À une époque, avant que l'Empire ne prenne officiellement possession du pays, les jeunes Tôhatsu étaient entraînés très tôt dans les arts mesquins du vol et de la cachette. Dissimulés sous des jeux, des gamineries ou autres farces, l'apprenti voleur se devait de maîtriser les nombreuses facettes qui lui permettraient d'un jour devenir un roublard aguerri. L'enfance de Jun ne fit pas exception à la règle. Malgré son enthousiasme explosif, il était loin de le plus fin stratège et souvent, il tombait bon dernier lors de nombreuses épreuves. Son jeu favori restait cependant Chat, où les enfants devaient se poursuivre, dans les hauts arbres de Kusa, afin d'attraper la mèche de leur cible et la lui couper. Un jeu bien différent de chez les gamins d'outre-pays, car les règles sous-entendaient d'un jour devenir assez adroit pour débourser n'importe quel hère que croiserait les Tôhatsu. Il n'y avait donc pas un ennemi, mais plusieurs et tous devaient à la fois se cacher et suivre leur cible assignée. La subtilité n'étant pas le fort de Jun, il avait cependant la chance de son côté ; celui dont il était la cible ne l'avait pas encore débusqué.

Ainsi commençait cette histoire.

Jun, neuf ans, avait grimpé dans les hautes branches, certain de l'avantage que cela lui apportait. Les cheveux noués autour des ramures de l'arbre, il patientait, soucieux de découvrir sa proie. Pourtant, Jun avait omis les bases du camouflage : le vent transportait son odeur, son ombre était visible au sol et son ventre gargouillait, trahissant sa présence. Du moins, il était immobile, c'était déjà ça de gagné. Il était aussi subtile qu'un cheveu noir sur crème de champignon.

Rei, son amie de coeur et son ex-petite-soeur par alliance, jouait également et Jun espérait franchement la voir passer. Ils étaient peut-être une dizaine, réparti sur un kilomètre à la ronde non loin du campement Tôhatsu. Le temps était bon, mais malgré son désir de remporter la victoire, Jun ne pouvait s'empêcher de laisser cours à ses pensées...

Un an. Un an déjà que son père était mort, suite à l'erreur de son fils. Un an qu'il vivait en marge du clan, à tenter de se prouver. Les autres gamins le prenaient en pitié, peut-être, même si Jun ne le réalisait pas toujours. Un an que sa mère le méprisait.

Soudain, une arme siffla ! Jun eut tout juste le temps de sauter, suspendu dans les airs grâce à ses cheveux, que le rire narquois de deux de ses compères montèrent de plus.

« Jun-le-rêveur ! Descends un peu, que je te coupe ta belle chevelure ! » lui lança l'un des deux, visiblement le petit chef ; Jun leur lança un regard mauvais.
« D'un, c'est Jun-sama-aux-cheveux-rêveurs ! D'deux, vous n'avez pas l'droit d'vous mettre en équipe ! »
« Ah oui ? Et depuis quand tu respecte les règles toi ? T'as tué ton père, non ? »

À ces mots, le garçon vit rouge. Soudain, ses cheveux de dénouèrent de l'arbre et il tomba en piqué. Ils avaient raison ! À quoi bon respecter les règles quand tu es un Tôhatsu !

L'apprenti voleur n'était peut-être pas bon pour se cacher, mais il devenait redoutable lorsqu'il était temps d'attaquer et de prendre la fuite ! En deux coups de couettes, il déstabilisa ses adversaires et de sa grande mèche, il se propulsa sur une branche voisine. Le sang pompait à ses temps, les cris de ses poursuivants à peine audible. Puis, au fil de ses sauts, les rires d'abord provocateurs de ces-derniers ne devinrent plus que de vagues échos au loin.

Jun se fourra dans un bosquet, au sol, l'air à la fois triste et contrarié. Reprenant son souffle peu à peu, le silence de la forêt était omniprésent. Le chant des cigales et le souffle du vent dans les cimes le firent sentirent soudainement bien seul. Sans savoir réellement combien de temps il resta en boule dans son bosquet, il fut réveillé de sa torpeur lorsqu'il vit au loin une touffe blanche. Il mit sa main en visière, peut mieux la discerner, mais dès lors qu'il ne fit qu'un geste pour mieux se placer, la silhouette disparu !

Intrigué, Jun se lança à sa poursuite !

Spoiler: