Même sis retrouver le village me faisait le plus grand plaisir, je ne pouvais manquer à mes instincts, l'appel des grands espaces, des aventures s'il y en avaient encore à vivre... Ce fut exactement pour cette raison, qu'aujourd'hui; j'avais quitté le village. Un objectif en tête, découvrir de nouvelles choses. Et lorsque je regardais la carte de Kaze, il y avait une chose que je n'avais jamais vu encore et ce malgré tout le temps passé à Kaze no Kuni : les ruines Kawaguchi. Je voulais voir à quoi cela pouvait bien ressembler. Des ruines évidemment, mais des ruines de quoi ? De quelle ampleur ? Cela me semblait être une très bonne idée sur le coup, et pourtant j'avais entendu quelques légendes sur cet endroit. Et aussi quelques rumeurs sur les membres de clan... Mais ça, c'état une autre histoire.

Ainsi je traversai le désert de Kaze depuis Suna, jusqu'aux Ruines. Cela ne prit pas si longtemps pour les rejoindre, tout juste une grosse poignée d'heures. Sur le chemin, j'y avais réfléchi, et m'étais rendue compte que vu le contexte, c'était sans doute l'idée la plus inutile qui ne m'ait jamais traversée l'esprit. J'aurais sans doute plus important à faire au village, ou pour le village. Mais non, c'était comme ça; ma curiosité passait avant toute chose. C'était d'ailleurs cette même curiosité qui m'avait permis d'apprendre le Kugutsu et, aujourd'hui, le maitriser. Sans cette curiosité, je serai même sans doute morte, et on aurait retrouvé mon corps grouillant de petites bêtes au fond d'un fossé sur le bord d'une route. Oué sans doute.

Je n'avais rien d'une archéologue ou d'une historienne, ni l'un ni l'autre me passionnait vraiment d'ailleurs, mais lorsque j'arrivai et vis les quelques morceaux de colonnes, de murs et autres parties architecturales rongée par le temps et le sable, de ce qui devait être un temple jadis; je fus comme fascinée. Non pas par l'intérêt que l'édifice représentait sous tout ses aspects, et il devait en avoir; mais plutôt par une remarque un peu particulière que je me fis à moi même, à voix haute bien entendu; alors que je continuai de marcher le long d'un quatre de pan de mur.

"Les Kawaguchi ont fait ça ? Comment c'est possible... Quand on voit les Kawaguchi d'aujourd'hui... ça devait être autre chose le siècle dernier..."

J'approchai alors de ce qui semblait être l'entrée et m'apprêtai à y pénétrer lorsque je repensai à la légende. Des gardiens protégeraient l'endroit... Mais, pourquoi ? Y avait il un trésor caché quelque part ? Si oui, j'allais le trouver, et rien à faire de savoir qu'il appartient à d'autres sunajin!

Je n'ai jamais montré un talent particulier pour l'architecture. Si certains de mon clan se montrent particulièrement habiles pour dresser des bâtiments ou ciseler de merveilleuses oeuvres d'art, mon potentiel se limite presque exclusivement à la destruction. J'ai toujours eu tendance à considérer cet ordre parmi les Kawaguchi comme les plus faibles d'entre nous. De simples artistes qui se complaisent dans la frivolité. Mais plus je passe de temps dans les ruines et plus je me rends compte à quel point j'ai pu me tromper.

Car si notre héritage survit aujourd'hui c'est presque exclusivement grâce à eux. Si les combattants ont forgé notre légende ce sont bien les bâtisseurs qui l'ont inscrite dans la roche de ce désert. Sans eux les exploits de nos ancêtres seraient oubliés, tombés dans le néant. Ou nous aurions dû nous reposer sur des inférieurs pour faire vivre notre passé dans le présent. Une chose évidemment inacceptable à mes yeux. Dès lors j'ai appris à respecter - ou tout du moins à comprendre - ceux qui ont voué leur vie à faire resplendir la légende du clan.

J'ai promis à Tali de restaurer notre sol sacré mais je ne suis plus certain que ce soit une bonne idée. Murée dans le mysticisme, les ruines évoquent un passé glorieux et inatteignable. Malheureusement je ne crois pas que mes contemporains soient encore prêts à marcher dignement dans les pas de leurs ancêtres. Et ils risqueraient ainsi de dénaturer le pureté de l'endroit. Si ces ruines représentent le chemin parcouru alors j'aurais tort de le confondre avec notre présent...

Mais si je suis ici aujourd'hui ce n'est pas pour contempler le passé mais plutôt pour m'en inspirer. Je marquerai mon époque par les structures de silicium que j'érigerai. Mais je tiens à ce qu'elles gardent cette empreinte architecturale passée. C'est donc à la recherche de l'inspiration pour ma future cathédrale que j'arpente les différentes allées souterraines de ce sol sacré. Je sens que je suis sur le point de la trouver quand une voix parvient à mes oreilles.

Plus que l'identité de la personne à qui appartient cette voix ce sont les paroles qu'elle prononce qui attirent mon attention. Les Kawaguchi d'aujourd'hui? Plus dignes de leurs ancêtres? Je partage cette opinion. Seulement cela n'autorise pas les inférieurs à émettre un avis sur la question. Dignes ou non, notre génération reste largement au-dessus de celle des autres clans.

"Et qu'est-ce que tu leur reproches aux Kawaguchi d'aujourd'hui?" dis-je en faisant quelques pas supplémentaires pour apparaître dans le champ de vision de l'inconnu. "Mmh? Je peux savoir?"

Je tiens peut-être là une occasion de m'initier à la pensée populaire. Que pensent les serviteurs de leurs maîtres naturels? Parfois il est bon de prêter une part d'attention à ces préoccupations à peine dignes d'intérêt. Après tout c'est en sachant comment le bas-peuple résonne qu'il est aisé de le garder sous sa coupe, non?

"Tu as beau être recouvert de bandelettes je suis certain que tu n'es pas un Kawaguchi! Sans quoi tu n'aurais pas eu l'audace de tenir de tels propos dans ce lieu sacré!" un soupire de mépris quitte mes lèvres. "Réponds à ma question et peut-être que je te laisserai repartir dans le trou à rat d'où tu viens!"

De mémoire cette personne ne me dit rien. Mais il est plutôt difficile de dire si je m'adresse à une femme ou à un homme. Un ami d'Okita? Un de ces crétins en mal d'attention? Un suicidaire? C'est peut-être cette curiosité qui me pousse à engager le dialogue plutôt que le combat. Si c'est le cas j'espère pour lui qu'il saura la nourrir.

Je n'eus pas le temps de me pencher davantage sur la question de cet ouvrage en ruine qu'une voix et une silhouette apparue, comme sortie de nulle part. J'observais la personne qui m'interpellait. Il avait entendu, apparemment, ce que je m'étais dis à moi même, et d'après ses mots; il était sans doute un Kawaguchi. Des mots qui m'étaient destinés avant tout, comme penser à voix haute finalement, avaient froissé cet homme. Enfin, visiblement, il ne lui fallait pas grand chose pour être vexé. Et le ton qu'il employait été plutôt désagréable, je pouvais dénoter chez lui une pointe de narcissisme ou bien de mégalomanie. Ou alors c'était autre chose de plus grave, je verrai bien.

Ce que je leur reprochai ? Bah, pas grand chose en fait..

"Ah... Bonjour. Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un d'autre ici... Vous êtes un Kawaguchi du coup.. je suppose ? Bah, je leur reproche rien, ils font ce qu'ils peuvent. Juste que de la grandeur de votre clan il ne reste plus grand chose d'autre que ça.."

Fis-je en pointant les ruines du pouce. Ce que je disais était vrai, quand on parlait des Kawaguchi à l'académie, on en parlait au passé, on parlait de leur culture, de leurs constructions etc... Pas de ce qu'ils faisaient de leur présent. Même si l'une d'entre eux avait été daïmio. Mais sans ça... C'était aussi l'avantage de ne faire partie d'aucun clan, d'aucune famille ou pas à proprement parlé; qu'on ne puisse pas me comparer à mes prédécesseurs ou rejeter la faute d'un cousin, d'un oncle ou autre chose sur moi.

"Et Kawaguchi Tsukiko évidemment, mais c'est assez anecdotique dans le fond... M'enfin, ça fait toujours plaisir de rencontrer quelqu'un qui s’intéresse aux mêmes choses que moi, et surtout; qui vient du même trou."

J'observai le manant face à moi encore un instant et repris.

"Et vous, vous êtes là pour vous remémorer la gloire d'antan de votre clan ??"

Et plus je l'observais, plus son visage loin d'être ingrat me disait quelque chose... mais alors quoi.. C'est là qu'était toute la question. Peut-être que... Si j'apprenais son prénom... cela me rappellerait... quelque chose.

Ce n'est pas la première fois que ce dilemme se présente: que faire d'une personne exprimant une réalité à laquelle j'adhère? Du moins, partiellement? Car il est vrai que je reproche moi-même aux miens l'absence de fierté. La plupart des manieurs de sable ont oublié l'héritage qui pèse sur leurs épaules. Comme un cadeau dont ils ne comprendraient plus le sens. Je suis le premier à le regretter. Et d'une certaine manière cet inconnu semble aussi conscient du problème des Kawaguchi de notre époque. Comment lui en vouloir?

Aussi, même si l'envie de lui écraser le crâne jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien me tente au plus haut point, je refrène mes ardeurs. D'ordinaire les inférieurs se contentent de répéter bêtement ce qu'on leur apprend. Il est plutôt rare d'en trouver un qui soit capable de réflexion. Je lâche donc un soupire et détend mes poings avant de m'allumer une clope. Son avis sur Tsukiko lui a fait gagner quelques minutes de répit.

"Tsukiko est en effet un sacré personnage!" était? "Ho bien sûr un peu bâtarde sur les bords mais elle arrivait à compenser cet handicap par une certaine... bêtise qui la rendait charmante!"

Et puis elle était bien foutue, il faut dire ce qui est! Dur de résumer ma cousine objectivement... Toujours est-il que l'autre semble considérer que mon clan n'est plus qu'une épave et ça, ça m'irrite. Je veux bien que notre éclat s'est quelque peu terni - work in progress! - mais de là à nous rabaisser plus bas que le désert. D'autant plus qu'il est qui, lui, pour juger? Un membre du clan des momie? Un brûlé au quatrième degré?

"Ce qui n'est pas ton cas pour l'instant!" Ho que non! "Tu m'insultes ouvertement comme si le fait de balancer certaines vérités t'offrait... l'immunité. Ou une connerie du genre. Pourtant même le plus crétin des inférieurs sait qu'on n'insulte pas son hôte!"

Comme si je venais du même trou que lui... J'ai été élevé dans la soie pour régner. Comment ose-t'il se comparer à moi? Comment suis-je sensé rester calme? Il est vrai que je maîtrise davantage la diplomatie qu'auparavant. Bien obligé puisque je suis le chef du clan qu'il critique. Je lui foutrai une claque après. Pour l'instant je vais la laisser cracher son venin. Ce sera comme écouter cette saloperie de radio Saibogu. Et si jamais ça ne me plaît pas ou qu'il persiste sur la voie de l'effronterie, il subira le même sort: bim, éclaté contre le mur!

"Je suis ici pour m'inspirer de l'essence qui animait les miens à cette époque! Contrairement à certains Kawaguchi je n'ai pas oublié d'où je viens!" dis-je avec un mépris évident. "Maintenant tu vas m'exposer le fond de ta pensée, le gueux! Tu parles des manieurs de sable comme si nous étions des paumés! Tu n'es peut-être pas au courant des derniers événements de Suna mais c'est grâce à mon clan que le traître Kibo a pu être exilé!"

Rien que ça! Non bon d'accord j'exagère un peu! Disons que nous y avons contribué et que le clan est sans conteste lié à cette révolution. Mais de là à dire que nous avons tout fait... Dans le fond à part surveiller une bande de Yamada et expulser un rat du navire, c'était plutôt tranquille!

"Et puis Kawaguchi Kira est notre nouveau Seigneur et avec lui nous retrouverons notre gloire passée!" allez hop, un peu de promo! "Nous avons de bonnes raisons d'espérer aujourd'hui! Peux-tu en dire autant, toi dont je ne connais pas le clan?"

Finalement cette discussion est aussi un bon moyen de m'envoyer des fleurs. Puisque cet inculte bandé n'est même pas capable de me reconnaître j'aurais tort de m'en priver. Comme disait mon grand-père: il faut savoir saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent...

L'individu me donnait l'impression d'être un de ces ninjas que j'avais déjà rencontré au cours de mes précédentes missions pour le compte de Suna, un de ceux qui parlait qu'il n'agissait. Néanmoins je l'écoutais avec beaucoup d'intérêt, qui qu'il soit. Oui, j'aimais beaucoup écouter ce que les gens avaient à dire avant de les éliminer s'ils se montraient menaçant. M'enfin, lui n'avait rien à craindre puisqu'il faisait, apparemment, partie de Suna, enfin, que c'était un Sunajin quoi. C'était sa protection et la seule raison pour laquelle je ne me montrais pas désobligeante avec lui. Il parlait, parlait beaucoup... Et tout ce qu'il disait formait, sans qu'il le sache, une manne inépuisable pour alimenter la véhémence. Mais, j'y étais habituée; et bien souvent ce que disait les gens, lorsque c'était inintéressant, me passait très haut au dessus de la tête, sans m'inquiéter.

Les personnes comme lui me faisaient toujours penser à des enfants qui tentaient de défendre leurs billes alors qu'elles n'avaient aucune valeur. C'est un peu l'idée que je me faisais des clans, en somme. Ils n'avaient aucune valeur. Et bien souvent regroupaient plus de consanguins que de ninjas normaux. Parce que manier le sable, comme les Kawaguchi, était inéluctablement une tare génétique amplifiée par la notion du sang pur, au fil des générations. Ce qui expliquait pourquoi, avec le temps, les clans périclitaient; lentement certes, mais certainement. Et cela expliquait aussi pourquoi les clans produisaient des personnalités comme celle de cette énergumène. Non, je n'étais pas experte en génétique ni en généalogie ou encore en sciences humaines; ceci dit, vue la quantité de livre que j'avais lu... Je commençais à avoir quelques notions sur ces quelques sujets.

Du coup j'avais compris, aussi, pourquoi Tsukiko était la plus normale d'entre tous et pourquoi avant elle aucun Kawaguchi n'était arrivé à un tel poste. Personne ne voudrait d'une personne trop arrogante ou instable à un poste à responsabilité... Quoi qu'à Suna... Niveau instables, nous avions été plutôt bien fournis. Je continuais de l'observer jusqu'à ce qu'il atteigne ce moment fatidique où il dévoila un nom et une ineptie liée à ce nom. Ça! ça c'était de la mégalomanie puissance un million.

"Blablablablabla..."

Mimais-je avec ma main droite.

"J'ai jamais vu ce Kira, mais j'en ai entendu parlé. Il n'est pas super apprécié des gens apparemment. M'enfin, je ne juge pas les gens sur les on dit; que sur les faits. Et dans les faits... Pour le moment, vous, vous correspondez bien à ce qu'on raconte sur lui. Hum... Ho ?! Ce serait pas vous Kira quand même ?"

Je fis le rapport entre ce qu'il est et ce qu'on en dit et ne pus retenir un fou rire qui ne dura que quelques secondes et qui pourtant me semblait être une éternité. Une larme coula même sur ma joue tellement cette marade était puissante. Enfin, je repris mon calme à l'aide de quelques profondes respirations et ajoutai.

"C'est à se rouler par terre. Je croyais vraiment que le Kira dont tout le monde... Ou, dont quelques personnes parlent à droite à gauche était un dur, quelqu'un de charismatique... mais non, c'est... Vous."

Et une nouvelle fois j'éclate de rire si bien que le chèche qui couvre le bas de mon visage glisse sous mon menton. J'étais pliée en deux, et à la limite justement, de me rouler dans le sable! Je me redresse en essuyant mes yeux rougis par les larmes du bonheur que me procurait cette poilade inopinée. Je soufflais un grand coup pour apaiser ce fou rire et continuais, la voix encore légèrement transie par quelques réminiscences de cette rigolade visiblement non partagée, je repris. Tout ce qu'avait pu dire le dénommé Kira entre deux m'avait complètement échappé.

"Aaaaah, merci quand même. Ne vous inquiétez, il n'y a aucun manque de respect dans ce que je dis... Je ne fais que mettre des éléments réels en évidence. Mais bon, si tu veux -je te tutoies hein! Je me vois mal vouvoyer une personne aussi drôle que toi- donc, si tu veux redorer le blason de ton clan, bah t'es bien parti! Mais franchement, les caprices d'enfant, l'attitude de mégalo et l'arrogance... N'ont jamais permis à personne de faire de grande chose. Si un jour tu tombes contre quelqu'un qui n'aime pas ta façon de... parler... ça pourrait te jouer des tours, tu crois pas ?"

Je soupire brièvement. Mois aussi si on avait insulté mon senseï je me serais emportée, du coup je ne lui tenais pas rigueur de ses insultes à moitié dissimulées -desquelles je me fichais de toute façon- et au contraire même, j'estimais sa réaction plutôt... appropriée.

"D'ailleurs j'ai ouïe dire qu'une samouraï à failli te... couic couic. Je mimais les ciseaux avec mes doigts. Enfin, je veux pas avoir les détails, les samouraïs sont susceptibles en général... M'enfin, tout à ton honneur de défendre ton clan, quoi qu'il représente. Parce que dans le fond... C'est toi que ça regarde hein! Ah, je m'appelle Ayatseru sinon."Souris-je.

Achevais-je.