Au début il n’y a que le grand noir, puis vient une sorte de magma de sensations confuses, un ensemble désagréable qui vient se heurter au néant qui le précédait. Le réveil du lent sommeil sans rêve ne se fait jamais avec délicatesse. Il est un busque rappel à la réalité que le corps s’était évertué à oublier.
Douleurs, bruits strident, lumière vive, tout est là pour vous dégouter du monde des vivants. Un rappel à la mort qui pourtant ne se fait pas.
Lentement le myosis se fait, ce qui n’était qu’un vaste flou blanc prend forme, les couleurs se distinguent. La douleur aussi se précise, d’abord vague et omniprésente, elle se situe rapidement dans le crâne et au niveau du bras gauche, irradiant aussi dans tout le dos, se limitant net aux cuisses.
Seul le bruit strident des machines reste présent, des bips dans tous les sens, qui devient rapidement un vague ronronnement lointain.
Les paupières battantes, les yeux encrassés, je contemple ce qui m’entoure avant de tomber nez à nez avec un visage que je n’aurais pas aimé revoir de sitôt. Mes poings se crispent, je tente de me relever brutalement comme voulant lui donner un coup, mais le corps ne suit pas et je reste bloquée là dans le lit, encore sous les coups des drogues qui circulent dans mon sang :

-rachlrrrr.

Dans ma tête ça sonnait bien mieux, un truc genre sale raclure de merde, mais encore une fois rien ne suit, j’en suis à maudire mes cordes vocales.
Voyant que je n’ai rien de mieux à faire que de l’écouter, je me ravise, je desserre mes poings crispés avant de me saigner les paumes à blanc, puis je le regarde droit dans les yeux, gardant cette once d’arrogance qui me donne l’impression d’avoir encore un peu de contrôle sur la situation.
Un fois toutes ses questions posées, je tente de me remonter dans le lit à l’aide de mes bras, ne sentant toujours pas mes jambes, deux véritables poids morts pendues à mon arrière train. Une fois un peu mieux installée je lui réponds encore un peu confuse:

-Je n’ai plus rien à voir avec Kumo, je suis une Nukenin. Tu te trompes, j’obéis à personne, je ne fais que m’associer quand cela m’arrange.

Je ravale la salive de cette phrase qui semble m’avoir déjà vidée de toute ma force physique, mais tant que l’autre abruti tiendra la tubulure de morphinique, je suis à sa mercie, je me dois donc de continuer à lui parler :

-Hakushi Ozuka c’est comme cela que je m’appelle.

Avare en réponse, je ne vais pas lui mâcher le travail, la torture je connais et ce n’est pas ces quelques minutes qui vont suffire à me rendre plus bavarde qu’à l’accoutumée. Je lui donne mon nom, c’est déjà un semblant d’avancée, bien qu’il ne signifie pas forcément la même chose pour les mêmes personnes…

-C’est ça ravie…

Garde tes petites tournures sarcastiques pour toi-même, j’en ai pas besoin pour savoir à quel point la situation dans laquelle je suis n’est en rien engageante. Je le regarde tourner dans la pièce d’un pas triomphant, tandis que je suis là immobile dans mon lit, ne sentant toujours pas ces foutues jambes reprendre du poil de la bête.
Cela ne semble rien à voir avec les différents sceaux placés sur mon corps. Ceux-là j’en connais la saveur et l’effet, cette désagréable impression de se savoir si proche et pourtant si loin de ses pleines capacités. Comme si derrière une cage je pouvais effleurer du bout des doigts la clé pour me libérer sans jamais réussir à s’en saisir.
Non là mes jambes ne répondent absolument pas, bloquées, boaf je verrais ça après j’ai un autre problème à régler avant cela :

-Plan A ? Quel plan A ? Moi je n’ai fait qu’agir selon les ordres, je n’ai même pas idée de l’ensemble de ce qui s’est tramé ce jour-là. Tu fais erreur, je n’en sais pas plus que tous ceux qui ont combattu sur cette île ce jour-là. Je ne suis qu’un rouage dans une immense horloge.

Il parle de Red, s’il croit vraiment que je vais lui donner des informations ainsi il se fourre le doigt dans l’œil et jusqu’au coude. De toute manière qu’est-ce que je sais d’elle ? Qu’elle est une Saibogu, qu’elle a les cheveux rouges et qu’elle dirige le Kyomu. Je suis sûre que tout cela il le sait déjà, alor qu’attend-t-il de moi ?

-Quand bien même, je ne sais rien sur les membres de cette organisation, alors comment pourrais-je te mener à ne serait-ce qu’un seul de leur membre ?

De la main droite, je décide d’arracher les patches posés sur ma peau, faisant passer le trait oscillant du scope, en une ligne droite et plate. L’appareil se met à bipper rapidement en un son strident. Une infirmière arrive en courant dans la pièce, mais me voyant lui lancer un regard sombre, elle comprend qu’il ne se passe véritablement rien de grave :

-Plus besoin de ça, je vais bien…

Puis je m’en retourne vers le Yanosa :

-Je ne suis rien à leurs yeux, et même si je voulais rejoindre leur rang à nouveau je serais potentiellement une renégate à leurs yeux, pour avoir disparu au cours de la bataille de Yuki avant de réapparaitre comme par magie, toute pimpante.

Est-ce que je renie pour autant son offre, non, je n’ai pas juré fidelité à la vie à la mort au Kyomu, mais les trahir pour l’empire me révulse, cela ne se passera pas aussi facilement qu’il le désire, je m’en fait la promesse.

Le regard fixé sur le neon juste au-dessus de mon lit, je mesure toute l’ampleur de ce qu’il vient de dire, sans un bruit j’avale ma salive, puis après quelques secondes, laisse échapper dans un rictus, un sourire en bord de lèvre.
La menace sonne comme le glas de mon irrévérence, la fin de cette petite escapade dans le monde fabuleux de l’arrogance. Je ne fais apparaitre sur mon visage aucun signe de cette défaite d’ego. De toute manière comment aurais-je pu lutter ? Moi dans ce lit, incapable de bouger le petit doigt et lui me dominant de toute sa hauteur. Si j’avais voulu me battre à arme égale avec lui il aurait fallu que nous nous retrouvions face à face dans un combat, mais nous savons déjà où cette option m’a mené…
Assis à ma gauche il est désormais tellement proche, il suffirait d’une impulsion, juste d’un peu de chakra pour lui donner le coup de poing qu’il mérite tant. Juste ça, juste ce dernier petit plaisir… Mais il est déjà trop tard, et il le sait, sinon il ne serait pas là tranquillement posé juste à côté de moi.

-Saibogu Red, c’est ainsi qu’elle se nomme, dis-je presque en crachant le nom, déviant mon regard du sien, mais ça vous devez déjà le savoir…

Le goût de la défaite à définitivement une saveur bien trop amère. Chaque minute qui passe fait encore un peu plus bouillir mon sang, colère contre lui, cette situation, mon incompétence notoire, tout devient prétexte à m’énerver un peu plus pour le plus grand plaisir de mon interlocuteur.
Il doit bien se régaler de là où il est, thermodynamique du duel oblige, plus la défaite est âpre, plus la victoire est douce…
La mort dans l’âme je lâche finalement ces quelques mots…

-Qu’attendez-vous de moi exactement ?

Pas besoin d’en rajouter plus, il sait désormais que je capitule, telle la prostituée j’écarte les cuisses, pense à autre chose et essaie de mouiller un peu en me disant que ça rendra la passe un peu moins désagréable…

hrp: