[HRP] : Cela se passe dans la continuité chronologique de > ce RP <. Pour garder la cohérence de la missive, il s'agit ici d'une mission en FB.

Ordre de mission:

Tous l'avaient ressenti ce jour là, ce grondement sourd, tel un coup de tonnerre s'abattant trop près, beaucoup trop près. Et lorsque la secousse qui suivit s'arrêta, il y eut comme un doute planant dans les airs, un moment irréel suspendu dans le temps où chacun cherchait à jauger la gravité des évènements. Himawari eut également cette minute d'hésitation, cet instant de profond désespoir.

Et dès lors que le réel rattrapa ses pensées, elle comprit.

Avant même les premiers cris, elle se décida à sortir. Ses yeux cherchaient frénétiquement les hautes tours du centre, mais seule la désolation, la souffrance et la misère lui apparurent. Là où, quelques secondes auparavant, dominait le Palais de toute sa hauteur, ne restait plus qu'un trou béant. Toute une existence tournée vers l'information pour en arriver au terrible constat d'un échec cuisant, ainsi, avant toute autre peine, elle éprouva de la rage.

Cela faisait plusieurs jours maintenant que l'attaque avait eu lieu. Et l'immense crevasse persistait, autant dans le cœur du village que dans celui des habitants. La jeune Shûkajin tenta d'aider à sa façon, en rejoignant un groupe de bénévoles pour nettoyer les rues des débris et accueillir les personnes ayant tout perdu.

"Encaisse et poursuis" se répétait-elle, alors qu'un vieil homme s'effondrait en sanglot sur le linceul de ses enfants. Elle se contenta d'une main délicatement posée sur l'épaule de l'inconnu pour signifier son empathie, avant de continuer son chemin vers un petit groupe de personne, toutes aussi accablées

"Pleurons nos morts", leur avait-elle confié calmement, "mais ne laissez pas la peur remplacer votre chagrin." Elle releva de l'index le menton d'une jeune fille, pour que leur regard se croise. "Cette atroce tentative d'intimidation n'est pas une attaque contre le Shozaichi," ses yeux sautèrent alors vers une autre personne, "mais contre les valeurs universelles et intemporelles que nous partageons. Celles de l'entraide, celles d'une communauté unifiée." Et alors que la trentenaire poursuivait son discours, d'autres âmes égarées vinrent gonfler sa petite assistance. "C'est en ces instants de douleur que nous devons nous mobiliser, tous, et faire front contre la menace. Seuls les fous s'aventurerait jusqu'ici pour tenter de nous isoler, et leur imprudence les laisserait alors s'écraser sur une légion inébranlable. Imaginez-vous, commémorant cet instant, pas seulement pour invoquer le passé, mais pour saluer celles et ceux, qui, malgré les risques, ont montré leur appartenance à une cause commune. Nous représentons cette mémoire qui nous rassemble à jamais. Un jour viendra où la Paix ne suscitera plus que de l'indifférence, tant elle se sera imposée comme une évidence. Initions dès à présent cette évidence en faisant de l'Empire des Pays Neutre le vecteur de cette paix." Puis elle commença à déplacer des débris pour nettoyer la rue, imitée par l'ensemble des civils l'ayant écoutée.

Himawari tenta d'implanter le germe du patriotisme à ce petit groupe, dans l'espoir qu'il se propage au reste de la population. Pour autant, elle ne pouvait se défaire de cette petite voix ténue, provenant du plus profond de son inconscient, et qui se réjouissait des conséquences futures d'une telle attaque sur la capitale de l'empire. Un nouvel échiquier s'offrait à elle.

"Allons jouer..."

Himawari quitta finalement le son régulier des gravas balayés pour s'enfoncer davantage dans les ruines. L'enthousiasme du petit groupe qu'elle laissait derrière elle les pousserait à travailler jusqu'à la nuit tombée, une belle image pour redonner espoir à tous ceux en proie au doute.

La trentenaire progressait en essayant de se souvenir des lieux avant leur destruction. Les repères qu'elle s'était fixée avaient volé en éclats , et tout n'était plus qu'amas de pierre et de bois, encore. Car ce n'était pas la première attaque qu'essuyait la capitale et à chaque fois, ils avaient rebâti, plus grand, plus haut. À croire qu'au fond, tout n'était qu'une boucle : table rase des efforts passés, en fournir de nouveaux et se les voir souffler une fois de plus.

Ses pensées se figèrent alors qu'elle apercevait l'habitation recherchée -ou du moins, ce qu'il en restait. Un morceau de mur persistait au-dessus des ruines, comme un dernier défi au temps, la jeune femme s'en approcha et commença à en nettoyer le tour. Il lui fallut une bonne heure avant de mettre la main sur le coffret convoité. Et dès lors qu'elle parvint à l'extirper du sol, une voix tonna dans son dos.

-"Eh vous ! Là-bas ! Qu'est ce que vous faites ?" C'était un garde, très certainement envoyé quadriller une partie de la zone pour en empêcher le pillage -chaque destruction attirant son lot de vautours et autres sangsues dénués de morale. Sans lui prêter plus d'attention, Himawari ouvrit la boite et récupéra l'objet qu'elle contenait. "OH ! Je vous parle. Mais toujours rien, la jeune femme patientait, silencieuse et immobile. Il n'était alors plus qu'à quelques pas lorsqu'elle se retourna pour lui montrer l'objet : une petite statuette de jizo.
-"Désirez-vous que je vous guide jusqu'à sa sépulture ?" Sa voix chevrotante accentua l'embarras chez le garde. "Ou puis-je espérer un petit moment de recueillement pour mon fils..." Les larmes lui montaient aux yeux presque naturellement.

-"Je... mad... oui... c'est que... excusez-moi, je... je n'avais pas vu." Un garde piégée par sa propre connaissance, en ayant reconnu la figurine de jizo -ce moine aidant les âmes des enfants défunts- et en ayant cru au chagrin de la jeune femme, il lui laissait l'occasion de repartir. Hima' saisit cette chance et quitta la ruine, statuette en main.

Elle finit par rejoindre Seiko-san, la vielle dame à la tête des bénévoles, dans les quartiers de la basse ville. Ainsi, son acte se voulut moral et ce mensonge permit à la propriétaire légitime de retrouver son jizo.

-"J'aimerais que tu me rende un dernier petit service, Hima-kun." Lui dit Seiko, avant de lui tendre un papier. "Prends ça et préviens les habitants des terres alentours. Leur aide nous sera cruciale."
-"Il vaudrait mieux que vous teniez votre parole après ça." déclara la jeune femme, tout en récupérant la feuille.

En définitive, ce n'était pas la morale qui poussait la jeune Shuwa à agir parmi les bénévoles, mais bel et bien l'échange d'un service contre une info.

Suite à la demande de Seiko-san, la jeune femme s'était rendue chez une grande famille de paysans qu'elle connaissait bien et appréciait, notamment la petite troupe de gamins qui lui collait aux basques à chacune de ses visites.

-"Hima-chan ?" L'interpella l'aînée de la bande, à tout juste dix ans. "Tu pourrais finir ton histoire de la dernière fois et nous dire ce qui est arrivé au dragon ?" Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la trentenaire. Elle aimait ces gosses et leur insatiable curiosité.
-"Où en étions-nous ?"
-"Au jeune dragon qui défia le Kami Ryûjin et perdit son joyau !" Répondirent immédiatement plusieurs petits.
-"Ah oui, c'est vrai." Elle s'accroupit et invita les enfants à s'assoir autour d'elle. " Le jeune dragon retourna ciel et terre pour retrouver son joyau d’immortalité, littéralement, il déchira le sol, brisa des monts, détruisit des forêts." Chacune de ces catastrophes se voyait accompagnée d'un jeu de mime de la part de la trentenaire. "Mais toujours aucune trace de l’objet. Son dynamisme devint tristesse et dans son affliction..."
-"Ca veut dire quoi affliction ?" La coupa une petite.
-"C'est lorsque l'on est très triste." Elle laissa le temps à tous de comprendre le mot avant de reprendre. "...il se vit muer en un monstre répugnant. Ses écailles tombèrent, laissant sa chair à nue, une poix noirâtre suinta de ses pores, sa salive devint corrosive et ses yeux brillèrent de mille feux." Une partie des petits grimacèrent un "beeerk" en s'imaginant la tête du monstre, tandis que l'autre pouffa de rire. "Fou de vengeance, il devint un être chaotique, ravageant des paysages entiers, créant des fournaises au cœur des montagnes, transformant les cours d’eau en rivières de feu. Rien ne semblait l’arrêter, rien, sinon le temps. Dépossédé de son orbe d’immortalité, le monstre dépérit peu à peu. Et dans un dernier souffle enfumé, il se laissa tomber sur ce qu’il avait créé : un territoire aux caractéristiques volcaniques. Le dragon était mort, Yu venait de naître."
-"C'est pour ça qu'y a des sources chaudes là-bas !?"
-"Exactement ! Maintenant il faut que je discute un peu avec vos parents." Les enfants s'opposèrent à son départ pour lui soutirer une nouvelle histoire, mais Hima' devait poursuivre ce pourquoi elle était venue. "Si vous êtes sages, la prochaines fois je vous raconterai l'histoire de la légendaire Kaede"
-"La pirate !?" S'enthousiasma l'un d'entre eux, visiblement bien informé.
-"La pirate, oui! Lui confirma-t-elle d'un hochement de tête. Les enfants se dispersèrent alors en s'imaginant ce que pouvait être la vie de pirate, laissant à la jeune femme l'occasion d'entrer dans la maison pour y trouver les parents de la famille.

-"Ohayou Gozaimasu" S'annonça la jeune femme.
-"Ohayou, Shuwa-san" L'accueillit Kuro, le père de famille. Les marques formelles de respects n'étaient pas de rigueur ici, puisqu'ils se connaissaient depuis de nombreuses années maintenant. Mais cela l'amusait toujours autant de le faire. "Que me vaut l'honneur de votre visite ?"
-"Arrête ton cirque Kuro. Je suis là pour un sujet sérieux." Au fond, cela l'amusait également de voir son ami d'enfance toujours de bonne humeur, même après la récente destruction. "J'aimerais que tu lises ces quelques lignes et me dises ce que tu en penses." Elle lui tendit alors le papier reçu plus tôt de la part de Seiko.

La lecture du document arracha quelques "hum" à Kuro, avant de conclure par un haussement de sourcil. "Cela ne vient d'aucune autorité officielle ?"
-"Non. Vois le comme une initiative de la population, une façon comme une autre d'encourager nos soldats en leur montrant notre gratitude et notre soutien."
-"Tu sais très bien que je ne peux pas abandonner mes cultures comme ça."
-"Ce n'est l'affaire que d'une journée, voire deux, tout au plus. L'idée n'est pas d'abandonner vos terres pour prêter main forte à la capitale, mais d'organiser un relais. Imagine une trentaine de personnes se présentant aux portes, chaque jour, pour apporter des vivres, du matériel et de leur temps à la reconstruction du centre. Ne serait-ce pas réconfortant pour ceux ayant vécu l'horreur ?"
-"Oui... oui, t'as sans doute raison. J'irai en discuter avec les autres dès demain."
-"Convainc les. Au plus tôt nous nous serons relevés, au plus tôt nos ennemis nous craindront de nouveau." Autant les guerres étaient favorables à ses affaires, autant l'idée d'une possible annihilation ne lui serait d'aucun bénéfice.

Elle reproduisit ainsi son petit argumentaire tout au long de la journée, chez les artisans et paysans qu'elle connaissait. Espérant qu'à leur tour ils s'occuperaient de convertir leur confrères et amis à cette cause commune. Et à la nuit tombée, elle retrouva la vieille Seiko où elle l'avait quittée plus tôt ce matin.

-"Cela a fonctionné ?"
-"Nous le saurons bien assez tôt."
-"Merci Hima-kun."
-"Et pour ma petite affaire ?" Un deal était un deal, et Himawari n'en oubliait jamais les clauses.
-"Tu n'as rien trouvé à cause d'une erreur d'interprétation, principalement due au temps. Ce n'est pas la Forêt des Cents, mais la Forêt du Sang. Pourquoi cherches-tu des infos sur ce lieu ?" D'un simple regard de la trentenaire, Seiko comprit qu'elle n'obtiendrait aucune réponse de sa part. "Je vois que c'est toujours un plaisir de faire affaire avec toi." Et alors que la jeune femme commençait à partir, elle lui lança une dernière invitation. "Si le cœur t'en dis, tu es la bienvenue parmi les bénévoles..."

Non, le cœur ne lui en disait pas.