Kumogakure, abords du centre-ville, trois ans après la création du dit village caché. Une nouvelle forme d'organisation shinobi qui s'était propagé jusqu'au pays du feu, et bientôt de l'eau et du vent si ce n'était déjà fait. Tout le monde parlait de nouvelle ère, de paix entre les clans par la mise en commun d'intérêt militaires, économiques, alimentaires… Beaucoup entrevoyait un espoir resplendissant, un futur où les enfants n'auraient plus à se battre et pourraient apprendre les arts shinobi ensemble plutôt que le couteau entre les dents. Une période de stabilité nationale voyait le jour malgré tout.

Néanmoins, cette restructuration des intérêts bouleversait l'échiquier mondial et les enjeux internationaux. Si les clans étaient rassemblés, les pouvoirs se concentraient et devenaient bien plus grands. Leurs poids, sur leurs propres terres comme face aux contrées avoisinantes, était devenu si lourd que pencher d'un côté ou de l'autre aurait tôt fait de bouleverser l'équilibre et de plonger le monde dans une nouvelle ère de chaos encore jamais expérimentée à ce jour.

Ce fut dans cette ambivalence que le clan Yorurai envoya l'un de ses binômes rejoindre les troupes des nuages, malgré leur absence lors de la réunion des clans de Kaminari qui avait donné naissance à la création du village de Kumo, sous la direction du clan Kadoria. Les Yorurai, repliés dans leurs montagnes et leur autarcie, ne traitaient qu'avec très peu de demandeurs. Leurs critères d'acceptations demeuraient insaisissables et très peu osaient leur proposer un contrat. Le contexte avait néanmoins changé et le modèle se répandant dans le monde entier, méfiance comme ouverture d'esprit avait poussé ces deux mondes divergents à s'entremêler.

Toutefois, si chacun des partis se montrait parcimonieux en terme d'ouverture d'esprit, tous deux étaient loin d'être avare en méfiance.

Quelques mois s'étaient écoulés depuis que Hanaryû et Mikami avaient enfilé le bandeau frontal. Le premier, en plus d'être un shinobi expérimenté, était un des membres les plus sûrs du clan Yorurai. Et ceci n'avait rien à voir avec le fait qu'il soit le fils de la cheffe de clan. Ce n'était pas une question de confiance. Hanaryû savait écouter et observer mieux que quiconque, tout comme il discernait la nécessité de l'usage de la force ou de son abstention. Et ce n'était qu'une part des ses nombreuses qualités. C'était lui qui avait formé Mikami, son cousin germain, aux arts ninjas. Quinze ans séparaient leur naissance comme leur initiation qui avait lieu au même âge pour chaque Yorurai. Un parcours strictement défini et rigoureusement encadré auquel aucun d'entre eux ne réchappait. Si bien qu'à 10 ans il avait comme tous reçu son katana, et égalait la plupart des shinobi de niveau moyen qu'il avait rencontrés.

Si quelques missions de diverses importances leur avaient été confiées, jamais ils n'avaient été laissés pour compte. Comprenez qu'au moins un kumojin proche du Raikage ou d'une fidélité implacable les avait accompagnés à chaque fois. « Ne te sens pas frustré par leur présence perpétuelle dans notre vie. Nous nous observons mutuellement, c'est normal dans ce genre de situation. Mais ne t'en fais pas, je les observe aussi dans leurs habitudes et leur quotidien. »

Les paroles de son sensei le travaillaient encore tandis qu'il l'attendait pour un nouveau départ en mission. Le quartier était calme, on y respirait encore les saveurs d'une vie paisible. L'eau suintant des glaciers étaient redirigées dans des cours d'eau rapide et peu profond qui sillonnaient entre les grands axes et les ruelles. Assis proche de l'un d'eux, Mikami passait méticuleusement une pierre à polir sur la lame de son sabre, répétant soigneusement le geste qu'on lui avait appris en tentant d'ancrer le mouvement le plus parfait dans son esprit.

Il était tôt, une nouvelle mission les attendait. Le jeune garçon se trouvait déjà sur le lieu de rendez-vous et avait de l'avance. Un shinobi ponctuel. Ce davantage parce que la vie de shinobi était la seule qu'il connaissait. Si ce n'était s'entrainer ou parfaire ses techniques de kenjutsu ou de ninjutsu, les notions d'occupation ou de temps libre était pour lui inexistante. L'heure du rendez-vous approchait, certainement. Il ne pouvait en être autrement, et, calmement, aiguisant son sabre inlassablement, Mikami savait pertinemment que quelqu'un finirait par venir à sa rencontre.

Voilà des mois que la Natsumi avait atterri dans le Village Caché des Nuages. Endroit qu'elle avait rejoint non pas par désir, ni par ambition mais par désespoir après avoir perdu l'être qui lui était le plus cher : son grand frère Haru. Un simple mortel mais qu'elle avait vénéré comme un être divin. Son amour pour Haru allait bien au-delà d'un simple attachement qu'une sœur pourrait éprouver envers son grand frère. Elle l'avait idolâtré. Bien qu'Haru l'ait délaissé pour faire résonner son nom à travers le monde cruel des shinobi, Mairu était prête à tout pour son frère. Malheureusement, jamais la petite sœur n'avait eu l'occasion de prouver à son grand frère à quel point elle l'aimait car il avait quitté ce monde avant qu'elle ne le retrouve alors que la jeune Natsumi était partie à sa recherche après la mort de leurs parents.

Haru avait été la lumière de Mairu, il avait été sa raison d'être alors sa mort avait éteint la petite sœur. À présent cette dernière n'était plus qu'un corps ambulant aux yeux vides. La jeune fille n'était plus qu'une ombre d'elle-même. Ses prunelles rubis avaient perdu de sa lueur autrefois pleine de malice. Depuis qu'elle avait cessé de pleurer la disparition de son grand frère, le cœur de la Natsumi semblait s'être enfermé dans une armure que rien ne pouvait traverser. Ni joie, ni tristesse ne pouvaient plus l'atteindre, pas même la compassion qui était pourtant son point faible autrefois. Tel un patin pourvu de vie, elle continuait de fréquenter les vivants mais sans vivre réellement.

Son cœur givré battait toujours à un rythme régulier ce qui lui permettait encore d'avancer parmi les vivants mais pour la Natsumi ses semblables n'étaient plus que des éléments qui décoraient ce monde dans lequel elle se laissait vivre. Pour elle, ils n'avaient pas plus de valeur que des murs de pierre qu'elle n'aurait aucun scrupule à fracasser s'ils bloquaient son passage.

Marchant machinalement en direction de cet endroit où elle aimait s'isoler alors que le jour venait à peine de se lever, Mairu atterrit dans une ruelle qui bordait un petit cours d'eau qui traversait le village. La jeune fille s'arrêta net alors que des cailloux volèrent de l'autre côté de la rue en direction d'un jeune garçon qui était en train d'affuter la lame de son katana avec une pierre sur le bord du cours d'eau. Aussitôt avoir balancé leurs projectiles, un trio d'adolescent se cacha derrière le buisson où ils s'étaient soigneusement placés avant de lancer leur assaut bien pitoyable.

Deux cailloux atteignirent le dos de la cible qui se retourna aussitôt. Son regard croisa celui bien froid de la Natsumi qui était toujours immobile au milieu du chemin.

Ne s'étant pas arrêtée pour admirer le spectacle puéril qui ne l'intéressait guère mais plutôt pour éviter de se prendre les cailloux qui ne lui étaient pas destinés - pour une fois - la Natsumi reprit son chemin sans adresser le moindre mot au petit garçon qui devait pourtant la prendre pour son assaillant. Après tout, elle était le seul être visible dans le parage …

Une myriade de bruits s'offrait au jeune garçon. L'endroit était calme, au-delà du frottement de la pierre contre son sabre s'épanouissait l'écoulement du cours d'eau, et parfois le piaillement long et strident de ces vastes oiseaux montagnards. L'agitation de la cité flottait néanmoins au-dessus des toits, sans pour autant pouvoir perturber l'atmosphère régnant dans les ruelles et la petite place avoisinante. Parfois quelques bruits de pas la traversaient, et sans tourner la tête Mikami ne prêtait attention qu'à leur approche et leur éloignement. Sereinement et enveloppé dans une bulle bien à lui, il attendait qu'un d'eux ne s'arrête pour rencontrer leurs nouveaux partenaires, coéquipiers ou accompagnateurs... appelez ça comme vous voulez. Quant à Hanaryû-sensei, il finirait bien par apparaître sur le lieu de rendez-vous comme le plus souvent. Il n'était pas le genre de shinobi que l'on sentait venir.

Un pas léger et régulier passait par-là. Le Yorurai arrêta un instant sa main tenant la pierre, leva doucement la tête plus pour tendre l'oreille que pour voir plus loin, puis reprit son activité. Il avait entendu quelques chuchotements. Phénomène loin d'être inquiétant, mais toujours suspect. Bref... il continuait d'aiguiser son sabre. Puis il s'arrêta de nouveau et nettement, et dans la poignée de seconde qui suivait deux pierres percutaient son dos. Son dos. Si Hanaryû avait assisté à ça, Mikami aurait droit à plusieurs jours de survie dans les montagnes ou dans la jungle, son cousin à ses trousses à chaque clignement d'œil et sur ses côtes à chaque moment de relâchement.

Cette pensée lui traversa l'esprit quand il fut touché et activa tous ses réflexes et ses instincts. En se retournant et comme s'il tapait rapidement du poing sur la table il déposait sa pierre à polir sur le muret et rattrapait l'une des pierres qui lui avait été destiné. Un seul et bref instant de flottement marqua l'instant où son regard balayait la ruelle derrière lui. À part les façades et quelques broussailles ne se trouvait qu'une jeune fille, esseulée et arrêtée. Cependant le jeune garçon avait depuis longtemps appris à ne pas se fier aux apparences et repérer les failles dans les illusions au sein desquelles on tentait de l'envelopper.

Le cailloux siffla proche du visage de la kunoichi et fila dans les buissons, d'où l'on put entendre un crâne dévier la trajectoire du projectile pour que ce dernier n'en atteigne un second. Mikami fixait d'un flegme fermé les silhouettes se mouvoir derrière les branches puis fuir derrière le coin de rue quand il ramassait la pierre à polir. Celle-ci il ne l'aurait pas lancée, et la rangeait dans sa sacoche. Il rengainait son sabre en observant se terminer l'un de ses seuls contacts avec les enfants de son âge, ou presque, à Kumogakure. Les paroles de son sensei revinrent à son esprit. Était-ce aussi de cette manière que les enfants s'observaient ? Néanmoins, cet échange de bons procédés demeurait le langage que le Yorurai parlait le mieux.

Développer des relations sociales ne faisait pas partie de son apprentissage. Il n'y avait en l'Autre que source de conflits et d'intérêts, deux choses que son clan côtoyait au jour le jour et desquelles ils savaient à quel point il était important de poser une frontière. Une frontière qui avait même pris la forme d'un mur cernant leur quartier. Toutefois il avait compris que se mêler aux autres et à leur enfer, impassiblement et avec désintérêt, accomplissant son rôle et sa mission, était la voie du shinobi.

Ainsi, reprenant quasiment mot pour mot les paroles qui lui avaient été adressées, Mikami ramassait le second cailloux et levait la tête et ses yeux jaunes vers la jeune fille non loin, accomplissant un premier pas sur le sentier menant au monde extérieur et à ses innombrables et étranges individus pour lui adresser froidement :

- Il y en a une pour toi aussi si tu veux.

Il y avait une pour elle . Une quoi ?

Sans vraiment comprendre, la Natsumi, qui avait cessé d’avancer, se tourna pour faire face au jeune garçon qui lui adressait la parole. Un moment, la jeune fille fixa l’adolescent de son regard froid, cherchant à le comprendre. Elle qui n’était pas habituée à être abordée de la sorte ne comprenait pas l’initiative du petit brun. D’habitude, les autres préféraient la regarder de travers de loin comme si elle était la peste personnifiée. Et les quelques rares personnes qui lui avaient adressé la parole sans y être contraint avait juste cherché à la rabaisser ou à la provoquer. Présentement, Mairu était donc confrontée à un geste qu’elle n’arrivait pas clairement à saisir. Que lui voulait-il donc ce jeune garçon ?

Sa curiosité n’étant pas assez élevée pour chercher à l’assouvir et n’ayant aucune envie de nouer une quelconque relation autre que celle dont elle était obligée d’endosser pour son devoir en tant que kunoïchi du village, la Natsumi s’apprêta à reprendre son chemin sans adresser le moindre mot au petit brun aux yeux dorés mais un jeune homme tout juste sorti de la période de la pubère les accosta les mains dans les poches et l’air bien dédaigneux.

« Dégage la Natsumi ! » Lâcha le nouvel arrivé sur un ton bien méprisant tout en lorgnant la jeune fille aux lunettes du haut de ses presque deux mètres puis il s'adressa au jeune Yorurai, faisant comme si la kunoïchi n'était plus là. « Je suis ton partenaire pour la mission et en tant quel tel je t’interdis d’adresser la parole à cette sorcière ! Ça pourrait nous porter la poisse ! … T’es encore là ? Je t’ai dit de dégager ! » Ajouta-t-il ensuite en se tournant de nouveau vers Mairu voyant que cette dernière n'avait pas bougé d'un iota.

Bien que la Natsumi s'était apprêté à partir au moment où l'acéré shinobi s'était manifesté, la kunoïchi aux prunelles sanguines resta campée là, défiant celui qui la méprisait du regard. Puis, sans le moindre mot, la Nastumi pointa l’index droit en direction du visage du jouvenceau. Une bille noire se forma rapidement du bout de son doigt avant de filer à toute vitesse, visant le milieu du front de l'acerbe.

« Qu'est … »

Une autre bille qui vint de nouveau lui taper sur le visage interrompit le shinobi. Le faciès déformé par l'aigreur, fermement ce dernier saisit Mairu par le col, la soulevant presque du sol.

« Tu me cherches la sorcière !? »
« Ne me touchez pas où je vous jette un mauvais sort, » lâcha calmement la Natsumi qui ne cherchait même pas à se défaire de l'emprise de son agresseur.

Un nuage de cendres se mit à danser autour de la kunoïchi aux yeux couleur de sang, lui conférant une image quelque peu sinistre de sa personne.

Le haïton était le pouvoir héréditaire de la Natsumi. C'était avec ce même élément qu'elle avait formé les billes de tout à l'heure.

En fraction de seconde, Mairu pourrait insinuer les grains de cendre dans les orifices de son assaillant pour le faire atrocement souffrir. Chose qu'elle n'exécuterait pas pourtant bien que l'envie la tenaillait. Elle savait très bien qu'un tel acte pourrait la faire moisir en prison même si c'était pour se défendre. Elle n'était pas appréciée dans ce village et sa personnalité provocatrice - malgré son calme - n'arrangeait pas les choses. Peu importait qui avait déclenché une bagarre, elle serait toujours la coupable si elle y était impliquée ....

Spoiler:

Une pierre dans la main, doigts semi-repliés et épaule prête à lancer, Mikami observait la jeune kunoichi. Faisait-elle vraiment partie du groupe qui lui avait lancée ? Si les autres s'étaient enfuis, peut-être était-elle restée paralysée. Sauf que, ce n'était pas de la peur qu'il y avait dans ses yeux. Une certaine tension, mais qui n'était due à l'échange qui venait d'avoir lieu. Étrange fille pensa-t-il en laissant tomber la pierre tandis que leurs regards demeuraient accrochés l'un à l'autre. Néanmoins ce qui avait été réellement étrange fut ce qu'il ressentit : il s'était retrouvé face à cette inconnue comme face à un membre de son clan ou face à un ennemi. Deux situations opposées dont le sentiment remontait ses tripes tandis que les deux shinobi se trouvaient en porte-à-faux. Quand elle tourna des talons, il lui tourna le dos pour s'en retourner à la position assise dans laquelle il se trouvait plus tôt. Cependant :

- Dégage la Natsumi !

Le Yorurai resta quasiment immobile, se contentant de faire pivoter son cou et ses pupilles de manière à voir du coin de l'œil ce qu'il se tramait dans son dos mais ne le regardait apparemment pas. Il était en mission d'observation, intervenir devenait contre-productif. Concernant ce dernier point « la nécessité sera ton seul mot d'ordre » lui avait dit Hanaryû. Mise à l'épreuve : le nouvel arrivant s'avançait vers le jeune sabreur et ajoutait d'un dédain assommant...

- Je suis ton partenaire pour la mission et en tant quel tel je t’interdis d’adresser la parole à cette sorcière ! Ça pourrait nous porter la poisse !

Puis il sommait à nouveau la jeune fille aux lunettes et prunelles de feu de dégager. Mikami le toisa de haut en bas. Deux mètres de haut, malus de taille au niveau de la boîte crânienne. Une montagne de muscles coiffé d'un petit pic de neurones. Un véritable molosse, grognant et mordant au coup de sifflet. S'il avait au début eu du mal à le croire, il était dorénavant sûr que cet homme était celui que les hautes sphères avaient envoyé pour encadrer les Yorurai.

Et soudainement, sous ses yeux ébahis, une violente dispute éclatait. L'acerbe reçut un projectile non identifié en plein visage, puis un second, tiré directement depuis le bout du doigt de la demoiselle au caractère apparemment bien trempé. Le jeune garçon demeurait à la fois surpris et interdit face à une telle scène. Jusqu'ici loin d'imaginer qu'il puisse y avoir de telles dissensions au sein d'un même groupe pour des causes si insaisissables, il se retrouva les épaules orientés dans leur direction. Il comprenait ainsi que rassembler autant de femmes et d'hommes sous la même bannière ne mettait en aucun cas l'organisation à l'abri de conflits internes.

La montagne de muscles en était allé jusqu'à soulever la jeune fille par le col, révoltant un instant Mikami à qui l'on rappelait matin et soir que le rôle d'un shinobi était de protéger les plus faibles, pour qu'il devienne plus fort. Pourtant la kunoichi n'en démordait pas. C'était impressionnant, même admirable, d'observer un si petit être tenir tête à un tel colosse. Il comprit bien vite qu'elle était loin d'être faible quand un sinistre nuage se mit à virevolter autour d'elle, et pensa...

* Je veux affronter cette fille. *

Était-elle réellement une sorcière ? Il était facile de lui attribuer un tel qualificatif, tout comme il était facile de qualifier les Yorurai de Démon traversant les âges. Mais la seule question qui restait néanmoins pendue à son esprit était : est-il présentement nécessaire de faire usage de la force ? ... Trop tôt. Alors... peut-être une petite intervention lui permettrait d'en apprendre plus, faisant rebondir les évènements, prolongeant son observation. Ainsi, demeurant à moitié tourné vers ses vis-à-vis, il s'adressa à eux en fixant la Natsumi :

- Tu peux y aller. Je ne sais pas quelle est notre mission, mais ce n'est pas un tel infortuné qui nous permettra d'en venir à bout.
- Qu'est-ce que tu viens de dire gamin ?!
- Je dis que si la poisse que te porte cette fille doit nuire à ta mission, tu t'avères déjà être un véritable boulet. Et on a pas encore commencé.
- Je vais d'abord m'occuper de toi...

Un règlement de compte, vraiment ? Leur mission devait vraiment être d'une piètre importance pour que cette homme prenne la liberté de risquer de blesser un de ses équipiers, ou que l'on envoie un shinobi pour qui la chance rentrait dans les facteurs de réussite... Kumo ne faisait pas confiance aux deux Yorurai, et comme c'était parti cette situation pourrait bien durer bien plus longtemps que ce que Hanaryû l'avait prévu...

Il relâcha (un bref instant) sa poigne et laissa littéralement tomber la jeune fille. Mikami eut à peine le temps de se lever et de poser la main sur le manche de son sabre que son cousin apparaissait en un éclair en plein milieu de la place et y étalait en un instant son flegme et sa force par la seule gravité de sa voix.

- Bonjour messieurs, quelque chose à signaler avant que nous partions ?
- Rien d'important, se contenta de dire le jeune homme alors que son regard fixé sur la Natsumi disait tout le contraire.
- En tant que chef d'équipe, je me permets de vous signaler que ce garçon ne me semble pas adapté à...
- En tant que son Maître, je me permets de vous signaler qu'il est capable de remplir seul des missions bien plus difficiles que toutes celles qui nous ont été attribuées depuis que nous vous prêtons notre force.

Il avait voulu lui couper la parole à son tour, mais un chien continue rarement d'aboyer lorsqu'il sent qu'un ours s'approche de lui. Ses muscles étaient contractés, ses sourcils froncés et son front arboraient de drôles de vrilles face à l'immuable impassibilité du Yorurai. Ce dernier fut toisé un moment durant lequel il patienta, et enfin :

- Alors partons sans plus tarder, nous sommes attendus.

Les deux adultes prirent de ce pas et par les toits la direction de la porte du village la plus proche. Entre temps, Mikami avait passé sa main sur une pierre où avait atterris des projectiles du jutsu de la kunoichi. Frottant ses doigts les uns aux autres et accordant un regard perspicace à la matière, il se tourna une dernière fois vers la Natsumi avant d'emboîter le pas d'Hanaryû.

Spoiler:

La Natsumi n’eut pas à pousser sa menace plus loin car un homme bien plus raisonnable intervint avant que la situation ne s’aggravât. Le nouvel arrivé, l’acerbe jouvenceau et l’adolescent aux yeux dorés s’en allèrent accomplir leur mission alors que la jeune fille aux lunettes reprit son chemin en direction de son coin d’isolement.

Quelques jours s’écoulèrent lorsqu’en empruntant le même chemin, la Natsumi tomba de nouveau sur le jeune garçon au sabre qui était en train d’affuter une fois de plus sa lame au bord du petit cours d’eau. Le regard de la kunoïchi croisa un bref instant celui de l’adolescent sans que celle-ci ne marquât le moindre arrêt. Pour la jeune fille, le jeune garçon n’était après tout qu’un étranger comme les autres pourtant, comme si le destin s'acharnait à vouloir les réunir, nos deux protagonistes finirent par se recroiser le soir même et d’une façon bien violente cette fois-ci. En effet, alors que presser de rentrer chez elle pour aller déguster des nouilles instantanées – victuailles dont raffolait la Natsumi – fraichement achetées, au détour d’une réelle, Mairu entra en collision accidentellement dans une personne qui n’était autre que le jeune garçon au sabre qu’elle avait totalement ignoré le matin.

La violence du choc que la jeune Natsumi n’avait pas pu éviter malgré ses réflexes assez aiguisés ne la fit pas tomber mais le sac en plastique qui était bien trop chargé qu'elle portait se déchira. Des boîtes des nouilles instantanées ainsi que des friandises en tous genres s'étaient éparpillés sur le sol.

Au lieu de se baisser pour ramasser ses courses comme l'aurait fait instantanément une autre, Mairu se contenta de fixer le jeune garçon aux yeux dorés d'un regard froid qui l'invitait silencieusement à ramasser les boîtes de nouille et les friandises à sa place. La Natsumi était pourtant consciente que ce n'était pas la faute de l'adolescent mais son être avait décidé de le désigner comme étant le fautif dans cette histoire de collusion qui était pourtant survenue à cause de son empressement.

Muette comme une carpe et droite comme un piquet, Mairu attendit que l'adolescent s'exécutât …

Des broutilles, encore et encore. Des tâches simples, missions ingrates, continuellement et désespérément. De la même manière que si l'on voulait qu'ils rouillent, ne s'endorment et s'affaissent. Mikami accumulait un incident de dépense énergétique que même le temps passé avec Hanaryû ne suffisait à combler. Et toute la journée le souvenir de cette fille et de ce don particulier qu'elle avait dévoilé.
« Sensei, qu'est-ce que c'est ?
- D'où est-ce que ça provient ?
- D'un jutsu.
- ... Si ceci provient d'un jutsu, il doit probablement s'agir de l'art de manipuler la cendre. »
Haïton, lui avait-il répondu. Un don pas seulement particulier, mais très différent. Aussi tangible que volatile, plus léger que l'eau, plus insidieux que le sable. Un véritable défi sur le plan technique. Et c'était ce après quoi il courrait. Quelque chose qui l'obligerait à puiser dans toutes ces ressources, cérébrales comme physiques.

Et voici que le soir même, ils se retrouvaient pour ainsi dire nez-à-nez. Pourtant, il l'avait vue venir, apparaître à même pas deux mètres depuis l'embouchure s'engouffrant entre les bâtisses et les pans de falaises sur lesquels les autres étaient bâties. Tout comme ils faisaient route de collision. Il aurait pu éviter qu'ils se percutent aussi frontalement, mais elle avait l'air pressée et la laisser filer revenait à rater l'opportunité de l’entraîner dans un duel. Maintenant qu'il avait choisi de l'affronter, il ne fallait plus compter sur le fait qu'il détourne son chemin. Le jeune shinobi s'arrêta donc devant elle. Et elle le percutait, de plein fouet, puis s'arrêtait là.

Face à lui - un brin rouge de colère dans le regard - lui laissant de surcroît le champs libre pour s'exprimer tandis qu'elle attendait sûrement une réaction vis-à-vis de la position de ses vivres.
« Tout à l'heure, 2h du matin, terrain d’entraînement numéro 36. Équipés pour combattre. »
Après quoi il passait son chemin et s'éloignait sous les lampadaires et les câbles électriques.

La nuit venue, il signifiait à son sensei qu'il partait s'entrainer, comme souvent. Comme d'habitude, il n'avait pas besoin de lui rappeler de prendre ses distances, pour ne pas faire trop bruit ; pas au point d'imaginer qu'il puisse ne pas s'entraîner seul cette fois ?
Car cette fois ci il promettait d'y avoir de l'opposition - la jeune fille, clairement plus âgée que lui, avait dans les yeux l'utilisation répétée de ses jutsu qu'elle invoquait avec une froide lassitude. Pour l'occasion il avait choisi une configuration qu'il affectionnait particulièrement.

La zone n° 36 avait la singularité de représenter un terrain urbain (japonais médiéval du moins) et pas n'importe lequel d'entre eux. Un quartier fortifié, en partie conçu pour la protection des attaques extérieures et cerné d'un mur d'enceinte ouvert aux quatre points cardinaux. Non pas un quartier résidentiel, plutôt centre décisionnel, d'affaire ou d'administration. Quelques tours de guets, discrètement adjointes à une ingénieuse répartition de balcons nichés sur les toits.

Mikami attendait à l'endroit d'où il pourrait le mieux voir ou entendre si la kunoichi avait accepté de sortir du village en pleine nuit pour potentiellement se battre en duel contre un shinobi inconnu du même village : sur le toit du bâtiment le plus haut, au centre du terrain. Volontairement visible et à portée de voix. Elle pouvait bien ne pas se montrer, refuser sa proposition... cela signifierait juste que ses espérances avaient dépassé ce qu'il pouvait obtenir de la personne, et il serait contraint d'attendre de trouver un autre adversaire...

Il existe en ce monde bien des êtres dont les réactions étaient prévisibles mais il en subsistait quelques-uns dont les actions étaient souvent synonymes de surprise. Le jeune garçon dont faisait face la Natsumi se révélait faire partie du second cas. En effet, Mairu s’attendait certes à une possibilité de refus d’accéder à sa requête silencieuse de la part de l’adolescent au sabre mais pas à ce que celui-ci la défierait en combat pour une simple histoire de collision accidentelle ; du moins de point de vue de la Natsumi.

Aussitôt le défi annoncé, le garçon aux yeux dorés s’en était allé sans même ramasser une seule des marchandises de la kunoïchi qui continuait d’attendre. De son regard sanguin et éternellement placide, la Natsumi suivit l’étrange adolescent qui s’éloignait avant de se baisser pour ramasser ses achats sans oublier la moindre friandise puis, des pas tranquilles, la jeune fille reprit son chemin en direction de son domicile.

Ne souhaitant pas faire plaisir à l’adolescent qui de toute évidence désirait juste se défouler tel un amoureux de la bagarre ou un être qui aimait « tester » ses acquis sur une cible bien vivante et capable de se défendre, Mairu alla se coucher après avoir mangé deux grosses boîtes de nouilles instantanées, une au goût crabe et la seconde à la saveur crevette.

Les heures défilèrent mais la kunoïchi ne parvint pas à fermer l’œil. Malgré le refus de relever le défi que l’adolescent aux yeux dorés lui avait lancé, une partie de la Natsumi cherchait pourtant à la pousser à se rendre sur le lieu du rendez-vous que le jeune garçon lui avait indiqué. Sous son air calme, en réalité, Mairu était une jeune fille qui affectionnait particulièrement les combats bien que ceux-ci lui procurassent rarement du plaisir. En général, ne réussissant pas à se divertir, elle finissait toujours par se lasser rapidement d’un affrontement qu’elle cherchera alors à écourter même si c’était elle qui l’avait provoqué.

Après un long moment de résistance face à son désir de se rendre sur le lieu du défi, la Natsumi finit par se redresser. Vêtue d’un simple bas de sous-vêtement – unique pièce qu’elle portait pour dormir été comme hivers – la jeune fille alla se vêtir d’une robe blanche à manches courtes et lui tombant juste au -dessus des genoux. Loin d’être pudique, malgré son opulente poitrine, la jeune Natsumi ne remit aucun soutien-gorge. La kunoïchi attrapa ensuite son katana qui était adossé contre un mur juste à côté de son lit puis, sans plus attendre elle sortit pour se retrouver rapidement à filer à toute vitesse en direction du terrain d’entraînement numéro trente-six. Comme la plupart des shinobi pressés, elle avait emprunté les toits des immeubles de la ville.

Malgré la faible lumière artificielle qui éclairait le lieu en cette nuit plus qu’avancée, Mairu put remarquer d’assez loin la présence de son adversaire qui semblait guetter son arrivée. Dès que le jeune garçon se présenta à sa vue, Mairu accéléra tout droit dans sa direction puis, lorsqu’elle fut assez près elle bondit, s’aidant de l’élan acquis dans sa course effrénée. Dans les airs, la Natsumi pivota sur quatre-vingt-dix degrés et essaya d’assener un coup de pied au niveau de la tête du jeune garçon aux yeux dorés …

Spoiler: