute façon, le prisonnier, où qu'il aille, se retrouvait bientôt cerné par des gardes. Il était condamné à se faire encerclé par les soldats appelés via communication radio par le Ryūzoji. Néanmoins, cela ne l'empêcherait pas de faire tout de mêmes quelques blessés dans sa vaine fuite. C'était dans l'optique de réduire le risque de blessés, voire de morts, que Yoru tenta de rattraper le fuyard, soutenu par son clone, ayant désormais repris sa forme initiale. Au vu de la vitesse à laquelle démarrait le taulard, les choses risquaient de se corser. Néanmoins, à la grande surprise générale, ce fut Kiru qui arriva, et qui stoppa net dans sa course le criminel. L'effet de surprise fut tel qu'un simple coup basique de Taïjutsu fut suffisant à sonner l'adversaire. Un coup basique certes, mais comme put le constater quelques instants plus tard le Lutin borgne, un coup amélioré par du Ninjutsu. En effet, quelques étincelles tournoyaient autour de la dextre du Sensoo, qui grâce à la vélocité de son assaut, était parvenu à projeter quelques mètres plus loin la cible. Braquant son imposante arme sur le tarin du criminel dorénavant bien amoché, il déclara à son disciple:

« Bien joué Yoru-kun... Tu as fait de l'excellent travail. Décides ce que l'on fait de lui, il n'est pas précisé de le ramener vivant. »

C'était un honneur que proposait Kiru à son élève. Laisser décider à sa place du sort du prisonnier. Mort, ou vif, ça n'avait pas d'importance effectivement: on voulait simplement son corps, selon la description de l'objectif. Néanmoins, le détenu 246 ne se laissa pas faire pour autant, et refusa d'accepter sa sentence, quelle qu'elle soit. Le meurtrier saisit donc avec une rapidité extrême l'arme de son geôlier, et vola le sourire du Kirinin. Cependant, tout comme le Sensoo, ce sourire s'effaça rapidemment, lorsque la véritable nature de l'arme qu'il avait volé se révéla avec véhémence. Ainsi, du bout de la lame noire jusqu'au manche de l'épée, tout fut parcourue d'une véritable aura magmatique. La température augmenta très vite, nimbant le sabre d'un halo d'air ardent. Les mains du tueur de masse ne tarda pas à faire les frais de l'incandescence de l'arme. Hurlements, brûlures sévères, cloques... le criminel s'auto-châtia à cause de ses propres réflexes. Le senseï s'adressa alors à son élève dans ce vacarme de cris de douleur, répétant une nouvelle fois la question fatidique à Yoru. Fallait-il le ramener mort, ou vivant ? Le borgne avait déjà sa petite idée sur la réponse qu'il allait donner. Il laissa en premier lieu son maître retirer l'arme brûlante des mains du tueur, qui n'arborait plus le même air arrogant et fier que tout à l'heure. Après quoi, pendant que l'assassin se remettait de l'intense chaleur, Yoru s'avança devant l'homme blessé, avec un air des plus sérieux. Le Genin sortit de sa sacoche un kunaï, et donnant un coup de pied dans le bas du cou du meurtrier, il le fit tombé sur le dos. Immédiatement, le shinobi s'approcha de l'homme à terre et planta son arme dans la dextre gauche du prisonnier.

« Ça, c'est pour tes 246 victimes. »

Il laissa le liquide carmin vital s'écouler de la main blessé et calciné de sa cible, avant de s'en prendre à la seconde main du détenu 246. Un second cri de douleur, plus intense que le précédent, attesta de la violence du choc. Autour des deux ninjas et du prisonnier, de nombreux gardes s'étaient agglomérés en un vaste cercle déformé par endroits dans le bois. Comme une exécution publique en territoire forestier, les hommes observaient le sort du criminel.

« Ça, c'est pour les trois gardes que tu as blessé tout à l'heure, reformula-t-il dans le brouhaha des hurlements résonnants du bagnard. »

Il avança enfin son clone de vapeur restant, face au criminel qui se relevait en douleur, les deux mains mutilés. Un trou, puits de sang bâti dans la chair brûlée, s'était formé dans la paume des deux mains. Autour du meurtrier, le sang ardent qu'il avait expulsé en douleur avait tâché, souillé même les végétaux. Les êtres chlorophylliens adoptèrent ainsi l'espace d'une journée la teinte rouge vive de l'hémoglobine. Soudain, alors que le criminel posait avec difficulté un genou à terre, ce fut le clone de vapeur qui lui explosa au nez, libérant face à lui un nuage de vapeur brûlant et acide. Mieux que d'infliger une douleur inédite, l'eau sous sa forme volatile et subtile accentua ses précédentes plaies, le fit davantage souffrir. Le sang coula plus facilement, tandis que ses brûlures commençaient progressivement à se regrouper sous une masse amorphe ignoble. Un dernier coup de kunaï vint frapper une nouvelle fois le détenu, à l'avant bras gauche cette fois-ci, avec une douleur encore plus puissante. Yoru conclut alors sa sentence des mots suivants:

« Et ça, c'est pour que l'odeur de ton sang infect prenne le dessus sur celle de ta chair puant le poulet grillé. *Il se tourna alors en direction de Kiru, l'air sérieux et d'un ton direct et posé.* J'en ai fini avec lui, Kiru-senseï. Nous pouvons y aller, il ne risque plus de nous causer de problèmes désormais. »

Effectivement, au vu de ses sévères blessures au main, le détenu ne risquait plus de devenir un danger. Même dans le cas où il parviendrait à se soustraire à l'autorité de ses gardiens, ses blessures aux mains le feraient souffrir, et en plus de l'empêcher de se servir de ses armes, trahiraient sa position. Des gardes arrivèrent alors autour du prisonnier, l'attachèrent à des liens, et le guidèrent en direction du port de l'île de Yuka. Cette fois-ci, le détenu irait dans une prison bien plus stricte, bien plus renfermée. Pour Kiru et Yoru, ce fut ainsi une mission terminée avec succès. Les deux ninjas de la team Tooitsu empruntèrent alors le même navire que précédemment, après avoir annulé l'embargo sur le territoire insulaire. Étrangement, pour un Lutin Pourpre peu content de partir en mission, cette fin de visite sur l'île de Yuka lui avait redonné le sourire. Non pas car il avait accompli sa mission, mais simplement car il avait su braver sa Folie. Peut-être était-ce du aux propos rassurants de son senseï... en tout cas, Yoru dès son retour tâcha de s'entrainer d'arrache-pied afin de maitriser au mieux ses capacités, ainsi que sa tare psychique.