-Dites Red-sama ! Que comptez-vous faire de ce lieu ?
-Vous n'avez pas rien de mieux à faire que de traîner ici ?
-C'est justement parce que vous ne m'avez rien donné à faire que je suis ici.

Se plaignit Nihilem jusqu'à présent assise sur le bureau de Red alors que cette dernière se tenait droite face à la baie vitrée qui offrait une magnifique vue plongeante sur la ville en contre-bas et notamment sur le bâtiment en construction à quelques centaine de mètre de là. Il s'agissait de leur future repère dans la cité, là où l'essentiel des informations transiteraient entre l'organisation et le restant du monde. Dans le fond Oniri voulait aussi et surtout faire passer le Renard Rouge de la Grande Grue pour un vulgaire bordel sans profondeur. Cigarette au bord des lèvres, elle profitait depuis maintenant quelques minutes d'une pause bien méritée. Seulement ce fut sans compter sur l'intervention de la plus jeune membre de la famille Nihilem. A dire vrai, il était difficile de déterminer son âge véritable tant elle, ainsi que ceux de sa race, tendaient à prendre un malin plaisir transgresser toutes les lois de la nature.

-Ce n'est pas pour autant que je vous autorise à faire irruption de la sorte dans mon bureau. J'espère que vous avez assurément...
-J'ai quelque chose à vous dire !! S'éprit-elle à interrompre subitement et sans mesure la cheffe de l'organisation qui, pourtant, resta d'un calme de glace face à un manque de respect aussi éloquent.
-Tâchez de mesurer le ton de vos paroles sinon...
-Sinon quoi ? Ce risqua-t-elle à l'interrompre une nouvelle fois mais en arborant une expression aussi immature que provocatrice. Contrairement à ce que l'on pourrait croire l'adolescente était plutôt maline. Elle savait que même Red ne pouvait s'en prendre impunément à elle sans s'attirer le courroux du restant de la famille. Mais plus que tout le reste, elle voulait aussi tester celle qu'elle devrait considérer comme sa cheffe durant les temps avenirs.
-Je me verrais dans l'obligation d'en discuter avec votre grande sœur.
A ces mots le visages de Nihilem se décomposa. Si le teint de sa peau n'avait pas été aussi gris on l'aurait très certainement vu rougir. S'il y avait bien une chose pouvant l'effrayer sur cette terre, c'était bel et bien sa sœur aînée. Elle qui pensait utiliser sa famille comme moyen de pression sur Red voici que les rôles s'étaient inversés. Une question s'interposa alors dans l'esprit de la jeune femme. Quand avait-elle comprit ?
-Ho... heu... voyons... Red-sama... Je ne faisais que plaisanter... Je voulais simplement...
-Me tester ? Coupa soudainement la Saibogu tout en lui adressant un sourire en coin. [/color]
A ces mots Nihilem s'écarta du bureau et commença à reculer tout en balayant l'air de ses mains comme si cela aurait pu lui permettre d'effacer les faits
-Non non pas du tout... Voyons je n'oserai jamais... Haha... Vous n'allez rien dire a ane-san pas vrai ?
Red lâcha un léger soupir avant de tirer une nouvelle fois sur sa cigarette. Son attention s'était reportée sur les constructions à contre-bas. Ses capacités sensorielles lui permettaient de suivre l'avancement des travaux au clou près.
-Et que vouliez-vous me dire exactement ?
-C'est au sujet de la promesse que vous nous avez faite...
-Je compte bien la tenir si c'était sa question.
-Non... Je voulais comprendre les raisons qui vous poussent à faire tout ça. Est-ce que c'est vraiment pour votre noble cause ou bien pour avoir plus de pouvoir ?
-Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?
-Ane-san ma dit que vous vouliez fabriquer de la drogue. Je ne pense pas que cela soit pour un monde meilleur... Lança-t-elle finalement dans un sourire noir.
L'ironie voulu que Red arbore en retour la même expression.
-Vous qui vous plaignez de n'avoir rien a faire. Pourquoi n'iriez-vous pas surveiller l'avancement des travaux en bas, je ne voudrais pas que la concurrence se livre à de l'espionnage et connaisse la futur bâtisse dans ses moindres recoins avant même que nous ayons terminé de la construire.
Nihilem se grattant le front, pensive.
-Bien cheffe ! Dit-elle en finissant par joindre ses mains derrière sa tête.
-Une dernière chose !
-Oui ?
-Je vous interdis de « manger » qui que ce soit.
L'adolescente à la peau grise eu une petite moue boudeuse.
-Okay ! Finit-elle par conclure.

Ce fut sur ces belles paroles qu'elle franchit le seuil de la porte, longeant le couloir pour aller emprunter l’ascenseur qui l'amena jusqu'au rez-de-chaussée. A partir de là Nihilem empruntant la voie des airs en sautant d'immeuble en immeuble. De-là elle trouva refuge sur une poutre métallique offrant une parfaite vue d'aigle sur tout le chantier. S'essayant en tailleurs dessus elle plaça une main en visière sur son front et commença à inspecter les environs.

Quelque chose se tramait au sein de la Mégalopole depuis quelques temps, Mei l'avait bien remarqué. Cette jeune adolescente avait en effet de la ressource malgré sa tête de linotte apparente.
Qu'est-ce que c'était donc que cette grande structure en construction ? Un restaurant ? Ce n'était pas vraiment le genre du quartier... Une boutique d'armement peut-être ? Il lui semblait en effet que les armurerie se révélaient florissantes cette année, comme si les Saibogu avait décidé de vendre leur savoir au plus grand nombre moyennant rétribution...

Elle remarqua bien vite la présence d'une étrange jeune fille qui venait de se poster sur une poutre métallique en hauteur, sautant de toit en toit pour y prendre place, les mains en visière pour s'assurer d'une bonne visibilité. Outre son physique atypique, c'était plutôt sa façon d'observer la scène en contrebas qui éveillait la curiosité de Mei.

Son visage se fendait dans un large sourire alors qu'elle sautait à son tour agilement et avec grâce, comme la gymnaste qu'elle était, pour la rejoindre. Elle s'y prenait en effet de manière déconcertante tant sa fluidité de mouvement semblait presque innée et qu'il n'aurait pas été étonnant de la voir faire partie de ces personnes capables de se contorsionner dans tous les sens pour tenir dans une petite boîte.

« B'jour ! »

Lançait l'adolescente dans un sourire après s'être parfaitement réceptionnée sur la poutre, avançant même de quelques pas comme une équilibriste pour s'asseoir non loin de celle qui l'intriguait depuis tout a l'heure.

« Qu'est-ce que tu regardes ? Tu sais ce qui ce construit ?! Ça a l'air énoooooorme ! Tu penses que ça seras un entrepôt d'armes avec tout plein de ces gros canons capable de ravager des zones entières ?! »

Son expression trahissait de sa curiosité et de son excitation à cette simple idée.

« Pourquoi tu as le teint gris/marron/noir ? T'es morte ? »

Elle attendait presque une réponse sérieuse de la concernée avant d'ajouter, sans même entendre ce qu'elle avait à dire :

« Hum... je me disais aussi. »

Ses jambes pendaient dans le vide alors qu'elle les balançaient dans un rythme qu'elle seule semblait entendre tout en contemplant ce ciel particulièrement bleu.

« C'est rare un ciel si beau ici. En général ça va de paire avec l'ambiance générale ! C'est plutôt maussade, il pleut, il vente, bref ça reflète assez bien l'esprit criminel des gens. »

Affirmait-elle dans un sourire comme si cela la satisfaisait.

« Tu veux jouer a un jeu ? »

Les yeux pétillants de malice, elle avait hâte de voir si sa potentielle nouvelle amie accepterait cette petite interlude dans cette observation ennuyeuse...

Les yeux de l'adolescente roulèrent en direction de la nouvelle arrivante. Nihilem avait déjà senti sa présence, mais n'avait à aucun moment daignée s'intéresser à elle jusqu'à cet instant. Si ce n'était pas dit, tout dans son attitude laissait clairement sous-entendre que cette femme n'était rien de plus qu'une gêne pour elle. Pourtant cette dernière ne sembla pas prendre conscience de la menace sous-jacente adressé à son encontre, allant même jusqu'à ouvrir le dialogue.

-Salut...

Finit-elle par lâcher dans un moue impossible à retranscrire. Les dernières paroles de Red défilèrent dans sa tête. Elle ne devait surtout pas la manger. Aussi était-ce presque à contre cœur qu'elle s'efforça de tolérer cette nouvelle présence.

-Ce qu'ils construisent ? Un magasin de sucrerie !

Tel était tout du moins ce qu'elle espérait dans ses rêves les plus fous.

-Il en manque cruellement ici...

Depuis le temps qu'elle vivait à la mégalopole, elle n'avait jamais vraiment réussi à trouver de quoi satisfaire son palet. Là on ne parlait pas de chair humaine, mais bien de sucrerie. Il y avait bien cette boutique à l'autre bout de la ville, mais l'adolescente avait finit par se lasser de ce qui y était proposé et avait justement finit par dévorer le vendeur en se demandant si ce dernier avait eu un goût aussi savoureux que ces friandises passées. La réponse était « non ». Et la voici qui se retrouvait assise en tailleur sur cette poutre à docilement superviser la construction de son imaginaire quand l'autre arriva pour tout gâcher. Quand bien même la question qui lui fut adressée lui passa totalement au-dessus de la tête son regard vint finalement s'attarder sur le petit minois aux yeux d'émeraudes. Son visage se transforma dans le but d'arborer un sourire pincé en croissant de lune : le petit air flippant qu'elle aimait utiliser pour faire flipper les gens.

-Oui...

Répondit-elle vis-à-vis de sa prétendue condition de non-vivante. Seulement prunelle n'en eut rien à faire. C'était comme si Nihilem venait de lui annoncer que son lacet était défait.

-Ton lacet est défait.

Voilà une bonne chose de faite.

-Et sinon toi aussi t'es une criminelle ? Tu fais quoi dans la vie ?

L'air de rien malgré son immortalité Nihilem était du genre à trouver les journées extrêmement longues. Elle s'ennuyait rapidement. Et si elle ne pouvait tuer cette potiche de service, elle pouvait tout de même tenter de tuer le temps avec. Se redressant un peu plus droitement sur son perchoir, elle sembla totalement délaisser son devoir de surveillante pour enfin s'intéresser à la bizarroïde de service. Appuyant sa joue contre la paume de sa main l'adolescente fit part de son deuxième sourire le plus malsain.

-Quel jeu ? La pauvre ne semblait encore réaliser que c'était-elle son nouveau jouet. Par contre je n'ai pas le droit de partir d'ici. Il faudra donc faire avec.

Un magasin de sucrerie à la Mégalopole ? Mmh... soit cette fille était bête... soit elle était bête ! Ou peut être pas... Des bonbons à l'arsenic ou tout autre poison en guise d'arme contre ses ennemis ça pourrait être fun ! C'était ce que ce disait Mei.

La grisâtre semblait un peu agacée par le comportement de la gymnaste au point de lui dire d'un air presque dédaigneux que son lacet était défait : ça aurait pu marcher. Mei aurait pu véritablement regarder si elle ne portait pas constamment des sandales.

« Aha perdu ! Je n'ai jamais de lacet ! »

La jeune adolescente souriait, amusée avant de prendre un air plus sérieux suite aux propos de sa camarade :

« Moi aussi... ? Toi tu en es une ? Oh chouette ! Ça fait quoi de tuer quelqu'un ? »

Mei rejoignait ses deux paumes, le regard presque pétillant :

« Non moi je ne fais pas ça. Je traîne juste dans le coin le temps que mon père finisse ses courses. »

Même si les « courses » de son père n'avait rien de traditionnelles.

« Du coup j'ai vu ce bâtiment en construction. Je me suis d'mandée ce qu'ils allaient en faire puis je t'ai vu. Ils sont cool tes tatouages sur le crâne ! On dirait une morte revenue à la vie après des expériences bizarres ! »

Mei balançait toujours ses pieds dans le vide tout en observant celle qu'elle voulait pour amie. Elle aussi elle avait un tatouage dans le dos malgré son jeune âge : un symbole familial.

« Tu restes longtemps ici ? »

La grisâtre semblait assez enthousiasme pour la proposition du jeu comme en témoignait cette expression qui ravivait d'autant plus le sourire de la jeune fille :

« On peut rester là pour jouer ! Tiens regarde ! »

Mei tirait une longue ficelle de son petit sac a dos pour le moins coloré ainsi d'une sorte de sablier étrange en bois rouge :

« Tu sais jouer au diabolo ? »

Elle, elle y excellait et elle ne tarda pas a lui faire une agile démonstration. Le diabolo en place sur la cordelette, elle le faisait sauter en l'air avant de le réceptionner, agitant la ficelle pour lui faire prendre de l'élan tout en se penchant en avant pour le faire passer par dessus ses épaules avant de se réceptionner sur sa corde. Mei se risquait même à se mettre en équilibre sur une main tandis que l'autre était tendue sur le côté, tenant un bout de la cordelette alors que l'autre était pincé dans sa bouche pour mieux accueillir le diabolo préalablement envoyé dans les airs sur cette dernière.

« TADAAAA ! »

Reposant son attirail, Mei se replaça sur ses deux jambes dans un bond agile.

« Tu veux essayer ? »

Lui demandait la gymnaste tout en lui tendant son jouet dans un grand sourire.

-Tu sais maintenant que, je suis une criminelle et pas toi, je vais devoir te tuer ? Dit-elle tout en suivant du regard le diabolo faire l’allée retour entre les doigts et les dents de l’acrobate.

Nihilem détestait les gens qui n'avaient pas peur, tout autant qu'ils la fascinaient. Cette fille par exemple. Elle était indubitablement et totalement folle. Sa place devrait être dans un asile assurément, ou bien si pieds sous terre enveloppée dans une dalle de béton à ruminer sa bêtise pour le restant de l'éternité. L'adolescente s'imaginait déjà donner corps à ses pensées. Il fallait dire qu'elle voulait vraiment la tuer. Très sincèrement ! Cette fille l'agaçait ! Seulement si elle faisait cela alors elle n'aurait plus personne à qui parler et elle finirait par s'ennuyer sur sa poutre. D'autant plus que des fous qui venaient lui parler il n'y en avait pas des masses. Onissan avait finit par tous les dévorer. Lui non plus n'était pas partageur et cela aussi l'énervait. Pourtant cette fois-ci ce n'était pas comme toutes les autres. Onissan n'était effectivement pas là et Nihilem avait la possibilité de croquer dans ce brin de folie. Seulement voilà, quand ce n'était pas son frère aîné il fallait que ce soit cette méchante Red qui lui retire ce plaisir.

-Nan ! Lâcha-t-elle dans un soupir d'exaspération tout en rejetant le diabolo. C'est nul et puis de toute façon je ne peux pas jouer tout en faisant mon travail.

La question qui suivit entra dans l'ordre continuel des choses.

-Nan je ne fais pas de criminalité pour l'instant. Je surveille les gens louches.

Un miroir sur la scène aurait suffit à révéler aux moins deux suspects.

-Oui des gens louches !! Comme lui par exemple ! Elle pointa du bout de son index verni de noir un des travailleur. Assez jeunes sa tête ne revenait vraiment pas à l'adolescente maléfique qui lui trouvait des faux airs de punk sous smecta. Détestable !! Je suis certaine que c'est un Yakuza infiltré. Ils ressemblent tout à cela. Elle releva alors la tête pour plonger son regard d'ambre dans celui de son occupation du moment. Je sais les reconnaître, je peux le voir dans leurs yeux. A dire vrai elle n'aurait même pas été capable de faire la différence entre un orthodentiste et un vendeur de sushi. Allez suis-moi, on va lui régler son compte.Dans la seconde qui suivit elle disparue du paysage pour réapparaître, une fraction de seconde plus tard, en face du jeune délinquant.

-Toi !! Fit-elle alors que des deux doigts venaient effleurer la jonction entre le front et l'implantation capillaire improbable du concerné. Je sais que tu trames quelques chose... A cela elle lui adressa un regard noir plein de suspicions. Tu vas mourir...

Les travailleurs présents autour s'étaient immobilisés suite à l'apparition soudaine de l'enfant démoniaque. Tous avaient pour habitude de voir et entendre des choses dans la mégalopole que l'on pourrait qualifier d'improbable, seulement l'apparition soudaine de cette femme à la peau grise et aux airs mortels venu menacés l'un de leur compatriote parvint, sembla-t-il, à les dérouter. Ce qui osèrent bouger à nouveau se contentèrent de reprendre leur activité. Ainsi le chantier se poursuivit. C'était précisément parce qu'on vivait à la mégalopole qu'un check avait toujours plus de valeur qu'une vie humaine.

Spoiler:

hrp:

Mei trouvait cette fille vraiment amusante. Elle ne se souvenait pas avoir croisé quelqu'un d'aussi intéressant depuis longtemps. Mais... elle était un peu trop sérieuse. La gymnaste était déçue de voir la grisâtre refuser sa proposition de diabolo. Après tout elle avait dit pouvoir jouer tant que ça ne l'éloignait pas d'ici... Elle devait être nulle ou n'en avoir jamais fait et ne voulait pas se faire ridiculiser par l'acrobate : oui ça devait être ça !

Ainsi donc sa mission était d'observer les gens louches. Mmmh... Mei s'accroupissait pour mettre sa main en visière et plissait les yeux comme pour détecter ces fameuses personnes.

« C'est difficile... Ils ont tous l'air de l'être ! »

Commentait-elle en haussant les épaules. Ce n'était pas très précis comme travail et puis pourquoi faire ? Mei n'eut pas le temps de se poser davantage la question puisque sa nouvelle amie en avait visiblement trouvé une. Suivant la direction indiquée par l'index de la grisâtre au vernis noir, elle finissait par comprendre de qui elle parlait.

« Tu es sure ? Je l'ai déjà vu se battre dans une cage pour gagner de l'argent. Il se donne des allures de gros dur mais je suis sûre qu'il n'est pas méchant. C'est une proie facile... »

Pour son père ça le serait assurément. Le genre de personne qu'il faisait tourner en bourrique et qu'il usait jusqu'à la moelle pour les briser. Tout ça pour obtenir ce que lui voulait.
Mei aimait bien lorsqu'il agissait ainsi parce que ça signifiait que l'argent rentrait et donc que son père lui achèterait quelque chose. Elle n'était pas uniquement pourrie gâtée par son paternel chéri, non, il lui avait également appris à se battre pour qu'elle puisse se défendre seule si lui ou son « entourage » n'étaient pas là pour le faire : un entraînement inculqué par les meilleures personnes qui soient en la matière. Ce que pouvait dire la grisâtre était définitivement amusant : reconnaître les Yakuza juste en les regardant dans leur yeux ? Peut-être qu'elle n'était pas très douée alors...

La jeune fille disparaissait alors soudainement pour apparaître devant l'homme qu'elle avait désigné juste avant. Elle avait choisi l'élu ? Celui qui serait le réceptacle de toutes les souffrances qu'elle voulait infliger sur le monde pour se décharger de sa frustration ? Peut-être. En tout cas cela promettait d'être intéressant et Mei ne comptait pas manquer ça. Perchée depuis la poutre, les pieds se balançant allègrement dans le vide, elle observait la scène en contrebas dont la vue était imprenable. Un sourire narquois se dessinait sur son visage alors qu'elle penchait légèrement la tête sur le côté, impatiente de voir de quoi son amie morte était capable.

Yosh, yosh, yosh ! Aie ! Oh la boulette, oh ça fait mal. Oooooh punaise ça fait mal …

Cette nouvelle histoire commence avec un nouveau personnage principal, dans le genre haut en couleur et grandement réactif. Nous sommes en année 16, à la fin de l’été et piouf quelle chaleur. Avez-vous déjà trainé dans le désert de Kaze no Kuni en pleine saison estivale ? C’est horrible hein. Ouais on se comprend. J’aime beaucoup mon village mais parfois la température est vraiment intenable. Heureusement, vacances scolaires oblige, mes parents, mon grand-frère et moi nous étions faufilés loin de ce climat étouffant. Et puis c’est bien aussi de décrocher un peu des études, changer d’air, tout ça. Nous nous rendîmes ainsi à la Mégalopole du pays voisin. Papa y avait loué une chambre pour pas cher, parait-il, et lorsqu’il avait vu nos airs sceptiques, il nous avait assuré à plusieurs reprises que ça nous changerait les idées. Ah ça pour ça, ça les change. Une ville aussi miteuse et corrompue, puante et louche.

Je n’aimais pas cette ville, je n’aimais pas ses habitants, il fallait être naïf pour ne pas se rendre compte qu’il s’y passait des choses pas net lorsque personne ne regardait. Plusieurs fois j’ai réclamé à mon paternel de rentrer à Suna. Mais non, il est était bien trop absorbé par le commerce local de babioles en tout genre. Lui ce qu’il adorait c’était tout ce qui a un rapport avec l’histoire, le passé des objets, des lieux, des gens. Alors vous imaginez bien qu’une brocante, pour lui c’est la caverne d’Ali Baba … C’est un peu le genre à être capable de partir à la recherche de l’Atlantide s’y avait la moindre chance que cette mythique cité engloutie existe bien, rien que pour en apprendre plus sur leur technologie. Mère n’était d’aucune aide, préférant vaquer à ses occupations pour ne pas exprimer ce qu’elle pensait. Dans un sens, il valait mieux que ça fonctionne ainsi. Mon frangin avait déjà disparu, il ne restait donc plus que moi. La barbe. Oh ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Un tournoi ? Des tracts pour un tournoi ? Oh ce serait génia-ah nan c’était l’année dernière. Saloperie.

C’est comme ça que je me retrouvai à errer dans les rues, sans réel but. Chaque quart d’heure qui passaient je gagnais un smoothie, acheté à un marchant du coin, empilant les gobelets l’uns dans les autres. Si bien qu’au bout d’un moment je me retrouvais avec une pile encombrante mais que voulez-vous ? Il n’y a pas de poubelle dans cette ville de tarlouze !
Et nous en revenons à la première ligne de cet écrit, lorsque mon petit orteil rencontra le trottoir. Je ne vous raconte même pas la douleur que ça peut provoquer … C’est officiel, je déteste cet endroit. Et punaise ils construisent encore des immeubles ? Y en a pas assez déjà ? Il est pour quoi celui-là ?
J’eus beau chercher une pancarte, aucune information n’était clairement affichée. A part deux nanas qui discutent, le reste du monde poursuit son chemin comme si de rien n’était. Si on ne compte pas les travailleurs du chantier évidemment. D’ailleurs l’une des deux semblaient d’ailleurs extrêmement active, trop même. Alors que l’autre donnait l’impression de la snober. Heu, pourquoi elle sort un diabolo ? Elle sort d’un cirque ou quoi ? Mmh, complètement timbrée cette nana. D’ailleurs sa pote n’a pas l’air beaucoup plus éclairée, avec ce teint blafard et son tatouage chelou sur le front.
Vaut mieux rester loin de ces gens …

Mais alors que je faisais demi-tour, la plus pale et petite des deux descendit de son perchoir pour accuser l’un des massons de louche et de yakuza infiltré. Mmh, ça veut dire qu’elle cache quelque chose cette nana, parce qu’autrement elle ne réagirait pas de la sorte, même si cet homme au physique plutôt négligé se trouvait être effectivement un membre d’une mafia locale. Oh mais attendez, ça voudrait dire aussi qu’ils ont des armes, du matos, de la technologiiiiiiiie !
Ouais bon j’ai peut-être héritée de quelques traits de mon paternel …
Quoi qu’il en soit je refis volte-face et jugea intelligent d’aller me mêler des affaires des autres :

« Ola ! Salut moi c’est … oh et puis on s’en fout ! » Lançai-je en percutant de l’épaule l’une des filles. « Pourquoi agressez-vous donc ce monsieur ? Est-ce que ce ne serait pas justement parce que vous ne voulez pas qu’il découvre ce que vous tramez ? » Cet air faussement niais au visage que ma mère détestait tant. « Hein hein ! J’ai raison ! Alors ? Avouez, vous cachez quoi là-dedans ? Des trésors ? Une technologie inconnue ? Un artéfact protéen ? »

Nous y étions. Le grand moment fatidique où la tête de sa malotru explose dans un déluge de sang, de morceaux de cervelles et d'éclats d'os crâniens pour venir retapisser le sol. En général au milieu de cette bouillie puante il y a toujours les yeux encore reliés à leur nerfs qui se détachent du reste du tableau. Et si les choses ont été bien faite le reste du corps sans tête se couvre de quelque spasmes. Souvent c'est le pieds qui s'agitent mollement et ce qui amuse le plus la petite Nihilem. Néanmoins elle savait d'expérience que ce genre de chose ne se faisait pas en publique. Conventionnellement cela passait plutôt mal. Aussi se laissa-t-elle bousculer de manière à ce que le jeune freluquet passe à côté. Là elle glissa ses deux doigts dans l’encolure de son haut pour l'empêcher d'aller plus loin.

-Viens par là toi ! On va t'interroger avant de te manger.

Cela ne paraissait pas, mais l'adolescente en avait de la force. La force cumulée des milliers de vies présente en elle. C'était comme si l'on venait d'attacher le jeune homme à une montagne. S'il voulait se dégager il lui faudrait tirer au point d’arracher ses vêtements, mais même là encore Nihilem ne le laisserait pas faire. S'apprêtant à l'embarquer avec lui comme un vulgaire bagage vers des mondes obscures, elle fut une nouvelle fois interrompue par l'arrivée d'une deuxième opportun. Le bras toujours tendu pour retenir le travailleur Yakuza mal poli, seul sa tête daigna pivoter en direction de cette fille encore et toujours trop joviale à son goût. Décidément aujourd'hui c'était le carnaval des filles débiles. Nihi lui lança un regard parfaitement neutre. Sur le coup on aurait dit une statue de cire toute droit tirée d'un musé d'horreur.

-Toi aussi t'es une Yakuza !?

Après quelques secondes d'indifférence total ses yeux finirent par se poser sur le smoothie qu'était en train de déguster Boucle d'Or. Elle reporta alors son attention sur le vil sacripant qui, en plus de se débattre, l'insultait de tous les noms. Elle regardant ensuite de nouveau blondie, puis le smoothie, puis encore son captif pour finalement revenir une ultime fois sur la jeune femme. Les paupières à demi-close elle lui adressa un sourire énigmatique. L'adolescente disparue alors une fois de plus, libérant par l'occasion le turlupin bagarreur pour réapparaître. Son visage était seulement à quelque centimètre de la nouvelle arrivante. Elle posa alors un index malicieux sur les lèvres de cette dernière toujours en l'avisant avec intensité, puis d'un mouvement presque mécanique s'empara lentement du smoothie.

-Chuuuuut....

Lorsqu'elle l'eut en main elle disparue aussitôt pour réapparaître sur une poutre métallique pendue à une grue au-dessus du chantier. Accroupie les genoux replier au bord du vide, elle ne se fit pas prier pour consommer cette délicieuse boisson glacée dûment volée. Peut-être un peu trop rapidement même car elle se fendit d'une grimace en sentant son cerveau geler. Passé le petit choc initial, elle parvint à retrouver ses esprits et se rappela qu'elle avait toujours un petit humain à torturer. Gobelet en main, elle se mit à scanner la zone avec sa sensorialité pour retrouver le malotru et apparut devant lui en un clignement, toujours accroupie sur une pile de caisse.

-Bon... On va commencer l'interrogatoire ici. Si tu me ment je te mange avec ce smoothie. Alors... déjà est-ce que tu es un Yakuza ? Si oui avoue tout de suite et je te mangerai rapidement cela fera moins mal comme ça. Dit-elle d'un ton neutre avec un regard toujours aussi vide. Aujourd'hui n'était vraiment pas son jour, tout l'ennuyait profondément si ce ne fut le doux breuvage sucré entre ses doigts.

hrp:

Je souriais presque comme une andouille, toute fière de ma connerie mais je fus prise de cours par la question de la nana au teint pâle. Une Yakuza ? Moi ?
Incrédule, je me contentai de cligner plusieurs fois des yeux, cherchant mentalement ce qui aurait pu mener cette fille à une telle conclusion. Pendant ce temps, la concernée semblait en proie à une hésitation. Entre violenter ce pauvre maçon au look douteux, et mon smoothie à moitié vidé. Et au bout de plusieurs allers-retours de paupières, elle disparue un instant de mon champ de vision pour réapparaitre, le visage à quelques petits centimètres du mien. J’en lâchai un petit cri de surprise, rapidement couper par un indexe posé sur mes lèvres. Décidemment nous allions de surprise en surprise. Hey mais c’est mon smoothie ! La poufiasse elle me prend mon smoothie et elle se barre avec ! Et en plus elle reprend son pseudo interrogatoire sur un type tellement moche qu’il ne peut être qu’innocent. Alors ça, ça ne va pas le faire.

Ouvrant une main, le sceau tatoué dans ma paume droite s’activa et en sortit un révolver flambant neuf. Mon petit bébé. Le dernier de ma longue liste de création, plus hasardeuses les unes que les autres. Sans rire, c’est mon hobby de créer des armes en tout genre. De toutes les tailles, de toutes les formes. Des machines qui peuvent servir à tout et n’importe quoi, peu importe les situations.
Sitôt apparu, le canon fut porté face à la tempe de la jeune femme pâle. Tandis que de l’autre main je remuais les doigts comme pour faire signe d’approcher :

« Ça c’est à moi la moche. Et personne ne touche à ce qui est à moi. Encore moins mes smoothies ! Rends-le moi ou je te jure que … ouaaah ! »

Je venais de m’interrompre dans ma menace sans doute peu convaincante, car au même moment, le maçon râleur venait de se changer en une foutue brute. Sérieusement, on dirait un Kaguya ! Voilà qu’il piquait une crise de colère et balançait des parpaings comme s’il s’agissait de petits cailloux. C’est quoi cette force de taré ? C’est mort, je ne reste pas avec ses dingues oh ! Tant pis pour le smoothie, je désinvoquai mon arme et filai à toute vitesse en rentrant presque la tête dans les épaules, pour ne pas prendre un coup perdu.

Spoiler:

Le parpaing fondit à une allure folle sur le visage de Nihilem qui s'écrasa contre son nez avec une violence inouïe puis... Rien du tout. Le bloque éclata en moult gravas avant de s'échouer lamentablement sur le sol. L'adolescente n'avait pas bronché d'un centimètre, conservant toujours son air inexpressif et détaché. Le gugusse aurait pu lui envoyer une boule de neige à la figure cela aurait été la même chose. Seulement après quelques secondes d'inactivités elle finit par daigner froncer un sourcil tout en se frottant le nez. Et comme si l'information venait tout juste d'arriver à son cerveau elle lâcha un petit :

-Aïe...Sans saveur. Ça ce n'était vraiment pas nécessaire... Bravo ! Maintenant grâce à toi je suis fâchée...

Ce faisant elle prit tout de même soin de poser son smoothie, dûment volé, en lieu sure afin de s'assurer qu'il ne lui arriverait aucun malheurs. Sa gestuelle était d'une lenteur qui pourrait presque paraître exagérée ce qui donnait l'impression qu'elle ne se pressait de rien. Comme si elle pouvait avoir tout son temps et ce en toutes circonstances. Où alors était-elle tout simplement trop en décalage avec la réalité pour être en mesure d'adapter sa façon d'agir à la situation présente. Nul ne le savait, toujours fut-il qu'un nouveau parpaing fusa dans sa direction. Elle n'eut qu'à faire un léger mouvement en arrière pour laisser le projectile filer à seulement quelques centimètre de son visage gris. Sa tête pivota alors, presque mécaniquement, donnant l'illusion qu'elle n'était en réalité qu'un pantin automatisé.

-Tu vas me le payer... Dit-elle d'un regard sombre plein de flegme.

Ses doigts effleurèrent la surface rugueuse des cubes de pierres avant de les enfoncer dans ces orifices à la manière d'une boule de bowling. Sauf qu'elle ne l'utilisa pas comme tel et ce contenta de vulgairement le lancer sur son petit babouin yakuza de service. Ce dut ainsi que les parpaing volèrent à travers le chantier durant plusieurs minutes, endommageant les premières constructions. Tous les ouvriers s'enfuirent en se protégeant la tête. Deux d'entre eux tombèrent à terre, leur vie préservée uniquement grâce aux casques de protection qu'ils portaient. Ce fut un sacré bazar. Et pour Nihilem il n'y avait plus à réfléchir. Ce folâtre de service était bien coupable de criminalité criminel. Elle comptait en faire son quatre heure et ce qu'importait ce que Red lui avait ordonné.

-Je peux savoir ce qu'il se passe ici ?

Spoiler:

Nihi se figea dans son geste alors qu'elle s'apprêtait à lancer une énième brique de béton. Elle eut pour la première fois une véritable expression décomposée.

-Aaaa... Ane-san....

Elle tenta de se fendre d'un sourire innocent en s'empressant de cacher le parpaing derrière elle.

-Heu... heu... C'est lui qui à commencé !

Elle voulu désigner de l'index son ancien futur repas, mais l'objet dans sa main finit de la trahir définitivement. Le visage de la dame était taciturne. Joignant ses mains elle fit machinalement craquer ses phalanges comme pour annoncer la couleur. Si la petite Nihi n'avait pas la peau aussi sombre, elle en aurait certainement pâlie de peur.

-Imouto-san... Puis-je savoir ce que tu es en train de faire. Elle n'osa pas répondre, ce qui permit à l'aînée d'enchérir. Décidément on ne peut vraiment pas compter sur toi. Tu te rends compte que tu es une véritable plaie alors que tu es censée être la plus âgée de notre famille ? Vraiment c'est pitoyable. Et ne cherche pas à te justifier je sais très bien que tout ce désordre est de ton fait. Décidément tu ne changeras donc jamais !!

A mesure qu'elle parlait, qu'elle la rabaissait, Nihi avait l'impression de s'enfoncer un peu plus dans le sol, comme si sa grande-sœur l'assénait de coup de marteau.

-Bien maintenant tu vas me faire le plaisir de partir d'ici. Nous discuterons avec Aniki de ta punition.
-Ma punition ? Dit-elle dubitative.
-Très exactement ! Elle s'accorda un instant de pause alors que l'ensemble des regards sur le chantier était rivé sur elle. Le spectacle est finit, vous pouvez reprendre votre travail et ranger ce désordre.
A ces mots elle disparue, laissant la petite Nihi avec ses épaules affaissées et les bras ballottant de déprime. D'un bon agile l'adolescente sadique atterrit sur une poutre juste à côté de sa nouvelle copine saltimbanque.
-Allez vient on va jouer ailleurs... Dit-elle bougon, avant de se retourner vers l'autre lascars pour lui adresser un regard funeste. Je te retrouverai....

Puis elle s'en allant en laissant derrière un chantier totalement désordonné ainsi qu'un smoothie à l'abandon.