Aujourd'hui, je décide de prendre mon courage à deux mains, aujourd'hui je décide d'inviter Ruri au restaurant. Je ne sais pas si elle va accepter et encore moins comment cela va se passer, mais je m'en fiche, je veux passer du temps avec elle et lui faire plaisir. C'est pour cette raison que j'ai passé mon après-midi à la recherche du restaurant parfait, pas trop grand et bruyant, pas trop petit non plus. Un juste milieu où la nourriture est bonne et l'ambiance pas trop pesante. J'ai un instant pensé au restaurant qu'Ogami m'a fait visiter pendant notre entraînement, mais beaucoup trop grand. Je me baladais dans ce quartier lorsque je suis tombé sur un restaurant que je connaissais mais auquel je n'avais pas pensé, chez Nizao. Le vieil homme est une connaissance et réalise de très bons ramens ainsi que d'excellente salade d'algues, plutôt exotique pour Suna. Je décide d'entrer à l'intérieur du bâtiment et salue le vieil homme.

"Salut Nizao, est-ce que tu as deux places pour moi ce soir ? Vingt et une heure ?"

"Bien sûr jeune homme. Je vous attends avec impatience."

"Merci et bonne fin de journée, à ce soir !"

Maintenant que le restaurant est réservé, c'est à Ruri que je dois parler, que je dois inviter. Cela ne sera pas aussi facile qu'il en à l'air, c'est la première fois que je ressents des sentiments pour quelqu'un et c'est du coup, la première fois que j'invite quelqu'un au restaurant. Je décide de prendre la direction du manoir et, juste avant d'y arriver me henge en mec normal pour pouvoir entrer et trouver Ruri. Je toque à la porte et c'est une vieille femme qui m'ouvre, sa grand-mère ?

"Bonjour, je cherche Ruri, est-elle là ?"

"RURI ! QUELQU'UN POUR TOI À LA PORTE !"

J'attends quelques instants avant de voir Ruri apparaître à la porte et l'invite à me suivre. Je me retire mon henge et je peux voir dans ses yeux la stupéfaction de me découvrir.

"Oui désolé, c'était le seul moyen..." Je prends mon courage à deux mains et décide de me lancer. "Je... hmmm... souhaiterais t'inviter au restaurant ce soir."

Je sens mes joues devenir rouge et je me sens fondre en attendant sa réponse que j'espère positive, sans cela ce sera une très grosse honte pour moi.

Lorsque Ruri acquiesça pour donner une réponse positive à ma demande, je ne pu m'empêcher, l'espace d'un instant de fléchir tant la pression qui retombait était lourde, mais de suite après cette mauvaise sensation tout allait mieux. Je retrouvais mon sourire et mes joues reprenaient leur couleur normale. Tout ce stresse pour une si petite chose, mais ce n'était pas dans mes habitudes et cela ne le deviendra jamais.

Il est actuellement seize heures trente et notre réservation est à vingt-et-une heure. J'explique donc rapidement la situation à Ruri.

"Super ! Je suis extrêmement heureux que tu acceptes mon invitation." Lui dis-je avec le sourire. "J'ai réservé dans un petit restaurant à vingt-et-une heure, je serais ici à vingt heures trente. Je t'attendrais. D'ici là, prépare toi." Toujours en souriant.

Je m'abaisse, un peu à la manière d'Ogami pour lui souhaiter l'au revoir qu'elle mérite et retourne chez moi afin de sortir mes plus beaux habits. Enfin, une chemise ainsi qu'un pantalon, cela changera du kimono habituel. J'en profiterais aussi pour prendre une douche et me recoiffer, aucun cheveux ne doit être de travers et comme il me faut bien une vingtaine de minutes pour me coiffer, il faut que je prévois assez de temps afin de ne pas être en retard.

Il est maintenant dix-neuf heures trente et je suis prêt, un dernier "pschiit" de parfum et je peux prendre la direction de notre lieu de rendez-vous. Je vais avoir un rendez-vous, avec une fille et non professionnel, moi Ketsueki Kazushi. Il n'y a pas moins de trois mois il m'était tout bonnement impossible de concevoir un tel acte de ma part, mais les temps ainsi que les gens changent. Je m'arrête sur le chemin du lieu de rendez-vous afin d'y acheter des fleurs, un magnifique bouquet de roses blanches, pure comme la neige sur les montagnes de Kaminari no Kuni. Je continue mon chemin et arrive cinq minutes en avance dans cette petite cour intérieur, notre lieu de rendez-vous.

Durant les cinq minutes qui me séparent de mes retrouvailles avec Ruri, je fais les cent pas tel un lion en cage, rongé par l'impatience et le stress. Lorsque, derrière moi un bruit attire mon attention, c'est Ruri qui arrivait, magnifique dans une robe que je ne saurais décrire. Je agenouille afin de lui prendre la main et d'y apposer un baiser, tout en lui tendant le bouquet de roses acheté précédemment.

"Bienvenue Ruri. Tu es magnifique."

Je sais, ça ne me ressemble pas et j'ai l'impression que mon cœur n'a qu'une seule envie, s'arrêter. Le stress est à son paroxysme, je n'ai jamais été stressé à ce point. J'essaie de ne pas le faire paraître, mais Ruri n'est pas folle.

Je savais bien que Kazushi espérait plus qu'une simple sortie entre amis. Je savais qu'il ne me voyait pas comme une simple amie. C'est pourquoi... C'est pourquoi j'aurais dû refuser immédiatement. Je ne pouvais tout simplement pas lui offrir ce qu'il désirait. C'était mesquin de le laisser croire que mes sentiments étaient réciproques.

Des sentiments... cela faisait quelques années que je n'en avais plus. Surtout de l'amour. Je ne me rappelais pas avoir connu ce sentiment. Je le comprenais vaguement lorsqu'il était évoqué dans un roman, mais je ne l'avais jamais ressenti. Etait-il possible de donner de l'amour sans en avoir reçu auparavant ?

Je me souvenais de la colère, la haine, la peur, mais c'était il y a bien longtemps maintenant. C'est l'abstraction de tous sentiments qui m'a aidée à devenir forte. Je ne pouvais pas sélectionner les sentiments que je voulais ressentir ; c'était soit tous, soit aucun. Et si je les acceptais de nouveau, alors je redeviendrais la fillette faible et perdue que j'étais autrefois.

Mais pourtant, je m'étais sentie bizarre au moment de l'invitation, et j'avais la même sensation lorsque j'y repensais. Cela me faisait... plaisir ? Dans tous les cas, j'avais accepté l'invitation, donc j'irai.

« Prépare-toi. »

Je n'avais pas beaucoup de tenues, mais venir avec mon kimono habituel ne me semblait pas approprié. Je fouillais mes placards en quête d'une tenue qui pourrait convenir. Je trouvais dans le fond une robe offerte par mes parents, que j'avais dû porter à l'occasion du mariage d'un cousin éloigné. Une robe m'arrivant au-dessus des genoux, avec des manches longues et d'un rouge sombre. Simple, mais qui ferait l'affaire.

Pour mes cheveux, je ne pouvais pas faire grand-chose : ils étaient trop courts. J'enlevais quand même le bandeau qui me barrait habituellement le front. Mon maquillage était aussi très simpliste, car le maquillage surchargé ne me convenait pas du tout. J'avais prévenu ma mère que je ne mangeais pas à la maison ce soir et elle avait hoché la tête sans me poser de questions. Je pris également un petit sac, car il m'était impossible de garder mon carnet sur moi. C'était bizarre et très dérangeant de se déplacer sans son matériel ninja sur soi... Mais grâce aux sceaux apposés directement sur ma peau, je n'étais jamais sans armes.

J'arrive à vingt heures trente précises sur notre lieu de rendez-vous et sans surprise, le Ketsueki est déjà présent. Je peux voir que cet instant compte beaucoup pour lui. Il a sorti le grand jeu et je ne peux nier que ces attentions me touchent. Je ne peux pas tout gâcher en lui révélant le fond de ma pensée. J'attendrais que la soirée se termine. Et qui sait, peut-être que...

La robe que porte Ruri est vraiment belle, rouge sombre. J'aime bien cette couleur et elle lui va à ravir. Nous avons un petit quart d'heure en marchant vite et entre vingt et vingt-cinq minutes si nous marchons d'un rythme normal, sans se presser. D'un geste, j'invite ma compagne d'un jour à me suivre. Je me pose pleins de questions. "Que faire pour que Ruri passe une bonne soirée ?", "Comment éviter des moments de gênes face à son mutisme ?". En voici quelques exemples, mais celle qui me dérange le plus actuellement est ; dois-je lui prendre la main ? Nous ne faisons que sortir au restaurant, premier rendez-vous. Je ne sais absolument pas comment Ruri réagirait si je lui prends la main. J'ai peur d'aller trop vite et de brûler des étapes, car je pense que pour elle aussi c'est une première. Nous sommes jeunes et l'amour, car oui je pense que c'est ce que j'éprouve pour Ruri, n'est pas la première et ni la dernière chose qu'on nous enseigne à l'académie.

Je décide de meubler la marche en parlant un petit peu à Ruri.

"J'espère que tu vas apprécier notre petite soirée." Lui dis-je en souriant. "Le restaurant est un peu petit et discret, j'espère que cela ne te dérange pas, on y mange d'excellents ramens ainsi que d'excellentes salades d'algues en tout genre. C'est plutôt exotique pour Suna j'en conçois, dans tous les cas j'espère que tu apprécieras." Toujours en souriant.

Je n'attends pas de réponse de la Chikamatsu, je ne sais pas si elle le sait et je ne pense pas que lui dire serait approprié, son mutisme est un choix et malgré cela, mes sentiments pour elle ne sont pas moins forts.

Le reste du parcours se présente comme une petite balade au clair de lune, chacun appréciant ensemble la solitude de l'autre. Nous arrivons enfin au restaurant. Je m'approche de la porte et la tien afin que Ruri puisse entrer.

"Nous y voilà, entre."

Dès que celle-ci se trouve à l'intérieur je la rejoints et vais m'asseoir à la table que Nizao nous a préparé. À la manière d'un gentleman je tire la chaise à Ruri afin que celle-ci puisse s'asseoir correctement et accroche son sac à l'arrière de sa chaise avant d'en faire de même pour moi. Le restaurant n'est pas très rempli, il doit y avoir tout au plus cinq personnes, sans nous. À peine assis, Nizao nous apporte deux cartes ainsi qu'un vase vide dans lequel Ruri va pouvoir déposer les roses que je lui ai achetées auparavant. Je sais déjà ce que je vais prendre et ne lis donc pas la carte.

"Tu me montreras ce que tu souhaites manger, je transmettrais l'information. Et n'hésite pas si tu as des questions ou quoi que ce soit, sur la carte, sur ma vie, ce que tu veux. Profitons d'un moment calme et sans hiérarchie ou mission pour en apprendre plus l'un sur l'autre."

Je regarde Ruri qui se plonge dans la lecture du menu et ne peut m'empêcher de la trouver magnifique. C'est la première fois que je ressens autant de sentiments en la présence de quelqu'un. De l'amour, de la joie, une larme de tristesse aussi, sa voix, je suis persuadé de l'avoir entendu et celle-ci ne souhaite pas m'en parler, peut être qu'aujourd'hui je vais avoir le droit à l'entendre une nouvelle fois ?

Le restaurant choisi par Kazushi était à mon avis, parfait. Ni trop grand et trop bruyant, ni trop petit et "romantique". C'était la première fois que j'y venais. Je fréquentais les restaurants assez rarement, étant donné que tous les repas de famille se déroulaient à la maison. Le Ketsueki lui, avait l'air de bien connaître l'endroit. Peut-être venait-il avec ses parents, sa famille, ses amis ? Nous étions dans la même équipe, mais je ne connaissais rien de sa vie privée. Après tout, cette soirée devait servir à ça : apprendre à mieux nous connaître.

Kazushi insistait vraiment sur les petits détails ; m'offrir des fleurs, me tenir la porte, tirer la chaise afin que je puisse m'asseoir, autant de petites attentions qui prouvaient ce qu'il ressentait. Dans le fond, tout ceci me rendait assez mal à l'aise, même si lui ne pensait pas à mal. Comme proposer de dire ma commande : cela partait d'une bonne intention. Mais je n'avais pas besoin d'aide. Je m'étais toujours débrouillée, et toujours seule. Il l'apprendrait assez vite.

Je parcourais la carte du menu que m'avait donné l'homme qui nous avait accueilli (Nizao, comme l'avait appelé le Ketsueki). Les prix étaient assez élevés, mais ce n'étaient pas des plats que l'on pouvait trouver facilement dans le désert. Salades d'algues, poissons et autres mets exotiques étaient au menu. Je n'avais jamais eu de problèmes d'argent, mais je connaissais sa valeur et j'espérais que Kazushi ne dépensait pas toutes ses économies pour cette soirée.

Après avoir posé la carte, j'écrivais un mot à l'attention de l'homme qui s'était présenté quelques heures plus tôt devant chez moi pour m'inviter ici.

« Tu viens souvent dans ce restaurant ? »

Puis, un peu plus bas :

« Parle-moi de ta famille ; as-tu des frères et soeurs ? As-tu des projets pour l'avenir ? »

Cela faisait beaucoup de questions d'un coup, mais avant qu'il ne puisse y répondre, Nizao revenait prendre notre commande.

« Puis-je prendre votre commande, mademoiselle ? »

Je vis Kazushi s'agiter sur son siège. Je ne lui avais pas dit ce que je souhaitais manger, c'était sûrement ça qui l'inquiétait. Je supposais qu'il était le genre de personne à se sentir mal à l'aise lorsque la situation prenait une tournure différente de ce qu'il avait prévu. Mais c'est tout naturellement que j'indiquais sur la carte au vieil homme ce que je voulais commander : une soupe miso et une salade d'algues et fruits de mer. Les ramens avaient l'air délicieux, mais c'était souvent des portions beaucoup trop grosses pour moi et je détestais gâcher de la nourriture.

Une fois le vieil homme parti, Kazushi pris la parole afin de répondre à mes interrogations. Je lui faisais savoir qu'il pouvait me poser des questions également s'il le souhaitait, que je prendrais le temps de lui répondre sur mon carnet. Je souhaitais à tout prix garder le contrôle de la situation, mais moi-même je ne savais pas ce que je voulais. Faire évoluer notre relation, ou non. Alors, je décidai de lâcher prise et de laisser le temps s'écouler.

Ruri me pose deux questions, questions auxquelles je vais répondre. Il est vrai que nous sommes dans la même équipe, que nous avons déjà eu la chance de réaliser plusieurs missions ensemble, mais on ne connaît presque rien de l'autre. Elle sait que je suis un Ketsueki et moi je sais qu'elle est une Chikamatsu. C'est à peu près tout. Avant que je ne puisse répondre, le patron est arrivé afin de prendre notre commande. Ruri ne m'a pas dit ce qu'elle voulait, mais apparemment elle se débrouille très bien seule, il est vrai que son mutisme ne date pas d'hier.

"Pour moi cela sera une salade wakame en entrée et des gyoza aux crevettes s'il te plaît !"

Oui, on y trouve du poisson, mais je n'en veux pas, pas ce soir. La salade wakame est une salade d'algues agrémentées de graines de sésame ainsi qu'une sauce que je ne saurais décrire. Tandis que les gyoza sont des petites boules de pâtes, farcies avec, ici des crevettes, mais peut très bien l'être avec du porc par exemple. Je prends maintenant le temps de répondre à Ruri et la regarde en souriant.

"Oui, je mange souvent dehors et le restaurant de Nizao est l'un de mes préférés de Suna." Je marque une pause avant de répondre à la deuxième question de Ruri. "Je n'ai pas de frère, ni de sœur, je suis fils unique. Mon père est mort trop tôt, mais ma mère dit que je lui ressemble, tant physiquement que mentalement. Je vis depuis peu dans mon appartement, avant, j'habitais avec ma mère dans l'appartement familial. Elle est très gentille et n'appartient pas au clan Kestueki. Je ne connais pas son origine. Peut-être qu'elle ne vient même pas de Kaze."

Ensuite, c'est à mon tour, je peux moi aussi lui poser des questions. J'en ai tellement que je ne sais pas comment commencer et j'ai surtout peur d'aller trop vite. Ruri est une personne très réservée. Je ne vais pas faire compliqué.

"Parle moi aussi de ta famille, tes hobbies, bien que je pense que ta marionnette occupe une partie de ton temps libre, tu dois bien avoir une autre passion. Rappelle toi notre rencontre sur les toits, moi j'adore regarder la lune ainsi que les étoiles. Elles sont pures et personne ne peut les atteindre. Tranquille, pas d'emmerdes si je peux me permettre. Je compte beaucoup aussi, des trucs bizarres voir même inquiétant. Le nombre de passants, de pas qu'il me faut, le temps à la seconde près. Tu vois ? On a tous un petit truc comme ça non ?" Lui dis-je en rigolant. "Et je veux tout savoir de toi, mais je saurai avoir la patience nécessaire, alors raconte moi ce que tu veux, pause moi les questions que tu veux. On est là pour ça non ? Se rencontrer et apprendre à se connaître. Parce que, malgré tout... je pense que... je..."

J'ai commencé à rougir et par chance Nizao est arrivé au même moment avec nos entrées. Qu'est-ce que j'étais en train de lui dire ? Je peux remercier le vieux, il m'a sûrement sorti d'une situation extrêmement gênante. Je me suis peut-être un peu emporté, mais j'ai laissé parler mon cœur et surtout, je veux lui laisser dire ce qu'elle veut. Je ne veux pas la brusquer.

L'entrée était servie. Je préférais faire comme si je n'avais pas relevé la dernière phrase du Ketsueki. Nizao était arrivé au bon moment, apparemment. La soupe miso étant encore fumante, je pris le temps de répondre à Kazushi avant de commencer.

« Moi aussi, je suis fille unique. Mon père aurait voulu un autre enfant, ma mère pas. Je suis désolée pour ton père. »

Je lui tendis ce premier message. Je ne savais pas si c'était un sujet encore douloureux pour lui, le mieux était donc de ne pas trop poser de questions. L'avait-il connu ? Si mon père venait à mourir, serais-je triste ? Non, probablement pas. Mais Kazushi n'était pas comme moi, et il avait l'air d'entretenir une bonne relation avec sa mère.

« La maison est très grande, donc plusieurs membres des Chikamatsu vivent sous le même toit, même s'ils ne sont pas de ma famille proche. Tu as pu faire la connaissance de ma grand-mère... Mes parents ne sont pas ce que l'on pourrait qualifier de "gentils". Ma mère est en constante dépression et mon père est très strict. Nous avons seulement des rapports très cordiaux, presque professionnels. »

J'espérais que ce second message ne lui ferait pas peur ; qu'il le prendrait plutôt comme une preuve de confiance.

« Oui tu as raison, ma marionnette occupe beaucoup de mon temps libre, mais plus tant que ça depuis qu'elle est terminée. J'aimerais bientôt en créer une deuxième. Je commence déjà à réfléchir à la forme et aux matériaux. Sinon pour les trucs bizarres... J'aime bien observer. Plus particulièrement les insectes. J'aime aussi observer les expressions des gens, leurs manies, décrypter leurs émotions. Flippant, non ? »

Après avoir esquissé un léger sourire pour accompagner la dernière phrase de mon dernier papier, je joignais les paumes de mes mains et prononçais silencieusement "itadakimasu". Même en étant muette, certaines choses restaient importantes à mes yeux.

Par chance, Ruri n'a pas décidé de faire de remarque sur mes dernières paroles. Je ne vais pas m'attarder là-dessus et je vais passer à autre chose. Ruri a décidé de me répondre avant de manger, je pose donc mes baguettes et attends avec impatience ces réponses. Tout comme moi, elle est fille unique. J'apprends quelques détails sur ses parents, son père voulait un deuxième enfant, sa mère non. Ses parents ne sont pas particulièrement "gentil".

Sa mère est dépressive, tandis qu'elle a une relation "professionnelle" avec son père. C'est étrange, mais cela ne me choque absolument pas venant de la très grande maison Chikamatsu, le clan est réputé pour la rigidité dans les entraînements et tout ce qui tourne autour de l'art ninja de la maîtrise des marionnettes. Le fait de ne pas connaître mon père à fait de ma mère une maman très aimante et toujours là pour moi. Je n'ai jamais mal vécu le fait de ne pas connaître mon père. Je devrais peut-être lui dire. Mais avant ça, je veux attendre le dernier message qu'elle est en train de m'écrire.

Ses hobbies, tout comme je le pensais, sa marionnette lui prend beaucoup de temps et tout comme moi, elle fait des choses flippantes pendant son temps libre. Moi je compte tout et elle, elle analyse tout. Nous pourrions faire une paire parfaite. Elle analyse et reconnaît le suspect avant de me le dire et moi je compte et analyse sa vitesse afin de savoir exactement quand celui-ci va nous tomber dessus. Haha, peut-être lui en toucherais un mot. Elle aime aussi observer les insectes, je ne me suis jamais penché là-dessus, mais cela peut-être intéressant.

"Ne t'inquiète pas pour mon père. C'est plutôt moi qui doit être désolé. J'ai eu une vraie relation parent-enfant avec ma mère. Tandis que toi tu n'as pas eu cette chance. Je ne sais pas comment tu vois cela, je sais par réputation le fonctionnement de ton clan." D'une mine triste avant de continuer. "Sinon, on ferait une bonne paire les deux sur le terrain ! On peut utiliser nos "capacités" spéciales afin de reconnaître et traquer les ennemis !" J'arrête quelques secondes ma phrase avant de reprendre. "J'aimerais bien que tu me montres les insectes, ce que tu as appris d'eux. Plein de choses. Et j'ai à nouveau deux questions ! Est-ce que tu t'y connais en moustique ? Et est-ce que tu veux me parler de ta nouvelle marionnette ? Tu n'es bien sûr pas obligé de me répondre, je ne veux pas que tu prennes ça pour de l'espionnage industriel haha. Et tu peux bien sûr manger avant de me répondre." Toujours en souriant.

Suite à cela, je regarde encore un petit coup Ruri, celle-ci prend ses couverts et joint ses mains avant de murmurer, ou en tout cas mimer un mot. Je n'y porte pas plus d'attention, je trouve cela "chou", si je peux me permettre. Je décide donc de faire comme elle, elle est bien élevée contrairement à moi qui ai plutôt tendant à manger avant que tout le monde soit servi, mais je vais faire des efforts aujourd'hui, pour elle. Je prends donc mes baguettes et tout en joignant mes mains, je lance un petit mot rempli de sens.

"Itadakimasu !"

« Non, ne t'inquiète pas non plus, ça ne me touche pas spécialement. En tout cas plus aujourd'hui. Je n'ai jamais eu une relation comme ça, du coup ça ne me manque pas. Ça a l'air assez dramatique dit comme ça, mais ce n'est pas le cas. Ta mère a l'air très gentille. Même toute seule, elle t'a bien élevé. Elle doit être une femme forte. »

Et grâce à elle, il n'était pas un Ketsueki "comme les autres". Du moins, il n'avait encore jamais essayé de boire mon sang. Il était toujours honnête avec moi, et je le croyais. Je voulais le croire, malgré les rancoeurs persistantes entre nos deux clans. Et même si notre relation se concrétisait, je ne pourrais jamais le présenter à ma famille. Ma mère s'en fichait sûrement, elle aussi était étrangère au clan : nous avions encore un point commun. Mais, je ne pourrais jamais lui faire confiance sur un sujet aussi délicat. Elle avouerait tout à mon père. Il aurait mieux valu pour nous deux que mon père meure à la place de celui de Kazushi...

Je me perdais dans mes pensées. J'eus un sentiment de culpabilité, je ne pouvais pas lui dire que je me fichais que mon père décède. Ça ne changerait rien à la situation et ce serait très égoïste.

« Cette soupe miso est délicieuse. »
, écrivis-je pour me détourner de mes pensées. « Une paire de bizarres, oui ! Mais je suis sûre que l'on peut former une bonne équipe. »

Plus je l'observais, plus je me demandais ce qu'il me trouvait. Il était attentionné, très sociable et, le moindre que l'on puisse dire, c'est que son physique allait de pair avec sa personnalité. J'étais tout son contraire... Réservée, froide, et même avec cette robe, j'avais conscience que je ressemblais plus à une adolescente qu'à une femme. Il avait certainement n'importe quelle fille du village à ses pieds sans le moindre effort.

Pourtant c'était moi que son coeur avait choisi... Malgré le fait que ce soit presque perdu d'avance. Je me sentais flattée, mais je ne comprenais pas. Etait-ce un piège ? Je ne pouvais enlever le doute de mon esprit. Paradoxalement, il m'était impossible d'imaginer que Kazushi ferait une chose pareille. Je ne voyais pas de but non plus. Il devait être seulement dérangé, ou il aimait simplement les challenges.

Je me perdais à nouveau dans mes pensées... Chose qui arrivait assez fréquemment. Je ne pouvais pas m'empêcher de réfléchir constamment, de penser à des situations impossibles, ce qui me déconnectait parfois de la réalité. Je devais me concentrer pour me rappeler de ce qu'il avait dit.

« Les moustiques ? Désolée, je ne me suis jamais penchée dessus... Mes insectes préférés sont les fourmis et les araignées. Cela m'impressionne toujours, de voir ce que peuvent faire d'aussi petits êtres. Je pense d'ailleurs que ma prochaine marionnette sera une araignée... J'y vois plein d'avantages : les nombreuses pattes, les crocs, le venin, la toile... »

La réalité me frappa soudain.

« Le moustique... ? Par rapport aux Ketsueki ? »

Je lis la réponse de Ruri attentivement, elle ne connaît pas les moustiques et je ne peux lui en vouloir. En lisant la suite de son message j'ai appris qu'elle aimait surtout les fourmis et les araignées et que c'est certainement de ces dernières qu'elle va s'inspirer pour sa prochaine marionnette. Avant la dernière phrase : "Les moustiques... ? Pa rapport aux Ketsueki ?" Est-ce que je dois lui répondre ? Est-ce que je dois lui dire la vérité ? Je pense que oui, elle l'a dit elle-même, elle sait lire les visages et découvrirait donc que je ment. Elle doit même avoir remarqué le petit coup de stress que cette dernière phrase m'a fait.

"Je suis content que la soupe te plaise, cela me fait plaisir." Je marque une courte pause avant de reprendre. "Les fourmis... je trouve ces petites bêtes très intéressantes moi aussi, si petites et pourtant elles gèrent leurs colonies bien mieux que les humains, personne n'est laissé derrière et tout le monde à un rôle bien précis... pas de traîtres. Les humains devraient en prendre exemple. Je suis un peu moins contemplatif envers les araignées je dois te dire, ces petites bêtes ne me traumatises pas, mais ce n'est pas celles que je préfère. Par contre, comme marionnette cela peut-être très intéressant." Je marque une nouvelle pause, un peu plus longue que la précédente. "Et pour le moustique... il est vrai, j'ai jamais vraiment comparé les Ketsueki avec ces insectes, pourtant, d'une certaine manière on fonctionne comme eux. Mais, si je t'ai demandé cela, c'est parce qu'en réalité je souhaite obtenir le pacte Kuchiyose du moustique. Je ne pense pas devoir te faire de dessins, t'as compris. Empoisonner mes ennemis ainsi que récolter leurs sangs, voici mes principaux buts."

J'attends quelques secondes afin de voir la réaction de Ruri, j'ai décidé d'être honnête avec elle, peut-être au risque de lui faire peur, mais au moins, je ne lui ai pas menti. Je vois au loin Nizao arriver avec le plat, je m'empresse donc d'ajouter une petite phrase pour me "justifier".

"J'ai décidé d'être honnête avec toi, c'est un peu quitte ou double. J'espère ne pas t'avoir fait peur." En esquissant un sourire gêné.

Nizao arrive donc avec les plats, salade d'algues et fruits de mer pour Ruri et gyoza aux crevettes pour moi. Je remercie Nizao d'un signe de tête accompagné d'un sourire. Je me tourne ensuite vers Ruri afin de lui lancer un beau sourire et de commencer le plat principal.

Oui, c'était également ce que je pensais à propos des fourmis. Mais à vrai dire, dans l'instant présent, je m'en fichais un peu. La réponse que j'attendais vraiment, c'était celle sur les Ketsueki. Encore plus lorsque son visage se crispa au moment de lire cette dernière phrase. L'attente me parut beaucoup plus longue qu'en réalité. Mais la vérité était encore plus intéressante que ce que j'avais imaginé.

J'avais déjà vu des Kuchiyoses, lors de ma rencontre avec Van Hohenheim. Il se servait de ses scorpions pour atteindre ses cibles, avant de les faire exploser. J'avais trouvé cette pratique assez cruelle. Des Kuchiyoses moustiques pour un Ketsueki. Des suceurs de sang aux services d'un suceur de sang. L'idée était absolument géniale. Géniale et terrifiante. S'il obtenait ce pacte... Les conséquences pourraient être énormes.

Je ne connaissais pas en détail le pouvoir des Ketsueki, mais j'avais souvent entendu dire : "S'ils arrivent à avoir ton sang, le combat est terminé." Avec des moustiques sous ses ordres, Kazushi pourrait avoir le sang de n'importe qui dans la discrétion la plus totale. Il pourrait tuer des gens, sans même que ceux-ci aient vu la mort s'approcher. J'étais effrayée et en même temps admirative. Aucun Ketsueki n'y avait jamais pensé ?

Si cela arrivait aux oreilles de son clan et qu'ils décidaient de faire de même... Ils pourraient également décider de se venger de mon clan. Que devais-je faire ? Je ne pouvais en informer personne sans en même temps évoquer mon amitié avec Kazushi. Cette guerre était finie depuis longtemps, mais les rancoeurs subsistaient chez certains. Il m'accordait sa confiance en me parlant de ses plans, mais cela me mettait dans une position délicate.

« Seulement tes ennemis ? »

C'était tout ce que j'avais trouvé à écrire. J'étais encore sous le choc de la nouvelle. Je m'étais préparée à une révélation ce soir, mais pas à celle-ci. Je n'avais même pas remarqué que nos plats avaient été servis.

« Kazushi. L'idée est excellente, mais aussi très dangereuse... De mauvaises personnes pourraient s'en servir pour de mauvaises choses. Je fais bien sûr référence aux autres personnes de ton clan... Je sais que tu n'es pas comme eux, mais eux n'hésiteraient pas à s'en servir pour faire le mal. Ils pourraient s'en servir pour se venger de ce qu'il s'est passé il y a quelques années avec les Marionnettistes, par exemple. Je te remercie de m'accorder ta confiance, mais... Si tu arrives à avoir ton pacte, je serais peut-être obligée d'en avertir mon chef de clan. »

Pour la première fois, depuis cette nuit sur les toits, Kazushi m'effrayait. Prendrait-il mon sang ? Celui de chaque Sunajin, sans distinction ?

« Peux-tu m'en dire plus, s'il te plaît ? Ce que tu comptes faire si tu obtiens ce pacte... Dois-je craindre pour ma sécurité ? Dois-je prévenir mon clan qu'une nouvelle guerre se prépare ? »

J'étais peut-être un peu excessive dans mes propos, mais je ne pouvais laisser planer le doute.

Ruri n'a pas touché son assiette, je pense même qu'elle n'a même pas remarqué que celle-ci avait été servie. Comme je le pensais, ma révélation eu l'effet d'un choc. Je préfère être honnête qu'elle le découvre plus tard par je ne sais quel intermédiaire. Je suis sûr qu'elle comprendra. Le premier message qu'elle écrivit n'a eu pour seul effet de confirmer mes pensées. Elle a peur, c'est mon avis. Je vais faire de mon mieux pour que cette peur s'en aille en répondant à toutes ses questions.

"Seulement mes ennemis." Lui dis-je d'un ton grave. "Je pourrais aussi avoir le sang d'allié afin de les soigner, mais je n'ai pas les capacités requises pour de tels agissements. De ce fait, prendre le sang de quelqu'un qui n'est pas mon ennemi sera vu comme une trahison de sa part et de son village, son clan. Je ne prendrais jamais le risque d'en arriver là."

Je peux voir que malgré ma réponse, ses traits ne se desserrent pas et qu'elle a toujours l'air inquiète. Son second message n'a fait qu'appuyer ce que je pensais, encore une fois. Cette fois-ci, c'est un peu plus grave que "Seulement tes ennemis ?" Elle ne me connaît donc pas assez, j'ai peut-être omis de lui préciser que je n'ai quasiment aucun contact avec mes congénères Ketsueki, si ce n'est le jeune Kuro.

"Il y a comme, ce que l'on peut appeler des droits sur le pacte. Il n'y a qu'une personne qui maîtrisait cet art. Et elle est morte. C'était mon père. On ne peut pas apprendre ce pacte à qui va. Pour l'apprendre il faut avoir accès au parchemin. Ce parchemin, c'est moi qui l'ai. Je suis le seul à savoir où il se trouve. Tu n'as donc pas à t'inquiéter, il ne tombera jamais entre de mauvaises mains, jamais. Tu peux me faire confiance." Je la regardais droit dans les yeux et d'un air très sérieux, à tel point que je ne me rappelle pas d'avoir été si sérieux depuis longtemps. "Aucune guerre n'aura jamais lieu, tu me connais assez pour savoir ça. Je ne suis pas de ce genre. Il n'y a aucune raison de prévenir ton clan, tu t'attirerais plus d'ennuis qu'autre chose. Sinon, je compte m'en servir lors de combats, missions, tout ce qui se rapporte au métier de shinobis. Je m'en servirais pour récupérer du sang uniquement lorsque cela sera nécessaire. Pour protéger des gens que j'aime, le village, ma vie, ta vie. Jamais pour faire du mal intentionnellement. Tu n'as rien à craindre. Tu peux me poser toutes les questions que tu veux, je te répondrais." Lui dis-je en souriant, mais en restant sérieux.

Cette dernière phrase, je l'espère, aura comme effet de lui faire comprendre que je ne veux de mal à personne. Surtout pas à elle, ni à son clan, ni à personne à Suna. Elle peut me faire confiance et j'aimerais qu'elle m'accorde cette confiance, mais je ne peux malheureusement pas la forcer.

Oh. J'avais de nouveau trop réfléchi. J'avais imaginé le pire scénario, comme souvent. Ne disait-on pas "Mieux vaut prévenir que guérir" ? Guérir serait inutile dans la situation actuelle, Kazushi n'avait pas de mauvaises intentions. J'étais soulagée.

« Excuse-moi, je ne voulais pas te faire du tort. Je ne savais pas que le pacte pour les Kuchiyoses fonctionnait ainsi. Je pensais qu'il suffisait d'avoir l'idée. J'ai imaginé le pire. Je suis désolée. Mangeons. »

Il y eut un blanc assez pesant après ça. Je me sentais idiote d'avoir réagi au quart de tour et d'avoir plombé l'ambiance.

« Donc, tu ne veux pas boire mon sang ? » Ecrivis-je avec un sourire ironique, espérant détendre l'atmosphère. « Je m'inquiétais des agissements des autres Ketsueki... Pas des tiens. Mais je t'ai quand même accusé indirectement. J'espère que tu ne m'en veux pas. »

Oui, c'était vraiment stupide de croire que les Kuchiyoses pouvaient s'obtenir aussi facilement. Kazushi souffrait déjà les préjugés sur son clan. J'avais enfoncé le clou. Peut-être que cet épisode l'avait fait changer d'opinion sur moi, et qu'il me voyait enfin comme la gamine perturbée et apeurée que j'étais. Même s'il ne laissait rien transparaître, il était certainement blessé. Je m'en voulais.

« Dis, ça te dérangerait de m'expliquer un peu mieux le pouvoir des Ketsueki ? Au final, je n'y connais pas grand-chose. Si tu as des questions sur les Marionnettistes, je veux bien y répondre également, même si ça me semble un peu moins complexe. »

J'avais presque terminé mon plat, même si l'évènement qui venait de se produire me laissait un goût étrange dans la bouche.

« Au fait, raconte-moi aussi comment tu as intégré l'équipe d'Ogami ! Ça te fait pas bizarre qu'il soit notre sensei, alors que nous avons tous les trois le même âge ? Pour ma part, rien de bien extraordinaire... Le jour de mes dix-huit ans, j'ai postulé pour rejoindre une équipe. Toshiro Ogami est le premier à avoir répondu, et comme il n'y avait pas vraiment de test d'entrée... Tu as dû combattre, toi aussi ? Je suis sûre qu'à deux on arriverait à le battre ! »

J'écrivais beaucoup, dans l'espoir de relancer la conversation. Je ne pouvais pas "meubler le silence", étant donné qu'aucun son ne sortait de ma bouche, mais je faisais au mieux pour que la soirée se termine bien.

Lorsque Ruri compris que mes intentions n'étaient pas mauvaises et qu'elle ne risquait rien, j'ai tout de suite senti l'ambiance se détendre. C'est dans le silence, mais la bonne ambiance que le reste du repas c'est déroulé. Jusqu'au moment où celle-ci a à nouveau sorti son cahier afin de m'écrire quelque chose. Je lis donc le message avec attention tout en lâchant un petit rire.

"Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux absolument pas, de plus, j'y suis habitué tu sais. Je connais la réputation des Ketsueki. J'en ai beaucoup fait les frais en étant plus jeune, mais maintenant cela va mieux. Les gens acceptent de mieux en mieux les miens, si je peux me permettre. Je n'ai des Ketsueki que le nom et le pouvoir tu sais." Lui répondis-je en souriant.

La suite du repas se déroula sans trop d'encombre, nous mangions chacun notre plat et je regardais Ruri, lui souriant lorsque celle-ci osait elle aussi me regarder. J'allais terminer mon repas lorsque celle-ci se mit à nouveau à écrire. Je termine donc rapidement cette assiette avant de lire le nouveau mot de Ruri.

"Tu veux en savoir plus sur mon pouvoir ? C'est compliqué tu sais. Même moi je ne saisis pas tous les principes de celui-ci. Il me semble que certaines personnes peuvent contrôler le sang afin, par exemple, de créer des lianes et ce genre de truc tu vois ? Moi je ne peux pas, je ne maîtrise, pour l'instant, que l'aspect le plus glauque du chi'ton. Il faut que je boive le sang de mon adversaire pour que celui-ci soit efficace. Ensuite, je me dirige dans un pentacle que j'ai créée précédemment avec mon sang." Je plonge ma main à l'intérieur de mon haut afin d'y ressortir un collier. "Le pentacle à cette forme. Et pour finir, je me dirige à l'intérieur de ce pentacle et c'est là que ça se complique. Une fois que tout ceci est prêt, l'adversaire est à ma merci. Je peux le blesser en me blessant moi-même, je fais office de poupée vaudou, en gros, si je plante un poignard dans le torse, j'en ressentirais uniquement la douleur, tandis que l'adversaire lui sera possiblement mort. Tu vois ? Après, le maîtrise du sang peut aussi être utilisée en médecine, pour quelque chose de plus joyeux." Je marque une courte pause afin de réfléchir aux questions que je pourrais poser à Ruri concernant les marionnettistes. "Oui je pense avoir quelques questions. J'ai cru entendre dire que vous contrôliez vos marionnettes à l'aide de fil de chakra, c'est bien ça ? Et donc, vous déclenchez divers pièges par le biais de celles-ci ?"

Il est vrai que je ne m'étais jamais vraiment posé de questions concernant les marionnettistes, je trouve que ce pouvoir n'est pas fait pour moi. Ruri mangea encore quelques instants avant d'à nouveau me poser une question, cette fois-ci elle concerne Toshiro Ogami, notre senseï à tous les deux.

"Haha, moi j'ai eu droit à un "test" d'entrée par contre. Et non, cela ne me dérange pas que nous ayons le même âge, je pense même que la cohésion d'équipe peut être plus forte si l'âge des intervenants est proche. Sinon, il m'a convoqué aux terrains d'entraînements afin de réaliser quelques tests. Le premier, j'avais deux minutes pour le blesser afin de récupérer son sang. Je n'ai pas réussi malgré tous les efforts que j'y ai mis. Après ça, j'ai eu deux choix, abandonner ou continuer, j'ai bien sûr continué. La deuxième étape était un peu plus périlleuse, j'ai dû m'infiltrer dans les bureaux du Kakumeigun et plus précisément dans celui qu'il occupe aujourd'hui, mais auparavant occupé par Ketsueki Yami, afin d'y voler un dossier. J'ai réussi cette étape, je l'ai réussie. Une fois devant lui avec le dossier, il m'a menacé de me dénoncer pour infiltration ainsi que le vol d'un dossier... tu vois ? Hahaha. La suite de l'épreuve a été un speech de sa part sur ce qu'il attendait de moi. Voilà, c'est à peu près tout. Haha." Lui répondis-je d'un trait et d'un ton joyeux. "Je vois que tu as terminé, tu désires un dessert ?"

Je ne pense pas prendre de dessert, je ne suis pas très sucré et sucrerie, mais tant que celle-ci ne se sera pas décidée, je chercherais un dessert, je la vois très bien en refuser un uniquement parce que je n'en prends pas.

« Donc, tu souffres à chaque fois que tu combats ? Mais tu n'es pas blessé ? N'y a-t-il pas un autre moyen ? »

Je réfléchissais à ce que venait de me dire Kazushi. C'était assez "barbare", comme technique, comme je m'y attendais. Après tout, les Ketsueki sont obligés d'utiliser le sang. En utilisant cette méthode, il était sûr d'atteindre sa cible. Mais c'était un sacrifice à chaque fois... Sans parler de la douleur terrible, le geste était en lui-même assez démonstratif. Se planter soi-même une lame dans le ventre... Autrement dit, un suicide. Mais dans le cas présent, seule la souffrance était réelle. Et si un jour, par je ne sais quel moyen, la technique venait à échouer ? Que se passerait-il ?

« Tu ne pourrais pas adapter ta technique à une poupée ? Ou... une marionnette ? »

J'avais constamment un kit de secours sur moi, mais je ne pensais pas être capable de le sauver s'il venait à réellement se planter une épée dans le coeur. Depuis notre dernière mission ensemble, j'avais rajouté du fil et une aiguille dans la trousse. Juste au cas où.

« Oui, pour les fils de chakra, c'est bien ça. »

J'effectuais une mini démonstration en attirant mon verre grâce à un fil. C'était un peu inutile en dehors de la marionnette, mais j'aimais bien m'en servir quelquefois.

« Pour invoquer notre marionnette, les Marionnettistes sont obligés de maîtriser le Fuinjutsu, l'art des sceaux. Nous plaçons également des sceaux sur nos pantins pour déclencher des pièges ou autres, comme tu le dis. J'ai plusieurs sceaux directement apposés sur ma peau également. »

J'écartais légèrement le col de ma robe en direction de mon épaule pour dévoiler un sceau. Ils étaient la plupart du temps, cachés sous le long drapé de mon kimono. Invisible mais facile d'accès pour moi. Je ne savais pas si Kazushi les avait déjà remarqués. J'en avais plusieurs sur les bras, le torse et les jambes. C'était grâce à ça que je transportais mon matériel de secours d'ailleurs, ainsi que d'autres armes de rechange. Ma marionnette était scellée dans ma peau, elle aussi.

« Non merci, je ne vais pas prendre de dessert. Plutôt un thé, si ça ne te dérange pas. Comme ça, nous pouvons rester un peu plus longtemps ici. »

La vérité était que je ne savais pas comment aller se terminer la soirée, et ça m'effrayait. Je n'avais pas réussi à me décider. J'étais incertaine. Serait-il plus blessé si je le rejetais, ou s'il remarquait au fil du temps que j'étais incapable d'avoir des sentiments ?

Ruri souhaite un thé, c'est avec plaisir que je lui offre le ce petit plaisir. Quant à moi, je vais en faire de même et vais prendre un thé. Je fais un petit signe à Nizao afin que celui-ci puisse venir prendre notre commande.

"Je prendrais un thé à la menthe, et toi Ruri ?"

Nizao repart aussitôt la commande terminée et je décide de poser une dernière question à Ruri. J'appréhende quelque peu sa réponse, je suis d'accord, mais cette question est nécessaire pour la suite de notre relation.

"J'ai une petite question... qu'est-ce que tu penses de moi ? En tant qu'homme, pas comme shinobi. Tu vois ce que je veux dire ?"

Je suis un peu stressé en attendant la réponse, je dois l'avouer, j'espère que je ne me fais pas trop de fausses idées. Quoi qu'il en soit, le vieil homme arrive avec nos thés et je le remercie chaleureusement. Avant de proposer du sucre à Ruri, plus par politesse. Je suis persuadé que celle-ci, tout comme moi, ne sucre pas son thé. Nous buvons notre thé tranquillement tous les deux, un échange de questions simples se produit, petites discussions etc.

Le repas est maintenant terminé, nous avons très bien langé et passé un bon moment, mais il est l'heure de s'en aller. Je me lève donc afin de payer nos consommations de ce soir et retourne vers Ruri. Nous sortons du restaurant et je me décide d'essayer une dernière petite approche.

"Excuse moi de te déranger encore une fois..." Je marque une pause, trop gêné pour continuer. "Je viens d'emménager comme je te l'ai dit plus tôt... Tu veux venir voir à quoi ressemble mon chez moi ? C'est encore tout propre et je fais du très bon thé... et de très bons petits gâteaux..."

Voilà, c'était dit, n'importe qui voit dans cette demande quelque chose de plus poussé qu'une simple rencontre, mais bien loin de moi cette idée, je veux juste continuer cette belle soirée afin de la terminer d'une belle façon.

Je fis signe au vieil homme que je voulais un thé à la menthe, moi aussi, suivi d'un hochement de tête qui signifiait "s'il vous plaît". Je préférais le thé au jasmin, mais la menthe me convenait très bien également. Et c'était plus facile de prendre la même chose que Kazushi.

Je pris mon temps pour répondre à sa question. Ce que je pensais de lui... en tant qu'homme ? Décidément... Soit il ne savait pas ce qu'était la subtilité, soit il ne voulait vraiment pas cacher ses intentions.

« Et bien... C'est la première fois que nous nous voyions en dehors des missions. C'est assez compliqué de juger sans voir le côté shinobi. Mais je pense que tu es quelqu'un d'honnête et d'attentionné. Du moins avec moi... Je ne sais pas comment tu te comportes avec les autres personnes. De la même façon, je suppose. »

J'avais été honnête, comme lui. Libre à lui d'en tirer les conclusions qu'il voulait. J'étais curieuse de savoir ce qu'il pensait de moi également, mais je ne voulais pas lui demander ce soir. Une autre fois, peut-être. La soirée touchait à sa fin.

Kazushi paya la note. Je saluais Nizao en sortant. Il était âgé, pourtant il continuait à assurer la gérance et le service du restaurant. Faisait-il aussi la cuisine ? Non, impossible. J'écrivis ensuite un simple "Merci." à l'attention du Ketsueki, avant de le remercier respectueusement, mains sur les cuisses et tête légèrement penchée.

Je prenais la direction de la maison lorsque Kazushi m'interpella. La demande me cloua sur place. Aller chez lui ?! Pour qui me prenait-il ? Alors, il pensait à ça depuis le début... Je le fixais pendant quelques instants, interdite. Puis je me souvint à qui j'avais affaire. Malgré son apparence, le Ketsueki était encore innocent...

Je fis quelques pas en sa direction tout en prenant un kunai scellé dans un de mes sceaux. Lorsque je lui fis face, je plaçais l'arme sous ma propre gorge, avant de le pointer dans sa direction. Même sans paroles, le message était très clair : « Si tes intentions sont malhonnêtes... »

Je scellais à nouveau le kunai à sa place, avant de lui adresser un sourire.

« J'espère que tu sais jouer aux cartes ! »

Ruri était en train de repartir lorsqu'elle s'est brusquement arrêtée, comme choqué par ma question. Ai-je bien fait de lui demander dès aujourd'hui de venir chez moi ? Je sais très bien que la plupart des personnes verraient d'un mauvais œil, mais ce n'est absolument pas mon envie. Pourtant, lorsque celle-ci sorti un kunaï je n'ai pu m'empêcher d'être un peu apeuré. Pas très longtemps cela dit, très vite j'ai compris que ce n'était en fait qu'une menace, ce que je comprends tout à fait venant de Ruri.

"Oui ne t'inquiète pas, tu peux même sortir ta marionnette si cela te rassure. Je ne te veux aucun mal..." Je marque une légère pause avant de répondre à sa question. "Je suis plutôt un joueur de go ou de shogi, mais je sais jouer aux cartes." Lui répondis-je avec un sourire.

Le chemin jusqu'à mon appartement c'est déroulé dans le calme et sans trop de "bavardages" interposé. En même temps, on ne peut pas vraiment faire sans. Nous arrivons après une courte dizaine de minutes chez moi, je sors donc les clés d'une de me poches, ouvre celle-ci et invite Ruri a monter. Mon appartement est ce qu'on appelle un duplex. Une entrée au rez de chaussée ainsi qu'un petit rangement afin d'y poser affaires et chaussures. Ruri s'engage donc la première dans le couloir. Je lui fais un petit signe afin de lui montrer qu'elle pouvait me donner ses affaires, je les rangerais à sa place.

"Monte, fais comme chez toi, j'arrive tout de suite."

Je pose donc le sac de Ruri sur la chaise qui se trouve en bas. D'habitude pleine d'habits avant de monter.

"Je peux t'offrir un thé ?" Lui dis-je en m'approchant d'elle et lui montrant une boite remplie d'infusions diverses et variées. "Voici mes thés, je te laisse choisir."

Je me retourne laissant ainsi quelques instants à Ruri pour choisir son infusion préférée et met une casserole remplie d'eau à cuir. Je me dirige ensuite vers une petite armoire afin d'y sortir une boite, boite contenant tout le nécessaire pour des jeux de sociétés. Pièces et plateaux de shogi et de go ainsi qu'un paquet de carte à jouer.

"Une partie de carte alors ?" Tout en m'asseyant en face de Ruri sur l'un des nombreux canapés de mon salon.

« Ne t'inquiète pas, je n'ai pas besoin de mon pantin pour t'arracher la tête... »

Dernier message avant de se mettre en route. J'espérais que Kazushi apprécie le sarcasme. Je n'avais pas envie de lui arracher la tête, et je doutais fort de mes capacités à le faire à main nues.

L'appartement du Ketsueki était plutôt moderne, et parfaitement rangé. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais imaginé le domicile de Kazushi en désordre, avec des affaires traînant partout. Cette image collait assez bien avec sa personnalité impulsive. Hors, ce n'était pas du tout le cas. Ou alors avait-il particulièrement rangé pour cette soirée ? Ce genre de choses ne se demandait pas...

Je fis le tour de la pièce principale. Un grand salon, avec une table et une cuisine dans le fond. Deux portes, sûrement la salle de bain et la chambre. Dans un coin de la pièce se trouvait un autel, mais je n'avais pas osé m'en approcher. Aucune photo accrochée aux murs. J'avais espéré y voir une photo de sa mère, voir si elle ressemblait à la femme que j'avais imaginée quand il me l'avait décrite.

Je choisis un thé au jasmin. Ce n'était pas vraiment correct d'inspecter chaque détail de son appartement, même si j'y avais été invitée ; alors je l'observais lui, en train de faire chauffer de l'eau. Bizarrement, même si la chemise lui allait parfaitement, je le préférais avec son kimono. Il avait quelque chose de... familier.

« Comme tu veux. Je ne sais pas jouer au shogi, mais je sais jouer au go. Mais je n'ai jamais joué contre quelqu'un. »

Je regrettais immédiatement d'avoir écrit cette dernière phrase, mais c'était trop tard. Je n'allais pas lui arracher le papier des mains. Je n'avais pas réalisé à quel point c'était pitoyable, jusqu'à ce que je le couche sur du papier. Le mal était fait, et mes jouent passèrent au rouge. Jouer contre sa propre marionnette ne comptait pas.

Le mutisme m'empêchait de dire des choses stupides, mais il ne m'empêchait pas de les écrire. Je pensais plus vite que j'écrivais, ou le contraire. Ce n'était pas la première fois que je révélais des choses à Kazushi. Cela voulait-il dire... que je lui faisais confiance ?

Ruri choisi un thé au jasmin, je trouve que cela lui correspond bien. Je la regarde discrètement tout en chauffant l'eau pour le thé, je peux la voir regarder un peu partout, chose tout à fait normal et cela m'arrache même un léger sourire. Lorsque je suis revenu vers elle, accompagné des thés, j'ai pu lire son dernier message, elle n'a jamais joué au shogi, mais sait jouer au go. Allons-y alors, une petite partie de go.

"Bien, alors jouons au go ! Et n'hésite pas à te manifester si tu désires changer de jeu, t'en aller ou quoi que ce soit !" Lui dis-je en souriant.

Je pose donc nos tasses sur la table basse du salon et sort le goban ainsi que les pierres afin de pouvoir jouer.

"Je te laisse choisir tes pierres ! Noires ou blanches ?"

Les noires sont les pierres qui débutent la partie tandis que les blanches elles ne jouent qu'au deuxième tour. Je n'ai pas assez joué pour vous dire si cela est un réel avantage pour la partie. Je commence donc à distribuer les pierres, quand, soudain je me rappelle de quelque chose. Je me lève donc tout en disant à Ruri.

"Tu peux continuer la distribution s'il te plaît ? Je reviens tout de suite !"

Sur ces mots je me dirige vers la cuisine et sort une boite d'une armoire. Dans cette boite se trouve un bon nombre de biscuit que j'ai eu le temps de cuisiner entre deux missions. Je sors donc un plat afin de verser ceux-ci à l'intérieur. Je me retourne vers Ruri et lui demande donc.

"J'espère que tu aimes les biscuits, il y en a plusieurs variétés, sablés, mou. Un peu de tout." Lui dis-je en souriant. Je marque une courte pause avant de continuer. "Et si cela t'intéresse, je peux t'apprendre le shogi tout à l'heure !" Toujours en souriant.

Ruri a terminé la distribution des pièces et la partie va donc commencer. Je prends ma tasse aux motifs de bambou, tout comme celle de Ruri afin de boire l'infusion de menthe que je me suis préparé.

« Merci pour le thé. C'est déjà tard, mais j'ai encore le temps pour quelques parties... »

Je n'avais pas vraiment envie de partir, et je n'étais pas vraiment fatiguée. Je savais que de toute façon, il me faudrait plusieurs heures pour trouver le sommeil. L'insomnie était un de mes démons, qui ne me quittait jamais. Je n'avais pas non plus l'obligation de rentrer à une certaine heure depuis que j'avais fêté mes dix-huit ans, mais je ne pouvais pas rester chez Kazushi indéfiniment.

L'idée de vivre seule ne m'avait jamais effleurée, et malgré les relations que j'entretenais avec ma famille, cela me semblait impossible de quitter la maison. Pourtant, quand je voyais l'appartement du Ketsueki... Je m'y sentais bien. Il représentait tout le contraire de la demeure des Chikamatsu : petit, chaleureux, accueillant. L'odeur de Kazushi était omniprésente et cela renforçait le sentiment de familiarité.

« Je prends les blanches, si ça te convient. C'est toi qui commence ! »

Je distribuais les pièces lorsque le Ketsueki se leva, et revint avec... des biscuits ? Plus la soirée avançait et plus Kazushi me surprenait. Je ne l'aurais jamais imaginé en train de faire des biscuits. Encore une fois, il était insensé de se fier aux apparences. Je le remerciais, et pris un biscuit. Thé vert... Un de mes préférés.

« Ils sont délicieux ! Je dois t'avouer que je ne t'aurais jamais imaginé derrière les fourneaux... » , écrivis-je avec un sourire gêné. « Moi, je ne sais absolument pas cuisiner. »

Je n'avais jamais cuisiné quoi que ce soit de toute ma vie. Je savais faire griller des choses sur un feu de bois, pour les missions dans le désert par exemple, mais ce n'était pas de la cuisine à mes yeux. Si je voulais déménager et avoir un appartement toute seule comme Kazushi, je devrais apprendre.

Au bout de trente minutes de jeu, presque toutes les pièces blanches avaient été enlevées du plateau. Je ne pouvais qu'admettre ma défaite.

« Félicitations, tu as gagné. C'était une belle partie, mais je demande une revanche ! Cette fois-ci, je prends les noirs, d'accord ? Voir si ça change vraiment quelque chose... »

Ruri fut surprise de me voir amener des gâteaux divers et variés. Cela me fait plaisir, d'autant plus que sa remarque. Je suis peut-être grand et j'ai peut-être de grands muscles, mais je sais aussi très bien me débrouiller seul afin de subvenir aux besoins vitaux de tout être humain.

"Merci, j'ai appris avec ma mère et perfectionné le reste seul ici." Lui répondis-je en souriant.

Un biscuit thé-vert. Je commence gentiment à trouver ses goûts. Thé-vert pour les biscuits, jasmin le thé. Ceci dit, la partie fait rage sur le goban, les pierres blanches de Ruri ne font malgré tout pas le poids face à mon expérience. En même temps, c'est sa première partie, il est tout à fait normal de perdre face à quelqu'un qui s'y connait.

"Ah et si tu souhaites un cours de cuisine, n'hésite pas." Tout en souriant. "Je suis toujours disponible lorsque nous ne sommes pas en missions. Je m'entraîne certes, mais j'ai aussi du temps pour moi."

La partie est terminée, mais Ruri souhaite en faire une nouvelle, cette fois-ci elle décide de prendre les pierres noires. Peut-être d'avoir l'avantage de commencer va l'aider cette fois ?

"D'accord, je prends donc les blanches !" Tout en me servant d'un biscuit dans la boite amenée précédemment.

La partie commence et cette fois-ci Ruri est bien meilleure. La partie fait rage et nous sommes extrêmement concentrés sur nos pions à un tel point que personne n'adresse la parole à l'autre. Chacun perd le même nombre de pièce les unes après les autres et ceci pendant une bonne quinzaine de minute avant d'arriver au coup final. Si Ruri joue juste, elle l'emporte. Sinon, c'est moi. Je prends ma tasse et bois une grosse gorgée de thé accompagné d'un biscuit aux pépites de chocolat afin de contempler le goban une dernière fois. Ruri a plusieurs possibilités, mais une seul peut me mettre KO.

Notre deuxième partie touchait à sa fin. Égalité parfaite pour l'instant, mais la balle était dans mon camp. C'était à moi de jouer. Après avoir étudié toutes mes possibilités, je remarquais un coup qui me ferait remporter la victoire. Je voyais que Kazushi l'avait remarqué, lui aussi. Il essayait d'avoir l'air décontracté, mais les traits de son visage étaient tendus. Alors, il aimait tant jouer ? Tant mieux, nous étions deux joueurs alors. Mais sa réaction était tellement mignonne que j'hésitais presque à perdre volontairement.

Faisant durer le suspens, je pesais le pour et le contre. Après tout, il avait déjà gagné la partie précédente, et je devais lui montrer que j'étais quelqu'un de réfléchit. Puis Kazushi n'était pas un enfant ! Je ne devais pas le traiter comme tel. Regardant droit dans ses yeux, je posais la pierre qui me faisait remporter la partie. Je pouvais voir un peu de déception, mais il ne laissait rien transparaître : il n'était pas mauvais perdant. Je m'autorisais tout de même à lui adresser un sourire victorieux et bon enfant.

La nuit était bien avancée à présent. Finissant mon thé, je pris mon calepin pour écrire un mot à mon hôte.

« Merci pour cette soirée, c'était très agréable. On pourrait monter sur le toit ? Pour regarder les étoiles ? Comme lors de notre première rencontre... Enfin, si tu en as envie bien entendu. Sinon, je peux aussi rentrer. »

Puis, enchaînant immédiatement un deuxième mot :

« Si on monte sur le toit, pourrais-je avoir une veste ou une couverture, s'il te plaît ? Les nuits sont assez fraîches en ce moment et je ne suis pas beaucoup couverte... Et il faudrait une bougie aussi, sinon tu ne pourras pas savoir ce que je te dis ! »

La dernière note le fit rire, et je riais moi aussi, d'un rire silencieux.

Nous étions confortablement installés sur le toit, moi enroulée dans une douce couverture. Finalement, la bougie était presque inutile, tellement la lune et les étoiles brillaient fort. Je n'allais pas dire qu'on les voyait particulièrement bien ce soir-là, car à vrai dire, les nuages se faisaient assez rare dans le ciel de Suna. Mais ce soir, elles avaient quelque chose en plus, comme une lueur nouvelle, que je n'avais jamais remarqué avant.

Notre deuxième partie touche à sa fin, je vois Ruri, concentrée, calculant la moindre des possibilités lorsqu'une en particulier attira mon attention... Il y a une possibilité, elle peut jouer un coup qui serait gagnant. Et bien sûr, ce détail n'est pas passé inaperçu aux yeux de Ruri. Mes traits se sont tirés, gentiment. Mais n'étant pas mauvais perdant, j'acceptais ma défaite. Et je n'ai pas été surpris lorsque Ruri posa sa pierre exactement là où il le fallait pour gagner. Je lui adresse un sourire qu'elle me redonne elle aussi. Nous finissons nos thés et c'est à ce moment-là que Ruri me propose de monter sur les toits... Comme lors de notre première rencontre. J'acquiesçais et lui rendit son sourire.

"Bien sûr que nous pouvons monter. On va monter sur le toit de ce bâtiment, j'y passe beaucoup de temps pour me ressourcer et y contempler les étoiles." Je marque une légère pause, le temps de lire son deuxième message. "Oui, je vais aller nous chercher une couverture et une bougie." Lui répondis-je avec un grand sourire.

Nous sommes donc montés sur le toit, emmitouflés dans une couverture grande comme Kaze a contempler les étoiles, en silence. Je me décide ensuite a briser ce silence de la nuit si paisible.

"Est-ce que tu désires un thé, Ruri ? Ou autre chose, bien sûr." Je marque une légère pause avant de reprendre. "Je vais bricoler quelque chose ici, afin d'y faire... Comment dire, un endroit habitable. Je vais faire un lit ainsi qu'une petite cuisine. De cette façon, je pourrais lire, me faire du thé et des biscuits sans devoir redescendre dans mon appartement." Dis-je grand sourire. "Mais avant... Il faut que je demande l'autorisation au propriétaire !" Rigolais-je.

Je descends donc cuir une petite quantité d'eau pour nos thés, jasmin pour elle, menthe pour moi. Avant de remonter contempler les étoiles à la chaleur du thé et de la couverture.